L’attraction gravitationnelle n’est pas la seule force à distance. Il y a aussi les forces magnétiques et électriques. Depuis l’antiquité, on savait que les aimants attirent le fer et que l’ambre est capable d’attirer les poils de chat après que les deux ont été électrisés par frottement (par ailleurs, « électricité » vient d’elektron, le mot grec pour l’ambre).
Ici, nous discuterons des forces électriques et magnétiques en détail, même si cette discussion pourrait paraître hors sujet, parce que le problème de l’action à distance a été résolu d’abord, au 19ème siècle, pour les forces électromagnétiques. Puis, la théorie électromagnétique a préparé le terrain pour le développement, au 20ème siècle, du concept d’ondes gravitationnelles.
L'électricité est le phénomène par lequel deux charges de signe opposé s'attirent alors que deux charges du même signe se repoussent.
Commençons donc par considérer deux charges électriques, une charge très grande Q et une charge très petite q. Nous choisissons deux charges très différentes, plutôt que deux charges comparables, parce que nous souhaitons pouvoir négliger l’action de la petite charge sur la grande charge, de la même façon que l’on considère l’effet de la Terre sur le mouvement d’une pomme, mais on néglige les effets de la pomme sur le mouvement de la Terre.
La loi de Coulomb affirme que la charge Q exerce sur la charge q une force , où r est la distance qui sépare les charges, est un vecteur de longueur unitaire dirigé de Q vers q et est la constante de Coulomb (en unités du Système International, où le newton est l'unité de force, le mètre est l'unité de longeur et le coulombs est l'unité pour la quantité de charge). est positive (répulsive) si les deux charges ont le même signe et négative (attractive) si elles ont des signes opposés.
La figure ci-dessous montre la force électrique que la charge Q exerce sur la charge q pour différentes positions de cette dernière. La force est plus intense quand la distance r entre q et Q est plus petite. Le module du vecteur est quatre fois plus grand quand la distance entre q et Q est deux fois plus petite.
La force électrique peut être réécrite comme , où est le champ électrique.
L’avantage d'introduire ce concept est que le champ électrique ne dépend que de la charge Q qui génère le champ et de la position par rapport à elle. Différemment de la force électrique , le champ électrique ne dépend pas de la charge d’essai q qui en subit les effets.
A cette étape de notre exposé (qui suit le développement historique de notre compréhension en la matière), un champ n’est qu’un concept mathématique utilisé pour décrire une quantité (dans le cas du champ électrique, le vecteur ) définie en chaque point de l’espace.
De la même manière que nous avons tracé la force pour différentes positions de la charge q, nous pouvons tracer les lignes de force pour le champ électrique , qui donnent sa direction en chaque point de l’espace.
La figure ci-dessous montre les ligne de forces pour : a) une charge isolée positive ; b) un système composé par deux charges égales en valeur absolue mais de signes opposés. Cette figure utilise la couleur bleue pour les charges positives et la couleur rouge pour les charges négatives.
Les lignes de forces sortent des charges positives et rentrent dans les charges négatives. Les charges sont donc les sources du champ électrique, où les lignes de force commencent et se terminent. Le champ électrique est plus intense où les lignes de force sont plus denses, c'est-à-dire plus proches les unes des autres.
Une région d’espace vide, comme celle enfermée par la surface S dans la figure ci-dessus, peut contenir des lignes des forces, mais elle ne peut contenir aucun point à partir duquel les lignes de force divergent ou vers lequel les lignes de force convergent.
Jusqu’à maintenant, nous avons considéré le champ électrique produit par des charges statiques. Maintenant, nous devons considérer le cas plus compliqué des courants, c’est-à-dire, de charges en mouvement.
Prenons le cas tout simple d’une pile. Si nous raccordons le pôle positif et le pôle négatif de la pile avec un fil métallique (figure ci-dessous), un courant passera dans le fil jusqu’à ce que la pile se décharge, alors que le fil se réchauffe (l'énergie stockée dans la pile est transformée en chaleur). Par définition, le courant va toujours du pôle positif vers le pôle négatif (le sens de la fleche orange).
Par définition, le courant va toujours du pôle positif vers le pôle négatif (le sens de la fleche orange). Cependant, cette direction conventionnelle est un héritage d'une époque où la structure microscopique des courants était encore inconnue et ne reflète pas le sens physique du mouvement. Aujourd'hui, nous savons qu'un métal est composé de noyaux atomiques et d'électrons, qui remplissent l'espace entre les noyaux (la figure ci-dessus montre un agrandissement d'un petit morceau de fil ; dans cet agrandissement les noyaux atomiques sont montrés en bleu et les électrons en rouge). Les noyaux ont une charge positive. Les électrons ont une charge négative. Le courant est le mouvement des électrons dans le fil : le pôle négatif de la pile repousse ses électrons dans le fil ; les électrons se se déplacent dans le fil et en sortent par le pôle positif de la pile, qui les attire.
