Astrophysique extragalactique

Auteur: Florence Durret

Introduction

introductionIntroduction

L'astrophysique a été limitée pendant des millénaires aux astres, étoiles et planètes en très grande majorité, visibles à l'oeil nu. L'étude de notre Galaxie, la Voie Lactée, n'a vraiment commencé qu' au début du XVIIème siècle, avec Galilée. Ce dernier a en effet montré que la Voie Lactée était constituée d'étoiles. La voie était alors ouverte à l'étude des galaxies extérieures à la nôtre. Cependant, même si plusieurs astronomes et philosophes du XVIIIème siècle se sont intéressés aux "nébuleuses" ou objets diffus, il a fallu attendre les années 1920 pour que la nature des galaxies ne fasse plus l'objet d'un débat.

Depuis 80 ans, l'étude des galaxies a fait des progrès considérables, et il en est de même pour la cosmologie, ou étude de l'univers dans son ensemble. Les galaxies sont maintenant couramment utilisées pour sonder l'univers et dessiner ses grandes structures. Les moyens d'observation sont devenus extrêmement puissants et il en est de même des ordinateurs, qui permettent maintenant de réaliser des simulations numériques comprenant des millions de particules.

Si la cosmologie se heurte encore au problème de comprendre la nature de la matière noire et de l'énergie noire, les galaxies et amas de galaxies commencent à être maintenant bien compris et vont faire l'objet de ce chapitre.


Les galaxies

Auteur: Florence Durret

Sommaire

Ce chapitre traite des galaxies et de l'univers extragalactique, c'est à dire au-delà de notre Galaxie, la Voie Lactée.

Après un bref historique sur les galaxies, depuis l'observation d'objets diffus dans le ciel dont on ignorait la nature jusqu'à l'astrophysique moderne, nous verrons comment les galaxies peuvent être classées selon leurs propriétés morphologiques et physiques.

Nous présenterons ensuite plusieurs méthodes permettant de déterminer les distances des galaxies, quantité indispensable à connaître pour pouvoir déterminer leurs propriétés.

Puis nous décrirons leur contenu et les méthodes d'observation ayant permis de connaître les divers types de matière composant les galaxies : étoiles, gaz, poussières et matière noire.

Nous aborderons dans la partie suivante la cinématique des galaxies, c'est à dire leurs mouvements internes, qui permettent d'estimer la masse des galaxies, et en particulier la masse de matière noire, dont on perçoit les effets gravitationnels mais qui n'émet pas de lumière, et est donc indétectable directement.

Nous décrirons ensuite les phénomènes auxquels les galaxies peuvent être soumises : interactions entre galaxies, fusions, etc.

Nous nous intéresserons enfin aux galaxies à noyau actif et quasars, qui sont le siège de phénomènes parmi les plus énergétiques de l'univers.

Un dernier chapitre concernera la formation des galaxies et leur évolution chimique et morphologique, ainsi que leur évolution en luminosité.


Introduction

introductionIntroduction

Si l'étude des galaxies est une science récente, parce qu'il s'agit d'objets célestes difficilement visibles à l'oeil nu, les hommes se sont intéressés dès l'antiquité à la Voie Lactée, notre Galaxie. Celle-ci est bien visible à l'oeil nu comme une traînée blanche dans le ciel.


Les galaxies : petit historique

Auteur: Florence Durret

L'antiquité

Plusieurs interprétations liées à la mythologie ont ainsi été proposées pour expliquer la Voie Lactée: par exemple, chez les Egyptiens, il s'agissait de blé semé par Isis, chez les Romains de lait répandu par Junon. Ces interprétations n'occultaient pas des questions philosophiques plus sérieuses, comme par exemple : où est la Terre dans l'univers ? quelle est la forme de l'ensemble d'étoiles que l'on voit à l'oeil nu ? cet ensemble est-il unique ?


Du XVIIème au XIXème siècle

C'est vers 1610 que le grand astronome italien Galilée montra pour la première fois que la Voie Lactée pouvait être résolue en étoiles.

Près d'un siècle et demi plus tard apparurent indépendamment plusieurs hypothèses voisines. Thomas Wright, en Angleterre, tenta de relier l'astronomie avec la théologie en imaginant qu'il existait d'autres "Centres Sacrés", une intuition pouvant se rapprocher de celle du philosophe allemand Emmanuel Kant qui exactement à la même époque proposa l'existence de ce qu'il appela des " univers-îles", identifiés à ce que l'on appelait alors les nébuleuses elliptiques, systèmes de nombreuses étoiles à des distances immenses.

L'astronome français Charles Messier constitua ensuite, vers 1771, le premier catalogue d'objets diffus, baptisés "nébuleuses", et comprenant en fait des objets de divers types dont on ne connaissait pas les propriétés à cette époque (galaxies, nébuleuses, amas globulaires...).

A peu près en même temps, l'astronome et musicien anglais John Herschel, avec l'aide de sa soeur Caroline Herschel, se mit à construire des lunettes astronomiques, puis des télescopes. Ces instruments lui permirent de mettre en évidence l'existence de divers types de "nébuleuses" (objets diffus). Ils lui permirent aussi de compter les étoiles dans tout le ciel et de montrer que la distribution de ces étoiles (qui appartiennent toutes à notre Galaxie, la Voie Lactée), avait une forme lenticulaire (c'est à dire aplatie, avec un renflement au centre).

Lord Ross, en Angleterre encore, montra vers 1850 que la galaxie d'Andromède, notre voisine, seule galaxie visible à l'oeil nu dans l'hémisphère nord, présentait une structure spirale. Il montra ensuite qu'il en était de même pour de nombreuses autres "nébuleuses".


Le XXème siècle : la nature des galaxies

Il fallut attendre les années 1920 pour que la nature des galaxies soit définitivement tranchée.

Tout d'abord eut lieu à l'académie des sciences américaine le "grand débat" entre les astronomes Curtis et Shapley. Curtis soutenait que les galaxies étaient extérieures à la nôtre, tandis que Shapley pensait qu'elles faisaient partie de notre Galaxie. Chacun resta sur ses positions, mais quelques années plus tard l'astronome américain Edwin Hubble prouva définitivement grâce à ses observations que les galaxies étaient des ensembles de quelques millions à quelques milliards d'étoiles, ce qui impliquait qu'il s'agissait d'objets très grands, très massifs et très lointains. On réserva alors le terme de "nébuleuse" aux nuages de gaz de notre galaxie dans lesquels des étoiles sont en formation.

Hubble fut le premier à mesurer la distance des galaxies.


Les galaxies visibles à l'oeil nu

Auteur: Florence Durret

Andromède

Comme nous l'avons mentionné, Andromède est la seule galaxie visible à l'oeil nu dans l'hémisphère nord. Elle est située à une distance d'environ 2,9 millions d'années lumière de nous. Dans l'hémisphère sud, on peut voir deux petites galaxies irrégulières, le grand et le petit nuage de Magellan ; elles sont situées à une distance d'environ 150.000 années lumière.

Rappel : une année-lumière est la distance parcourue par la lumière en un an, à la vitesse de 300.000 km/s. Une année lumière vaut donc environ 1016 mètres.

La galaxie d'Andromède
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La galaxie d'Andromède (M31)
Crédit : NASA

Distance d'Andromède

exerciceDistance d'Andromède

Difficulté :    Temps : 1 minute

Question 1)

Si la galaxie d'Andromède est à 2,9 millions d'années-lumière de nous, combien de temps la lumière met-elle pour nous parvenir d'Andromède?

Question 2)

Calculer la distance d'Andromède en mètres.


Les nuages de Magellan

Les nuages de Magellan sont deux galaxies irrégulières voisines de la nôtre.

Andromède et les deux Nuages de Magellan font partie d'un ensemble de quelques dizaines de galaxies appelé Groupe Local.

Le Grand Nuage de Magellan
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Le Grand Nuage de Magellan
Crédit : NASA
Le Petit Nuage de Magellan
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Le Petit Nuage de Magellan
Crédit : ESA/Hubble and Digitized Sky Survey 2. This ESA/Hubble file is released under the Creative Commons Attribution 3.0 Unported License.

Morphologie des galaxies

Auteur: Florence Durret

Classification

Les galaxies sont composées de plusieurs éléments dont l'importance varie selon le type de galaxie considéré. On distingue ainsi le bulbe, composante sphérique ou sphéroïdale, et le disque, de faible épaisseur par rapport à son diamètre. Des bras spiraux sont généralement visibles dans le disque.

L'importance et la forme de ces divers éléments déterminent la "séquence" de Hubble, correspondant au diagramme de Hubble dit "en diapason".

Le diagramme en diapason de Hubble
hubble_diapason.jpg
Diagramme en diapason de Hubble illustrant la classification des galaxies. A gauche : galaxies elliptiques (type dit précoce), à l'intersection des branches : galaxies lenticulaires ou S0, sur la branche supérieure du diapason : galaxies spirales, sur la branche inférieure : galaxies spirales barrées.
Crédit : Encyclopédie Imago Mundi (http://www.cosmovisions.com/gaor.htm)

De gauche à droite, on peut voir les galaxies elliptiques, de E0 à E9 quand on passe des plus sphériques aux plus aplaties, puis les galaxies lenticulaires ou S0, puis dans la branche supérieure du diapason les galaxies dites "normales", Sa, Sb et Sc, et dans la branche inférieure les galaxies barrées, notées SBa, SBb et SBc.

D'après ce schéma, on voit que l'importance du bulbe décroît de la gauche vers la droite, alors que l'importance des bras spiraux, qui font toujours partie du disque, augmente.

Les galaxies elliptiques et lenticulaires sont souvent appelées galaxies de "type précoce" tandis que les spirales sont dites "de type tardif". Cette appellation provient de l'idée fausse (mais qui prédominait autrefois) selon laquelle les galaxies elliptiques se formaient les premières, puis évoluaient en spirales. Nous verrons dans le chapitre concernant la formation des galaxies que ce n'est pas le cas, mais les termes "précoce" et "tardif" sont restés.

Attention donc, la "séquence" de Hubble n'est pas une séquence dans le temps.

Inclassables par définition, les galaxies irrégulières (comme ci-dessus les nuages de Magellan) sont placées tout à droite de ce diagramme ; lorsqu'on se déplace de gauche à droite dans ce diagramme les galaxies renferment de plus en plus d'étoiles jeunes.

On peut remarquer que lorsqu'on se déplace de gauche à droite du diapason de Hubble, la masse totale et la concentration de masse décroissent, alors que la fraction de gaz et donc le taux de formation d'étoiles augmentent. L'enroulement des bras spiraux décroît quand on passe des Sa aux Sc, ce qui dénote une moins grande stabilité des galaxies Sc par rapport aux Sa.


Les galaxies de type précoce

Les galaxies de type précoce comprennent les galaxies elliptiques et lenticulaires. Elles sont ainsi appelées parce qu'autrefois on pensait qu'elles se formaient avant les autres. Nous verrons qu'en fait cette interprétation est erronée, puisqu'on pense maintenant que les elliptiques se forment par fusion de galaxies, spirales ou elliptiques.

Les galaxies elliptiques peuvent être sphéroïdales (c'est à dire rondes en projection sur le ciel) ou ellipsoïdales (plus ou moins aplaties). La galaxie Messier 87 est un exemple typique de galaxie elliptique.

On trouve souvent une galaxie elliptique très massive au centre des amas de galaxies. La grosseur de ces galaxies est sans doute due au fait qu'elles se trouvent généralement au fond du puits de potentiel gravitationnel des amas, et de ce fait accrètent tout au long de leur vie des galaxies plus petites, attirées par la concentration de masse au centre de l'amas.

La galaxie Centaurus A est également une elliptique, mais traversée par une grande bande de poussières qui absorbe la lumière des étoiles situées derrière elle et lui donne cet aspect inhabituel (d'habitude les galaxies elliptiques contiennent peu de poussière).

Contrairement aux elliptiques, les galaxies lenticulaires possèdent un disque dans lequel se trouvent en général les poussières, comme dans la galaxie dite du "Sombrero".

Messier 87
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Une galaxie elliptique : Messier 87, dans l'amas de la Vierge.
Crédit : NASA, ESA, and the Hubble Heritage Team (STScI/AURA)
NGC 5128 (Centaurus A)
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Une galaxie elliptique atypique : NGC 5128 (Centaurus A)
Crédit : ESO (Creative Commons Attribution 3.0 Unported License)
Messier 104 (le Sombrero)
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Une galaxie lenticulaire : Messier 104 (le Sombrero)
Crédit : NASA/ESA and The Hubble Heritage Team (STScI/AURA)

Les galaxies spirales de type tardif

Les galaxies dites de type tardif correspondent aux galaxies spirales, de Sa à Sc (et aussi SBa à SBc, en ce qui concerne les spirales barrées). On pensait autrefois que les galaxies spirales se formaient plus tard que les elliptiques.

Messier 51 (type Sc)
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La galaxie Messier 51, dite galaxie du tourbillon (type Sc)
Crédit : NASA, ESA, S. Beckwith (STScI), and The Hubble Heritage Team (STScI/AURA)
NGC 1232 (type Sc)
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La galaxie NGC 1232 (de type Sc). La petite galaxie sur la gauche de l'image est vue en projection dans le ciel mais n'a pas de lien physique avec NGC 1232.
Crédit : ESO (Creative Commons Attribution 3.0 Unported License)
Messier 100 (type Sc)
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La galaxie Messier 100 (de type Sc)
Crédit : ESO/IDA/Danish 1.5 m/R. Gendler, J.-E. Ovaldsen, C. C. Thöne and C. Féron (Creative Commons Attribution 3.0 Unported License)

Les galaxies spirales barrées

Les galaxies spirales barrées possèdent en proportion non négligeable une barre d'étoiles traversant leur noyau. Dans ce cas, les bras spiraux sont issus des extrémités de la barre et non directement du noyau.

Dans certains cas, il peut exister deux barres, l'une à grande échelle, et l'autre plus petite et plus près du noyau. Il s'agit là de l'un des mécanismes invoqués pour expliquer comment de la matière "tombe" vers le trou noir central des galaxies à noyau actif.

Les barres ont des propriétés dynamiques particulières. Les interactions/fusions de galaxies peuvent les créer, mais aussi les détruire. De manière générale, il semble que les barres aient une durée de vie relativement courte ; elles peuvent être créées et détruites une ou plusieurs fois durant la vie d'une galaxie spirale.

NGC 4314 (type SBa)
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La galaxie barrée NGC 4314 (de type SBa). Les zones qui apparaissent en violet sont des régions de formation d'étoiles intense.
Crédit : G. Fritz Benedict, Andrew Howell, Inger Jorgensen, David Chapell (University of Texas), Jeffery Kenney (Yale University), and Beverly J. Smith (CASA, University of Colorado), and NASA
NGC 1365 (type SBc)
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La galaxie barrée NGC 1365 (de type SBc). On voit bien que les bras spiraux sont issus des extrémités de la barre et non du centre de la galaxie.
Crédit : ESO (Creative Commons Attribution 3.0 Unported License)

Les galaxies irrégulières

Les galaxies irrégulières ont, comme leur nom l'indique, une forme mal définie. Il s'agit de galaxies qui n'ont pas fini de se former, et elles sont encore riches en gaz et en étoiles chaudes, dont la formation est récente.

NGC 4214
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La galaxie irrégulière NGC 4214. Les régions très brillantes sont des zones où il se forme beaucoup d'étoiles.
Crédit : John MacKenty (STScI) et al. & the Hubble Heritage Team (AURA/ STScI/ NASA)

Remarques sur la classification des galaxies

Les galaxies ne sont pas réparties selon la séquence de Hubble (diagramme en diapason) de manière uniforme.

