H2O dans le cosmos

Auteur: Alain Doressoundiram

Introduction

Scientifique à la recherche de l'eau dans l'Univers
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Astronome à l'Observatoire de Calar Alto, Espagne
Crédit : Maarten Roos/LightCurveFilms
Géologie
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Crédit : Maarten Roos/LightCurveFilms

Y a-t-il de l’eau dans le cosmos ?

Y a-t-il de l’eau dans le Système Solaire ailleurs que sur Terre ?

Et l’eau sur Terre d'où vient-elle?

Etait-elle déjà là lors de la formation de notre planète, ou bien est-elle venue ensuite ?

Autant de questions que tentent de résoudre les scientifiques :

Mais comment tout ceci a-t-il commencé ?


Histoire de l'eau


de … rien au Big Bang …

Au début il nʼy avait rien.

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La Voie Lactée : un ciel plein d'hydrogène (distribution de l'intensité de la Raie 21cm, raie spectrale émise par l'atome d'hydrogène dans le domaine des ondes radio, dans notre Galaxie).
Crédit : J.Dickey-F.Lochman (UMn-NRAO)

Et puis, c'est le Big Bang et l'apparition de lʼEspace et du Temps. Avec le Big Bang se forge le premier élément le plus léger, le plus simple, lʼhydrogène, et quelques atomes parmi les plus simples. Mais lʼhydrogène forme l'essentiel de la matière de l'Univers. Il est partout.

À partir des grands nuages dʼhydrogène, naissent les premières étoiles. Les plus grandes et les plus massives ont une vie très courte. Elles transforment l'hydrogène pour fabriquer des atomes de plus en plus lourds, ensuite ces étoiles disparaissent et diffusent tous ces éléments dans l'univers.

Et ainsi de suite, de nouvelles étoiles naissent à partir de ces éléments et des éléments de plus en plus lourds se forment et sont diffusés dans l'espace. Avec cela, on a tous les éléments disponibles pour fabriquer des petits grains de silicate.

H2O une molécule trés spéciale
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Diagramme de phase de l'eau. Il montre ainsi les domaines de température et de pression où l'eau se trouve à l'état gazeux, liquide et solide. En dessous du point triple, l'eau ne peut pas exister sous forme liquide. Au dessus du point critique (374ºC et 221 bars) il n'y a plus de différence entre l'état liquide et l'état gazeux : on dit que l'eau devient un fluide supercritique. Les phases solides, liquides gazeuses coexistent dans les conditions terrestres.
Crédit : Gilles Bessou/UFE/Observatoire de Paris
H2O une molécule trés spéciale
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Spectre de la vapeur d'eau. Les différents modes de vibrations fondamentales de l'eau, ainsi que leurs combinaisons, se traduisent par des bandes d'absorption dans le spectre.
Crédit : Alain Doressoundiram/LESIA/Observatoire de Paris
H2O une molécule trés spéciale
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Spectre de la glace d'eau. Des signatures spectrales révélatrices de la glace d’eau (1,5 et 2,0 microns). La position exacte et le profil de la bande renseignent sur la structure de la glace, la taille des grains et le degré de pureté.
Crédit : Alain Doressoundiram/LESIA/Observatoire de Paris

En passant par l'eau

Et sur ces grains que se passe-t-il ? Et bien, l'hydrogène et l'oxygène se combinent pour former de l'eau.

Schéma de la molécule d'eau H2O
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Crédit : Alain Doressoundiram/LESIA/Observatoire de Paris
Vue d'ensemble de la molécule d'eau et des liaisons H - O
Animation 3D de la molécule d'eau.
Crédit : Alain Doressoundiram/Gilles Bessou/Observatoire de Paris
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Abondance des éléments chimiques dans l'Univers (par rapport à celle du Silicium (Si) qui est définie arbitrairement à 106 . L'échelle est logarithmique, le graphique indique 3 intervalles entre H (hydrogène) et O (oxygène), ce qui veut dire qu'il y a =1000 fois plus de H que de O.
Crédit : CEA

Lʼeau est une molécule très spéciale et très abondante dans lʼUnivers et ce nʼest pas une surprise.

Effectivement, avec l’hydrogène qui est l’élément le plus abondant et l’oxygène, qui est le troisième élément le plus abondant, il n’est pas étonnant de trouver la molécule d’eau très répandue dans l’Univers.