Globalement, le fil est neutre, parce qu’il contient le même nombre de charges positives (de protons) et de charges négatives (d’électrons), donc il ne produit aucun champ électrique. Cela n’empêche pas qu’il y ait un mouvement des charges négatives par rapport aux charges positives.
Pour illustrer ce concept, on pourrait comparer le fil à une grande salle d’attente, dans laquelle il y a le même nombre d’hommes et de femmes. Les hommes sont toujours là. Aucun ne bouge de sa chaise. Mais toutes les dix minutes, une femme sort et une autre rentre à sa place. Le rapport hommes/femmes dans la salle reste égal à 1, mais il y a un mouvement des femmes mais pas des hommes. Dans cette métaphore, les hommes sont les protons, les femmes sont les électrons qui se déplacent plus facilement dans le métal et qui donc transportent le courant. L'importance de ce mouvement relatif deviendra bientôt évidente, alors que nous parlerons des champs magnétiques.
Les courants ne produisent pas de champs électriques, donc elles n'ont aucune influence sur les charges statiques. Mais, déjà en 1820, le physicien danois Ørsted avait découvert qu'un courant peut pertuber fortement le fonctionnement d'un boussole : les courants génèrent des champs magnétiques. En fait, ils sont les sources du champ magnétique, de la même manière que les charges sont les sources du champ électrique.
En présence d'un courant suffisamment intense, l'aiguille aimantée ne pointe plus vers le nord. Elle s'oriente plutôt dans la direction de la tangente à un cercle qui (Fig. 1a) : a) est centré sur le fil électrique (en orange), b) appartient à un plan perpendiculaire au fil et c) passe par le centre de l'aiguille.
L'orientation de l'aiguille suit les lignes de force du champs magnétique, qui ont une forme circulaire (Fig. 1a, cercles noirs) dans le cas du champ magnétique généré par un fil électrique rectiligne. La direction du champ magnétique est déterminée par la règle de la main droite (Fig. 1b). Si le pouce pointe dans la direction du courant, les autres quatre doigts montrent la direction des lignes de force du champs magnétique.
L'intensité du champs magnétique B à une distance r du fil vaut (loi de Biot-Savart), où I est l'intensité du courant dans le fil et est une constante fondamentale, appelée perméabilité magnétique du vide. Son rôle dans le magnétisme équivaut à celui de la constante de Coulomb dans l'électricité. Les charges sont les sources du champ électrique. Les courants sont les sources du champs magnétique. La constante de Coulomb donne l'intensité du champ électrique par unité de quantité de charge. La perméabilité magnétique du vide donne l'intensité du champ magnétique par unité d'intensité de courant (newton [N] et ampère [A] sont les unités, respectivement, de force et de courant dans le Système International).
Le cas d'un circuit circulaire (Fig. 2a) est un peu plus compliqué, mais un cercle peut toujours être décomposé en une infinité de petits morceaux (segments) rectilignes (huit parmi eux ont été mis en évidence en utilisant une couleur cuivre plus foncée). Chaque segment du fil électrique génère un champ magnétique circulaire autour de lui. Les lignes de force de ce champ magnétique sont montrées par les cercles noirs en Fig. 2a. Leur orientation est déterminées par la règle de la main droite.
La somme de tous les champs magnétiques individuels produits par chaque morceau de fil donne le champ magnétique total de l'anneau (la Fig. 2b montre les lignes de force du champ magnétique résultant).
Dans le cas d’un aimant, les lignes de force du champ magnétique peuvent être visualisées expérimentalement en déposant l’aimant sur une surface qui a été saupoudrée de limaille de fer. Les parcelles de fer s’alignent aussitôt avec le champ magnétique (Fig. 3).
Le champ magnétique généré par l'aimant en Fig. 3 a la même forme que le champ magnétique généré par une bobine, dans laquelle le fil électrique est enroulé sur un support cylindrique (Fig. 4-a ; un courant doit circuler dans la bobine afin qu'il y ait un champ magnétique).
Cette similarité n'est pas fortuite. Le champ magnétique de l'aimant est dû à des courants microscopiques, dont l'effet résultant équivaut à des courants circulaires tout au long de l'aimant (Fig. 4-b ).
