Formation et évolution des galaxies

Auteur: Florence Durret

Les hypothèses de départ pour expliquer la formation des galaxies

Les principales questions qui se posent au sujet de la formation des galaxies sont les suivantes :

Pour expliquer la formation des galaxies, deux approches complémentaires sont possibles : soit remonter dans le temps à partir des propriétés observées aujourd'hui, soit calculer comment l'univers a pu évoluer à partir des conditions initiales qu'on lui attribue.

On se place en général dans le cadre de la théorie du Big Bang (voir Le Big Bang). Ceci sous-entend un certain nombre d'hypothèses, parmi lesquelles les principales sont les suivantes :


L'origine des galaxies

A l'origine des galaxies, on trouve de petites fluctuations de densité de l'univers, avec l'existence de zones légèrement plus denses.

Dans ces zones, il y a eu accrétion accrue de matière par instabilité gravitationnelle, ce qui a donné naissance aux proto-galaxies.

Dans l'hypothèse d'un processus dit "monolithique", chaque proto-galaxie s'est effondrée (effondrement gravitationnel) pour donner une galaxie, contenant de la matière baryonique et de la matière non-baryonique (la matière noire).

L'un des problèmes qui reste à résoudre dans ce scénario est le rôle exact de la matière noire, dont on ne connaît toujours pas la nature.


Le scénario de matière noire froide

Dans ce scénario, la matière noire, qui domine la matière dans l'univers, est constituée de particules ayant une vitesse faible devant la vitesse de la lumière.

Les simulations numériques d'effondrement gravitationnel montrent qu'il se forme alors des structures ayant une masse de l'ordre de 10^6 M_\odot. Ces structures vont ensuite fusionner un certain nombre de fois pour créer des galaxies de masse typique 10^{11}\ M_\odot. Ce scénario est appelé "hiérarchique", ou en Anglais "bottom-up".

Plusieurs difficultés ne sont pas encore complètement résolues dans ce scénario, en particulier la manière d'inclure la formation d'étoiles dans les simulations numériques.

La formation des galaxies elliptiques s'explique bien. En revanche, celle des spirales pose problème, dans la mesure où l'on forme des spirales de 10^6\ M_\odot au maximum. Pour expliquer la formation des spirales, le seul moyen est de supposer que l'on forme des elliptiques de masse et que celles-ci peuvent accréter de la matière du milieu environnant ; si cette matière a un 10^{10-12}\ M_\odot moment angulaire suffisant, elle peut alors former un disque, et la galaxie résultante pourra être une spirale de 10^{10-12}\ M_\odot. Le fait que les elliptiques et les bulbes des spirales ont globalement les mêmes propriétés est en faveur de ce scénario.

Le scénario de matière noire froide est à l'heure actuelle celui qui semble le mieux rendre compte des différentes observations disponibles.


Le scénario de matière noire chaude

Un deuxième scénario, a été proposé, dans lequel, au contraire, les particules de matière noire ont des vitesses comparables à celle de la lumière. Dans ce cas, les fluctuations de densité à petite échelle disparaissent. Les simulations numériques montrent qu'alors il se forme des structures ayant une masse beaucoup plus grande que celle des galaxies individuelles ; ces structures vont ensuite se fragmenter pour créer des galaxies de masse typique 10^{11}\ M_\odot. Ce scénario est appelé en Anglais "top-down".

Ce second scénario semble moins probable que le celui de matière noire froide, pour deux raisons : tout d'abord, les observations semblent indiquer que les petites structures se sont formées avant les grandes ; et deuxièmement, parce que les structures à grande échelle prédites semblent différentes de ce que l'on observe.


Modèle privilégié pour expliquer la formation des galaxies

exerciceModèle privilégié

Difficulté :    Temps : 2 minutes

Question 1)

Quel est actuellement le modèle privilégié pour expliquer la formation des grandes structures dans l'Univers ?


Evolution en luminosité des galaxies

Les propriétés des galaxies ne sont pas constantes mais évoluent dans le temps. En particulier, la lumière émise par une galaxie étant la somme des lumières émises par les étoiles qui la constituent, l'évolution de chaque galaxie sera due à l'évolution du taux de formation d'étoiles et à l'évolution individuelle de chaque étoile.

On sait ainsi que le taux de formation d'étoiles (en Anglais star formation rate, ou SFR) dans les galaxies elliptiques a été très élevé dans le passé mais est quasi nul maintenant. Dans les spirales, l'évolution du taux de formation d'étoiles est différente : dans les Sa, ce taux décroît avec le temps, mais beaucoup moins vite que dans les elliptiques, tandis que dans les Sc il est à peu près constant.