Les galaxies ne sont pas des systèmes complètement formés, leur formation et leur évolution se poursuivant tout au long de l'âge de l'Univers. En effet, outre l'évolution des étoiles, qui modifie évidemment les propriétés des galaxies qui les contiennent, les propriétés des galaxies peuvent également être modifiées par les interactions et fusions de galaxies.

On estime que les pourcentages de galaxies des divers types sont les suivants : environ 60% de galaxies elliptiques (principalement des naines elliptiques), 30% de spirales et 10% de galaxies irrégulières ou inclassables.

Ces pourcentages sont différents dans les amas de galaxies, où les propriétés des galaxies sont modifiées par des effets d'environnement. Dans les amas, il y a une majorité de galaxies elliptiques, surtout dans les régions centrales des amas, tandis que les spirales se trouvent majoritairement dans les zones externes. Ce phénomène est appelé ségrégation morphologique.

En ce qui concerne les galaxies barrées, les barres apparaissent et disparaissent durant l'existence d'une galaxie, en particulier selon la quantité de matière disponible que la barre peut accréter.


Exercice sur la classification des galaxies

exerciceClassification des galaxies

Difficulté :    Temps : 1 minute

Question 1)

Classer les différents types de galaxies suivants par ordre d'importance croissante du rapport bulbe/disque: S0 (lenticulaires), Sc, Sa, elliptiques, irrégulières, Sb.

Question 2)

Donner la même séquence pour les galaxies barrées.


La Voie Lactée

Il est difficile de déterminer la forme exacte de la Voie Lactée dans la mesure où nous sommes dedans, et ne pouvons pas en sortir pour la regarder de l'extérieur. On pense cependant que c'est une galaxie spirale barrée, un peu semblable à Andromède, l'autre grosse galaxie du Groupe Local. La Voie Lactée est souvent appelée la Galaxie (avec une majuscule pour la distinguer des autres).

Le nombre de bras spiraux de la Voie Lactée a fait l'objet de nombreuses controverses. Comme les étoiles se forment dans les bras spiraux, une méthode pour tracer les bras est d'analyser la distribution spatiale des régions HII (régions de gaz ionisé par le rayonnement des étoiles jeunes qui y sont contenues) dans la Galaxie.

La Voie Lactée en infrarouge
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La Voie Lactée en infrarouge observée par le satellite COBE.
Crédit : DIRBE Science Images, http://lambda.gsfc.nasa.gov/product/cobe/dirbe_image.cfm

Le satellite infrarouge COBE a pu photographier le ciel dans diverses bandes de longueur d'onde, et l'image infrarouge présentée dans la figure ci-dessus montre que nous sommes visiblement dans une galaxie à disque, avec un petit bulbe.

Schéma des quatre bras de la Voie Lactée
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Schéma montrant les quatre bras de la Voie Lactée, dessinés d'après la distribution des régions HII.
Crédit : Russeil D. 2003, A&A 397, 133

Le comptage des régions HII (régions de gaz ionisé) dans notre Galaxie par Delphine Russeil a montré l'existence probable de quatre bras spiraux dans notre Galaxie.


Les distances des galaxies

Auteur: Florence Durret

Les mesures de distances : introduction

Afin de connaître les propriétés des galaxies, il est nécessaire de pouvoir déterminer leur distance. En effet, nous pouvons seulement effectuer des mesures en pixels sur le CCD qui nous sert de récepteur. Connaissant la dimension angulaire d'un pixel en projection sur le ciel, nous pouvons alors calculer les angles correspondants, toujours en projection dans le plan du ciel. Pour transformer ces mesures angulaires en distances physiques, il est ensuite nécessaire de connaître la distance de l'objet.

Les distances des galaxies proches sont souvent exprimées en Mpc (Megaparsecs).

Le parsec est une unité de longueur correspondant à la distance à laquelle la parallaxe d'une étoile est de 1 seconde d'arc (1 seconde d'angle vaut 1/3600 ème de degré).

La correspondance entre parsec (pc) et année lumière (a-l) est : 1 pc = 3,26 al. Le kpc (kiloparsec), qui vaut 1000 pc, est une unité commode pour les distances au sein d'une galaxie, et le Mpc (mégaparsec) sert à exprimer les distances des galaxies proches (ou les dimensions des amas de galaxies).

Pour mesurer les distances des galaxies, on utilise ce que l'on appelle des indicateurs de distance. Il s'agit de propriétés qui sont les mêmes pour une catégorie d'objets donnés, et qui permettent de proche en proche d'estimer la distance des galaxies. Pour des galaxies de plus en plus lointaines, on distingue ainsi les indicateurs primaires, secondaires, et tertiaires.


Les parallaxes des étoiles proches

La première manière de déterminer la distance d'une étoile proche est de mesurer ce que l'on appelle sa parallaxe.

Parallaxe
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Schéma montrant comment on définit la parallaxe d'une étoile
Crédit : G.B. Lima Neto, cours Université de São Paulo, Brésil
Parallaxe d'une étoile proche
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Animation illustrant la notion de parallaxe : il s'agit de l'angle sous lequel depuis une étoile proche on verrait le rayon de l'orbite terrestre. L'image de droite montre la projection a 90° de celle de gauche, autrement dit le mouvement de l'étoile proche dans le plan du ciel. Echelles de distances dans l'Univers
Crédit : ASM

Lorsque la Terre est dans une certaine position, par exemple à l'équinoxe de printemps, elle voit l'étoile proche dans une certaine direction dans le ciel (par rapport à des étoiles lointaines). Six mois plus tard, à l'équinoxe d'automne, la même étoile semblera s'être déplacée par rapport aux étoiles lointaines (qui, elles, n'auront pas bougé). Si l'on connaît les propriétés optiques de l'ensemble télescope +caméra+détecteur, on peut estimer de quel angle sur le ciel l'étoile s'est déplacée par rapport aux étoiles lointaines et fixes d’arrière plan. On peut alors mesurer de combien l'étoile proche s'est déplacée par rapport aux étoiles lointaines et fixes d'arrière-plan.

Ainsi, connaissant les propriétés optiques de l'instrument utilisé (télescope + détecteur), on peut calculer la dimension du pixel en secondes d’angle (1 second d'arc vaut la 3600ème partie d'un degré d'angle). On peut donc mesurer 2 theta, où theta est la parallaxe de l'étoile (voir schéma ci-dessus).

On peut écrire : tan θ = ST / SE, et comme θ est un angle très petit on peut l'assimiler à sa tangente, à condition de le convertir en radians. D'où: θ (rad) = ST/SE. Comme on connaît ST (distance moyenne Terre-Soleil) et que l'on peut mesurer θ, on en déduit SE = distance de l’étoile au Soleil (ou à la Terre, la différence est minime).

La difficulté d'appliquer cette méthode est due au fait que les parallaxes θ sont des angles très petits, donc difficiles à mesurer, et seulement mesurables pour les étoiles proches. Au-delà les angles deviennent trop petits et impossibles à mesurer.

Le satellite Hipparcos a mesuré les parallaxes, et donc les distances d'environ 100.000 étoiles au début des années 1990, et le futur satellite Gaia devrait en mesurer dix fois plus d'ici quelques années. Il est très important de bien connaître la distance des étoiles, car il devient alors possible d'estimer leurs propriétés intrinsèques à partir des observations.


Calcul de la distance d'une étoile proche

exerciceDistance d'une étoile d'après sa parallaxe

Difficulté :    Temps : 2 minutes

Question 1)

Une étoile est vue sous une parallaxe de 0,1 seconde d'angle. Calculer sa distance en mètres, puis en parsecs.

Question 2)

Comment aurait-on pu trouver ce résultat sans aucun calcul ?


Un premier indicateur de distances : les étoiles Céphéides

Au début du XXème siècle, l'astronome américaine Henrietta Leavitt découvrit et caractérisa un nouveau type d'étoiles variables : les Céphéides, du nom de leur prototype, l'étoile delta de la constellation de Cephée.

delta Céphée
st_deltacep.jpg
Schéma montrant la position de l'étoile delta de la constellation de Céphée et en-dessous sa courbe de lumière (magnitude apparente en fonction du temps, exprimé en jours).
Crédit : G.B. Lima Neto, cours Université de São Paulo, Brésil

L'éclat de ces étoiles varie de manière périodique, et la période P de ces variations est d'autant plus courte que l'éclat moyen est faible.

H. Leavitt montra qu'il existait une relation du type

<M> = a*log(P) + b

où <M> est la magnitude absolue de l'étoile (par définition sa magnitude si elle était située à une distance de 10 pc), et a et b sont des constantes.

Grâce à l'observation d'étoiles Céphéides dont la distance avait été mesurée par une autre méthode (par exemple par leur parallaxe), il a été possible de calculer a et b, la valeur de M étant déduite de la magnitude apparente par la relation :

m-M=5*log(D)-5où D est la distance de l'étoile mesurée en pc.

La connaissance de a et b, la mesure de la période P et de la magnitude apparente m d'une Céphéide située à une distance inconnue, permet alors de calculer sa magnitude absolue, et donc sa distance.

Les Céphéides sont des indicateurs de distance très précieux, aussi appelés "chandelles standards".

La quantité m-M est appelée "module de distance"


Magnitude absolue

exerciceMagnitude absolue

Question 1)

Retrouver la définition de la magnitude absolue M d'après la relation m-M=5*log(D)-5

Question 2)

Si le module de distance d'une galaxie est 30, quelle est sa distance? (bien préciser l'unité)


Les deux différents types de Céphéides

On a cependant remarqué que la relation entre la magnitude apparente et la période présentait une certaine dispersion, et en étudiant de manière précise les Céphéides on a découvert qu'il en existait en fait de deux types, correspondant à deux séquences légèrement différentes. Ceci a permis d'affiner la relation période-luminosité des Céphéides, et donc d'améliorer la précision sur les distances mesurées grâce à ces étoiles.

Récemment, un grand programme d'observations a été consacré aux Céphéides par une équipe américaine avec le télescope spatial Hubble, et a conduit à une détermination plus précise de la constante de Hubble (voir plus loin).

Céphéides 1960
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La relation période-luminosité des Céphéides dans les années 1960. On remarque que les étoiles varient d'autant moins vite (longue période) qu'elles sont plus brillantes (faible magnitude).
Crédit : Scienza Per Tutti, http://scienzapertutti.Inf.infn.it/risposte/ris271.html
Céphéides 1990
images-hd/ogle_cepheid.jpg
La relation période-luminosité des Céphéides dans les années 1990 : deux séquences sont clairement visibles
Crédit : Scienza Per Tutti, http://scienzapertutti.Inf.infn.it/risposte/ris271.html

Distance d'Andromède calculée avec les Céphéides

exerciceCalibration de la relation période-luminosité des Céphéides

Difficulté :    Temps : 1 minute

Question 1)

La relation période-luminosité des étoiles Céphéides relie leur période de variation à leur magnitude absolue. Comment peut-on connaître la magnitude absolue de ces étoiles?

Question 2)

Pourquoi avait-on jusque récemment une assez grande dispersion dans la relation période-luminosité des Céphéides?


Un deuxième indicateur de distances : les supernovae

Une supernova est une étoile massive qui explose à la fin de son évolution. La courbe de lumière d'une supernova, représentant sa magnitude apparente en fonction du temps, consiste en une partie où l'éclat de l'étoile croît très rapidement, puis une décroissance rapide de l'éclat, suivie ensuite d'une décroissance beaucoup plus lente.

Il existe des supernovae de plusieurs types, parmi lesquels les supernovae de type Ia (SNIa) dont la magnitude absolue au maximum d'éclat est quasiment la même pour toutes ces étoiles. On peut donc les utiliser comme indicateurs de distance.

SN Ia
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Courbe de lumière typique d'une supernova de type Ia, avec le temps en abscisses et la magnitude en ordonnées.
Crédit : Alain Bouquet, cours en ligne
SNIa plusieurs
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Courbes de lumière de différentes supernovae avant correction (en haut) et après correction (en bas)
Crédit : Cosmologie & Supernovae de type Ia, Cours de Pierre Antilogus, ireswww.in2p3.fr/ires/seminaires/GIF/cours/cours_2a.pdf

En réalité il existe une certaine dispersion entre les courbes de lumière des SNIa, que l'on peut réduire en tenant compte de diverses autres corrélations entre la magnitude absolue au maximum d'éclat et d'autres quantités, en particulier la pente de la décroissance de la courbe de lumière après le maximum. On obtient alors une relation analogue à la relation période-luminosité des Céphéides, qui sert d'indicateur de distance pour des galaxies beaucoup plus lointaines, puisque les supernovae sont des objets intrinsèquement très brillants, et que l'on peut donc voir très loin.

On a ainsi pu construire de proche en proche des échelles de distances pour mesurer les distances des galaxies, aboutissant à la loi de Hubble qui permet de calculer la distance des galaxies à partir de leur décalage spectral, comme décrit ci-dessous.


La mesure des distances par spectroscopie

Dans les années 1920, l'astronome américain Edwin Hubble prit les premiers spectres de galaxies et découvrit que ces spectres étaient décalés vers les grandes longueurs d'onde (c'est à dire vers les longueurs d'onde rouges du spectre visible) par rapport aux spectres du Soleil ou d'étoiles de notre Galaxie.

Il interpréta ce phénomène comme l'équivalent pour la lumière de l'effet Doppler pour les ondes sonores : si la source s'éloigne de l'observateur, la fréquence de l'onde reçue devient plus basse (et donc la longueur d'onde devient plus grande) que celle de l'onde émise.

Le décalage vers le rouge des spectres des galaxies indique donc que les galaxies s'éloignent les unes des autres, et donc que l'univers est en expansion.

Spectres de deux galaxies
spectres_galaxies.jpg
Spectre d'une galaxie proche (en noir) servant de référence, et d'une galaxie dont on veut mesurer le décalage spectral (en rouge)
Crédit : Florence Durret

En mesurant le décalage spectral (redshift en Anglais) de galaxies proches dont la distance avait été déterminée par exemple grâce aux Céphéides, Hubble a montré que le décalage spectral était proportionnel à la distance de la galaxie.

Cette relation est maintenant appelée loi de Hubble.

Pour une raie de longueur d'onde λ0 mesurée à la longueur d'onde λ dans le spectre de la galaxie, le décalage spectral est par définition :

z = ( λ - λ0 ) / λ0

La vitesse à laquelle la galaxie s'éloigne de nous est alors v = c.z où c est la vitesse de la lumière. Cette formule n'est valable que pour les galaxies proches, lorsque le décalage spectral reste faible (si l'on appliquait cette formule pour un décalage spectral supérieur à 1, la vitesse de récession des galaxies deviendrait supérieure à celle de la lumière).

La distance d'une galaxie est alors simplement D = v/H0 où H0 est la constante de Hubble.

Pour des décalages spectraux plus grands, il faut appliquer des formules prenant en compte la relativité d'Einstein.

Loi de Hubble
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Relation entre la vitesse de récession d'une galaxie et sa distance, maintenant appelée loi de Hubble.
Crédit : Figure de gauche : Hubble E.P. 1929, ApJ 69, 103 ; figure de droite : Hubble E.P. & Humason M.L. 1931, ApJ 74, 43

En 1929, Hubble détermina pour la première fois la valeur de la constante qui porte maintenant son nom, en observant des galaxies distantes de moins de 2 Mpc. La dispersion des points était grande et la valeur de la constante qu'il trouvait était de l'ordre de 500 km s -1 Mpc -1. Deux ans plus tard, avec Humason, Hubble étendit cette relation à des galaxies 15 fois plus lointaines. Cependant, la valeur de la constante restait à peu près identique (et donc fausse par un facteur de l'ordre de 10).

Durant le XXème siècle il y eut de nombreuses observations pour améliorer la précision sur la détermination de la constante de Hubble.

