Dans cette section nous définissons la notion de suite longues d'éclipses de Soleil liée au Saros. Nous regardons comment évoluent les éclipses qui se succèdent dans ces suites. Nous traitons dans la partie pour en savoir plus, l'évolution géographique des éclipses des suites longues à la surface du globe terrestre et nous donnons les limites de prédiction locale à partir de la connaissance du Saros. En fin de section nous donnons et commentons un exemple de série longue.
Nous avons vu qu'il existe une période de récurrence des éclipses, le saros, qui ramène sensiblement la même éclipse après une période de 6585,32 jours. Ces éclipses séparées par un saros sont appelées éclipses homologues. En réalité, elles ne sont pas parfaitement identiques, mais elles évoluent légèrement d'un saros à l'autre et elles forment des suites qui portent sur de grandes périodes de temps d'où leur nom de suites longues.
Nous allons regarder comment évolue la longitude de la conjonction après une période d'un saros. L'écart entre le saros de 223 lunaisons « L » et les 242 révolutions draconitiques « G » est de moins 52 minutes de temps (- 0,03612 jour).
Durant ces 52 minutes la Lune, sur son orbite, se déplace en moyenne par rapport à son noeud de -0,03612 x 360°/G = -28,67'. La Lune en conjonction se trouve donc déplacée sur son orbite de 28,67' dans le sens rétrograde par rapport au noeud. Compte tenu de l'inclinaison de l'orbite lunaire, ce décalage se traduit par un décalage de la longitude céleste Δ λ = -28,55' et par une variation de la latitude céleste de la Lune de Δ β = -2,64'.
Les conjonctions des éclipses homologues vont donc parcourir l'arc BB' dans le sens rétrograde avec un pas moyen de 28,55'. Si l'on divise l'arc BB' par 28,55', on constate qu'il peut contenir 66 éclipses et si l'on divise l'arc AA' par 28,55' on voit qu'il peut contenir 74 éclipses. Ces séries d'éclipses sont appelées suites longues. L'étude des canons d'éclipses montre qu'en moyenne ces suites comportent 72 éclipses. Ce qui correspond à une période de temps d'environ 1300 ans.
Les premières éclipses d'une suite longue sont faibles, car elles sont proches de l'arc A'B', donc loin du noeud. Ensuite, leur grandeur va croître jusqu'à ce qu'elles se produisent au voisinage du noeud, puis leur grandeur va décroître pour finir de nouveau faible au voisinage de l'arc BA. Pour une suite longue de 72 éclipses, si l'on respecte les pourcentages des éclipses partielles et des éclipses centrales (1/3 et 2/3), on aura donc successivement 12 éclipses partielles de grandeur croissante (sur 200 ans), puis 24 éclipses centrales de grandeur croissante (sur 450 ans), puis 24 éclipses centrales de grandeur décroissante (sur 240 ans) et enfin 12 éclipses partielles de grandeur décroissante (sur 200 ans). Dans la pratique, les deux ou trois éclipses du milieu de la suite longue sont maximales, elles servent de transition entre la période de croissance et de décroissance des éclipses. On remarque que toutes les éclipses d'une suite ont lieu au même noeud. Si la suite longue a lieu au noeud descendant les latitudes célestes successives de la Lune croissent des latitudes négatives aux latitudes positives, l'ombre et la pénombre vont donc se déplacer sur la Terre du sud au nord. Inversement pour une suite longue au noeud ascendant les latitudes célestes successives de la Lune décroissent des latitudes positives aux latitudes négatives, l'ombre et la pénombre vont donc se déplacer sur la Terre du nord au sud.
Nous avons vu que la période du saros n'est pas un nombre entier de jours, sa valeur est de 6585,32 jours. Donc entre deux éclipses homologues, la Terre n'a pas tourné d'un nombre entier de jour, les zones concernées par les éclipses ne sont donc pas les mêmes. En 0,32 jour la Terre tourne d'environ 120°, les zones concernées par l'éclipse se déplacent donc d'environ 120° vers l'ouest. Ce décalage est bien visible sur la carte ci-contre, où nous avons tracé les lignes de centralité des éclipses homologues à l'éclipse du 11 août 1999.