La molécule d’eau a une configuration particulière avec un atome d’oxygène et deux atomes d’hydrogène.


Pourquoi l'eau

Et les charges électriques négatives se trouvent être décalées par rapport aux charges positives, ce qui fait que la molécule d’eau est ce que l’on appelle un dipôle électrique. Et cette propriété particulière lui confère d’étonnantes propriétés chimiques. L’eau est un excellent solvant. Son rôle dans beaucoup de processus et de réactions est donc fondamental.

complementModes vibratoires de la molécule H2O

Représentation 3D de la molécule d'eau et animation de ses différents modes fondamentaux de vibration qui génèrent les multiples signatures spectrales .

Crédit : Alain Doressoundiram/Gilles Bessou/Observatoire de Paris

La formation des planètes


Rôle de l'eau

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Schéma du Système Solaire : les planètes telluriques, la ceinture d'astéroïdes, les planètes gazeuses et la planète naine Pluton
Crédit : Astrophysique sur Mesure- Gilles Bessou/UFE/NASA
Formation des planètes du Système Solaire en six actes
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(a) Un nuage moléculaire s'effondre suite à une instabilité gravitationnelle, (b) le nuage tournant de plus en plus vite s'aplatit pour former un disque, au centre nait le Soleil (c) les premiers grains commencent à se former au fur et à mesure que la température décroît dans le disque, (d) les grains grossissent pour former des gros blocs (e) les blocs accrètent de plus en plus de matière pour former des embryons planétaires, (f) les planètes finales sont formées.
Crédit : Alain Doressoundiram/Belin

L'eau a joué un rôle important dans le processus de la formation planétaire par la ligne de condensation elle a marqué la différence entre les planètes telluriques d’une part et les planètes géantes gazeuses d’autre part.

L'eau a également joué un rôle prépondérant dans l'histoire de la formation des planètes telluriques, qui sont parties de conditions initiales proches, pour évoluer très différemment. Ainsi, l’eau nous raconte l’histoire divergente des planètes Mars, Vénus et la Terre.

Donc, l’eau intervient dans toute une multitude de réactions chimiques et la vie telle que nous la connaissons n’est certainement pas possible sans l’eau.

Animation : stratification chimique du disque solaire
Ligne des glaces ou ligne de condensation. Au delà de la ligne des glaces, il y a beaucoup plus de matière condensable, ce qui a conduit à l'accrétion de noyaux planétaires beaucoup plus gros, et donc à la formation des planètes géantes.
Crédit : Gilles Bessou/UFE/Observatoire de Paris

L'eau dans notre vie


Où et comment on la trouve?

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L'eau dans notre vie de tous les jours …
Crédit : Maarten Roos/LightCurveFilms
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L'eau dans notre vie de tous les jours …
Crédit : Maarten Roos/LightCurveFilms
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L'eau dans notre vie de tous les jours …
Crédit : Maarten Roos/LightCurveFilms

L’eau se trouve partout dans l’Univers, et dans notre vie quotidienne, du moment où l’on se lève, jusqu’au moment où l’on se couche.

Elle constitue en effet 70% de la masse de notre corps. Elle est donc bien précieuse cette eau, à nous êtres humains, pour nos vies et notre santé.


L'eau dans le cosmos


Galaxies, MIS, comètes, astéroïdes …

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Galaxie spirale NGC 4414, dans la constellation de la Chevelure de Bérénice
Crédit : Hubble
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Alpha du Centaure et la Croix du Sud
Crédit : ESO
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Bételgeuse
Crédit : ESO-P.Kervella
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Mars observée par la sonde ROSETTA
Crédit : ESA
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Jupiter et Ganymède (satellite Galiléen), observés par la sonde CASSINI.
Crédit : NASA/ESA
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Surface d'Europe satellite naturel de Jupiter (satellite Galiléen).
Crédit : NASA
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Sol de Mars
Crédit : NASA/JPL-Caltech/Univ. of Arizona
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Vue d'artiste, formation planétaire
Crédit : ESO
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Comète de Hartley 2
Crédit : NASA
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Astéroïde Ida et son satellite Dactyl.
Crédit : NASA

On trouve l'eau partout dans l’Univers.

L’eau dans l’Univers est essentiellement gazeuse et solide (glace). Il n'y a que sur la Terre que nous voyons de l'eau présente à l'état liquide.