Ainsi, deux équipes s'affrontèrent pendant des années, celle autour de Gérard de Vaucouleurs prônant H0 = 100km s-1 Mpc-1 tandis qu'une autre équipe autour de Sandage et Tammann trouvait plutôt H0 = 50 km s -1 Mpc -1.

La valeur actuellement admise est 72 km s-1 Mpc-1. Elle a été déterminée à partir d'un grand programme d'observations avec le télescope spatial Hubble par l'équipe de Wendy Freeman. L'erreur sur cette valeur est de l'ordre de quelques unités.


Exercice: calcul du décalage spectral et de la distance d'une galaxie

exerciceCalcul du décalage spectral et de la distance d'une galaxie proche

Difficulté :    Temps : 2 minutes

Question 1)

La longueur d'onde en laboratoire de la raie Hα de l'hydrogène ionisé est 656.28 nm. On détecte cette raie dans le spectre d'une galaxie à la longueur d'onde de 662.85 nm. Quel est le décalage spectral de la galaxie ?

Question 2)

Si l'on prend comme constante de Hubble 70 km s-1 Mpc-1, a quelle vitesse la galaxie s'éloigne-t-elle de nous et quelle est sa distance (on négligera les effets relativistes) ?


Le contenu des galaxies

Auteur: Florence Durret

Généralités

Les galaxies sont composées d'étoiles, de gaz, de poussières et de matière noire.

Nous allons voir comment il est possible de déterminer le contenu et les propriétés de chacune de ces composantes.

L'importance relative et les propriétés physiques de ces diverses composantes diffèrent selon les divers types de galaxies.

Par exemple, les galaxies elliptiques sont riches en étoiles vieilles, rouges, et relativement peu massives, alors que les galaxies spirales contiennent des étoiles vieilles et rouges dans leur bulbe (semblables à celles des galaxies elliptiques) mais aussi des étoiles chaudes et plus massives dans leurs bras spiraux.

Le gaz, lui, sert à former les étoiles. Dans les galaxies elliptiques, toutes les étoiles ont depuis longtemps fini de se former, et il ne reste donc quasiment plus de gaz. Au contraire, dans les spirales, il reste du gaz, et on y observe donc encore des étoiles en train de se former ou tout juste formées.

M81
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La galaxie Messier 81 observée à différentes longueurs d'onde. On voit bien que l'aspect de la galaxie est différent selon le domaine de longueur d'onde cartographié.
Crédit : Multiwavelength astronomy, Cool Cosmos at IPAC, NASA, Caltech, USA

Suivant le domaine de longueur d'onde où l'on observe une galaxie, celle-ci peut prendre divers aspects. Par exemple en ultraviolet, on va voir essentiellement les étoiles jeunes et chaudes, tandis que dans le rouge on verra les étoiles plus vieilles. En infrarouge, on détectera l'émission des poussières, qui peuvent dans certains cas être chauffées par le rayonnement d'étoiles récemment formées. C'est ainsi par exemple que le satellite Spitzer a permis d'observer des galaxies à la longueur d'onde de 24 microns, et de cartographier les zones de formation d'étoiles grâce au rayonnement des poussières réémettant dans l'infrarouge le rayonnement qu'elles reçoivent des étoiles chaudes voisines.

Aux très hautes énergies, on verra des composantes complètement différentes : en rayons X, on détectera le rayonnement du noyau actif s'il y en a un (voir le chapitre Les galaxies à noyau actif), ou bien les étoiles binaires X individuelles dans les bras spiraux des galaxies proches. Certaines grosses galaxies elliptiques peuvent être entourées d'un halo de gaz très chaud et très peu dense de même nature que celui qui baigne les amas de galaxies, et qui est alors détecté en rayons X. Enfin, les régions centrales de certaines galaxies à noyau actif peuvent aussi émettre en rayons gamma.


Comment observer les étoiles dans les galaxies

Les étoiles peuvent être observées dans les galaxies tout d'abord grâce à l'imagerie, qui permet de caractériser leur distribution. De plus si l'on observe la même galaxie avec différents filtres, on fera apparaître des détails différents, par exemple, pour une galaxie proche, une image dans un filtre bleu ou ultraviolet montrera la distribution des étoiles chaudes tandis qu'une image dans un filtre rouge montrera celle des étoiles vieilles.

La spectroscopie des galaxies exige bien sûr des temps de pose nettement plus longs que l'imagerie mais apporte aussi des informations beaucoup plus riches. Par exemple, on peut créer des modèles de synthèse de populations stellaires en additionnant les spectres de divers types d'étoiles, et voir quelle combinaison d'étoiles permet le mieux d'ajuster le spectre d'une galaxie donnée. Cette méthode permet d'évaluer l'âge moyen des étoiles et leur métallicité (abondance en éléments plus lourds que l'hydrogène et l'hélium).

Spectre d'une galaxie naine dans l'amas Abell 496
A496_33669_spop.jpg
Spectre d'une galaxie naine de l'amas Abell 496 (en noir). Le modèle de synthèse de populations stellaires qui ajuste le mieux les données est superposé en rouge. En dessous, en vert, sont présentés les résidus, c'est à dire la différence entre le spectre et le modèle. On peut voir que ces résidus sont bien localisés autour de zéro, et qu'ils sont faibles, ce qui veut dire que l'ajustement est bon (sauf à l'extrémité droite du spectre).
Crédit : Igor Chilingarian et al. (2008), Astronomy & Astrophysics 486, 85

Spectres de divers types de galaxies et réponses spectrales des filtres

La figure ci-contre montre les spectres de quatre galaxies de types très différents. Si l'on compare leur forme, on voit que le spectre qui commence le plus haut vers la gauche et décline fortement vers le rouge correspond à une galaxie très riche en étoiles jeunes. A l'autre extrême, en descendant selon l'axe des abscisses à faible longueur d'onde, le quatrième spectre n'est quasiment pas détecté dans le filtre UV lointain, mais est très intense au-dessus de la bande u : c'est un spectre de galaxie elliptique.

Spectres de plusieurs galaxies
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Spectres de quatre galaxies de type différent. Les flux lumineux de ces spectres ont été normalisés pour avoir la même valeur à la longueur d'onde 250 nm. Les filtres, de gauche à droite, correspondent à l'extrême ultraviolet (FUV), à l'ultraviolet proche (NUV), et aux bandes u (bleu), g (vert), r (rouge), i (rouge lointain) et z (entre rouge et infrarouge). Les spectres de quatre galaxies sont superposés (voir texte).
Crédit : Florence Durret

La figure ci-dessus illustre bien la méthode dite des "décalages spectraux photométriques". En effet, si l'on observe un champ en imagerie dans plusieurs bandes photométriques, on peut arriver à estimer le décalage spectral de toutes les galaxies du champ. Une galaxie très bleue (donc très brillante en UV ou dans la bande u) sera forcément proche ; en revanche, une galaxie qui, par exemple, ne serait pas détectée dans les bandes plus bleues que r et serait détectée dans la bande i sera nécessairement très lointaine. Bien sûr, l'erreur sur le décalage spectral de chaque galaxie est beaucoup plus grande que si l'on avait un véritable spectre, mais cela permet d'avoir une estimation du décalage spectral approximatif de dizaines, voire de centaines de milliers de galaxies en quelques heures de pose, ce qui ne serait pas possible en spectroscopie.


Comment observer le gaz neutre dans les galaxies

En ce qui concerne le gaz, divers types d'observation sont possibles.

Tout d'abord, l'élément le plus abondant dans l'univers étant l'hydrogène, on peut rechercher l'hydrogène neutre HI dans une galaxie.

Les niveaux d'énergie de l'atome d'hydrogène présentent deux sous-niveaux hyperfins ; la transition de l'un à l'autre correspond à une longueur d'onde d'émission de 21 cm, observable dans le domaine radio. On peut donc détecter l'hydrogène neutre dans une galaxie à l'aide d'un radio télescope réglé à la fréquence correspondant à la longueur d'onde de 21 cm (longueur d'onde qui doit être multipliée par (1+z), où z est le décalage spectral de la galaxie).

M51 en HI
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La galaxie Messier 51 observée dans la raie à 21cm de l'hydrogène neutre. On voit que l'hydrogène neutre est concentré dans les bras spiraux.
Crédit : Rots A.H. et al. 1990, AJ 100, 387

La cartographie d'une galaxie en HI montre que le gaz HI est distribué principalement dans les bras spiraux. On détecte très peu d'hydrogène neutre dans les galaxies elliptiques, ce qui est normal puisque ces galaxies ont consommé tout leur gaz pour former des étoiles.


Comment observer le gaz ionisé dans les galaxies

Outre le gaz neutre, il est également possible de détecter du gaz ionisé dans les galaxies. Là aussi, c'est en priorité l'hydrogène que l'on va rechercher, par exemple dans le domaine visible, par ses raies d'émission. Ces dernières peuvent être détectées en spectroscopie, ou bien en imagerie grâce à un filtre interférentiel de bande passante très étroite qui ne laissera passer que la raie d'émission à étudier. On utilise ainsi couramment la raie Hα de l'hydrogène pour tracer la distribution de gaz ionisé dans les bras des galaxies spirales.

Ce gaz peut être ionisé par le rayonnement ultraviolet d'étoiles chaudes récemment formées : il s'agit alors de ce que l'on appelle les régions HII (ou nébuleuses, terme maintenant un peu désuet). Il peut aussi être ionisé par d'autres mécanismes, comme par exemple le rayonnement ultraviolet du noyau actif, si la galaxie en possède un, ou les ondes de choc créées par des fusions de galaxies.

M51 en optique
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La galaxie Messier 51 observée en lumière visible et codée en fausses couleurs de manière à faire ressortir en rouge les régions de formation d'étoiles (régions HII)
Crédit : Hubble site gallery, http://hubblesite.org/gallery/album/galaxy/spiral
Messier 33
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Image de la galaxie Messier 33 obtenue en combinant des images dans les filtres B (bleu), V (vert), I (rouge lointain), Halpha (pour détecter l'hydrogène ionisé) et l'image radio à 21 cm correspondant à l'émission de l'hydrogène neutre.
Crédit : T.A.Rector (NRAO/AUI/NSF and NOAO/AURA/NSF) and M.Hanna (NOAO/AURA/NSF)

Les galaxies en infrarouge

Les poussières rayonnant comme un corps noir, plus la longueur d'onde d'observation des poussières dans l'infrarouge est grande, plus les poussières détectées seront froides.

Les poussières sont principalement constituées de grains dont le diamètre est de quelques dixièmes de microns, essentiellement du graphite et des silicates.

La galaxie M33 observée avec le satellite Spitzer
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Image de la galaxie M33 prise en infrarouge par le satellite Spitzer. On observe en réalité l'émission des poussières chauffées par les étoiles jeunes.
Crédit : NASA/JPL-Caltech/Univ. Arizona
Galaxies a 24 microns
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Atlas de galaxies observées en infrarouge à 24 microns par le satellite Spitzer
Crédit : Spitzer Space Telescope, NASA

Il y a une vingtaine d'années, on a également découvert dans les spectres infrarouges des galaxies des raies d'émission qui ont été identifiées comme étant dues à de grosses molécules constituées de cycles benzéniques : les hydrocarbures aromatiques polycycliques (PAH en Anglais). Des observations obtenues avec Spitzer/IRAC montrent qu'il existe une émission des PAH dans le disque des galaxies spirales, et que les poussières sous forme de PAH sont communes hors du plan des galaxies spirales.

Les processus à l'origine de l'éjection des poussières loin du disque des galaxies ne détruisent pas les très petites poussières tracées par ces observations. L'échelle verticale des PAHs est environ la moitié de celle du milieu diffus ionisé, ce qui suggère que les poussières sont présentes dans un milieu froid qui ne peut être supporté très loin du disque galactique (en supposant que les données ont la sensibilité adéquate).

Un exemple de spectre montrant la présence de PAH est présenté ci-contre.

Spectre des PAH
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Spectres infrarouges de NGC 7027 (en haut) et HD 44179 (au milieu) montrant pour la première fois plusieurs raies d'émission identifiées avec des raies du coronène chauffé à 600 K (en bas). Ces raies font partie des raies attribuées maintenant aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (en Anglais PAH).
Crédit : Puget J.-L. & Léger A. 1984, A&A 137, L5

La matière noire

La matière noire est ainsi appelée parce qu'on ne peut pas la détecter directement puisqu'elle n'émet pas de lumière. En revanche on soupçonne depuis longtemps son existence, en particulier en raison de la forme des courbes de rotation des galaxies spirales (voir plus loin).

C'est l'astronome suisse Fritz Zwicky qui a le premier fait l'hypothèse de l'existence de matière noire dans les années 1930. Il a en effet observé que dans les amas de galaxies les vitesses relatives des galaxies étaient très élevées (plusieurs milliers de km/s). Pour que l'ensemble des galaxies soit gravitationnellement lié, Zwicky a alors calculé que la masse requise devait être nettement plus élevée que la masse totale des galaxies. Cette hypothèse a depuis été confirmée par un grand nombre d'observations.

Cependant, et bien que de nombreuses études lui aient été consacrées, on ne sait toujours pas quelle est la nature de la matière noire.


Premier exercice sur le contenu des galaxies

exerciceLes galaxies à diverses longueurs d'onde

Difficulté : ☆☆   Temps : 5 minutes

Question 1)

Selon la longueur d'onde à laquelle on observe une galaxie, on peut avoir des informations différentes. Préciser à quelle composante on a accès en observant : 1) en rayons gamma ; 2) en rayons X ; 3) en ultraviolet ; 4) en lumière visible ; 5) en infrarouge proche ; 6) en infrarouge moyen (vers 24 micromètres).

Question 2)

Quelles sont les galaxies que l'on observe préférentiellement dans le domaine submillimétrique ou millimétrique ? Pourquoi ?


Second exercice sur le contenu des galaxies

exerciceObservation du gaz dans la galaxie NGC 3516

Difficulté : ☆☆   Temps : 5 minutes

Question 1)

La galaxie NGC 3516 a un décalage spectral z=0,0088. À quelle fréquence faut-il régler le récepteur du radio télescope pour la détecter en hydrogène neutre ?

Question 2)

Si on veut maintenant cartographier cette galaxie dans la raie Hα de l'hydrogène ionisé, dont la longueur d'onde au repos est 656,28 nm, quelle est la longueur d'onde du filtre à utiliser ?

Question 3)

Expliquer comment on peut faire pour obtenir l'image uniquement dans la raie Hα à partir de deux images d'une galaxie, l'une dans un filtre étroit centré sur la raie Hα décalée vers le rouge, l'autre dans un filtre ne couvrant aucune raie d'émission.


Cinématique des galaxies

Auteur: Florence Durret

Les champs de vitesse des galaxies spirales

La forme aplatie des disques des galaxies spirales est due à leur rotation rapide, qui peut atteindre une amplitude de plusieurs centaines de kilomètres par seconde.

Dans tous les cas, les champs de vitesse des galaxies sont mesurés à partir du décalage spectral des raies d'absorption ou d'émission que l'on observe dans leurs spectres (s'il s'agit du domaine visible). On peut aussi les déterminer à partir de la longueur d'onde de la raie à 21 cm de l'hydrogène neutre décrite précédemment.

Typiquement, le champ de vitesses d'une galaxie spirale "normale" (c'est à dire sans perturbations notables) présente un décalage global vers le rouge correspondant à la vitesse de récession moyenne de la galaxie, plus une partie légèrement décalée vers le bleu et une autre légèrement décalée vers le rouge par rapport à ce décalage global. Cette deuxième partie correspond à la rotation de la galaxie.

