Nous venons de voir que la description de la lumière a évolué au cours du temps : tantôt une onde, tantôt un corpuscule, tantôt les deux à la fois. Néanmoins, pour nombre de phénomènes que nous étudierons dans la suite de ce cours, la connaissance de la nature de la lumière n'est pas nécessaire. Afin de satisfaire la curiosité du lecteur, je vais toutefois présenter quelques propriétés de la lumière.
Les trois pages qui suivent sont inspirées du cours du professeur Tadashi Tokieda à l'Ecole de Cargese "Transit, eclipses, occultations et phénomènes rasants".
Dans une piscine, un farceur veut éclabousser son copain. Comment s'y prend-il ?
Une poussée directe projette de l'eau... mais pas assez loin. Le copain est toujours sec.
Par contre, s'il excite une onde, en agitant régulièrement les bras, le tour est joué !
Le train de vagues créé est une onde. Le farceur a communiqué de l'énergie à l'eau, en la mettant en mouvement de haut en bas, et celle-ci s'est propagée jusqu'au malheureux.
Tiens, c'est intéressant. Un enfant a oublié son canard en plastique dans la piscine. Notre victime pourra se consoler avec ce jouet, qui ira tout droit jusqu'à lui, porté par les vagues. Et bien... non. Dommage pour lui, mais si on observe le canard, certes il oscille de haut en bas, mais il n'avance pas dans la piscine.
C'est une propriété importante des ondes. Le transport d'énergie se fait sans transport de matière.
Une onde est un phénomène de propagation ordonnée d'énergie, sans transport de matière.
J'ai cité l'exemple des vagues à la surface de la piscine, mais il existe bien d'autres exemples d'ondes :
À noter que toutes les ondes précédemment mentionnées nécessitent un support pour se propager. L'espace étant vide, le son ne peut s'y propager. Les bruits d'explosions dans Star Wars ne sont donc que pure fiction.
De la même façon que dans l'air on peut créer une onde sonore en perturbant mécaniquement le milieu, on crée une onde électromagnétique en secouant une charge électrique (un électron par exemple) dans le vide. C'est une onde lumineuse.
Le dessin ici est trompeur, car l'onde est rayonnée dans toutes les directions. Dans la piscine, les vagues se propageaient tout autour de notre farceur, en faisant des ronds dans l'eau.
Notre charge crée de la même manière des ondes sphériques autour d'elle. À noter cependant que la puissance rayonnée dépendra de la direction dans ce cas particulier.
À l'inverse des ondes citées jusqu'à présent, l'onde électromagnétique n'a pas besoin de support pour se propager. Elle peut se déplacer dans le vide. C'est d'ailleurs comme ça qu'on peut voir les étoiles. Cela a dérouté les physiciens pendant de nombreuses années, et ils avaient introduit un support, de nature inconnue, appelé éther pour expliquer la propagation des ondes lumineuses. C'était un fluide qui emplissait tout l'espace. Or, comme la Terre se déplaçait dedans, il devait exister des vents d'éther, se traduisant par une vitesse de propagation de la lumière différente selon la direction d'où elle venait. Deux physiciens, Michelson et Morlay, ont alors mis au point un instrument très précis, un interféromètre, pour mesurer la vitesse de la lumière dans plusieurs directions. Ils n'ont jamais trouvé de différence. Michelson a alors considéré son expérience comme un échec, remettant en cause sa précision. L'explication était tout autre. L'éther n'existait pas, et la vitesse de la lumière constante, qu'elle que soit la direction. Le principe de relativité restreinte était né sous la plume d'Einstein.
Une onde électromagnétique se propage dans le vide toujours à la même vitesse.
soit presque 8 tours de la Terre en une seconde !
Vous avez dit toujours ? Oui, toujours ! dans le vide.
En 1676, à l'Observatoire de Paris, Olaus Römer, physicien danois, est le premier à émettre l'hypothèse du caractère fini de la vitesse de la lumière. Il explique ainsi les variations de la récurrence des éclipses du satellite jovien Io. Elles variaient en effet de plusieurs minutes par rapport aux éphémérides. De ses mesures, il déduit que la lumière se propage à (avec une erreur de l'ordre de 30 % par rapport à la valeur mesurée aujourd'hui).
En 1849, Fizeau mesure à son tour la vitesse de la lumière, à l'aide d'un dispositif constitué d'une roue dentée, située à Suresnes et d'un miroir situé à quelques kilomètres de là, à Montparnasse. La lumière passe entre deux dents à l'aller se réfléchit sur le miroir puis revient. L'exercice consiste alors à trouver la vitesse de la roue qui permet à la lumière réfléchie de passer entre les deux dents suivantes. La donnée de cette vitesse ainsi que de la distance de la roue au miroir donne la valeur de .
Foucault réalisera, un an après, une expérience proche, permettant de mesurer la vitesse dans différents milieux transparents, comme l'eau. Il en déduira que la lumière se propage moins vite dans l'eau que dans l'air, mettant un terme à la théorie corpusculaire, qui prédisait le résultat inverse.
