Certains noyaux atomiques, appelés radioisotopes, sont naturellement instables et peuvent spontanément se désintégrer en noyaux moins massifs et stables, libérant de l’énergie sous forme de rayonnement. La décroissance du nombre d’un type de radioisotopes en un élément suit une décroissance exponentielle . Où la quantité est le temps de demi-vie caractéristique de l’élément. Dans le cas le plus simple où aucun élément n’est présent initialement le temps t peut être trouvé directement par le rapport . Mais en réalité les choses ne sont jamais aussi simples, et ce pour au moins 2 raisons :
1) Il y a a priori toujours du présent à ou, du moins, il est impossible d’exclure cette présence. Et on ne connait pas a priori cette quantité initiale de
2) l’isotope n’est souvent pas le seul possible pour l’élément , qui peut également exister sous la forme , ce qui peut fortement compliquer les choses. En effet, dans un matériau à l'état gazeux ou liquide, les isotopes et vont naturellement s'équilibrer entre eux à une valeur d'équilibre. En conséquence, dès qu'un matériau fond ou fusionne, toute information sur la quantité d'isotope produite par désintégration de va être perdue par cette mise à l'équilibre isotopique (autrement dit, toute fusion est un "reset" des isotopes de B).
Ceci va rendre la datation plus compliquée, mais elle reste néanmoins possible, du moins pour remonter jusqu'au moment de la dernière condensation du matériau. On peut grosso-modo distinguer 2 types de datation : datation absolue et datation relative.
La désintégration de en a un temps de ½ vie de 4.47 109 ans, idéal pour mesurer l’âge des plus anciens corps du système solaire. Mais n’est pas l’isotope naturel du , qui est . On obtient alors la relation suivante, liant les abondances de , et :
où les indices et se réfèrent aux abondances actuelles et initiales, respectivement. Le moment "initial" correspond à l'instant où l'objet en question s'est solidifié pour la dernière fois. En effet, dès que le corps fond ou se sublime en gaz, les proportions des 2 isotopes et s'équilibrent rapidement à leur proportion "naturelle" et toute information sur la désintégration de est perdue (voir page précédente ). A cet instant initial le rapport est donc égal à la valeur d'équilibre. En revanche, une fois le corps solidifié, un excès de l'isotope va petit à petit se créer à mesure que se désintègre. La variable inconnue est ici la quantité initiale absolue de (ou de ), que l'on ne connaît pas a priori. Heureusement, il existe un deuxième type de désintégration d’U en Pb, la réaction , dont le temps de vie est de 704 106 ans, et qui va nous permettre de contraindre les abondances initiales. Les équations sont alors:
Et donc:
où 137.88 est la valeur présente de , qui est une constante globale du système solaire actuel, et , . Cette relation est directement exploitable pour toute météorite non-homogène initialement, mais dont tous les composants se sont formés à la même époque. En effet, dans ce cas, les rapports initiaux et / sont les mêmes partout dans la météorite et sont égaux à leurs valeurs d'équilibre (indiquées par a0 et b0 sur la figure). Par conséquent, dans un graphe vs. / , toutes les mesures du rapport F doivent se situer une même droite, appelée isochrone, dont la pente va directement donner l’âge de la météorite (cf. Figure).
La désintégration radioactive permet également de dater des corps même bien après la disparition des radionucléotides concernés (c'est à dire bien au delà du temps de 1/2-vie de la désintégration concernée). C’est le cas par exemple de la désintégration , dont le temps de ½ vie est de « seulement » 720 000ans. Notons que ni , ni ne sont des isotopes naturels de leurs éléments, qui sont, respectivement, et . A la différence de la désintégration d’, il n’existe aujourd’hui plus de que l’on puisse mesurer. En principe, on a donc :
Cette équation n’est pas d’une grande aide en elle-même, mais, comme pour la datation absolue, on peut tirer parti de la non-homogénéité d’une météorite donnée. Si en effet deux endroits de cette météorite avaient initialement des teneurs totales en (tous isotopes confondus) différentes, mais que la proportion de était, elle, la même, alors l’excès de ne sera aujourd’hui pas partout le même, et cet excès sera relié à l’abondance actuelle locale de par la relation :
Les mesures de et en différents endroits de la météorite vont alors tracer une isochrone dont la pente donnera la teneur initiale en (voir Figure).
