Méthodes de détection directe

Auteur: Philippe Thébault

Introduction

introductionIntroduction

Détecter une exoplanète, beaucoup moins lumineuse que son étoile et de plus extrêment près d'elle, vu depuis la Terre, est une tâche extrêmement difficile. Plusieurs méthodes ont cependant été proposées pour réaliser cet exploit, et la plupart d'entre elles marchent ! Nous allons ici présenter les principales, en ne brossant pour chacune d'elles que les grandes lignes, en commençant par les techniques les plus "naturelles" (imagerie directe) et en allant vers les méthodes de plus en plus "tarabiscotées".


Imagerie directe : une méthode intuitive

La méthode la plus naturelle à laquelle on pourrait penser a priori est celle de l'imagerie directe, à savoir essayer de détecter, sur une image, la faible lueur d'une planète à côté de son étoile parente. Cette méthode se heurte cependant à deux obstacles majeurs :

  1. L'éclat de la planète est extrêmement faible par rapport à celui de l'étoile
  2. A la distance où on observe le système, la planète va se trouver extrêmement proche de l'étoile sur l'image.

La combinaison de ces deux effets va faire que la planète risque d'être complètement noyée dans le halo de lumière de l'étoile. En raison de ces difficultés, la détection directe de planètes a longtemps été hors de portée, et c'est par d'autres méthodes que les premières exoplanètes ont été découvertes. Mais les techniques d'observation ont aujourd'hui suffisamment progressé pour rendre l'imagerie directe de planètes enfin possible. Et à ce jour, une trentaine d'exoplanètes ont été détectées par cette méthode. (voir le nombre actualisé de planètes détectées sur le site exoplanet.eu)

Nous allons dans ce chapitre voir tout d'abord plus en détail pourquoi l'observation directe est si difficile, avant de nous pencher sur les différentes techniques d'observation et les premiers résultats, spectaculaires, qui ont été obtenus.

Il y a deux régimes différents par lesquels on peut recevoir la lumière émanant d'une planète :

images/fluxplanete.png
Comparaison entre le spectre du Soleil et celui de 4 planètes du système solaire, ainsi que celui d'un "Jupiter chaud" (S.Seager, 2010). Les spectres planétaires montrent les deux types d'émission, le flux réfléchi à gauche et l'émission thermique à droite.
Crédit : S. Seager et A.Boccaletti (2010)

Sur la figure, on voit que le spectre réfléchi est prépondérant aux longueurs d'onde visibles. Aux plus grandes longueurs d'onde, l'émission thermique de la planète l'emporte sur le flux réfléchi. Plus la planète est proche de l'étoile, donc chaude, plus la transition entre les deux régimes se fait à petite longueur d'onde.


Imagerie directe : une méthode intuitive mais difficile

Difficulté d'une observation directe : Flux réfléchi - Flux thermique

Pour ces deux régimes, le paramètre crucial pour l'observation d'une exoplanète est le rapport entre le flux lumineux et celui de son étoile. Ce rapport est toujours très petit, mais sa valeur peut cependant fortement varier en fonction de la taille de la planète et de sa distance à l'étoile, ainsi que du régime (réfléchi ou thermique) dans lequel on observe.

Pour le flux stellaire réfléchi par la planète, ce rapport vaut, pour toutes les longueurs d'onde :

(A/4) *(R_(pl)/a)^2 *phi(t)

où A est l'albédo (pouvoir réflecteur) de la planète et phi(t) un "facteur de phase" qui indique la portion relative de la surface éclairée de la planète visible par l'observateur (analogue aux phases de la Lune ou de Vénus). R_(pl) est le rayon de la planète et a sa distance à l'étoile.

L'albédo dépend plus ou moins de la longueur d'onde en fonction du type et des conditions physiques de la planète.

Le flux thermique dépend quant à lui de la température de la planète. Si l'on néglige les sources de chaleur interne, cette température est fournie par le flux incident de l'étoile qui chauffe la planète. Elle est donnée par :

T_(pl)= racine(R_(étoile)/(2*a))*(1-A)^slash(1;4)*S

où S est un facteur caractérisant l'effet de serre. Ce dernier mesure la proportion du rayonnement de la planète qui ne peut s'en échapper car absorbé par son atmosphère. Le flux thermique a un spectre donné par la loi de Planck qui dépend de la température.

Spectre du corps noir application.png

Le rapport de flux thermique planète/étoile est alors très dépendant de la longueur d'onde :

(R_(pl)/a)^2 *(1/(1-exp(-h*c/(lambda * k*T))))

On remarque que, aussi bien dans le régime thermique que dans le régime réfléchi le rapport de flux planète/étoile est extrêmement faible. Comme par ailleurs la planète est, vue par l'observateur, très proche de son étoile, ce dernier est "ébloui" par l'étoile au détriment de la planète. Ceci illustre l'extrême difficulté de l'observation directe d'exoplanètes.