En 1887, Michelson et Morlay prouvent que la lumière se propage à la même vitesse dans toutes les directions et que le mouvement de la Terre dans l'espace n'influence pas cette valeur. Mais c'est Albert Einstein qui trouvera l'interprétation correcte de cette expérience : la vitesse de la lumière est constante et égale à , et ce, dans n'importe quel référentiel.
En 2011, une équipe du CERN avait annoncé avoir enregistré des neutrinos (des particules neutres, très légères, et n'interagissant que très peu avec la matière) se déplaçant plus vite que la lumière. Cela rentrait en contradiction avec la théorie de la relativité restreinte, qui énonce qu'aucune particule, ne peut se déplacer plus vite que la lumière dans le vide. Après de nombreuses vérifications, un biais dans la mesure a été détecté. L'erreur de mesure était due à une mauvaise connexion d'une balise GPS.
En fonction de la position de la Terre (en A ou en B), il existe un décalage de 996 secondes dans les prédictions de l'heure de l'éclipse du satellite Io de Jupiter (en J).
Calculer la vitesse de la lumière.
Sautons à nouveau dans la piscine. Notre farceur crée une vague à chaque fois que ses bras font un mouvement de haut en bas puis de bas en haut. S'il agite doucement les bras, la durée entre deux vagues sera longue. Par contre, s'il les agite rapidement, cette durée se raccourcit.
Nous venons de mettre en évidence la période temporelle d'une onde (que l'on notera ). Dans le cas des vagues, elle est de l'ordre d'une seconde. Inversement, on voit passer une vague par seconde environ. Un peu plus si le temps entre deux vagues est plus court, un peu moins, s'il est plus long. C'est ce qu'on appelle la fréquence (notée ou ). Elle est définit comme l'inverse de la période temporelle.
Elle s'exprime en Hertz (Hz). .
On s'intéresse maintenant non plus au temps séparant deux vagues, mais à la distance entre deux sommets de vagues. Cette distance est appelée longueur d'onde, et souvent notée . Elle s'exprime en mètre.
Si notre farceur agite plus vite les bras, on sent bien qu'il y aura plus de vagues, et que la distance séparant deux d'entre elles sera plus courte. Il existe donc une relation entre la fréquence et la longueur d'onde.
On remarque donc que, à période fixée, si la vitesse augmente, la longueur d'onde augmente. Les vagues fuient plus vite et donc la distance entre elles grandit.
Le farceur peut agiter plus ou moins vite les bras. Il en est de même pour notre charge électrique. On peut la secouer très doucement, de l'ordre du Hertz. Elle créera alors une onde radio. Si on l'excite très vite, de l'ordre de un million de milliards de fois par seconde, c'est une onde lumineuse visible qui naîtra. Encore plus vite, et ce seront des rayons X et qui seront générés.
La fréquence des ondes lumineuses peut donc varier sur plusieurs ordres de grandeur, allant de la radio aux rayons en passant par le visible. Pourtant, ce sont tous la manifestation d'un même phénomène, la propagation d'une onde électromagnétique. Seule la fréquence varie.
Si ces ondes lumineuses ne sont pas toutes regroupées sous la même appellation, c'est en partie pour des raisons historiques (on ne savait pas encore que c'était la même chose), et en partie pour des raisons instrumentales, car les outils pour les détecter ne sont pas les mêmes. On utilise parfois des antennes, parfois des miroirs et des capteurs CCD, parfois des lames de silicium...
L'astronomie est un domaine très riche, où toutes ces fréquences sont intéressantes à étudier, car elles nous renseignent sur des phénomènes très variés et des objets très différents. Le tableau suivant présente les différents domaines de longueurs d'onde ainsi que les phénomènes les produisant.
Domaine spectral | Longueur d'onde (en m) | Fréquence (en Hz) | Instruments | Sources |
Ondes radio | Réseau décamétrique de Nançay | Nuages froids, aurores polaires. | ||
Ondes radio | Radiotélescope de Nançay | Hydrogène neutre (raie à )... | ||
Submillimétrique | Observatoire du plateau de Bures | Fond diffus cosmologique, objets/poussières froids... | ||
Infrarouge | VLT, CHARA, Keck, Spitzer | Étoiles, planètes, poussières... | ||
Visible | Hubble, HARPS, Soho... | Étoiles, Soleil, planètes, nébuleuses, trous noirs... | ||
Ultraviolet | Soho | Soleil, étoiles, trous noirs | ||
Rayons X | XMM, Chandra... | Étoiles binaires en interaction, trous noirs... | ||
Rayons γ | Fermi | Sursauts gamma, trous noirs |
Lorsque la lumière se propage dans un milieu (air, eau, verre...), elle interagit avec celui-ci. Ce dernier modifie les propriétés de la lumière. Il peut changer sa vitesse, lui prendre de l'énergie (plus rare, lui en donner).