NGC 157
N157_chpvitesse.jpg
Champ de vitesses de la galaxie NGC 157. La vitesse de récession moyenne de la galaxie a été soustraite, et la table de couleurs au-dessus de la figure montre le codage en couleurs des vitesses. La partie bleue se rapproche de nous tandis que la partie rouge s'éloigne de nous. Le trait noir épais montre la position approximative du grand axe cinématique (selon lequel la rotation est maximale), et le trait noir moins épais à 90° du précédent montre la position du petit axe (selon lequel il n'y a pas de rotation).
Crédit : Fridman et al. 2001, A&A 371, 538

Exercice sur la cinématique des galaxies

exerciceDétermination des axes cinématiques d'une galaxie

Difficulté : ☆☆   Temps : 1 minute

Question 1)
NGC 157
N157_chpvitesse.jpg
Champ de vitesses de la galaxie NGC 157. La vitesse de récession moyenne de la galaxie a été soustraite, et la table de couleurs au-dessus de la figure montre le codage en couleurs des vitesses. La partie bleue se rapproche de nous tandis que la partie rouge s'éloigne de nous. Le trait noir épais montre la position approximative du grand axe cinématique (selon lequel la rotation est maximale), et le trait noir moins épais à 90° du précédent montre la position du petit axe (selon lequel il n'y a pas de rotation).
Crédit : Fridman et al. 2001, A&A 371, 538

Sur la figure ci-dessus on voit le champ de vitesses de la galaxie NGC 157. Déterminer la position du grand axe de la galaxie?

Question 2)

Quelle est l'amplitude approximative du champ de vitesses de NGC 157 ?


Les courbes de rotation des galaxies spirales

On peut effectuer des coupes du champ de vitesses selon plusieurs directions et obtenir ainsi ce que l'on appelle des courbes de rotation, où l'on trace la vitesse observée (à laquelle on a en général soustrait la vitesse moyenne de récession de la galaxie) en fonction de la distance au centre de la galaxie.

Courbes de rotation
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Courbes de rotation pour plusieurs types de galaxies spirales
Crédit : Casertano & van Gorkom (1991), AJ 101, 1231

Les courbes de rotation exigent la présence de matière noire

Courbe de rotation d'une galaxie spirale
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Courbe de rotation typique d'une galaxie spirale, montrant les points de mesure avec leur barre d'erreur, la courbe ajustant le mieux possible les données (en noir), la vitesse du disque (en bleu) et celle d'un halo de matière invisible nécessaire pour rendre compte des points observés (en rouge).
Crédit : ASM

La plupart des courbes de rotation des galaxies spirales présentent une augmentation linéaire de la vitesse en fonction du rayon dans les régions centrales, suivie d'un aplatissement. Si toute la masse était concentrée dans le disque visible de la galaxie, on s'attendrait à ce que sa courbe de rotation décroisse au-delà d'un certain rayon de l'ordre de quelques kpc), ce qui n'est pas le cas.

Les astronomes ont donc été conduits à supposer l'existence autour des galaxies d'un grand halo de matière massive, invisible mais permettant d'expliquer pourquoi les courbes de rotation restent plates à grand rayon : il s'agit de ce que l'on appelle la matière noire, ou matière sombre. La dimension des halos de matière noire autour des galaxies est typiquement de plusieurs dizaines de kpc.

L'énigme de la matière noire n'est toujours pas résolue, dans la mesure où l'on ne sait toujours pas de quoi elle est composée. D'autres types d'observations, comme par exemple celles des amas de galaxies, exigent également la présence de matière noire, uniquement détectable par ses effets gravitationnels.

La rotation des galaxies elliptiques est beaucoup plus lente (au maximum quelques dizaines de km/s), ce qui rend nettement plus difficile l'observation de leur rotation. On ne peut donc affirmer en général qu'elles sont, comme les galaxies spirales, entourées d'un halo de matière noire. Cependant, certaines galaxies elliptiques très massives sont parfois entourées d'un halo de gaz très chaud émettant en rayons X (voir chapitre "Contenu des galaxies"). A partir de l'émission X, si l'on suppose que ce gaz très chaud est un traceur du puits de potentiel gravitationnel de la galaxie, on peut estimer la masse totale de la galaxie, et là aussi on trouve qu'il doit y avoir un halo de matière noire. Il est par conséquent vraisemblable que les galaxies sont à peu près toutes (spirales et elliptiques) entourées d'un halo de matière noire.


Les masses des galaxies

Les galaxies peuvent avoir des dimensions et des masses très diverses. Bien sûr, la masse d'une galaxie n'est pas une quantité directement accessible à l'observation. Les astronomes peuvent seulement observer de la lumière, dans un certain nombre de domaines de longueur d'onde, et à partir de là mettre au point des modèles de distribution de matière qui permettent au mieux d'ajuster les résultats d'observations.

Ainsi, à partir des courbes de rotation des galaxies spirales, il est possible de construire des modèles de masse.

Pour construire des modèles de masse, on peut utiliser plusieurs méthodes. Par exemple, la méthode dite de Schwarzschild, qui, très schématiquement, peut être résumée comme suit :

On trouve alors comment la masse est distribuée entre les diverses composantes. Ceci est illustré par la figure ci-contre, où l'on voit la contribution du disque, du gaz et du halo à la courbe de rotation et à la densité lumineuse observée.

Deux modèles de masse pour la galaxie NGC 3198
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Deux modèles de masse pour la galaxie NGC 3198 (figures du haut), calculés à partir des courbes de rotation (figures du bas).
Crédit : Blais-Ouellette et al. (2001), AJ 121, 1952

Exercice sur la cinématique des galaxies

exerciceCourbes de rotation des galaxies

Difficulté :    Temps : 2 minutes

Question 1)

Quelle(s) hypothèse(s) doit-on faire pour déterminer la masse d'une galaxie spirale pour laquelle on dispose d'une courbe de rotation?

Question 2)

Est-il possible d'appliquer la même méthode à une galaxie elliptique ? Pourquoi ?


Interactions et fusions de galaxies

Auteur: Florence Durret

Généralités

Les galaxies isolées sont relativement rares dans l'univers ; sous l'action de la gravité elles tendent à se regrouper en groupes et amas de galaxies.

Lorsque deux galaxies passent près l'une de l'autre, cela peut provoquer de multiples phénomènes, dont le premier est la déformation spatiale de la distribution d'étoiles. A l'intérieur d'une galaxie, les distances d'une étoile à sa voisine sont extrêmement grandes par rapport au diamètre des étoiles. Par conséquent si deux galaxies se rencontrent, elles vont s'interpénétrer quasiment sans qu'il y ait de collisions d'étoiles.

En revanche, les énergies mises en jeu sont énormes. Si l'on considère par exemple la collision de deux galaxies de masse 10^{11}\ M_\odot se dirigeant l'une vers l'autre à une vitesse de 300 km s-1 l'énergie cinétique mise en jeu sera de l'ordre de 1051 J. Si l'on considère que la luminosité du Soleil est de 1026 Watts, ceci équivaudrait à la quantité d'énergie rayonnée par le Soleil pendant 1025 ans. Or l'âge de l'Univers est estimé à environ 14 milliards d'années (1,4 1010 ans), une telle comparaison n'a donc pas de sens.

Pour illustrer à quoi correspond une énergie de 1051 J on pourrait plutôt dire que c'est l'ordre de grandeur de l'énergie rayonnée par une galaxie mille fois plus grosse que la nôtre pendant toute la durée d'existence de l'Univers, depuis le Big Bang.

L'échelle de temps d'une interaction de galaxies étant de l'ordre de 100 millions d'années, il est bien sûr impossible d'observer une interaction en temps réel. Seules les simulations numériques permettent de modéliser ce qui se passe lorsque deux galaxies se rencontrent.


Les simulations numériques

L'augmentation phénoménale de la puissance de calcul des ordinateurs depuis les toutes premières simulations numériques effectuées par les frères Toomre à la fin des années 1970 a permis de modéliser de manière beaucoup plus fine les interactions de galaxies et de voir comment les structures résultantes pouvaient dépendre des divers paramètres mis en jeu : rapport des masses des deux galaxies, vitesse relative, angle d'attaque, paramètre d'impact (c'est à dire distance la plus faible à laquelle peuvent passer les centres des deux galaxies), sens de rotation de chacune des galaxies.

C'est ainsi grâce aux simulations numériques que l'on a pu montrer que la fusion de deux galaxies spirales donne généralement naissance à une galaxie elliptique.

Simulations numériques
images-hd/Toomre.jpg
Six simulations numériques de Toomre, chacune à lire horizontalement, pour cinq paramètres d'impact décroissant du haut vers le bas de la figure, en fonction du temps qui s'écoule vers la droite.
Crédit : Toomre (1978), Proc. Symposium "The large scale structure of the Universe", Tallinn, Estonie, Dordrecht, Reidel Ed., p. 109

Actuellement, les simulations numériques comprennent plusieurs millions de particules et même dans certains cas peuvent atteindre plusieurs milliards.


Des galaxies aux formes étranges

Les interactions entre galaxies génèrent des instabilités gravitationnelles propices à la formation ou à l'entretien de bras spiraux et de barres. Les bras spiraux et les barres ne sont pas des structures permanentes, elles évoluent lentement : une barre se forme, achemine du gaz et de la masse du disque vers le centre de la galaxie, le gaz s'effondre et forme des étoiles,le bulbe grossit et, ainsi, la barre s'autodétruit. Le disque vidé de sa masse se reconstruit à partir du gaz intergalactique des filaments cosmiques. Une galaxie spirale passe de spirale barrée à spirale normale et inversement . Ceci est illustré par les simulations numériques de F. Combes présentées ci-contre.

Simulation numérique du disque d'une galaxie spirale
images-hd/sim_Combes.jpg
Simulation numérique du disque d'une galaxie spirale, composé d'étoiles et de gaz. Le temps est indiqué en milliards d'années en haut à droite. Une spirale se forme dans le disque, puis une barre se développe, existe pendant 8 milliards d'années, et précipite le gaz vers le centre. Ensuite, la barre est lentement détruite. La galaxie est alors alimentée en gaz à partir des filaments cosmiques. Ce gaz reforme un disque, qui redevient instable et forme une nouvelle barre.
Crédit : F. Combes, "Galaxies et cosmologie", Editions Ellipses, 2009

On peut maintenant aussi expliquer la plupart des galaxies observées ayant une forme étrange : il s'agit pratiquement dans tous les cas de la conséquence de l'interaction de deux galaxies (on parle de fusion si les deux galaxies s'interpénètrent tellement profondément qu'elles n'en forment plus qu'une seule).

Différentes formes peuvent apparaître après interaction, comme par exemple des ponts de matière entre les deux galaxies ou des queues de marée s'étendant très loin des noyaux. Ce sont les forces gravitationnelles de marée qui engendrent ces ponts de matière et queues de marée en perturbant les étoiles du disque les plus éloignées.

Les interactions de galaxies permettent également de rendre compte des galaxies à anneau, des coquilles observées autour de certaines galaxies elliptiques, de la présence (ou de la destruction) de barres dans les galaxies spirales, du gauchissement du plan de certains disques de galaxies, de l'existence de bulbes galactiques en forme de boîtes ou de cacahuètes.

Il peut également se former des galaxies naines dites "naines de marée" dans les queues de marée ainsi créées.

Les interactions mettant en jeu plus de deux galaxies sont a priori rares et difficiles à modéliser, et n'ont donc pas fait l'objet de beaucoup d'études approfondies pour l'instant.

On trouvera ci-après plusieurs exemples de galaxies ayant des formes bizarres que les simulations parviennent très bien à reproduire comme étant le résultat d'interactions de deux galaxies.

Un exemple de galaxie provenant de l' interaction de deux galaxies
Hubble_Interacting_Galaxy.jpg
Résidu d'une interaction de galaxies : NGC 17
Crédit : NASA, ESA, the Hubble Heritage (STScI/AURA)-ESA/Hubble Collaboration, and A. Evans (University of Virginia, Charlottesville/NRAO/Stony Brook University)
Structures provenant de l'interaction de deux galaxies
images-hd/alapre.jpg
Résidu d'une interaction de galaxies
Crédit : STScI/NASA
Anneaux polaires
n4650a.jpg
La galaxie NGC 4650A et son grand anneau polaire, vestige d'une fusion de galaxies
Crédit : Hubble heritage, http://heritage.stsci.edu

Des bulbes aux formes étranges

Les simulations numériques d'interactions et de fusions de galaxies montrent qu'il peut dans certains cas se former des bulbes en forme de boîte ou de cacahuète.

Simulation numérique de bulbes
bulbe_cacahuete.jpg
Simulation numérique montrant que certaines interactions de galaxies peuvent donner lieu à la formation de bulbes en forme de cacahuète (à gauche, vue de face, à droite, vue de profil).
Crédit : Combes F. & Sanders R.H. 1981, A&A 96, 164
Tololo 0109-383
Tol0109.jpg
La galaxie Tololo 0109-2383 : les contours d'égale intensité montrent la présence d'un bulbe en forme de boîte.
Crédit : Durret F. & Bergeron J. 1987, A&A 173, 219
NGC 5746
images-hd/NGC_5746.jpg
La galaxie NGC 5746 présentant un bulbe en forme de cacahuète
Crédit : Palomar DSS

Des disques gauchis

Les simulations montrent aussi que le passage d'une petite galaxie près d'une grosse galaxie à disque peut s'accompagner du gauchissement du plan de la grosse galaxie, ce qui est effectivement observé dans certains objets.

NGC 4013
NGC4013.jpg
La galaxie NGC 4013, dont le disque présente un fort gauchissement.
Crédit : Bottema (1996) A&A 306, 345

Des queues de marée

Les interactions de galaxies peuvent dans certains cas créer des ponts de matière entre deux galaxies, ou de grandes queues de marée s'étendant très loin des galaxies. C'est le cas par exemple pour le système dit "des Antennes".

Les antennes
images-hd/antennae.jpg
Les galaxies des antennes, résidu de l'interaction de deux galaxies, présentent deux noyaux et deux immenses queues de marée.
Crédit : VLA HI (blue) and CTIO Optical (green), from Hibbard, van der Hulst & Barnes 2001

Des éclaboussures de gaz interstellaire

Les interactions de galaxies peuvent également provoquer des éclaboussures de gaz interstellaire, qui se retrouve alors distribué spatialement entre les galaxies.

C'est le cas de la Voie Lactée, où l'on pense qu'une traînée d'étoiles, appelée "courant magellanique", est due au passage des Nuages de Magellan au voisinage de la Voie Lactée.

Eclaboussures de gaz interstellaire
M81_eclaboussures.jpg
Le trio de galaxies M81, M82 et NGC 3077. Entre ces galaxies on détecte de l'hydrogène neutre interstellaire reliant les galaxies, et visiblement dû à des interactions.
Crédit : NRAO/VLA/M.S.Yun
Le courant magellanique
courant_magellanique.jpg
Le courant magellanique est très probablement constitué de matière arrachée aux Nuages de Magellan lors de leur passage au voisinage de notre Galaxie.
Crédit : Image d'une simulation réalisée par Daisuke Kawata, Chris Fluke, Sarah Maddison & Brad Gibson, Swinburne University of Technology

Résultat spectaculaire d'une interaction de galaxies

Galaxie de la roue de la charrette
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La galaxie dite "de la roue de la Charrette", provenant de l'interaction de deux galaxies
Crédit : NASA/AURA/STSCI

La galaxie ci-contre, appelée la "roue de la charrette" est vraisemblablement le résultat de la collision d'une grosse galaxie traversée en son centre et perpendiculairement à son disque par une galaxie plus petite. Cette galaxie ressemble beaucoup au résultat de la simulation de Toomre (dernière des six simulations, sur la ligne inférieure).


Résultat d'une interaction de galaxies

exerciceOrigine de la galaxie dite "roue de la charrette"

Difficulté :    Temps : 1 minute

Question 1)

La célèbre galaxie de la "roue de la charrette" est interprétée comme due à l'interaction de deux galaxies. En comparant l'image de cette galaxie aux simulations numériques de Toomre, peut-on dire de quel genre d'interaction il s'est agi?