Nous avons vu que les suites longues au noeud ascendant parcourent la Terre du nord au sud et que les suites longues au noeud descendant parcourent la Terre du sud au nord. Le décalage en latitude terrestre provient du décalage en latitude céleste de la Lune d'une éclipse homologue à l'autre. Un décalage en latitude céleste Δβ de la Lune, même si le sens du décalage est conservé, ne se traduit pas directement par un même décalage de l'ombre en latitude terrestre. En effet, les latitudes célestes sont comptées à partir de l'écliptique et les latitudes terrestres sont comptées à partir de l'équateur terrestre, on doit donc tenir compte de l'obliquité de l'écliptique sur l'équateur terrestre, ainsi les variations de latitude céleste sont inclinées d'environ 23° par rapport au méridien terrestre. De plus la variation de latitude doit être projetée sur une sphère et la projection sur la sphère terrestre produit un décalage plus important près des pôles. Sur la figure ci-contre, Δβ représente la variation de latitude céleste de la Lune, à cette variation correspond une variation Δr sur l'axe normal à l'écliptique (pôle de l'écliptique) et une variation Δl sur la sphère terrestre, cette variation a deux composantes, une composante Δλ en longitude terrestre, qui produit le léger décalage en longitude vers l'est, et une composante en latitude terrestre Δϕ.
Cela explique qu'après une période de trois saros (ou Exeligmos) les lignes de centralité ne sont pas alignées en longitude, comme on pourrait si attendre après trois décalages de 120° en longitude, mais sont décalées légèrement vers l'est comme on le constate sur la carte des éclipses homologues à l'éclipse du 11 août 1999.
Nous allons essayer de quantifier un peu mieux les décalages en latitude. En moyenne, au bout de trois saros les lignes de centralité des éclipses se décalent d'environ 900 km dans le plan passant par la Terre et normal à l'axe des cônes (plan de Bessel), elles parcourent donc la Terre en environ 45 saros. On retrouve approximativement le nombre d'éclipses centrales dans une suite longue (48).
Mais il convient de noter que la variation en latitude des séries homologues ne se fait pas toujours de façon uniforme d'un pôle à l'autre. Elle peut être momentanément inversée ou accélérée. Prenons le cas d'une suite longue au noeud ascendant, les lignes de centralité parcourent la sphère terrestre du nord au sud. Après trois saros la ligne de centralité descend d'environ 900km ce qui correspond à une variation de la latitude de la Lune de 7,92' (3 x 2,64'). Or dans ce mouvement nous n'avons considéré que le déplacement en latitude de la Lune, le Soleil étant toujours dans l'écliptique.
En réalité comme l'écliptique est incliné de 23° par rapport à l'équateur terrestre, nous devons également tenir compte des variations des hauteurs du Soleil par rapport à l'équateur terrestre, donc des variations de déclinaison du Soleil, or ces variations peuvent être très grandes par rapport aux variations en latitude de la Lune. Ainsi trois saros font environ 54 ans et 34 jours, donc au bout de trois saros le Soleil se retrouve décalé d'environ 34° sur l'écliptique, cette variation de 34° sur l'écliptique, si elle est répartie de part et d'autre d'un équinoxe peut se traduire par des variations en déclinaison de plus au moins 13°, ce qui correspond à une variation de hauteur de 13° du Soleil dans le méridien, à midi, c'est-à-dire une descente (si on est de part et d'autre de l'équinoxe de d'automne) ou une remontée (si on est de part et d'autre de l'équinoxe printemps) de 1440 km environ. Une descente du Soleil en déclinaison fait remonter l'ombre donc la ligne de centralité et une montée du Soleil fait redescendre l'ombre donc la ligne de centralité. Ainsi dans une série longue, lorsque les dates des séries homologues séparées par trois saros se trouvent distribuées autour des équinoxes, les latitudes de la bande de centralité peuvent être accentuées de 1440 km (1440+900 = 2340 km) ou diminuées de 1440km (900-1440 = -540 km). Ce phénomène est localisé dans le temps et disparaît lorsqu'on s'éloigne des dates des équinoxes.
Nous rappelons que d'un saros à l'autre, le Soleil, donc l'éclipse se décale d'environ 10,5° par rapport aux constellations zodiacales. Au cours d'une suite longue le soleil apparent effectue plus de deux tours complets d'orbite et l'on rencontre toutes les configurations liées au soleil apparent. Les éclipses parcourent les quatre saisons et cela deux fois.
Nous avons vu également que suite à l'écart entre un saros et 239 révolutions anomalistiques, la distance de la Lune à son périgée varie de 2,8° d'un saros à l'autre. Au cours d'une suite longue de 72 saros, les conjonctions lunaires liées aux éclipses homologues (donc la Lune) ne vont parcourir que 202° de l'orbite lunaire, soit un peu plus que la moitié. De plus durant les 48 éclipses centrales du saros, cet arc se réduit à 134°, il convient de comparer cette valeur avec les portions de l'orbite lunaire où les éclipses sont totales ou annulaires.