Observer l'eau dans le cosmos


Spectre de l'eau

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Spectre O2, en émission (haut) et en absorption (bas)
Crédit : CETI/Observatoire de Paris

On peut la voir, la détecter à l’aide de la spectroscopie, c’est à dire, la décomposition de la lumière en toutes ses couleurs. C’est ce qu’on appelle un spectre. Ses couleurs ne sont pas visibles, en fait elles sont dans le domaine infrarouge.

Le spectre de l’eau présente une succession de creux et de bosses uniques, qui révèle sans ambiguité la présence de l’eau.

Grâce aux télescopes, les astronomes observent les astres et peuvent détecter la présence de l’eau. Ils peuvent ainsi déterminer dans quel état elle est et combien il y en a. Par exemple, le spectre du Soleil observé à l'Observatoire de Paris, campus de Meudon.

Ainsi on sait que dans l’Univers, l’eau se présente essentiellement sous forme de gaz.


L'eau sur Vénus et sur Mars


Hydrogène et Deutérium

Hydrogène et Deutérium
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Le Deutérium est l'isotope de l'Hydrogène : son noyau est composé d'un proton (p) et d'un neutron (n).
Crédit : UFE-Observatoire de Paris

Plus proche de nous, dans notre Système Solaire, l’eau est omniprésente.

On la trouve dans les atmosphères des planètes géantes, ainsi que dans l’atmosphère de Mars, Vénus et bien sûr, la Terre.

Au fait, en ce qui concerne les planètes telluriques, l’eau a joué un rôle critique dans l’évolution de ces corps.

Par exemple, on peut essayer de comprendre l’histoire de l’eau sur Vénus et sur Mars, ce qui peut nous fournir des indices sur l’évolution de ces planètes. Et dans cette recherche, le rapport D/H apparait comme un paramètre décisif.

D c’est le Deutérium, l’isotope de l’hydrogène. C’est l’atome de l’hydrogène alourdi avec dans son noyau un proton plus un neutron. Ce rapport est enrichi d’un facteur 5 sur Mars et 120 sur Vénus par rapport à la valeur trouvée sur Terre sous la forme de HDO, c’est à dire, l’eau eau semi-lourde.


Cas de Vénus

Vénus
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Sur vénus la température est de 460 °C
Crédit : ESA/NASA

Vénus est plus chaude que la Terre, car elle est plus proche du Soleil. L’eau qui était à priori aussi abondante que sur la Terre, s’est plus facilement évaporée.

L’eau passe ainsi à l’état de vapeur dans l’atmosphère où le rayonnement Ultra Violet la détruit. Ainsi la molécule d’eau se dissocie entre atomes d’oxygène, d’hydrogène et de deutérium dans le cas de l’eau lourde. Le deutérium étant deux fois plus lourd que l’hydrogène il s’échappe plus difficilement.

La conséquence de cet échappement différentiel est donc un rapport D sur H sur Vénus qui augmente de plus en plus pour atteindre la valeur finale de 120 par rapport à la valeur terrestre.


Cas de Mars

Mars
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Calotte polaire Nord de Mars.
Crédit : ESA

Dans le cas de Mars, la valeur du D/H suggère également un échappement différentiel, ce qui implique que l’atmosphère de Mars était plus dense dans le passé.

Et même aussi dense que la pression atmosphérique sur Terre, rendant peut-être possible la présence de l’eau liquide à la surface.

Et les nombreuses images de la planète rouge renvoyées par les sondes spatiales, et montrant des réseaux fluviatiles très développés, rendent cette hypothèse très plausible.

Le cycle de l’eau a donc joué et continue à jouer un rôle majeur dans l’évolution climatique de Mars.

Et qui dit eau liquide, dit possibilité de vie !

Et l’enjeu actuel des prochaines missions spatiales est de rechercher des traces d’une éventuelle vie passée ou présente sur la planète rouge.


L'eau ailleurs dans le Système Solaire


Cas de Jupiter

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Jupiter et ses quatre satelittes galiléens (de bas en haut : Io, Europe, Ganymède et Callisto)
Crédit : NASA
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La surface complètement craquelée et fissurée d’Europe, le satellite gelé de Jupiter, indique sans doute un océan, sous la glace.
Crédit : NASA/JPL

On retrouve l’eau sous forme solide sur quasiment toutes les lunes des planètes géantes.