Dans certains milieux, tel le verre, la vitesse est plus importante pour le rouge que pour le bleu. Ce phénomène est appelé dispersion. Il est utilisé, depuis Newton, dans les prismes, pour décomposer la lumière.
L'intensité lumineuse peut décroître dans les milieux. C'est le phénomène d'absorption (exemple : les lunettes de soleil). Elle peut également croître dans les milieux amplificateurs. Ces milieux sont utilisés dans les lasers.
Dans la suite, ce cours se limitera à l'étude des milieux homogènes transparents et isotropes (HTI).
Nous venons de le voir, dans un milieu HTI (MHTI), la lumière se propage moins vite que dans le vide. On définit l'indice du milieu comme étant le rapport de la vitesse de la lumière dans le vide sur sa vitesse dans le milieu.
La vitesse dans un milieu HTI étant toujours inférieure à celle dans le vide, est toujours supérieur à 1.
Les MHTI étant généralement dispersifs, l'indice dépend de la longueur d'onde.
Milieux | Indices |
Vide | 1 |
Air | 1,00029 |
Eau | 1,33 |
Verre crown | 1,52 |
Verre flint | 1,67 |
Le milieu est d'autant plus réfringent qu'augmente .
La physique nous dit que la lumière va à la vitesse partout, tout le temps. Or, on constate qu'elle va moins vite dans les MHTI. En fait, dans ce type de milieu, la lumière interagit avec les molécules composant celui-ci. Entre chaque molécule, les photons voyagent à . Mais en interagissant, ils sont absorbés puis réémis, ils changent plusieurs fois de directions... Vu de loin, tout se passe comme si la lumière allait moins vite.
Une molécule d'eau est composée d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène : . Parfois, l'atome d'hydrogène est remplacé par son isotope stable, le deutérium. Ce dernier est composé d'un proton et d'un neutron. Il est deux fois plus lourd que l'hydrogène. Cette molécule est alors appelée eau semi-lourde. L'eau lourde, quant à elle, est constituée de deux atomes de deutérium : .
L’eau lourde est utilisée dans certains réacteurs nucléaires comme modérateur de neutrons. Son but est ralentir les neutrons issus de réactions de fission nucléaire. Les neutrons ralentis ont alors une probabilité plus élevée de provoquer de nouvelles fissions de noyaux d'uranium, permettant ainsi la réaction en chaîne.
L'indice optique de l'eau légère est noté . Calculer la vitesse de la lumière dans cette eau.
La vitesse de la lumière dans l'eau lourde . Calculer son indice optique.
Laquelle de ces 2 eaux est la plus réfringente ? Où la lumière se déplace-t-elle le plus vite ?
Tout ce que nous venons de dire permet de décrire beaucoup de phénomènes optiques, mais pas l'effet photoélectrique. Quel est ce phénomène qui échappe encore à notre description ?
L'effet photoélectrique se manifeste quand on éclaire un métal avec un rayonnement UV. Des électrons sont alors arrachés du métal à cause de cette lumière. Pour que les électrons soient arrachés, il faut leur communiquer de l'énergie en quantité suffisante. Sous un certain seuil d'énergie, les électrons ne pourront pas quitter la plaque de métal. Mais au-dessus d'un certain seuil, ils pourront "sauter la barrière" et quitter le métal.
Intuitivement, on peut se dire que plus l'intensité de la lumière est importante, plus grande sera l'énergie apportée aux électrons. Au dessus d'un certain flux lumineux, l'effet photoélectrique se manifestera. Il n'en est rien. Si on éclaire la plaque avec de la lumière rouge, verte ou bleue, quelle que soit l'intensité du flux, aucun électron n'est jamais émis. Par contre, dès qu'on descend en longueur d'onde, et qu'on atteint l'ultraviolet, l'effet photoélectrique apparaît. Même à faible flux lumineux ! Ça n'est pas intuitif du tout !
Comment expliquer ceci ? Il faut revenir à l'hypothèse corpusculaire. La lumière est vue comme un flux de petits grains, qu'on appellera photons, chacun transportant une petite quantité d'énergie, un quantum d'énergie. En quoi ça change ? Et bien, d'une part l'énergie totale est proportionnelle au nombre de photon. Plus il y a de photons, plus on apporte d'énergie. Mais aucun photon, pris individuellement, ne possède l'énergie suffisante pour faire "sauter" un électron. Sauf en dessous d'une certaine longueur d'onde. Là chaque photon, même en très petit nombre, peut arracher un électron. On en déduit que l'énergie des photons est inversement proportionnelle à la longueur d'onde, ou, de manière équivalente, proportionnelle à la fréquence.
La constante de proportionnalité est appelée constante de Planck, et vaut .
pages_kezako-lumiere/bog-qcm-ondes.html
pages_base-optique-geo/bog-exo-mesure-c.html
La distance Terre-Soleil est de 1 unité astronomique, et celle entre Jupiter et le Soleil est de 5 unités astronomiques.