Ainsi si le périgée est proche du milieu de cet arc de 134°, la suite longue est trés riche en éclipses totales, si au contraire, cet arc avoisine l'apogée la suite longue est trés riche en éclipses annulaires.
Il ne faut jamais perdre de vue que toutes les variations dans les suites longues sont calculées avec des valeurs moyennes et ne sont jamais toute à fait conformes avec la réalité. Ainsi le décalage de la conjonction par rapport au noeud de 28,55' est une valeur moyenne. En réalité, le Soleil avance plus vite en janvier (il est proche du périgée) qu'en juillet (proche de l'apogée), le calcul montre que la variation de la longitude de la conjonction par rapport au noeud est de l'ordre de 6' en janvier (au lieu de 28,55') et qu'elle atteint 48' en juillet. Les éclipses homologues d'hiver sont donc plus semblables que les éclipses homologues d'été qui évoluent sensiblement plus vite.
Il est facile de connaître la position d'une éclipse dans une suite longue d'éclipses. Les éclipses croissantes ont toujours lieu après le passage au noeud et les éclipses décroissantes ont toujours lieu avant le passage au noeud. La connaissance des instants des syzygies et du passage au noeud permet donc de positionner l'éclipse dans sa suite longue. Inversement la connaissance de la position d'une éclipse dans sa suite longue permet, sauf pour l'éclipse maximale, de savoir sa position par rapport aux noeuds. De plus dans le cas d'un doublet d'éclipses (Lune Soleil ou Soleil Lune) la première éclipse, qui a lieu avant le passage au noeud appartient à la partie décroissante de sa suite longue et la seconde éclipse appartient à la partie croissante de sa suite longue. Dans le cas d'un triplet d'éclipses, la première appartient à la fin de la partie décroissante de la suite longue qui la contient, la dernière appartient au début de la partie croissante de la suite longue qui la contient et l'éclipse médiane se trouve au voisinage du maximum de sa suite longue.
Le tableau suivant donne la liste des éclipses de la suite longue contenant l'éclipse du 31 mai 2003. On donne successivement le numéro de l'éclipse dans la suite longue, le type d'éclipse, la date de l'éclipse, sa magnitude et la durée maximale de la phase centrale lorsque cette phase existe.
n° type | date | magnitude | durée |
---|---|---|---|
1P | 12/101624 | 0.0085968 | |
2P | 23/10/1642 | 0.0548679 | |
3P | 03/11/1660 | 0.0896182 | |
4P | 14/11/1678 | 0.1146153 | |
5P | 24/11/1696 | 0.1316624 | |
6P | 07/12/1714 | 0.1419092 | |
7P | 17/12/1732 | 0.1469513 | |
8P | 28/12/1750 | 0.1505860 | |
9P | 08/01/1769 | 0.1530884 | |
10P | 19/01/1787 | 0.1591577 | |
11P | 30/01/1805 | 0.1675941 | |
12P | 11/02/1823 | 0.1857746 | |
13P | 21/02/1841 | 0.2097100 | |
14P | 04/03/1859 | 0.2462690 | |
15P | 15/03/1877 | 0.2919636 | |
16P | 26/03/1895 | 0.3533467 | |
17P | 06/04/1913 | 0.5110283 | |
18P | 17/04/1931 - 18/04/1931 | 0.5110283 | |
19P | 28/04/1949 | 0.6095708 | |
20P | 09/05/1967 | 0.7205292 | |
21P | 19/05/1985 | 0.8411277 | |
22A | 31/05/2003 | 0.9696001 | 03m34.08s |
23A | 10/06/2021 | 0.9721316 | 03m47.99s |
24A | 21/06/2039 | 0.9730915 | 04M01.45S |
25A | 01/07/2057 - 02/07/2057 | 0.9737206 | 04m40.41s |
26A | 13/07/2075 | 0.9737206 | 04m40.41s |
27A | 23/07/2093 | 0.9735538 | 05m06.77s |
28A | 04/08/2111 | 0.9731384 | 05m36.78s |
29A | 14/08/2129 - 15/08/2129 | 0.9724857 | 06m09.32s |
30A | 26/08/2147 | 0.9716470 | 06m42.98s |
31A | 05/09/2165 | 0.9706588 | 07m15.78s |