Effet des interactions sur la formation d'étoiles

Un autre effet, et non des moindres, de l'interaction de deux galaxies peut aussi être l'augmentation du taux de formation d'étoiles. En effet, on remarque que dans certains cas des galaxies en interaction sont le siège de flambées de formation d'étoiles. Ceci peut s'expliquer par le fait que sous l'effet de l'interaction le gaz peut être comprimé, ce qui va accélérer la formation des étoiles.

Ceci est en bon accord avec le fait que le taux de formation d'étoiles semble avoir été plus intense dans le passé (à des décalages spectraux de 1 ou 2, c'est à dire il y a plusieurs milliards d'années) que maintenant.


Les galaxies à noyau actif

Auteur: Florence Durret

Définition des galaxies à noyau actif

Il existe des galaxies dont la région centrale est très lumineuse, la quantité de lumière émise étant supérieure à celle de toutes les étoiles qui s'y trouvent. On dit alors qu'il s'agit d'une galaxie à noyau actif (en Anglais ces galaxies sont regroupées sous le terme générique d'AGN, pour Active Galactic Nuclei). Ces galaxies sont le siège de phénomènes énergétiques très intenses.

La première mention des galaxies à noyau actif date du début du XXème siècle, d'abord peut-être par Fath en 1909, puis par l'astronome américain Vesto Slipher qui en 1917 découvrit la présence de raies d'émission très intenses dans le spectre de la galaxie proche NGC 1068. En 1926, Hubble détecta ensuite des raies d'émission dans une autre galaxie proche, NGC 4151. Puis ce fut l'astronome Karl Seyfert qui en 1943 publia le premier catalogue de galaxies présentant toutes des raies d'émission intenses, avec parfois des raies de l'hydrogène ionisé très larges. Ces galaxies sont maintenant souvent appelées "galaxies de Seyfert".

En 1959, l'astronome néerlandais Lodewijk Woltjer montra le premier que les noyaux non résolus spatialement de ces galaxies avaient des dimensions très petites, de l'ordre de 1 à 100 pc, et que si la matière était gravitationnellement liée dans la région émettant les raies larges, la masse centrale devait typiquement être de l'ordre de 10^{10}\ M_\odot, soit de l'ordre de la masse d'une galaxie, mais concentrée dans une région très petite.


Découverte du premier quasar

Le premier quasar, 3C 273, fut découvert trois ans plus tard, en 1962, par Maarten Schmidt. Il s'agissait d'un objet détecté dans le domaine radio (comme l'indique son nom : c'est l'objet numéro 273 du catalogue 3C, troisième catalogue radio de Cambridge) d'apparence stellaire (donc non résolu angulairement) en optique. Son apparence stellaire fut donc à l'origine du nom donné à ce type d'objet "quasi stellar object", ou quasar.

L'objet 3C 273 était tout à fait extraordinaire à l'époque, car il avait une magnitude apparente de l'ordre de 13, mais son spectre indiquait un décalage spectral z=0.158. Si l'on calculait sa magnitude absolue à partir de la magnitude apparente et de la distance ainsi estimées, on obtenait -26.7, ce qui était environ 10 fois plus brillant que la galaxie la plus brillante jamais observée.

On exprime le plus souvent la largeur des raies d'émission ( Δl) comme une vitesse, Δv, en utilisant la formule de l'effet Doppler : Δv = c (Δl)/l

où l est la longueur d'onde de la raie et c la vitesse de la lumière.

La largeur des raies larges dans le spectre des quasars peut atteindre des milliers de km/s.


Le modèle unifié

Il existe différentes catégories de galaxies à noyau actif, classées suivant leur niveau d'activité, c'est à dire suivant leur magnitude absolue et suivant la largeur des raies d'émission. Les plus actives sont les quasars dont les raies sont les plus larges (Δv pouvant atteindre 104 km s-1). Les Seyfert de type 1 ont à peu près les mêmes propriétés que les quasars mais sont un peu moins énergétiques. Les Seyfert de type 2 n'émettent que des raies étroites, mais couvrant un domaine allant des raies de basse excitation (comme par exemple la raie de [OI] à 630 nm) jusqu'aux raies de très haute excitation (par exemple la raie de [NeV] à 343 nm). On note entre crochets les noms des éléments émettant des raies dites "interdites" ; de telles raies ne peuvent en effet être observées sur Terre, car elles ne peuvent se produire que dans un milieu de densité bien inférieure aux meilleurs vides que l'on puisse obtenir sur Terre. Les LINERS (Low Ionization Nuclear Emitting Regions), eux, n'émettent que des raies étroites correspondant à des éléments faiblement ionisés.

Il s'agit néanmoins d'un même phénomène dans toutes les catégories de galaxies à noyau actif. Ceci a été montré en particulier au début des années 1980 par la découverte de raies de Balmer larges en lumière polarisée dans le spectre de la galaxie NGC 1068. Cette galaxie avait jusqu'alors été considérée comme le prototype des galaxies de type Seyfert 2, c'est à dire ne présentant que des raies étroites. Mais en lumière polarisée on parvient à voir la lumière émise par la BLR (région proche du centre émettant les raies larges) et diffusée loin du noyau. NGC 1068 n'était donc plus une Seyfert 2 mais une Seyfert 1!

Ceci a conduit les chercheurs à penser que les Seyfert, et de manière plus générale toutes les galaxies à noyau actif, constituaient une seule famille, et un modèle unifié a été proposé pour ces objets vers la fin des années 1980.

Schéma
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Schéma des différentes régions émettrices dans une galaxie à noyau actif.
Crédit : Urry C.M. & Padovani P. (1995) PASP 107, 803

Le modèle unifié pour les différents types de galaxies à noyau actif et présenté dans la figure ci-dessus semble maintenant faire l'objet d'un consensus. Au centre de la galaxie se trouverait un trou noir supermassif, dont la masse pourrait varier entre 106 et 10^{9}\ M_\odot environ. En tombant sur ce trou noir (non pas directement, mais par l'intermédiaire d'un disque d'accrétion), la matière perdrait de l'énergie, ce qui donnerait lieu à un rayonnement dit "non thermique". En s'éloignant du noyau, on distingue ensuite deux régions d'émission : la région près du noyau d'où sont émises les raies larges (en Anglais la Broad Line Region ou BLR) et celle émettant les raies étroites (la Narrow Line Region ou NLR).

C'est ce que l'on voit dans la figure ci-dessus. Un tore de poussières (en orange) vient absorber le rayonnement du noyau actif. Si l'on observe près de l'axe du tore, on verra directement le noyau actif, et donc la région émettrice des raies larges, qui est tout près du noyau. Si l'on observe plus loin de l'axe du tore, la ligne de visée interceptera alors le tore et on ne verra plus la zone centrale. On ne détectera alors que des raies étroites.

Sur la figure, on voit également un jet provenant de la source centrale et se propageant perpendiculairement au disque d'accrétion central et au tore de poussières. De tels jets sont observés dans certains objets en radio. Ils ont la propriété d'être fortement "collimatés", c'est à dire de se propager avec un angle d'ouverture très petit. Il arrive plus rarement qu'on les détecte aussi en lumière visible. Si l'observateur est situé dans la direction du jet, il verra alors un objet classé dans la catégorie des BL Lac ou des Blazars.

Nous n'insisterons pas davantage sur les divers types de galaxies à noyau actif, car il en existe un nombre élevé de catégories qu'il serait trop long de décrire en détail.


La variabilité des galaxies à noyau actif

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Spectres de la galaxie NGC 3516 pris en 1943 (en bas) et en 1968 (en haut). On voit la grande différence (intensité relative, forme du profil) de la raie Hbeta entre ces deux spectres.
Crédit : Andrillat Y. & Souffrin S. (1968), ApL 1, 111

Les quasars et Seyfert 1 présentent la particularité d'être variables dans le temps : l'intensité de la lumière qu'ils émettent peut varier en quelques jours, et la forme du spectre (en particulier le profil des raies) peut aussi varier rapidement. Ces variations nous renseignent sur les dimensions de la zone émettrice.

En effet, on peut faire l'hypothèse que si une source varie, l'information sur ces variations doit s'être propagée dans toute la source en moins de temps que l'intervalle de temps des variations. Or aucune information ne peut se propager à une vitesse supérieure à celle de la lumière. Par conséquent, si l'on observe des variations sur un intervalle de temps ( Δt) la dimension de la source est nécessairement inférieure au produit c(Δt), où c est la vitesse de la lumière.

Grâce à la variabilité, il a ainsi été possible d'estimer les dimensions des régions émettant les raies larges.

En revanche, on n'observe aucune variabilité dans les raies étroites, ce qui implique qu'il s'agit de régions beaucoup plus grandes.


Variabilité des noyaux actifs

exerciceExercice sur la variabilité des noyaux actifs

Difficulté :    Temps : 2 minutes

Question 1)

Une galaxie à noyau actif varie en éclat sur un espace de temps de 5 jours. Quelle est la dimension maximale de la zone émettrice ?

Question 2)

Quelles sont les quantités qui présentent une variation temporelle lorsqu'on observe une galaxie à noyau actif?

Question 3)

Toutes les galaxies à noyau actif sont-elles variables ?


Conclusion

conclusionConclusion

Le problème de comprendre comment le trou noir central est alimenté en matière a longtemps été débattu. Il semble que la présence d'une barre ou d'un anneau nucléaire facilite grandement la chute de matière vers le centre. Les modèles montrent aussi que la matière ne tombe pas directement sur le trou noir, mais se distribue d'abord dans un disque, appelé disque d'accrétion, à partir duquel de la matière tombe sur le trou noir.

On ne sait pas bien pourquoi certaines galaxies présentent un noyau actif et d'autres pas. Il est possible que la phase "noyau actif" ne soit qu'une étape dans la vie d'une galaxie, et qu'à un moment donné l'alimentation du noyau actif cesse. Ceci pourrait se produire par exemple lorsqu'il n'y a plus assez de matière pour alimenter le trou noir central, ou alors s'il reste de la matière, mais qu'elle ne peut plus "tomber" dans le trou noir, en raison de la destruction de la petite barre ou de l'anneau central qui lui permettait de tomber dans le disque d'accrétion. Mais on n'a là-dessus aucune certitude.


Formation et évolution des galaxies

Auteur: Florence Durret

Les hypothèses de départ pour expliquer la formation des galaxies

Les principales questions qui se posent au sujet de la formation des galaxies sont les suivantes :

Pour expliquer la formation des galaxies, deux approches complémentaires sont possibles : soit remonter dans le temps à partir des propriétés observées aujourd'hui, soit calculer comment l'univers a pu évoluer à partir des conditions initiales qu'on lui attribue.

On se place en général dans le cadre de la théorie du Big Bang (voir Le Big Bang). Ceci sous-entend un certain nombre d'hypothèses, parmi lesquelles les principales sont les suivantes :


L'origine des galaxies

A l'origine des galaxies, on trouve de petites fluctuations de densité de l'univers, avec l'existence de zones légèrement plus denses.

Dans ces zones, il y a eu accrétion accrue de matière par instabilité gravitationnelle, ce qui a donné naissance aux proto-galaxies.

Dans l'hypothèse d'un processus dit "monolithique", chaque proto-galaxie s'est effondrée (effondrement gravitationnel) pour donner une galaxie, contenant de la matière baryonique et de la matière non-baryonique (la matière noire).

L'un des problèmes qui reste à résoudre dans ce scénario est le rôle exact de la matière noire, dont on ne connaît toujours pas la nature.


Le scénario de matière noire froide

Dans ce scénario, la matière noire, qui domine la matière dans l'univers, est constituée de particules ayant une vitesse faible devant la vitesse de la lumière.

Les simulations numériques d'effondrement gravitationnel montrent qu'il se forme alors des structures ayant une masse de l'ordre de 10^6 M_\odot. Ces structures vont ensuite fusionner un certain nombre de fois pour créer des galaxies de masse typique 10^{11}\ M_\odot. Ce scénario est appelé "hiérarchique", ou en Anglais "bottom-up".

Plusieurs difficultés ne sont pas encore complètement résolues dans ce scénario, en particulier la manière d'inclure la formation d'étoiles dans les simulations numériques.

La formation des galaxies elliptiques s'explique bien. En revanche, celle des spirales pose problème, dans la mesure où l'on forme des spirales de 10^6\ M_\odot au maximum. Pour expliquer la formation des spirales, le seul moyen est de supposer que l'on forme des elliptiques de masse et que celles-ci peuvent accréter de la matière du milieu environnant ; si cette matière a un 10^{10-12}\ M_\odot moment angulaire suffisant, elle peut alors former un disque, et la galaxie résultante pourra être une spirale de 10^{10-12}\ M_\odot. Le fait que les elliptiques et les bulbes des spirales ont globalement les mêmes propriétés est en faveur de ce scénario.

Le scénario de matière noire froide est à l'heure actuelle celui qui semble le mieux rendre compte des différentes observations disponibles.


Le scénario de matière noire chaude

Un deuxième scénario, a été proposé, dans lequel, au contraire, les particules de matière noire ont des vitesses comparables à celle de la lumière. Dans ce cas, les fluctuations de densité à petite échelle disparaissent. Les simulations numériques montrent qu'alors il se forme des structures ayant une masse beaucoup plus grande que celle des galaxies individuelles ; ces structures vont ensuite se fragmenter pour créer des galaxies de masse typique 10^{11}\ M_\odot. Ce scénario est appelé en Anglais "top-down".

Ce second scénario semble moins probable que le celui de matière noire froide, pour deux raisons : tout d'abord, les observations semblent indiquer que les petites structures se sont formées avant les grandes ; et deuxièmement, parce que les structures à grande échelle prédites semblent différentes de ce que l'on observe.


Modèle privilégié pour expliquer la formation des galaxies

exerciceModèle privilégié

Difficulté :    Temps : 2 minutes

Question 1)

Quel est actuellement le modèle privilégié pour expliquer la formation des grandes structures dans l'Univers ?


Evolution en luminosité des galaxies

Les propriétés des galaxies ne sont pas constantes mais évoluent dans le temps. En particulier, la lumière émise par une galaxie étant la somme des lumières émises par les étoiles qui la constituent, l'évolution de chaque galaxie sera due à l'évolution du taux de formation d'étoiles et à l'évolution individuelle de chaque étoile.

On sait ainsi que le taux de formation d'étoiles (en Anglais star formation rate, ou SFR) dans les galaxies elliptiques a été très élevé dans le passé mais est quasi nul maintenant. Dans les spirales, l'évolution du taux de formation d'étoiles est différente : dans les Sa, ce taux décroît avec le temps, mais beaucoup moins vite que dans les elliptiques, tandis que dans les Sc il est à peu près constant.

Il a ainsi été mis en évidence que le taux de formation d'étoiles était nettement plus élevé à un décalage spectral de l'ordre de 1 (voir figure). En revanche si l'on continue à observer des galaxies de plus en plus lointaines, il semble qu'à z=3 ou 4 le taux de formation d'étoiles rediminue.

Evolution du taux de formation d'étoiles
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Evolution du taux de formation d'étoiles en fonction du décalage spectral, c'est à dire de l'âge de la galaxie (lorsqu'on observe à plus grand décalage spectral, on remonte dans le temps, et on observe donc les galaxies lorsqu'elles étaient plus jeunes).
Crédit : Steidel et al. (1999), ApJ 519, 1

Remarque : l'évolution des galaxies dépend de l'environnement, pour l'instant nous ne considérons que des galaxies isolées.


Evolution chimique et morphologique des galaxies

Par évolution chimique des galaxies, on entend l'évolution temporelle des différents éléments chimiques contenus dans une galaxie.

Les premières étoiles d'une galaxie ne contenaient que de l'hydrogène et de l'hélium, certains autres éléments légers n'existant qu'à l'état de traces.

