Cette section traite des aspects historiques et géographiques des saisons. Très tôt les astronomes ont essayé de construire des calendriers solaires, pour cela ils durent mesurer et estimer la durée de l'année tropique. En fonction des lieux géographiques, les autres facteurs climatiques jouent des rôles plus ou moins prononcés, ainsi le nombre des saisons climatiques n'est pas toujours égal aux quatre saisons astronomiques.
Le nom d'Hipparque de Nicée (env. 190 - env. 125 av. J.-C.) est lié à la découverte de la précession des équinoxes. Pour découvrir ce lent mouvement de la ligne des équinoxes, deux méthodes d'observations sont possibles. La première consiste à mesurer les variations des longitudes des étoiles au cours du temps. Cette méthode est cumulative, car chaque année la longitude croit d'une valeur faible mais constante. La deuxième méthode consiste à mesurer l'écart entre l'année tropique et l'année sidérale. Nous savons grâce à Ptolémée (IIe siècle après J.-C.) qu'Hipparque a utilisé ces deux méthodes. Et c'est vraisemblablement la première qui fut à l'origine de sa découverte de la précession des équinoxes. Pour cela il compara la distance de Spica dans l'Épi de la Vierge (l'étoile alpha Virginis) avec l'équinoxe d'automne aux dates des observations de Timocharis, observations faites entre 294 et 283 av. J.-C. et la valeur de cette même distance à son époque, et il trouva une variation dans la longitude de l'étoile de 2° sur la période de 160 ans séparant les deux mesures.
Pour la détermination des valeurs de l'année tropique et de l'année sidérale, Hipparque utilisa dans un premier temps des observations faites entre 162 et 128 av. J.-C., mais les valeurs calculées à partir de ces observations semblaient indiquer une valeur variable de l'année tropique en fonction du temps. Finalement, il se limita aux observations des solstices qu'il avait effectuées lui-même en 135 av. J.-C., aux observations faites par Aristarque en 280 av. J.-C. et aux observations faites par Méton, en 432 av. J.-C. Pour l'année tropique il trouva une valeur de 365 jours 1/4 moins 1/300 jour (soit 365 jours 5h 55m 12s) et pour l'année sidérale, il trouva une valeur de 365 jours 1/4 plus 1/144 jour (soit 365 jours 6h 10m 0s). Ces valeurs sont assez proches des valeurs actuelles.
En réalité la valeur de l'année tropique n'est pas constante, mais varie lentement en fonction du temps, sa valeur est donnée pour un instant donné par la relation suivante (P. Bretagnon, 2000) :
A =365,242 190 516 6 - 61,560 7 x 10 -6 T - 68,4 x 10 -9 T 2 + 263,0 x 10 -9 T 3+ 3,2 x 10 -9 T 4
où T = (JJD - 2 451 545,0) / 365 250
JJD étant le jour julien de l'époque considérée.
Epoque | Auteur | Valeur |
---|---|---|
141-127 av. J.-C. | Hipparque | 365j 5h 55m 12s |
45 av. J.-C. | Jules César (Sosigène) | 365j 5h 55m |
139 ap J.-C. | Ptolémée | 365j 5h 55m 12s |
499 | Aryabhata | 365j 8h 36m 30s |
882 | al-Battani | 365j 5h 48m 24s |
~1100 | Khayam | 365j 5h 49m 12s |
1252 | Tables Alphonsines | 365j 5h 49m 16s |
~1440 | Ulug Beg | 365j 5h 49m 15s |
1543 | Copernic | 365j 5h 49m 29s |
1574-1575 | Danti | 365j 5h 48m |
1582 | Calendrier Grégorien | 365j 5h 48m 20s |
2000 | Bretagnon | 365j 5h 48m 45.26s |
Le tableau suivant donne les différentes valeurs de l'année tropique en fonction de l'époque.
Le Papyrus d'Eudoxe, nous informe que Callipe (vers 370-330 av. J.-C.) fut un des premiers astronomes à déterminer avec précision la longueur des différentes saisons. Il trouva (94, 92, 89 et 90 jours) à partir de l'équinoxe de printemps. Hipparque améliora ces valeurs et trouva (94 1/2, 92 1/2, 88 1/8 et 90 1/8) toujours à partir de l'équinoxe de printemps. On remarquera que ces valeurs sont très différentes des valeurs actuelles et cela est normal. En effet, si l'on tient compte de la précession climatique, l'angle entre le périhélie et l'équinoxe de printemps était à l'époque d'Hipparque 34° plus grand qu'actuellement. Le périhélie tombait donc en automne et l'aphélie au printemps, et la saison la plus courte était effectivement l'automne et la saison la plus longue, le printemps.