Il a ainsi été mis en évidence que le taux de formation d'étoiles était nettement plus élevé à un décalage spectral de l'ordre de 1 (voir figure). En revanche si l'on continue à observer des galaxies de plus en plus lointaines, il semble qu'à z=3 ou 4 le taux de formation d'étoiles rediminue.

Evolution du taux de formation d'étoiles
sfr_zl.jpg
Evolution du taux de formation d'étoiles en fonction du décalage spectral, c'est à dire de l'âge de la galaxie (lorsqu'on observe à plus grand décalage spectral, on remonte dans le temps, et on observe donc les galaxies lorsqu'elles étaient plus jeunes).
Crédit : Steidel et al. (1999), ApJ 519, 1

Remarque : l'évolution des galaxies dépend de l'environnement, pour l'instant nous ne considérons que des galaxies isolées.


Evolution chimique et morphologique des galaxies

Par évolution chimique des galaxies, on entend l'évolution temporelle des différents éléments chimiques contenus dans une galaxie.

Les premières étoiles d'une galaxie ne contenaient que de l'hydrogène et de l'hélium, certains autres éléments légers n'existant qu'à l'état de traces.

Au cours de leur évolution, les étoiles massives ont pu exploser en supernovae, enrichissant le milieu interstellaire en éléments lourds synthétisés dans ces étoiles. Les générations suivantes d'étoiles se sont donc formées à partir d'un gaz enrichi en éléments lourds.

La composition chimique du milieu interstellaire et des étoiles varient donc avec le temps.

Il est relativement facile de modéliser ce type d'évolution pour une galaxie isolée, mais il en existe en fait très peu. Il est donc nécessaire de tenir compte de l'environnement, en particulier des interactions et fusions qui vont modifier les propriétés des galaxies, en particulier leur taux de formation d'étoiles et leur morphologie.

L'observation de galaxies lointaines, par exemple dans le champ profond observé par Hubble, semble montrer que près de 25% des galaxies lointaines étaient irrégulières contre seulement 7% aujourd'hui. On observe donc une évolution morphologique très nette des galaxies.

Les poussières jouent aussi certainement un rôle dans l'évolution des galaxies, et doivent être prises en compte dans les modèles.


Evolution chimique des galaxies

exerciceEvolution des galaxies

Difficulté :    Temps : 2 minutes

Question 1)

Comment varie l'abondance en éléments lourds (c'est à dire plus lourds que l'hydrogène et l'hélium, encore appelés "métaux") dans une galaxie en fonction du temps? Expliquer le mécanisme.


Conclusion

conclusionConclusion

La formation des galaxies ne s'est pas produite à un moment unique de l'histoire de l'univers, mais s'est étalée sur une longue période (on peut même considérer que les galaxies irrégulières n'ont pas encore fini de se former).

Le modèle du Big Bang et le scénario de matière noire froide permettent de réaliser des simulations numériques globalement en accord avec les observations, bien que certaines propriétés ne correspondent pas tout à fait aux prédictions des modèles.

Dans ce cadre, plusieurs approches reproduisent bien les fonctions de luminosité des galaxies à différentes longueurs d'onde (c'est à dire les nombres de galaxies par intervalle de magnitude ou de luminosité) et leur évolution au moins jusqu'à un décalage spectral de 3. Elles expliquent également bien les corrélations entre les différentes propriétés des galaxies (masse, contenu gazeux, couleur, type).

Mais il reste quelques points pour lesquels les observations ne sont pas tout à fait en accord avec les prédictions des modèles. Par exemple la pente des fonctions de luminosité calculées pour les galaxies est de -1.5 à -1.3 alors que la pente observée est plutôt -1.0. On propose à ce désaccord plusieurs explications : des effets de sélection sur les données, la modélisation incomplète des vents galactiques ou la mauvaise prise en compte du chauffage du milieu intergalactique par les premières étoiles, par les supernovae et/ou par les noyaux actifs. D'autre part, les relations entre lumière et matière ne sont pas toujours bien connues ; les astronomes observent de la lumière, qu'il faut ensuite transformer en masse. Les couleurs des galaxies lointaines sont également mal prédites. Enfin, les comptages de galaxies dans le domaine submillimétrique sont encore assez mal reproduits (les galaxies des modèles ne sont pas assez lumineuses dans ce domaine de longueur d'onde, peut-être en raison d'une mauvaise prise en compte des poussières).


Réponses aux exercices

pages_galaxies/exo-modele.html

Exercice 'Modèle privilégié'


pages_galaxies/exo-evol-chimique.html

Exercice 'Evolution des galaxies'