Maintenant, si on compare les teneurs initiales de obtenus pour différentes météorites, on peut obtenir une datation relative des temps de formation de ces météorites. En effet, étant donné le temps de vie très court de , sa teneur par rapport à pourra être très différente suivant l’instant où la météorite s’est formée. Si on compare les valeurs dans 2 météorites différentes, on obtient ainsi la datation relative de leur formation par la formule:
où et sont les instants de formation des 2 météorites, et est le taux de désintégration de la réaction
Il faut cependant ici bien faire attention à deux points très importants :
Comme nous l’avons vu (cf. lien), une des étapes les plus délicates du scénario standard de formation planétaire est celle qui fait passer des premières poussières condensées dans la nébuleuse aux planétésimaux kilométriques. La principale difficulté étant atteinte pour des corps de ∼10cm-1m, pour lesquels les vitesses de collision deviennent trop élevées pour permettre l’accrétion, et qui vont de plus avoir un mouvement de dérive très rapide vers l’étoile centrale. Ces deux problèmes sont tous deux liés à l’action du gaz sur les corps solides. En effet, toute particule solide plongée dans un milieu gazeux subit la friction de ce gaz, qui va être proportionnelle à la surface de contact entre le gaz et l’objet. Cette friction peut ainsi s’exprimer sous la forme
Où est la section efficace du corps () et la différence de vitesse entre le gaz et la particule. Si maintenant on applique le principe fondamental de la dynamique, on obtient que l’accélération due au gaz vaut:
On pourrait a priori se dire que, dans le cas présent, est nul car aussi bien le gaz que les corps solides orbitent autour de l’étoile suivant les mêmes lois de Kepler, et donc en principe à la même vitesse orbitale . Mais il y a en fait une différence, car le gaz est lui, en plus, soumis à une force de pression due au gradient de température et de densité dans la nébuleuse. Dans un disque proto-planétaire de type MMSN, cette force de pression s’exerce de l’intérieur vers l’extérieur et tend donc à contrebalancer la gravitation de l’étoile. Tout se passe donc comme si le gaz « percevait » une étoile de masse et aura donc une vitesse Képlérienne inférieure au d’un corps solide orbitant dans la vide. On dit alors que le disque de gaz est « sub-Képlérien ».
Le comportement de corps solides plongés dans ce disque de gaz est alors compris entre 2 extrêmes : les particules les plus petites (<mm) sont piégées dans le gaz et bougent avec lui, et on a dans ce cas et donc . A l’autre extrême, les planétésimaux très massifs sont, eux, découplés du gaz et subissent de la friction, mais ne vont pas beaucoup en pâtir car le rapport est tout petit et ils vont donc être très difficile à bouger par le gaz. Donc la aussi . Entre ces 2 extrêmes, il existe un régime intermédiaire avec des corps suffisamment gros pour être découplés du gaz ( ) mais pas suffisamment massifs pour être insensibles à la friction. Ce régime de taille intermédiaire se situe autour de 10cm-1m. Pour des corps de cette taille l’effet de la friction gazeuse est maximal (cf. image). Et comme , cette friction aura tendance à ralentir les corps solides et à les faire dériver vers l’étoile. Cette vitesse de dérive peut atteindre plus de 50m/s, ce qui correspond à 1UA en moins de 100ans !
Une population de planétésimaux orbitant le soleil ne pourra former des corps plus massifs que si les vitesses de rencontres mutuelles sont, pour une fraction importante de ces rencontres, inférieures à ; où est la vitesse de libération à la surface de 2 planétésimaux en collision et un paramètre prenant en compte la dispersion d’énergie lors de l’impact. Toute la question est alors de savoir si, effectivement, ce critère va être rempli dans un disque de planétésimaux kilométriques laissé à lui même.
L’état dynamique d’un tel disque va dépendre de l’équilibre entre plusieurs mécanismes: la gravité mutuelle des planétésimaux, la force de friction du gaz primordial toujours présent à ce stade, la dissipation d’énergie lors des collisions physiques, et, bien sur, la gravité de l’étoile autour de laquelle tous les corps orbitent. Si on fait l’hypothèse simplificatrice que tous les planétésimaux ont la même taille , alors on peut montrer que le disque va tendre vers un état stationnaire où les vitesses de rencontres vont en moyenne être de l’ordre de . Si en effet , alors les déflections gravitationnelles lors de rencontres proches vont automatiquement augmenter . Et si, à l’inverse, , alors la dissipation d’énergie cinétique lors des collisions va être très forte et fera diminuer . Cet équilibre autour de est plutôt une bonne nouvelle, car il entraine qu’une fraction des collisions vont effectivement permettre l’accrétion des corps (sachant qu’il y aura toujours une dispersion des vitesses de collision autour leur valeur moyenne).
Sachant que tous ces corps sont en orbite autour d’une étoile, par exemple le Soleil, les vitesses relatives de collisions vont être directement liées à l’excentricité (et à leur inclinaison si on est en 3D) de leurs orbites : plus les orbites sont excentriques, plus augmente, plus elles sont circulaires, plus tend vers zero. Pour de petites excentricités, à l’ordre zero on peut écrire que
Il faut réaliser que, pour des planétésimaux kilométriques, on a affaire à des vitesses très faibles, car les de tels corps sont de l’ordre de quelques mètres par seconde seulement. Ceci se traduit par des excentricités orbitales très faibles, de l’ordre de 0.0001 ! (cf. exercice).