Aujourd’hui, nous savons que le magnétisme est un phénomène relativiste, même si, historiquement, l’électricité et le magnétisme ont été découverts d’abord, et c’est en fait à partir de l’électromagnétisme que l’on a découvert la relativité.
Un fil qui se déplace à une vitesse proche de la vitesse de la lumière nous paraîtra plus court que sa longueur propre, à cause de la contraction des longueurs. De la même manière, des particules chargées ayant une vitesse non nulle par rapport à un observateur lui paraîtront être distribuées sur une longueur de fil plus courte, et donc avoir une densité de charge plus élevée que des particules au repos. La vitesse à laquelle les électrons se déplacent dans un fil de cuivre est de l’ordre du millimètre par seconde, elle est donc plus proche de la vitesse de la limace que de celle de la lumière. Mais l’intensité des forces électriques est telle que même une différence minuscule entre la densité de charges positives et la densité de charges négatives perçues par une charge d’essai suffit à produire des effets mesurables, c’est-à-dire, les phénomènes magnétiques.
Un courant est stationnaire si son intensité ne varie pas avec le temps. Si le courant qui génère un champ magnétique est stationnaire, alors le champ magnétique qu’il génère est statique (ses lignes de force ne bougent pas).
Un champ magnétique statique ne génère pas de courant : un aimant posé à côté d'une bobine ne fait pas passer de courant dans la bobine. Mais qu’est-ce qui se passe dans le cas d’un champ magnétique qui varie avec le temps ?
Pour répondre à cette question, Michael Faraday fit une expérience dans laquelle le fil électrique marqué a dans la Fig. 1 était enroulé autour d’un côté d'un anneau de cuivre. Lorsque les extrémités du fil étaient connectées aux pôles d’une pile, le courant qui passait dans la bobine générait un champs magnétique B dans l’anneau. Les cercles rouges en Fig. 1 montrent ses lignes de forces.
Après avoir coupé le courant, il enroula un deuxième fil électrique marqué b autour de l’autre côté de l’anneau et il relia ces extrémités à un galvanomètre c, un instrument qui mesure l’intensité du courant qui passe dans le circuit. Chaque fois qu’il connectait ou qu'il déconnectait les extrémité du fil a à la pile, le galvanomètre détectait le passage d’un courant transitoire dans le fil b. La variation soudaine du champs magnétique à l’intérieur de la bobine b, fusse-t-elle sous forme d'apparition ou de disparition, générait une force électrique (la force électromotrice) qui mettait les charges en mouvement et donc causait le passage d’un courant dans la circuit b.
On pourrait imaginer que c’est le cuivre qui transporte la force électromagnétique et que, sans l’anneau de cuivre, le courant dans le circuit a n’aurait aucun impact sur ce qui se passe dans le circuit b. Une autre expérience, toujours par Faraday, dément cette hypothèse. Dans la deuxième expérience (Fig. 2), les bobines était enroulées sur des cylindres creux. Les circuits a et b étaient complètement déconnectés. Pourtant, le résultat ne changeait pas. Chaque fois que Faraday fermait ou ouvrait le circuit a, le galvanomètre mesurait un courant transitoire dans le circuit b.
Faraday fit aussi l’expérience de rapprocher et éloigner la bobine a de la bobine b lorsque les extrémités du fil a étaient connectées à la pile et un courant stationnaire circulait dans le circuit. Quand la bobine a était plus proche, le champs magnétique à l’intérieur de la bobine b était plus intense. Quand elle était plus lointaine, il devenait plus faible. Les variations du champ magnétique était détectées par des mouvements soudains de l’aiguille du galvanomètre.
Faraday refusait la notion d’une action à distance d’un circuit sur l'autre. En même temps, c’était évident que ce n’était pas le cuivre qui transportait la force, parce que le phénomène se produisait aussi bien dans l’air, qui a des propriétés électriques complètement différentes de celles du cuivre. L'explication de Faraday était que l’interaction se passait à travers la médiation du champ magnétique lui même, que Faraday voyait comme une entité physique et non pas comme un simple concept mathématique pour décrire une force dont l’intensité dépend de la position.
Le courant qui s’instaure dans la bobine connectée à la batterie génère un champ magnétique, qui monte en intensité et se propage dans l'espace jusqu'à l’intérieur de l’autre bobine, avec l’effet d’y induire un courant (voici pourquoi on appelle ce phénomène induction électromagnétique). Quand le champ magnétique généré par le courant dans la bobine b atteint sa valeur finale, il devient statique. A ce point-là, l'« onde d’électricité » disparaît comme une vague de tsunami après son passage dévastateur et le courant dans le circuit de la batterie cesse d'avoir aucun effet sur le circuit du galvanomètre.