Au cours de leur évolution, les étoiles massives ont pu exploser en supernovae, enrichissant le milieu interstellaire en éléments lourds synthétisés dans ces étoiles. Les générations suivantes d'étoiles se sont donc formées à partir d'un gaz enrichi en éléments lourds.

La composition chimique du milieu interstellaire et des étoiles varient donc avec le temps.

Il est relativement facile de modéliser ce type d'évolution pour une galaxie isolée, mais il en existe en fait très peu. Il est donc nécessaire de tenir compte de l'environnement, en particulier des interactions et fusions qui vont modifier les propriétés des galaxies, en particulier leur taux de formation d'étoiles et leur morphologie.

L'observation de galaxies lointaines, par exemple dans le champ profond observé par Hubble, semble montrer que près de 25% des galaxies lointaines étaient irrégulières contre seulement 7% aujourd'hui. On observe donc une évolution morphologique très nette des galaxies.

Les poussières jouent aussi certainement un rôle dans l'évolution des galaxies, et doivent être prises en compte dans les modèles.


Evolution chimique des galaxies

exerciceEvolution des galaxies

Difficulté :    Temps : 2 minutes

Question 1)

Comment varie l'abondance en éléments lourds (c'est à dire plus lourds que l'hydrogène et l'hélium, encore appelés "métaux") dans une galaxie en fonction du temps? Expliquer le mécanisme.


Conclusion

conclusionConclusion

La formation des galaxies ne s'est pas produite à un moment unique de l'histoire de l'univers, mais s'est étalée sur une longue période (on peut même considérer que les galaxies irrégulières n'ont pas encore fini de se former).

Le modèle du Big Bang et le scénario de matière noire froide permettent de réaliser des simulations numériques globalement en accord avec les observations, bien que certaines propriétés ne correspondent pas tout à fait aux prédictions des modèles.

Dans ce cadre, plusieurs approches reproduisent bien les fonctions de luminosité des galaxies à différentes longueurs d'onde (c'est à dire les nombres de galaxies par intervalle de magnitude ou de luminosité) et leur évolution au moins jusqu'à un décalage spectral de 3. Elles expliquent également bien les corrélations entre les différentes propriétés des galaxies (masse, contenu gazeux, couleur, type).

Mais il reste quelques points pour lesquels les observations ne sont pas tout à fait en accord avec les prédictions des modèles. Par exemple la pente des fonctions de luminosité calculées pour les galaxies est de -1.5 à -1.3 alors que la pente observée est plutôt -1.0. On propose à ce désaccord plusieurs explications : des effets de sélection sur les données, la modélisation incomplète des vents galactiques ou la mauvaise prise en compte du chauffage du milieu intergalactique par les premières étoiles, par les supernovae et/ou par les noyaux actifs. D'autre part, les relations entre lumière et matière ne sont pas toujours bien connues ; les astronomes observent de la lumière, qu'il faut ensuite transformer en masse. Les couleurs des galaxies lointaines sont également mal prédites. Enfin, les comptages de galaxies dans le domaine submillimétrique sont encore assez mal reproduits (les galaxies des modèles ne sont pas assez lumineuses dans ce domaine de longueur d'onde, peut-être en raison d'une mauvaise prise en compte des poussières).


Les grandes structures de l'univers

Auteur: Florence Durret

La distribution à grande échelle des galaxies dans l'Univers

Auteur: Florence Durret

Introduction

introductionIntroduction

La cosmologie est la branche de l'astronomie qui étudie l'Univers dans son ensemble. Du fait que les galaxies peuvent être observées à de grandes distances, il est possible de les utiliser comme traceurs des grandes structures de l'Univers. Pour connaître l'Univers le mieux possible et avoir en particulier une estimation de sa taille il faut donc observer les galaxies les plus lointaines possibles.


Les grandes structures de l'univers

Dans cette partie, nous décrirons comment les galaxies peuvent être utilisées pour dessiner l'Univers, c'est à dire pour caractériser la distribution de matière à très grande échelle.

Pour cela, nous présenterons tout d'abord plusieurs grands relevés de galaxies qui depuis le milieu des années 1980 ont révolutionné notre connaissance de la distribution de la matière dans l'Univers. En effet, si la cosmologie du XXème siècle a souvent fait l'hypothèse d'une distribution de matière uniforme dans l'Univers, ce n'est pas vrai à l'échelle des galaxies, qui semblent plutôt distribuées selon des filaments et des feuillets, conférant ainsi à l'Univers une structure évoquant celle d'une gigantesque éponge.

Nous présenterons ensuite les propriétés des groupes de galaxies et amas de galaxies, ces derniers étant les plus grandes structures identifiables de l'Univers. Là aussi, d'importants progrès ont été faits ces dernières décennies sur la compréhension de ces objets, tant du point de vue observationnel dans divers domaines de longueur d'onde, que sur le plan des simulations numériques.


Les méthodes d'étude de l'univers à grande échelle

L'observation de l'Univers à grande échelle commence en général par des observations en imagerie profonde, qui permettent de détecter des objets très faibles, et donc à priori très lointains. Avec des images dans plusieurs bandes, y compris des bandes dans l'infrarouge, puisque c'est dans ce domaine que les galaxies lointaines apparaissent les plus lumineuses, il est possible d'estimer le décalage spectral estimé par la méthode photométrique (que nous appellerons par la suite "redshift photométrique", généralement noté zphot ).

Cependant, on ne peut connaître avec certitude la distance). d'une galaxie que si l'on a mesuré son décalage spectral spectroscopique. L'étude de la distribution à grande échelle des galaxies a donc commencé par l'obtention de grands relevés spectroscopiques de galaxies.


Les premiers relevés de galaxies

Les premiers relevés spectroscopiques de galaxies ont été effectués aux Etats-Unis par Margaret Geller, John Huchra et Valérie de Lapparent dans la seconde moitié des années 1980. Un télescope a été dédié à ces observations pendant plusieurs années, le temps de pose étant de l'ordre d'une heure par galaxie et le nombre de galaxies observé de l'ordre d'un millier.

Ce sondage a révélé que la distribution des galaxies à grande échelle n'était pas du tout homogène. Au contraire, les galaxies apparaissaient distribuées selon des filaments (à une dimension) ou des feuillets (à deux dimensions). De grandes zones quasiment vides de galaxies ont également été mises en évidence, ce qui n'était pas du tout prévu.

Distribution spatiale des galaxies
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Première carte montrant la distribution d'environ un millier de galaxies de l'Univers proche. Chaque petit point représente une galaxie. Un filament de galaxies est bien visible vers le centre de la figure.
Crédit : Geller M. & Huchra J. (1989) Science 246, 897
Diagramme en cône
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Distribution des galaxies dans un diagramme en cône.
Crédit : de Lapparent V. et al. (1986) ApJL 302, L1

Une autre manière de présenter la distribution des galaxies pour faire apparaître la dimension selon la ligne de visée est de tracer un diagramme dit "en cône". Pour cela, on considère par exemple toutes les galaxies dans un intervalle de déclinaison donné, et on représente chaque galaxie par un point, avec l'ascension droite selon un cercle gradué de 0 à 24 heures et la vitesse de récession de la galaxie représentée radialement. On peut aussi sommer sur un intervalle d'ascension droite et représenter la déclinaison selon un cercle. Enfin, on peut aussi graduer radialement le cône non en vitesse mais en décalage spectral.

Dans un tel diagramme en cône, un amas de galaxies apparaît comme une concentration de galaxies dans une direction donnée (en ascension droite) avec une certaine dispersion de vitesses. Dans la figure, le "corps du bonhomme" correspond à l'amas de galaxies Coma (les galaxies sont quasiment dans la même direction, mais en raison de la dispersion de vitesses des galaxies dans l'amas, elles sont étalées radialement).


Exercice : diagramme en cône

exerciceDistribution des galaxies

Difficulté : ☆☆   Temps : 5 minutes

Question 1)

Expliquer en quoi consiste un diagramme en cône.

Question 2)

A quoi ressemble un amas de galaxies dans un diagramme en cône ?


Les grands relevés de galaxies

De nombreux relevés de galaxies ont été obtenus depuis vingt ans, en particulier grâce aux techniques de spectroscopie multi-objets qui ont permis d'obtenir les spectres de plusieurs dizaines de galaxies à la fois dans les années 1990, et maintenant même de plusieurs centaines, voire de près d'un millier (ce texte a été rédigé en 2010).

Distribution des galaxies dans le relevé 2dF
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Distribution de 141402 galaxies observées par le relevé 2dF.
Crédit : Colless M. et al. (2003) astro-ph/0306581

Les grands relevés ont confirmé sur des zones du ciel à la fois plus étendues et plus profondes en décalage spectral ce qui avait déjà été mis en évidence dans les années 1980, à savoir que les galaxies ne sont pas distribuées de manière uniforme, mais au contraire semblent former des filaments ou des feuillets, ce qui donne à l'Univers à très grande échelle une structure comparable à celle d'une éponge. Les amas de galaxies, dont il sera question ultérieurement, étant situés à l'intersection de ces filaments cosmiques.

Ces divers relevés sont complémentaires. Certains privilégient l'observation d'un champ assez grand mais de relativement faible profondeur en magnitude, et par conséquent en décalage spectral. C'est le cas du relevé 2dF (2 degree field) réalisé en Australie a été complété par le 6dF (6 degree field), en Australie toujours, qui a observé 150000 galaxies jusqu'à un décalage spectral de 0.1.

Le plus grand relevé en cours actuellement est le Sloan Digital Sky Survey, dont l'objectif est de mesurer 900000 décalages spectraux de galaxies jusqu'à un décalage spectral de l'ordre de 0.25 (voir http://www.sdss.org/).

D'autres relevés au contraire sont limités à de très petites zones du ciel mais sondent l'Univers jusqu'à un décalage spectral entre 0.5 et 1. C'est le cas par exemple du sondage Norris de Palomar, du sondage ESO-Sculptor ou plus récemment du sondage VIMOS (VIMOS Very Deep Survey, ou VVDS).


Distribution des groupes, amas et superamas dans l'univers

Il est intéressant de noter que la distribution observée pour les galaxies dans l'Univers se retrouve à des échelles encore plus grandes, pour les groupes, les amas et même les superamas, comme on peut le voir dans les figures ci-contre, obtenues à partir des données du grand relevé SDSS http://www.sdss.org/.

Distribution des amas de galaxies dans le SDSS
Einasto.jpg
Distribution des amas de galaxies dans le Sloan Digital Sky Survey. La barre en-dessous de la figure indique la table de couleurs choisie: la densité augmente quand on va de la gauche (bleu) vers la droite (rouge).
Crédit : Einasto J. et al. (2003) A&A 405, 425
Distribution des superamas de galaxies dans le SDSS
Einasto2.jpg
Distribution des superamas de galaxies dans le Sloan Digital Sky Survey. La barre en-dessous de la figure a la même signification que pour la figure précédente.
Crédit : Einasto J. et al. (2003) A&A 405, 425

Recherche de filaments de galaxies

Bien qu'on ait détecté quelques filaments de galaxies à grande échelle, ces recherches de filaments, par exemple entre deux amas, sont difficiles en raison de la contamination des images par les nombreuses galaxies d'arrière-plan.

En pratique, pour avoir la certitude d'avoir détecté un filament de galaxies entre deux amas, il faut avoir mesuré plusieurs centaines de décalages spectraux dans cette région, ce qui n'est pas facile (l'un des problèmes, et non des moindres, étant de convaincre le comité d'attribution du temps de télescope d'accorder du temps pour des observations dont on n'est pas sûr qu'elles donneront un résultat !).

Distribution des galaxies de part et d'autre de l'amas Abell 496
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Distribution des galaxies dans un intervalle de décalage spectral centré sur celui d'Abell 496 (0.033), obtenue à partir du catalogue de redshifts du relevé 6dF. La position de l'amas est indiquée en rouge. Un filament de galaxies est visible. Les chiffres en noir indiquent les décalages spectraux des groupes et amas déjà répertoriés dans cette région : ils sont tous proches de 0.033.
Crédit : Boué G. et al. (2008) A&A 479, 335
Filament de galaxies entre les amas Abell 1763 et Abell 1770
A1763_filaments.jpg
Filament de galaxies entre les amas Abell 1763 (cercle de droite) et Abell 1770 (cercle de gauche). Tous les décalages spectraux des galaxies sont confirmés spectroscopiquement.
Crédit : Fadda, Biviano, Marleau, Storrie-Lombardi & Durret 2007, ApJ 672, L9

Dans la mesure où le gaz cohabite généralement avec les galaxies, on pourrait penser que ces filaments contiendraient du gaz. Comme c'est le cas dans les groupes et amas de galaxies, ce gaz pourrait avoir été chauffé par l'effondrement gravitationnel lors de la formation des grandes structures de l'Univers. Dans ce cas, il serait très chaud et susceptible d'émettre en rayons X (voir Les Groupes et Amas de Galaxies plus loin). Cependant, un très petit nombre de filaments a actuellement été détecté en rayons X, du fait de la faiblesse du signal.


Comparaison avec les résultats de simulations numériques

Les simulations numériques ont connu un grand essor depuis une vingtaine d'années, en raison de l'augmentation rapide de la puissance de calcul des ordinateurs.

Les simulations numériques comme celle de formation de structures à partir de particules de matière noire froide montrée dans la figure ci-contre comprennent maintenant des millions, voire dans certains cas des milliards, de particules. Il s'agit dans ce cas de simulations numériques à N-corps.

Elles permettent de voir qu'à partir d'un ensemble de particules interagissant uniquement par la gravitation on aboutit à une structure très voisine de celle observée pour la distribution à grande échelle des galaxies : la matière est regroupée le long de filaments et sur des feuillets à deux dimensions, avec de grandes régions vides, et des zones plus denses à l'intersection des filaments.

Résultat d'une simulation numérique de formation des grandes structures de l'univers
Colombi.jpg
Résultat de la simulation numérique de formation de structures dans l'Univers dans le cadre d'un Univers de matière noire froide. Le cube fait 500 millions d'années-lumière de côté et inclut 16 millions de particules.
Crédit : S. Colombi et le groupe INC de l'IAP.

Conclusion

conclusionConclusion

La répartition des galaxies dans l'Univers n'est pas uniforme. Les galaxies constituent une structure en éponge, avec des feuillets et des régions vides, et sont préférentiellement distribuées selon des filaments. A l'intersection de ces filaments se situent les amas de galaxies.

On note le bon accord entre les simulations numériques et la distribution des galaxies à grande échelle, qui permet de penser que les hypothèses sur lesquelles sont basées les simulations numériques (Big Bang, matière noire froide) sont suffisamment réalistes.


Les groupes et amas de galaxies

Auteur: Florence Durret

Introduction

Comme il a été dit ci-dessus, les amas de galaxies sont les plus grandes structures identifiables dans l'Univers. Les groupes de galaxies ont les mêmes propriétés que les amas, mais sont moins massifs, et contiennent du gaz un peu moins chaud et en quantité moindre. Nous allons décrire dans ce chapitre leurs principales propriétés.


Définition des groupes et amas de galaxies en lumière visible

Les galaxies sont rarement isolées, mais ont tendance à se regrouper pour former des groupes (quelques dizaines de galaxies) ou des amas (quelques centaines, voire plusieurs milliers de galaxies). Les amas de galaxies sont les plus grandes structures de l'Univers liées par la gravité. Il existe aussi des superamas, regroupements de plusieurs amas, mais leur existence physique réelle est plus difficile à mettre en évidence de manière totalement certaine.

C'est en lumière visible que les amas ont tout d'abord été découverts, comme de simples concentrations de galaxies sur des plaques photographiques. L'astronome suisse Fritz Zwicky a été le pionnier de cette recherche dans les années 1930, suivi par l'astronome américain George Abell dans les années 1960.