La réponse à cet inconvénient consiste à amoindrir fortement le flux de l'étoile sans amoindrir celui de la planète. Il y a pour cela deux techniques : la coronographie et l'extinction interférométrique de l'étoile.


Exercice : flux Terre vs Soleil

exerciceRapport de flux Terre/Soleil

Difficulté :   

Question 1)

Quel est le rapport de flux réfléchi Terre/Soleil sachant que l'albédo de la Terre vaut 0.4 et phi(t)=0.5 ?


Imagerie directe : premières détections

Le cas le plus favorable pour l'observation directe est celui d'une planète loin de son étoile, pour qu'elle sorte du halo de celle-ci, et qui soit de plus de grande taille et très chaude afin que son flux thermique soit élevé. Ce cas idéal est malheureusement difficile à trouver, car en principe plus une planète est loin de son étoile, plus elle est froide. Par exemple, Jupiter, qui a une surface 100 fois plus grande que celle de la Terre, n'a pas un flux 100 fois plus grand du fait de sa température de surface beaucoup plus faible.

Il existe cependant un type de systèmes planétaires pour lesquels on peut trouver ce cas idéal d'une planète lointaine et chaude, à savoir les systèmes jeunes, pour lesquels les planètes conservent encore une grande partie de l'énergie thermique emmagasinée lors de leur formation. On pense ainsi que Jupiter, lorsqu'il était âgé de seulement 100 millions d'années, était beaucoup plus chaud qu'aujourd'hui et environ 1000 fois plus lumineux ! C'est donc vers l'observation de tels systèmes jeunes que se sont tournés les efforts de détection directe... et ces efforts ont enfin payé. Après la première image directe obtenue en 2004, plusieurs dizaines de détections ont eu lieu depuis. Les deux résultats les plus spectaculaires étant sans doute le système autour de l'étoile HR8799, avec pas moins de 4 planètes détectées, et la découverte de la planète autour de β Pictoris, dont l'existence avait été prévue depuis plus de 10 ans par l'observation du disque de poussière autour de cette étoile.

Le système planétaire autour de HR8799
images/HR8799crop.jpg
Image directe des 4 planètes en orbite autour de l'étoile HR8799. Le petit trait horizontal donne l'échelle : 20 AU (20 "unités astronomiques" correspond environ à la distance Soleil-Uranus. Cette image a été obtenue avec le télescope géant Keck, en masquant la lumière de l'étoile centrale avec un coronographe (voir page suivante).
Crédit : C.Marois & Keck Observatory

Il faut souligner que, même pour ces cas idéaux de planètes externes et chaudes, la détection directe relève toujours de la prouesse technique, tout le problème étant de faire ressortir la faible luminosité de la planète juste à côté de son éblouissante étoile hôte.


Imagerie directe : méthodes

Pour résoudre le problème majeur de l'imagerie directe, à savoir faire ressortir la faible lumière de la planète à côté d'une étoile infiniment plus brillante, il faut arriver à masquer la lumière de l'étoile sans toucher à celle de la planète. Pour celà, on utilise 2 techniques : la choronographie et l'extinction interférométrique.

Coronographie

Cette technique est sans doute la plus intuitive. Schématiquement, elle consiste à cacher l'étoile par une pastille (masque coronographique) dans le plan de l'image produite par le télescope. Elle a permis, dès les années 1980, de détecter des disques de poussières autour de nombreuses étoiles, et elle est aujourd'hui utilisée avec succès pour la détection d'exoplanètes (voir page précédente).

images/nulling.png
Schéma du montage optique qui fait interférer destructivement une étoile avec elle-même, ce qui permet d'augmenter le contraste planète/étoile.
Crédit : Jean Schneider

Extinction interférométrique

Une technique plus sophistiquée pour amoindrir le flux d'une étoile est d'utiliser un interféromètre constitué d'au moins 2 miroirs. On fait interférer "négativement" le flux stellaire passant par l'un des miroirs avec celui passant par un autre miroir. Cette interférence destructive éteint l'étoile, et on peut arranger la configuration de l'interféromètre pour que le flux issu de la planète ne soit pas éteint. En effet, comme les rayons lumineux issus de la planète viennent d'une direction légèrement différente de celle de l'étoile, le chemin parcouru par ces rayons n'est pas le même.


Réponses aux exercices

pages_methodes-detection/exo-rapport-flux.html

Exercice 'Rapport de flux Terre/Soleil'