L’explication proposée par Faraday fut reçue avec scepticisme par ses contemporains. Non seulement la notion de lignes de force y était introduite pour la première fois et sans formalisation mathématique rigoureuse, mais aussi Faraday était le premier voir le champ magnétique non pas comme une abstraction mathématique, mais comme une entité physique qui remplissait l’espace, se propageait dans l’espace et transportait une force.
James Clerk Maxwell fut un des premiers physiciens à embrasser l'idée révolutionnaire du champs comme entité physique. Maxwell savait qu'une charge au repos ne peut se mettre en mouvement que sous l’effet d’un champ électrique (cela découle du principe d'inertie : un corps au repos ne peut se mettre en mouvement que sous l'action d'une force). Il compris donc que, pour induire un courant, la variation du champ magnétique doit générer un champ électrique.
Le point fondamental de cet argument est que la relation est entre les deux champs, et non pas entre un circuit et l'autre. La variation du champ magnétique génère un champ électrique indépendamment du fait qu’il y ait des charges électriques ou des dispositifs expérimentaux susceptibles d’être influencés par l'action de ce dernier (dans l’expérience de Faraday, la bobine connectée au galvanomètre). On pourrait faire une analogie avec la pluie, qui tombe de la même manière si nous sommes déjà rentrés chez nous ou si nous sommes encore en chemin sans parapluie.
La conséquence ultime de ce raisonnement est que l'induction (la génération d'un champ électrique par un champ magnétique variable) ne nécessite pas de la présence de matière ni de courant. Elle peut se passer ainsi bien dans le vide.
Plus tard, Maxwell découvrit que, de la même manière qu’un champ magnétique variable génère un champ électrique, la cohérence logique de son système d’équations pour les champs électriques et magnétiques impose qu’un champ électrique variable génère un champ magnétique.
Les équations de Maxwell montrent que l'électricité et le magnétisme ne sont que deux manifestations d'une seule réalité fondamentale : le champ électromagnétique.
Avec la découverte qu'un champ électrique variable génère un champ magnétique, Maxwell avait trouvé un mécanisme qui permettait aux forces électriques et magnétiques de se propager à distance, tout en préservant la localité de l’interaction électromagnétique. Un champ électrique génère un champ magnétique, qui génère un champ électrique, qui génère un champ magnétique, et caetera. De cette manière, une perturbation dans le champ électromagnétique se propage comme une onde d’un point de l’espace à un autre proche de lui, jusqu’à couvrir des distances parfois aussi grandes que la taille de l’Univers.
La figure ci-dessus montre le champ électrique et le champ magnétique dans une onde électromagnétique qui se propage dans la direction de l'axe x. Le champ électrique (en bleu) vibre dans le plan xy. Le champ magnétique (en rouge) vibre dans le plan xz. est la longueur d'onde.
La vitesse c à laquelle les ondes électromagnétiques se propagent est déterminée par la constante de Coulomb et la perméabilité magnétique du vide à travers la formule .
La vitesse c calculée ci-dessus coïncide avec la vitesse de la lumière, que Rømer avait mésuré en 1676 par l'observation astronomique. L'égalité entre la vitesse des ondes électromagnétiques et la vitesse de la lumière prouve que la lumière visible n’est qu’un cas particulier d'ondes électromagnétique. Elle correspond aux ondes électromagnétiques avec des longueurs comprises entre 0.4 et 0.7 micromètres.
Nous sommes donc partis de la vision de Coulomb, qui raisonnait en terme d’action à distance, pensée comme instantanée, pour aboutir à une nouvelle vision, dans laquelle le champ électromagnétique est une entité physique réelle, qui contient et transporte de l’énergie. Transporter de l'énergie équivaut à transporter de la matière, étant donnée l’équation d’Einstein . Les particules qui composent le champ électromagnétique – les photons – n’ont pas de masse, alors que les protons, les neutrons et les électrons en ont une, mais cela ne rend pas la lumière moins physiquement réelle qu’une pomme.
C’est par la médiation du champ électromagnétique que l’interaction électromagnétique se propage, et cette propagation se fait à une vitesse finie, même si elle est très élevée. Donc la force qu’une charge exerce sur une autre par la médiation du champ n’est pas instantanée. Elle agit avec un délai égal au temps que la lumière prend pour aller d’une charge à l’autre. Ce pourrait-il que ceci soit vrai aussi pour la force gravitationnelle ?