Abell a constitué le premier grand catalogue d'amas de galaxies. Cependant, les objets qu'il a recensés ne sont pas tous des amas, dans la mesure où il y a parfois superposition de galaxies à des distances différentes mais situées sur des lignes de visée très proches. La spectroscopie des galaxies a donc été nécessaire pour pouvoir déterminer quelles galaxies appartiennent vraiment à l'amas, et lesquelles sont situées en avant-plan ou en arrière-plan.


L'amas Coma à plusieurs longueurs d'onde

L'existence des amas a été mise en évidence avec davantage de certitude par l'observation de gaz très chaud émettant en rayons X et distribué dans tout l'amas.

L'amas Coma
images-collees/Coma.jpg
L'amas de galaxies Coma à plusieurs longueurs d'onde. En lumière visible (à gauche), on voit les deux galaxies principales, NGC 4874 et NGC 4889, et une multitude d'autres galaxies. En rayons X (à droite), image obtenue avec le satellite Chandra ; les deux points lumineux correspondent aux deux galaxies les plus brillantes. Au milieu, on voit image en rayons X à beaucoup plus grande échelle prise avec le satellite XMM-Newton. Les images en rayons X sont codées en fausses couleurs de manière à faire ressortir les détails que l'on cherche à mettre en évidence.
Crédit : C. Adami (image optique); Neumann D.M. et al. (2003) A&A 400, 811 (image XMM-Newton); Vikhlinin A. et al. (2003) ApJ 555, L87 (image Chandra)

L'aspect d'un amas est évidemment très différent en optique et en rayons X, puisqu'en optique on voit les galaxies individuellement alors qu'en rayons X on voit bien sur la figure une tache diffuse, comportant ou non des sous-structures.


La distribution des galaxies dans les amas

Dans les amas, on constate que tous les types de galaxies ne sont pas distribués de la même manière : c'est ce que l'on appelle la ségrégation morphologique. Les galaxies elliptiques sont plutôt concentrées dans les zones centrales, tandis que les spirales sont plus abondantes dans les zones périphériques.

Ces propriétés peuvent se comprendre d'une manière assez simple. Nous avons vu que les galaxies elliptiques étaient très probablement formées par la fusion de galaxies spirales. Dans les régions centrales des amas où la densité en galaxies est plus grande, la probabilité de fusion est aussi plus élevée, ce qui explique que l'on observe davantage d'elliptiques.

Au contraire, dans les zones extérieures on pense qu'il y a encore accrétion de galaxies de champ qui "tombent" sur l'amas. Dans ce cas, il s'agit majoritairement de galaxies spirales ; de plus, lorsqu'elles entrent dans l'amas leur gaz peut être comprimé, ce qui peut avoir pour effet d'augmenter leur taux de formation d'étoiles, ce qui est effectivement observé dans nombre de cas.


Les fonctions de luminosité des galaxies dans les amas

Les fonctions de luminosité (FDL) des galaxies sont définies comme le nombre de galaxies observé dans un amas par intervalle de magnitude.

Elles nous renseignent sur les abondances relatives des galaxies faibles et brillantes, et sont généralement modélisées par une fonction de Schechter (Schechter 1976, ApJ 203, 297), dont les paramètres sont la magnitude absolue (ou, si l'on préfère, la luminosité) au point d'inflexion M* et la pente α pour les objets faibles (avec une constante multiplicative de normalisation K).

La fonction de Schechter exprimée en fonction de la magnitude absolue M des galaxies est de la forme suivante:

FDL(M)=K\ 10^{0.4(\alpha -1)(M^*_V - M_V) }\ exp[-10^{0.4(M^*_V - M_V)}]

Fonction de luminosité de l'amas Abell 222
A222_GLF.jpg
Fonction de luminosité de l'amas Abell 222. Le nombre de galaxies de l'amas estimé dans la bande photométrique r (rouge) est tracé (échelle logarithmique) en fonction de la magnitude absolue dans la bande r. Deux ajustements par des fonctions de Schechter légèrement différentes (correspondant en fait à deux soustractions des galaxies d'arrière-plan différentes) sont montrés en bleu et en rouge.
Crédit : F. Durret

Les fonctions de luminosité des galaxies d'amas ne sont pas faciles à déterminer, car il faut être sûr de n'inclure que les galaxies appartenant à l'amas, à l'exclusion des galaxies d'avant-plan ou d'arrière-plan.

Pour cela, diverses méthodes sont possibles, par exemple la soustraction statistique de comptages de galaxies faits dans des grands relevés de galaxies (si possible avec le même filtre). Bien sûr, la meilleure méthode serait d'avoir une mesure du décalage spectroscopique de chaque galaxie, mais cette méthode exige beaucoup de temps de télescope, et ne permet d'observer que les galaxies relativement brillantes, les autres étant très difficilement observables en spectroscopie.

A défaut de données spectroscopiques, il est possible d'effectuer plusieurs estimations des comptages de galaxies d'arrière-plan, par exemple en comptant les galaxies dans une région de l'image non couverte par l'amas, ou bien en utilisant des comptages de galaxies publiés dans des résultats de grands relevés. La figure ci-contre montre les ajustements par des fonctions de Schechter, correspondant à deux soustractions des galaxies d'arrière-plan différentes On voit que dans ce cas les ajustements sont très voisins.

Il semble que la fonction de luminosité des galaxies soit plus plate dans les régions centrales des amas et plus "pentue" dans les zones externes, autrement dit qu'il y ait davantage de galaxies naines dans les zones externes que dans les zones internes.

L'explication la plus simple est qu'au centre des amas les galaxies naines sont accrétées par les grosses galaxies, tandis que dans les zones externes ces petites galaxies restent en nombre important, parce qu'elles ont une probabilité beaucoup plus faible de rencontrer et être accrétées par une grosse galaxie.


Les propriétés des galaxies dans les amas

Les galaxies situées dans les amas sont influencées par le milieu qui les entoure.

Par exemple, on a pu constater que leur contenu en hydrogène neutre ou gaz HI était parfois sous-abondant, ce qui peut être interprété comme dû à la pression exercée par le gaz inter-amas qui arrache aux galaxies leur gaz. La première mise en évidence de cette déficience en HI dans un amas a été faite pour l'amas de la Vierge par Cayatte et al. (1990), comme le montre la figure ci-contre.

Déficience HI dans les galaxies de l'amas de la Vierge
Virgo_HI.gif
Carte représentant l'observation des galaxies spirales de l'amas de la Vierge dans la raie de l'hydrogène neutre à 21 cm. Les galaxies près du centre de l'amas sont très appauvries en HI, alors que les galaxies plus loin du centre présentent des disques HI normaux.
Crédit : Cayatte V., van Gorkom J.H., Balkowski C., Kotanyi C. 1990, AJ 100, 604

Les fusions et interactions successives peuvent également arracher du gaz aux galaxies. Leur réserve en gaz étant appauvrie, leur taux de formation d'étoiles va alors diminuer.


La relation couleur-magnitude

Les galaxies d'amas se placent sur une séquence dans un diagramme couleur-magnitude (la couleur étant définie comme la différence entre les magnitudes mesurées dans deux filtres différents), ce qui est un moyen de sélectionner les galaxies ayant une forte probabilité d'appartenir à l'amas même si l'on ne connaît pas leur décalage spectral.

Pour les amas proches, on procède comme pour Abell 496 et on élimine toutes les galaxies situées nettement au-dessus de la séquence de l'amas dans le diagramme couleur-magnitude. Si l'on peut en plus disposer de nombreuses mesures de décalages spectraux, comme c'est le cas pour le célèbre amas Coma, la confiance que l'on peut accorder à cette méthode est encore plus grande.

Pour les amas plus lointains, la contamination par des galaxies d'avant-plan, donc plus bleues que celles de l'amas, devient importante. On choisit alors de sélectionner les galaxies membres de l'amas autour de la séquence elle-même. C'est le cas pour l'amas Abell 222.

Relation couleur-magnitude pour les galaxies d'Abell 496
A496_CMR.jpg
Relation couleur-magnitude pour les galaxies dans la direction de l'amas Abell 496. La séquence des galaxies de l'amas est visible jusque vers i' =20. La ligne rouge sépare les galaxies susceptibles d'appartenir à l'amas (sous cette ligne) et celles qui sont plus rouges et donc vraisemblablement plus lointaines (au-dessus de cette ligne).
Crédit : Boué G. et al. (2008) A&A 479, 335
La relation couleur-magnitude pour les galaxies de Coma
Coma_CMR.jpg
Relation couleur-magnitude pour les galaxies de Coma. Les points noirs sont déduits d'observations en imagerie. Les points rouges sont les galaxies dont l'appartenance à Coma a été confirmée par des données spectroscopiques. Il s'agit ici de galaxies faibles, donc de galaxies naines (du moins pour toutes celles qui sont dans Coma).
Crédit : Adami C. et al. (2006) A&A 459, 659
La relation couleur-magnitude des galaxies dans Abell 222
A222_redseq.jpg
Relation couleur-magnitude dans la direction de l'amas Abell 222. Chaque croix correspond à une galaxie détectée en imagerie. Les points verts correspondent aux galaxies ayant un décalage spectral mesuré et correspondant à celui de l'amas. Les traits verticaux correspondent aux limites inférieure et supérieure de magnitude r' (dans le rouge) où la relation couleur-magnitude a été calculée ; celle-ci est représentée par la longue droite en tirets. Les deux droites parallèles a cette droite délimitent la séquence à l'intérieur de laquelle on pourra considérer que les galaxies font partie de l'amas.
Crédit : F. Durret

Ces trois figures montrent comment il est possible de sélectionner les galaxies ayant une forte probabilité d'appartenir à un amas sans mesurer leur décalage spectral (beaucoup plus coûteux en temps de télescope). La méthode n'est pas parfaite, mais donne d'assez bons résultats.


Les amas sont des lentilles gravitationnelles : observations

Au début du XXème siècle, Einstein avait prédit qu'une forte concentration de masse pouvait courber les rayons lumineux passant à proximité et amplifier la source lumineuse d'arrière-plan.

Vers le milieu des années 1980, un groupe d'astronomes de l'observatoire Midi-Pyrénées regroupé autour de Bernard Fort découvrit un arc lumineux géant dans une image de l'amas Abell 370, qui est à un décalage spectral de 0.375. Il s'agissait de la première mise en évidence du phénomène de lentille gravitationnelle dans un amas de galaxies.

Abell 370
A370.jpg
Premier arc géant découvert par des astronomes de l'Observatoire de Toulouse sur une image de l'amas Abell 370.
Crédit : Soucail G. et al. (1987) A&A 172, L14

Un spectre de l'arc révéla ensuite qu'il s'agissait d'une galaxie à un décalage spectral 0.725, déformée et amplifiée par l'effet de lentille gravitationnelle de l'amas.

Depuis vingt ans, de nombreux autres arcs géants ont été découverts dans des images d'amas, l'un des plus beaux exemples étant Abell 2218.

Abell 2218
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L'amas Abell 2218 observé par le télescope spatial Hubble, où l'on voit une multitude d'arcs gravitationnels.
Crédit : Couch W. & Ellis R. (1995) Science 268, 199

Les lentilles gravitationnelles : théorie

Schéma expliquant l'effet de lentille gravitationnelle
lensing_principe.jpg
Schéma montrant de principe de l'optique gravitationnelle. Ici, la lumière d'une galaxie lointaine (à droite du schéma) est défléchie et amplifiée par un amas de galaxies. Si l'observateur (indiqué par un oeil), l'amas et la galaxie sont parfaitement alignés, l'image de la galaxie lointaine va apparaître (en projection sur le plan du ciel) sous forme d'un nombre impair d'arcs centrés sur la position du centre de l'amas. Si l'alignement n'est pas parfait, on ne verra plus d'arcs de cercle mais de petits arcs en divers points de l'image. Enfin si l'alignement est encore moins bon, il se produira des déformations dans l'image, trop faibles pour être détectées individuellement, mais détectables statistiquement. Les angles sont fortement grossis, pour que la figure soit lisible.
Crédit : Y. Mellier

Le principe de l'effet de lentille gravitationnelle appliqué aux amas de galaxies montre l'existence de trois régimes. Si l'observateur, l'amas et une galaxie lointaine sont parfaitement alignés, la galaxie lointaine apparaîtra sous l'aspect d'un nombre impair de grands arcs : c'est l'effet de lentille gravitationnelle fort.

Si l'alignement n'est pas parfait, on observera seulement de petits arcs disséminés sur l'image (en anglais, des "arclets").

Enfin, si l'alignement est encore moins bon, il se produira alors de simples déformations des galaxies d'avant-plan, indétectables pour chaque galaxie individuellement, mais détectables statistiquement sur un grand nombre de galaxies.


La masse des amas déduite de l'effet de lentille gravitationnelle

L'observation des positions et magnitudes de nombreux arcs sur l'image d'un amas (et si possible aussi l'obtention de spectres) permet de modéliser la distribution de masse dans l'amas. Par intégration, on a ainsi accès à la masse totale de l'amas, où l'on entend par masse totale la somme des masses des galaxies, du gaz émetteur X et de la matière noire.

D'autre part, l'amplification des galaxies d'arrière plan peut permettre d'observer des galaxies très lointaines, et donc très faibles, qui pourraient ne pas être observables sans amplification.


Observer les amas en rayons X

Comme les rayons X ne traversent pas l'atmosphère terrestre, il a fallu attendre les observations par satellite pour observer le ciel dans ce domaine de longueur d'onde à la fin des années 1960. Les amas de galaxies ont alors été détectés, à commencer par l'amas Coma, qui est riche, massif, et donc brillant en X.

Depuis lors plusieurs générations de télescopes X de plus en plus performants se sont succédé, avec à chaque nouvelle génération un progrès considérable dans les performances de l'instrument.

Les trois caractéristiques principales que l'on cherche sans cesse à améliorer sont : la sensibilité (ou la surface collectrice), la résolution spatiale et la résolution en énergie (terme utilisé en rayons X à la place du terme de résolution spectrale employé dans d'autres domaines de longueur d'onde). Comme il n'est pas possible d'optimiser ces trois propriétés à la fois, des choix technologiques doivent être faits pour privilégier l'une de ces caractéristiques par rapport aux deux autres.

Depuis dix ans, trois satellites observent le ciel en rayons X, avec des propriétés très complémentaires. En effet, le satellite européen XMM-Newton a une grande surface collectrice qui lui permet d'observer des objets faibles ; en revanche sa résolution spatiale est au mieux de 5 secondes d'arc et sa résolution en énergie est moyenne (sauf pour le spectrographe RGS à haute résolution, mais qui n'a pas de résolution spatiale). Le satellite américain Chandra (ainsi nommé en hommage au grand astrophysicien indien Chandrasekhar), lui, possède au contraire une excellente résolution spatiale de l'ordre de 1 seconde d'arc ; par contre il ne couvre qu'un champ assez petit, et sa sensibilité et sa résolution en énergie sont moyennes. Enfin le satellite japonais Suzaku privilégie une excellente résolution en énergie au détriment de la résolution spatiale, inexistante.


Propriétés physiques du gaz émetteur X

L'émission X du gaz présent dans les amas de galaxies est interprétée comme l'émission thermique d'un gaz très chaud et très peu dense.

Le gaz des amas est majoritairement constitué d'hydrogène. Du fait de la haute température de ce gaz, les atomes d'hydrogène vont être ionisés en protons et électrons. Lorsqu'un électron passe au voisinage d'un proton il va subir une force électrique qui va le ralentir, et l'énergie perdue va alors se transformer en un photon X. C'est ce que l'on appelle le rayonnement de freinage ("bremsstrahlung" en Allemand).