Il y a même de fortes indications que sur un des satellites de Jupiter, Europe, il y aurait un océan d’eau liquide sous la croûte glacée. Peut-être une future mission vers Europe pourra le confirmer.


Cas des petits corps

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L'astéroïde géant Vesta vu par la sonde DAWN
Crédit : NASA
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Comète de Hale-Bopp
Crédit : Nicolas Biver/Observatoire de Paris

L’eau est encore présente dans les petits corps : astéroïdes à hauteur de 10% et comètes jusqu’à 90%. Ces petits corps auraient joué un rôle important dans la formation et l’évolution de notre planète : ils auraient apporté une grande partie de l’eau des océans terrestres.


Cas de la Terre

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L'Eau à l'état liquide sur la Terre
Crédit : Maarten Roos/LightCurveFilms
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Cascade - la Réunion
Crédit : Marie-France Landréa/UFE/Observatoire de Paris

Notre planète est un endroit unique, car on y trouve l’eau dans tous ses états : gazeux, solide et liquide. L’eau passe d’un état à l’autre dans le fameux cycle de l’eau.

L’eau liquide couvre 70% de la surface de notre planète. On ne connait toujours pas un autre corps dans l’Univers avec de l’eau liquide à sa surface.

C’est bien grâce à sa distance au Soleil et à l’effet de serre, qui maintient la température au dessus de zéro degrés Celsius que la vie a pu se développer sur Terre : nous sommes donc bien dans la zone habitable de notre étoile, le Soleil.


La formation des planètes


Dans l'accrétion planétaire

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Nuage de gaz et de poussières, dans la constellation du Cygne (survey Infra-Rouge)
Crédit : NASA/JPL-Caltech/UCLA

L’eau est aussi la plus réfractaire des espèces, c’est-à-dire qu’elle se sublime à la température la plus élevée.

Si l’on s’éloigne vers l’extérieur du Système Solaire, l’eau est la première molécule à se condenser. C’est elle qui, de ce fait, marque la ligne de condensation que l’on appelle « la ligne des glaces », au-delà de laquelle toute la matière, hormis le gaz d’hydrogène et d’hélium se condense.

Juste après l’effondrement de la nébuleuse proto-solaire on évalue la distance héliocentrique de la ligne des glaces à environ 4-5 Unités Astronomiques du Soleil. La ligne des glaces marque donc une frontière brutale dans la quantité de matière disponible pour l’accrétion planétaire.

Animation - Formation de systèmes planétaires
L'histoire débute dans l'espace interstellaire : une onde se propage dans le gaz (peut-être due à l'explosion d'une supernova à proximité) et une partie du nuage commence à se contracter. Le nuage s'effondre, la densité et la température augmentent au centre. En devenant plus petit, le nuage se met à tourner sur lui-même et prend la forme d'un disque entourant une masse centrale. La suite va dépendre de la quantité de matière présente dans la masse centrale...

Ainsi, en deçà de la ligne des glaces seules de petites planètes, au maximum de la taille de la Terre, ont pu grossir.

Au delà de la ligne des glaces, des planètes géantes ont pu grossir et grossir toujours plus, absorbant même le gaz hydrogène, qui constituait l’essentiel de la masse du disque proto-planétaire.


Conclusion


Habitabilité

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Les 3 états de l'eau: solide, liquide et gazeux
Crédit : Maarten Roos/LightCurveFilms

L’eau est donc une molécule très spéciale est très abondante dans l’Univers. On la trouve partout, dans les galaxies, les nébuleuses, les étoiles, le Système Solaire et bien sûr, sur Terre.

L’eau existe sous toutes ses formes, liquide, gazeuse, solide, mais sur Terre essentiellement liquide.

Et c’est ce qui rend la vie possible, car effectivement sans l’eau liquide la vie n’existerait pas, en tout cas telle que nous la connaissons.


Zone d'habitabilité

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Zone d'habitabilité en fonction du type de l'étoile
Crédit : CETI/Observatoire de Paris

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De plus en plus, les scientifiques découvrent des planètes extra-solaires autour d’autres étoiles. Et parmi ces dernières, les scientifiques recherchent celles qui se trouveraient dans la zone habitable là où l’eau serait liquide.

Chercher l’eau liquide, comprendre l’eau, c’est comprendre nos origines, c’est trouver la vie.