La gravité comme force à distance

Auteur: Andrea Cattaneo

Aristote et la pomme

Mouvements naturels et violents

Aristote distinguait deux types de mouvements : les mouvements naturels, qui se passent tout seuls, et les mouvements violents, qui nécessitent l’action d’une force (le mot violent vient de vis, la force en latin*). Il est naturel que les pommes chutent d’un arbre. En revanche, les pommes ne se lèvent jamais toutes seules du sol pour aller dans un cageot. Pour cela il faut une action externe, la force de la main de l’agriculteur qui les cueille et les met dans le cageot.

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Crédit : S.Cnudde
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Crédit : S. Cnudde

La gravité comme propriété des corps

Pourquoi serait-il naturel qu'une pomme chute ? Pour Aristote, la pomme chute à cause de son poids. En latin, lourd se dit gravis. Pour Aristote, la gravité, c'est-à-dire le poids, est une caractéristique de la pomme. Il fait partie de sa nature. Le feu est léger. C'est pour cela que les flammes ne chutent pas, mais elles montent vers le ciel.

De différentes lois de la nature pour les corps terrestres et les corps célestes

Aristote étendait sa théories aux corps céleste. Pour lui, la Lune ne chute pas parce qu'elle n'est pas faites de roches comme la Terre. Elle se compose d'un substance imponderable qu'Aristote appelait quintessence. La gravité est étrangère à sa nature.

* Aristote écrivait en grec, mais notre présentation est en français, qui est une langue latine. C'est donc l'étimologie de mots français utilisés pour traduire Aristote qui est pertinente.


Newton découvre la force de gravité

La gravité est une force

Newton révolutionne cette vision. La pesanteur n’est pas une qualité intrinsèque de la pomme. Elle est due à l’attraction gravitationnelle que la Terre exerce sur la pomme, et, plus généralement, que tous les corps exercent les uns sur les autres.

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Crédit : S. Cnudde

La gravité agit de la même manière sur tous les corps

Pour Newton (et déjà Galilée, avant lui), il n'y a pas de différence entre les corps terrestres et les corps célestes. Les lois de la physique sont les mêmes pour les uns comme pour les autres. La pomme chute dans la direction du corps massif qui l’attire. Si on la laissait tomber sur la Lune, elle chuterait sur le sol lunaire.

La gravité est une force à distance

La notion d’attraction gravitationnelle nous est tellement familière que nous n’en percevons plus le caractère novateur. Mais, pour les contemporains de Newton, et pour Newton même qui l’avait proposée, la notion d’une force qui agit : i) d’une manière instantanée, ii) à distance et iii) même sur des objets qui n’ont aucun contact avec la Terre, apparaissait très troublante et s’approchait plus de la sorcellerie que de la science.

Dans une lettre au révérend Richard Bentley, en 1692, Newton écrivit : « C’est inconcevable que de la matière inanimée, sans la médiation d’aucun autre corps matériel, puisse agir sur un autre sans aucun contact réciproque. Que la gravité soit innée, inhérente et essentielle à la matière, de sorte qu’un corps puisse agir sur un autre à travers le vide, sans la médiation de quelque chose d’autre, grâce et à travers laquelle cette action et cette force puissent être transmises de l’un à l’autre, est pour moi une absurdité tellement grande que je ne crois pas que personne ayant des facultés mentales compétentes en matière de philosophie puisse y tomber dedans. La gravité doit être causée par un agent qui agit constamment selon certaines lois ; mais, si cet agent est matériel ou immatériel, je l’ai laissé à la considération de mes lecteurs. »


Descartes et la théorie des vortex

La théorie des vortex de Descartes (comme d’autres théories mécaniques de la gravité, par exemple celle proposée par Nicolas Fatio et Georges-Louis Le Sage) est une tentative d’expliquer la gravité sans faire intervenir l’action à distance. Pour Descartes, comme pour Aristote, le vide n’existait pas. L’espace que nous appelons vide est rempli d’un fluide transparent de faible densité, l’éther. A cause du principe d’inertie, chaque élément d’éther tend à se déplacer suivant une ligne droite, mais l’interaction avec les éléments environnants transforme le mouvement rectiligne en mouvement circulaire. Selon Descartes, les corps célestes seraient entraînés dans leurs mouvements circulaires par des tourbillons dans l’éther. Les tourbillons pousseraient les corps terrestres vers le bas, déterminant leur chute.

Ces théories ont été abandonnées à cause de leur conflit avec les données d’observation, mais elles démontrent à quel point la notion d’action instantanée à distance était perçue comme insatisfaisante. Elles étaient de mauvaises réponses, mais la question à laquelle elles essayaient de répondre était très pertinente.

Les ondes gravitationnelles sont la réponse de la théorie de la relativité d’Einstein au problème de comment l’interaction gravitationnelle est capable de se propager à distance dans le vide.