La quantité d'énergie rayonnée en X (ou émissivité) due à ce mécanisme à la fréquence ν est de la forme :

\epsilon(n,T) \propto n^2\ T^{-1/2}\ exp\ (-\frac{h\nu}{kT})

où n est la densité électronique du gaz et T sa température.

Le gaz émetteur X a une température très élevée : quelques dizaines à quelques centaines de millions de degrés. En revanche, sa densité est très faible, de l'ordre de 10-2 particules cm-3. Si l'on compare cette densité à celle de l'atmosphère terrestre au niveau de la mer, on trouve qu'elle est environ 1017 fois plus faible! Du fait que la densité du gaz décroît radialement à partir du centre des amas, l'émissivité en X décroît donc fortement du centre vers la périphérie des amas. En revanche, la dépendance de l'émissivité avec la température est relativement faible, et on a longtemps considéré les amas comme isothermes (c'est à dire ayant la même température partout). On sait maintenant qu'il n'en est rien, et que la température peut varier d'un facteur 2 ou 3 à l'intérieur d'un même amas.

exerciceTempérature du gaz dans les amas

Difficulté : ☆☆   Temps : 5 minutes

On exprime généralement la température du gaz émetteur X dans les amas en keV (kilo-électronVolts).

Question 1)

Si le gaz d'un amas est à 5 keV, calculer sa température en Kelvins.


Quelques images d'amas en rayons X

La morphologie des amas en rayons X est très variée.

Certains semblent homogènes et sans sous-structures spatiales, mais peuvent quand même dans certains cas présenter des "bord" plus nets dans certaines directions, ce qui est le cas de Abell 2142.

D'autres présentent au contraire des morphologies très compliquées, avec deux ou plusieurs sous-structures. On observe dans certains cas des "trous d'émission" ou des filaments dans les zones internes, qui peuvent être dus à la présence d'une galaxie à noyau actif au centre de l'amas (Amas du Centaure, Amas Persée).

Abell 2142
A2142.jpg
L'amas Abell 2142 (décalage spectral 0.09) vu par le satellite Chandra.
Crédit : Markevitch M. et al. (2000) ApJ 541, 542
Amas du Centaure
Centaurus_cluster.jpg
Région centrale de l'amas du Centaure en rayons X (décalage spectral 0.011) observé par le satellite Chandra. On voit une partie centrale très brillante, entourée d'un système complexe de filaments et de "bulles" d'où le gaz semble avoir été soufflé.
Crédit : Fabian A.C. et al. (2005) MNRAS 360, L20
L'amas Persée
Perseus.jpg
Région centrale de l'amas Persée (décalage spectral 0.018) observé par Chandra en rayons X. On voit clairement un système de filaments et de "bulles" quasiment vides d'où le gaz semble, là aussi, avoir été soufflé.
Crédit : Fabian A.C. et al. (2000) MNRAS 318, 65

Les fusions d'amas

Tout comme l'on observe parfois des fusions de galaxies, on a découvert qu'il existait également, à beaucoup plus grande échelle, des fusions d'amas. Là aussi, les échelles de temps (de l'ordre de plusieurs milliards d'années) sont beaucoup trop longues pour pouvoir observer ces fusions en temps réel. On a donc recours à des simulations numériques pour rendre compte des propriétés des amas en fusion.

Abell 754
A754.jpg
L'amas Abell 754 est clairement constitué de deux amas en train de fusionner. En fausses couleurs, on peut voir la carte de densité de la distribution de galaxies. Les contours en blanc correspondent aux courbes d'égale émission en rayons X. Le fait que l'émission X la plus intense soit fortement décalée par rapport à une position située entre les amas suggère fortement que la fusion n'a pas lieu dans le plan du ciel (c'est à dire perpendiculairement à la ligne de visée).
Crédit : Zabludoff & Zaritsky (1995) ApJ 447, L21

Lorsqu'il y a fusion de deux amas, le gaz situé entre les deux amas est généralement comprimé. Comme l'émission X est proportionnelle à la densité du gaz au carré, elle va donc fortement augmenter dans cette région. Le gaz peut aussi être chauffé par les ondes de choc créées par la fusion de deux amas. C'est ce que l'on observe dans la zone située entre les deux amas qui forment Abell 754.


Les spectres d'amas en rayons X

Les spectres d'amas en rayons X présentent un rayonnement continu dû au rayonnement de freinage des électrons dont nous avons déjà parlé, ainsi que des raies d'émission dues à des éléments chimiques fortement ionisés présents dans le gaz.

Spectre en rayons X de l'amas Abell 85
A85_spectre.jpg
Spectre de la région centrale de l'amas Abell 85 obtenu avec le satellite XMM-Newton. La flèche rose indique la position de la raie du fer vers 6.7 keV.
Crédit : Durret et al. (2005) A&A 432, 809

La raie d'émission la plus intense est celle du fer vers 6.7 keV. Les spectres X nous permettent d'estimer la température et la métallicité (abondance en éléments autres que l'hydrogène et l'hélium) du gaz. Ces éléments ont été créés dans les étoiles contenues dans les galaxies qui constituent l'amas, puis rejetés dans le milieu intergalactique, par exemple lors de l'explosion des étoiles les plus massives en supernovae.

Avec un satellite comme XMM-Newton, il est maintenant possible d'obtenir des spectres en diverses régions des amas, et donc de calculer des profils (variation en fonction du rayon dans des couronnes concentriques), et même des cartes de température et de métallicité des amas. Par métallicité, les astronomes entendent l'abondance de tous les éléments plus lourds que l'hydrogène et l'hélium (qu'ils soient ou non des "métaux" au sens usuel de la chimie).


Raie du fer dans le spectre d'Abell 85

exerciceRaie du fer émise par le gaz chaud dans les amas

Difficulté :    Temps : 2 minutes

Question 1)

Sachant que la raie la plus intense observée dans le spectre d'un amas de galaxies est celle du fer à 6.7 keV, calculer à quelle énergie cette raie sera détectée dans le spectre d'un amas à décalage spectral z=0.1.


Les profils de température du gaz X

Profil de température de l'amas Abell 85
A85_profilkT.jpg
Profil de température du gaz émetteur X de l'amas Abell 85 déduit d'observations faites avec les satellites XMM-Newton (cercles pleins), Chandra (cercles vides) et BeppoSax (carrés vides).
Crédit : Durret et al. (2005) A&A 432, 809

Il n'est possible de tracer de vraies cartes de température du gaz émetteur X que depuis l'avènement du satellite XMM-Newton il y a dix ans. Cependant, on a pu bien plus tôt tracer les profils de température du gaz dans les amas, en sommant tous les photons X dans des couronnes concentriques, et en déterminant une température moyenne dans chaque couronne. L'exemple d'un tel profil est donné dans la figure ci-contre.

On a ainsi pu estimer la température au centre des amas, et on a trouvé qu'elle était généralement plus froide. L'explication qui a longtemps prévalu était celle proposée par A. Fabian : le fait que le gaz émette des rayons X se traduisait par une perte d'énergie pour le gaz. L'émission X variant comme la densité du gaz X au carré, le gaz dans les régions centrales de l'amas était assez dense pour que le temps de refroidissement du gaz dû à l'énergie rayonnée en X soit inférieur à l'âge de l'Univers. Dans ce cas, il était normal que le gaz soit plus froid au centre.

A. Fabian a ensuite développé une théorie dite "théorie du courant de refroidissement". Dans ce cadre, la température, et donc la pression du gaz étant plus faibles au centre, il devait s'ensuivre une chute de gaz des régions externes vers le centre ; ce phénomène était connu sous le nom de "courant de refroidissement" et la masse déposée au centre des amas pouvait atteindre des valeurs de l'ordre de plusieurs centaines de masses solaires par an.

Les observations avec le spectrographe RGS du satellite XMM-Newton ont montré que de si grandes masses de gaz plus froid n'étaient pas observées : elles auraient en effet produit l'émission de raies intenses autour de 1 keV, et ces raies n'étaient pas observées par le RGS. La théorie du courant de refroidissement a donc dû être abandonnée, du moins dans sa formulation initiale.

On pense maintenant qu'un phénomène physique vient réchauffer le centre des amas, et ainsi s'opposer au refroidissement par émission de photons X. L'hypothèse la plus probable est celle d'un chauffage par le rayonnement dû au noyau actif de la galaxie centrale géante située au centre de la plupart des amas.

Ce raisonnement et les calculs de la masse de gaz et de la masse totale de l'amas ne peuvent en toute rigueur s'appliquer qu'à des amas présentant une symétrie sphérique ou elliptique.


Les cartes de température du gaz X

Cartes de température pour quatre amas
cartes_kT.jpg
Cartes de température pour quatre amas. Les zones en bleu sont les plus froides et celles en rouge les plus chaudes. Une échelle de température est montrée à droite de chaque image. On voit que tous ces amas ont une structure fortement perturbée, en particulier Abell 3376, qui est certainement le siège d'une ou plusieurs fusions d'amas, et Abell 85 qui va être discuté plus en détail..
Crédit : Durret F. & Lima Neto G.B. (2008) Advances in Space Research 42, 578

La figure présente les cartes de température du gaz X obtenues pour quatre amas très différents à partir de données obtenues par le satellite XMM-Newton. On peut remarquer qu'aucune carte de température n'est parfaitement symétrique. Même celle d'Abell 496, pourtant considéré habituellement comme un amas sans aucun signe de sous-structures ou de fusions, présente non seulement une zone plus froide au centre, ce qui est normal, mais aussi des régions plus chaudes au sud.

On remarque que la carte de température d'Abell 85 ressemble beaucoup à celle résultant d'une simulation numérique de la fusion de deux amas de masse inégale (voir figures). Cette simulation n'a pourtant pas été réalisée pour rendre compte des observations d'Abell 85.

Carte de température du gaz X de l'amas Abell 85
carte_kT_A85.jpg
Carte de température calculée pour l'amas Abell 85 à partir de données obtenues par le satellite XMM-Newton. Sa ressemblance avec le résultat d'une simulation numérique présenté ci-après laisse à penser que l'amas Abell 85 a subi une fusion avec un petit amas venant du coin supérieur droit (flèche verte), comme c'est le cas dans la simulation.
Crédit : Durret et al. (2005) A&A 432, 809
Simulation numérique
simamas-bourdin.jpg
Simulation numérique de la carte de température résultant de la fusion d'un petit amas tombant sur un amas plus gros à partir du coin supérieur droit.
Crédit : Bourdin et al. (2004) A&A 429, 443

La comparaison de la carte de température d'Abell 85 avec celle issue des simulations numériques montre de fortes similitudes et permet de penser qu'un petit amas a été accrété par Abell 85 depuis suffisamment longtemps (2 à 4 milliards d'années) pour que l'amas ait eu le temps de s'homogénéiser sans que la carte de température du gaz ait, elle, eu le temps de le faire.

Les simulations numériques sont donc très précieuses pour tenter de comprendre l'histoire de formation d'un amas en remontant aux diverses fusions qu'il a pu subir.


La masse des amas déduite des rayons X

A partir du profil de densité et de température du gaz X, on peut calculer la masse totale de gaz en fonction du rayon, et par intégration la masse totale du gaz X.

Si l'on suppose que le gaz X est en équilibre hydrostatique dans le puits de potentiel de l'amas, on peut alors calculer la masse totale de l'amas en fonction du rayon, puis par intégration la masse totale de l'amas.

On constate que le gaz représente environ 15% de la masse totale, et les galaxies quelques %. Le reste de la masse des amas est constitué de matière noire, que l'on ne détecte pas directement, mais dont on déduit l'existence par ses effets gravitationnels.

Il est intéressant de constater que pour les amas sans sous-structure, où la condition d'équilibre hydrostatique a des chances d'être vérifiée, la masse totale de l'amas ainsi calculée est en accord avec celle déduite du phénomène de lentille gravitationnelle.

En revanche, il est clair que cette méthode (la seule dont nous disposions hélas!) ne peut pas être appliquée aux amas en fusion, comme par exemple Abell 3376 (voir page précédente).


Les groupes de galaxies

Les groupes de galaxies sont connus depuis longtemps, puisque notre Voie Lactée elle-même est membre d'un groupe, appelé Groupe Local. Cependant, leur détection en rayons X n'a été possible que dans les années 1990 avec le satellite ROSAT.

Les propriétés des galaxies appartenant à des groupes ne diffèrent pas beaucoup de celles des galaxies de champ. En revanche, on ne détecte de gaz chaud émetteur en rayons X que dans les groupes suffisamment massifs pour avoir été capables de retenir du gaz dans leur puits de potentiel. Dans ce cas, le gaz émet en rayons X comme le gaz des amas, mais il est nettement moins chaud (température inférieure à 1 keV).

Il n'est pas toujours facile de savoir si l'émission X des groupes provient d'un énorme nuage de gaz chaud, ou de la superposition des émissions X individuelles de galaxies constituant le groupe, ce qui rend d'autant plus difficile l'étude des groupes en rayons X.

Le groupe de galaxies HCG 16
Ponman96_fig2.jpg
Image du groupe de galaxies HCG 16, à laquelle sont superposés des contours d'égale intensité d'émission X.
Crédit : Ponman T.J. et al. 1996, MNRAS 283, 690

Conclusion

conclusionConclusion

Les amas de galaxies sont les plus grandes structures de l'Univers liées par la gravité. Outre le fait qu'il s'agit pour diverses raisons d'objets intéressants à étudier en soi, les amas ont également un intérêt cosmologique.

En effet, les comptages d'amas, en particulier à grand décalage spectral, permettent de placer certaines contraintes sur les paramètres cosmologiques qui décrivent les propriétés à très grande échelle de l'Univers. Ces contraintes, couplées avec d'autres (supernovae Ia, oscillations baryoniques acoustiques, fond diffus cosmologique) permettent maintenant de déterminer avec précision un certain nombre de paramètres cosmologiques, comme par exemple les paramètres Omega et w présentés dans la figure ci-contre.

Paramètres cosmologiques
cosmo_constraints_Vikhlinin09.jpg
Contraintes sur deux paramètres cosmologiques (ΩX caractérisant la matière noire et w0 caractérisant l'énergie noire) obtenues par différentes méthodes totalement indépendantes. L'ellipse en rouge correspond aux contraintes déduites des amas de galaxies.
Crédit : Vikhlinin A. et al. (2009) ApJ 692, 1060

Réponses aux exercices

pages_galaxies/exo-andromede.html

Exercice 'Distance d'Andromède'


pages_galaxies/exercice-classification.html

Exercice 'Classification des galaxies'


pages_galaxies/exercice-parallaxe.html

Exercice 'Distance d'une étoile d'après sa parallaxe'


pages_galaxies/exo-magabs.html

Exercice 'Magnitude absolue'


pages_galaxies/exercice-cepheides.html

Exercice 'Calibration de la relation période-luminosité des Céphéides'


pages_galaxies/exercice-redshift.html

Exercice 'Calcul du décalage spectral et de la distance d'une galaxie proche'


pages_galaxies/exercice-contenu-galaxies1.html

Exercice 'Les galaxies à diverses longueurs d'onde'


pages_galaxies/exo-contenu-galaxies2.html

Exercice 'Observation du gaz dans la galaxie NGC 3516'


pages_galaxies/exo-chp-vitesses.html

Exercice 'Détermination des axes cinématiques d'une galaxie'


pages_galaxies/exo-cbs-rotation.html

Exercice 'Courbes de rotation des galaxies'


pages_galaxies/exo-interactions.html

Exercice 'Origine de la galaxie dite "roue de la charrette"'


pages_galaxies/exo-variabilite.html

Exercice 'Exercice sur la variabilité des noyaux actifs'


pages_galaxies/exo-modele.html

Exercice 'Modèle privilégié'


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Exercice 'Evolution des galaxies'


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Exercice 'Distribution des galaxies'


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Exercice 'Température du gaz dans les amas '


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Exercice 'Raie du fer émise par le gaz chaud dans les amas'