Si tous les planétésimaux du disque avaient exactement la même taille r et grandissaient tous à la même vitesse, alors leur taux de croissance serait égal à où est la densité surfacique de planétésimaux, leur vitesse relative de collision et l’épaisseur du disque. Si on fait l’approximation raisonnable que (cf. page précédente) et que (, distance à l’étoile et excentricité moyenne de l’orbite des planétésimaux), alors on obtient avec , vitesse angulaire Keplerienne. On trouve alors que , et que la croissance en taille est linéaire avec le temps. Pour une MMSN à 1UA on trouve qu’il faut alors quelques 106 ans pour former un corps de 1000km (cf. EXERCICE)
Mais il semble qu’en réalité l’accrétion suive un chemin beaucoup plus rapide et efficace, mais très sélectif, appelé accrétion « boule de neige ». Il est en effet plus que probable que, dans tout disque réel, toutes les tailles ne sont pas identiques et que, localement, certains planétésimaux soient, par hasard, légèrement plus grands (de taille ) que ceux qui les entourent. De ce fait, ils ont une vitesse de libération supérieure à celle des corps environnants. En conséquence, ils vont légèrement infléchir la trajectoire des autres corps vers eux. On peut paramétriser cette déflection en considérant que le corps a une section efficace « effective » plus grande que sa simple section efficace géométrique . On a alors
Où est appelé le terme de « focalisation gravitationnelle ». Du fait de cette surface efficace« dilatée », le corps va croître plus vite que les autres. Le rapport va donc augmenter, ce qui a pour effet d’encore augmenter la focalisation gravitationnelle, et donc le taux de croissance de , et ainsi de suite. La croissance de ce corps initialement légèrement privilégié va donc rapidement s’emballer.
L’un des moyens les plus efficaces pour disperser le disque de gaz en moins de 10 millions d’années (voir la page de cours) est le couplage entre (l'accrétion visqueuse du disque) et la photo-évaporation du gaz. Ce dernier mécanisme est la conséquence de l’effet du rayonnement ultra-violet (UV) de l’étoile sur les molécules de gaz, essentiellement et . L’interaction des photons UV va en effet chauffer le gaz, c’est à dire lui donner une plus grande agitation thermique, et si cette vitesse d’agitation thermique dépasse la vitesse Képlerienne locale, alors le gaz est éjecté. Comme est mais que l’énergie transportée par un photon UV ne diminue pas avec la distance à l’étoile, ce sont les molécules des régions extérieures qui seront le plus facilement éjectées lors d’interaction photon-gaz (mais le flux de photon, et donc le taux d’interaction avec le gaz, va, lui, diminuer avec ). On peut ainsi calculer qu’il existe un rayon critique, appelée , au delà duquel l’énergie déposée par photo-évaporation dépasse l’énergie orbitale :
Où est la température du gaz par suite de l’interaction avec un photon, est le poids atomique moyen du gaz, la constante de Boltzman, le ratio des chaleurs spécifiques (5/3 pour un gaz mono-atomique), la constante gravitationnelle et la masse de l’étoile. Dans les faits, à cause de la rotation du gaz, le rayon critique de dispersion est plutôt égal à . Pour un rayonnement UV typique, on a . Pour une étoile de type solaire et un disque de type MMSN , on obtient alors .
Cependant, tant que le disque est très dense, à la distance le flux de matière vers l’intérieur du disque dû à la viscosité est supérieur au flux de matière éjecté par photo-évaporation (cf. IMAGE, CASE 1). Mais à mesure que la masse du disque diminue par accrétion sur l’étoile, va décroître, jusqu’à ce qu’on atteigne le point où . A partir de ce moment, la matière gazeuse au-delà de est éjectée du système avant de pouvoir franchir la frontière pour se mettre « à l’abri ». Une ouverture est alors créée dans le disque, qui se retrouve coupé en deux. La partie interne du disque est protégée de la photo-évaporation, mais est tellement petite (<2UA) qu’elle va très rapidement être accrétée sur l’étoile (alors qu’auparavant le flux de matière spirallant sur l’étoile était compensé par de la matière venant de plus loin dans le disque). La partie externe du disque va elle se disperser progressivement de l’intérieur () vers l’extérieur. Les modèles numériques indiquent que la troncature du disque se fait au niveau de sur une échelle de quelques millions d’années, tandis que la dispersion qui s’en suit est beaucoup plus rapide, quelques 105 ans peut-être.