32A | 16/09/2183 - 17/09/2183 | 0.9695596 | 07m46.87s |
33A | 28/09/2201 | 0.9684309 | 08m14.61s |
34A | 09/10/2219 | 0.9672517 | 08m39.72s |
35A | 19/10/2237 | 0.9661547 | 09m00.30s |
36A | 30/10/2255 - 31/10/2255 | 0.9651065 | 09m17.21s |
37A | 10/11/2273 | 0.9642541 | 09m28.20s |
38A | 21/11/2291 | 0.9635287 | 09m34.68s |
39A | 02/12/2309 - 03/12/2309 | 0.9630803 | 09m34.31s |
40A | 14/12/2327 | 0.9628599 | 09m28.43s |
41A | 24/12/2345 | 0.9629606 | 09m15.58s |
42A | 04/01/2364 -05/01/2364 | 0;9633421 | 08m57.77s |
43A | 15/01/2382 | 0.9640683 | 08m34.41s |
44A | 26/01/2400 | 0.9651082 | 08m07.46s |
45A | 05/02/2418 - 06/02/2418 | 0.9664621 | 07m37.67s |
46A | 17/02/2454 | 0.9681073 | 07m06.45s |
47A | 27/02/2454 | 0.9700297 | 06m34.42s |
48A | 09/03/2472 - 10/03/2472 | 0.9721718 | 06m02.57s |
49A | 21/03/2490 | 0.9745093 | 05m31.07s |
50A | 01/04/2508 | 0.9769654 | 05m00.43s |
51A | 12/04/2526 -13/04/2526 | 0.9795505 | 04m29.66s |
52A | 23/04/2544 | 0.9821258 | 03m59.66s |
53A | 04/05/2562 | 0.9847154 | 03m29.01s |
54A | 14/05/2580 - 15/05/2580 | 0.9871679 | 02m58.81s |
55A | 26/05/2598 | 0.9895234 | 02m27.78s |
56A | 06/06/2616 | 0.9916211 | 01m58.16s |
57A | 17/06/2634 | 0.9935042 | 01m29.84s |
58A | 27/06/2652 - 28/06/2652 | 0.9935042 | 01m29.84s |
59A | 09/07/26700.9961687 | 0.9961687 | 00m47.26s |
60A | 19/07/2688 | 0.9961687 | 00m47.26s |
61A | 31/07/2706 -01/08/2706 | 0.9960352 | 00m36.88s |
62P | 11/08/2724 | 0.8822576 | |
63P | 22/08/2742 | 0.7560645 | |
64P | 01/09/2760 | 0.6399250 | |
65P | 13/09/2778 | 0.5318151 | |
66P | 23/09/2796 | 0.4338706 | |
67P | 04/10/2814 | 0.3469499 | |
68P | 15/10/2832 | 0.2725393 | |
69P | 26/10/2850 | 0.2098505 | |
70P | 05/11/2868 | 0.1587829 | |
71P | 17/11/2886 | 0.1194801 | |
72P | 28/11/2904 | 0.0907818 | |
73P | 09/12/2922 | 0.0696946 | |
74P | 20/12/2940 | 0.0570489 | |
75P | 31/12/2958 | 0.0487713 | |
76P | 10/01/2977 | 0.0452276 | |
77P | 22/01/2995 | 0.0403169 |
On remarque que cette suite n'est pas complète, en effet le canon d'éclipse de l'IMCCE s'arrête en 2999, il y a probablement des éclipses de la suite qui sont postérieures à cette date. Malgré cela on dépasse la valeur moyenne de 72 éclipses. Et l'on est assez loin des valeurs moyennes, ainsi le nombre d'éclipses partielles de la partie croissante est de 21, la moyenne donne 12 ! On constate également que toutes les éclipses centrales sont des éclipses annulaires, donc l'arc parcouru par les conjonctions lunaires est au voisinage de l'apogée. L'éclipse du 31 mai 2003 est la première éclipse centrale de la partie croissante de la suite, on peut donc en déduire qu'elle a lieu après le passage au noeud et relativement longtemps après ce passage. De plus elle est proche d'un des pôles terrestres. On ne peut pas savoir si la suite est au noeud ascendant ou descendant de l'orbite lunaire. Pour cela il suffit de connaître la latitude de la Lune à la conjonction pour une seule éclipse de la suite. Cette latitude est positive pour l'éclipse du 31 mai donc cette suite longue est au noeud ascendant et l'éclipse du 31 mai 2003 est proche du pôle nord terrestre et les éclipses de la suite vont parcourir le globe terrestre du nord au sud.
Les éphémérides de la Lune nous donnent les informations suivantes :
On constate que le maximum de l'éclipse a bien lieu entre le passage et la conjonction, qu'il est proche de la conjonction (11m 33s) mais éloigné du passage au noeud (19h 36m 1s). L'éclipse est proche du passage de la Lune à l'apogée elle est donc annulaire.