Les variations de la hauteur du Soleil dans la journée est un des éléments moteurs du climat, ainsi plus on monte en latitude vers les pôles plus le Soleil reste bas sur l'horizon et plus on s'approche de l'équateur plus le Soleil monte haut dans le ciel. D'autres éléments -- la présence des mers et des océans, la présence de la végétation, la nature du relief -- interviennent localement et produisent les différents types de climats observables sur Terre. Ainsi si sous nos latitudes les quatre saisons sont relativement en phase avec les variations climatiques, dans d'autres régions les quatre saisons sont moins marquées et historiquement, leurs nombres et leurs durées sont différentes.
En Mésopotamie, l'année solaire est divisée en deux saisons de six mois chacune : l'été ou temps de chaleur, (en sumérien Emesh, en akkadien ummatum) commence à l'équinoxe de printemps, et l'hiver ou temps du froid (en sumérien Enten, en akkadien kussu) commence à l'éqinoxe d'automne. C'est plutôt le régime des pluies débutant vers le mois de septembre et la crue du Tigre et de l'Euphrate croissante de novembre à mars et maximale en avril et mai, éléments déterminant pour les travaux agricoles, qui sont à l'origine de ce découpage en deux saisons.
On retrouve une pratique identique de nos jours, chez les Nuer du Haut Nil (au Soudan) où l'année est divisée en deux saisons. Une saison des pluies de mars à septembre durant laquelle les Nuer mènent une vie sédentaire et une saison de sècheresse d'octobre à février où les Nuer reprennent une vie nomade.
Dans l'Égypte ancienne, le nombre de saisons était de trois, chaque saison comportait quatre mois. Les noms des saisons et des mois sont donnés dans le tableau suivant :
Saison | Nom des mois |
---|---|
Inondation (Aklet) | Thot-Paophi-Athyr-Choeac |
Hiver (Peret) | Tybi-Méchir-Phaminoth-Pharmouti |
Été (Shemou) | Pachon-Payni-Epiphi-Mésori |
L'année commence avec la saison de l'inondation et cela correspond au début de la crue du Nil. On lit souvent que la crue du Nil correspondait avec le lever héliaque de l'étoile Sirius (Sothis chez les égyptiens), et que le lever héliaque de Sirius a lieu le jour du solstice d'été. En réalité la crue du Nil est bien évidement liée à un phénomène saisonnier et ce phénomène a du, à une époque donnée, correspondre au lever héliaque de Sirius, mais le lever héliaque de Sirius ne se produit pas à date fixe, sa date varie avec la précession des équinoxes et dépend également de la latitude du lieu d'observation.
En Chine, l'année tropique est divisée en 24 sections de saisons - les Jié Qì - correspondant chacune à un arc de 15 degrés de longitude, on distingue quatre saisons comme sous nos latitudes, mais elles sont décalées par rapport aux nôtres d'un mois et demi. Ainsi contrairement aux conventions occidentales, les saisons débutent lorsque la longitudes du Soleil atteint 315°, 45°, 135° et 225° (pour le printemps, l'été, l'automne et l'hiver) et non pas aux équinoxes et aux solstices. Le printemps commence donc à mi-chemin entre le solstice d'hiver et l'équinoxe de printemps.
Dans les Jiè Qì les termes principaux Z sont appelés zhong qì.
Numéro | Jié Qi | Nom | Longitude du Soleil |
---|---|---|---|
J1 | Lì chun | début du printemps | 315° |
Z1 | Yu shui | pluies | 330° |
J2 | Jing zhé | réveil des insectes | 345° |
Z2 | Chun fen | équinoxe de printemps | 360° |
J3 | Qinq ming | clarté | 15° |
Z3 | Gu yu | pluies des grains | 30° |
J4 | Lì xià | début de l'été | 45° |
Z4 | Xiao man | petite abondance | 60° |
J5 | Máng zhong | grains en épi | 75° |
Z5 | Xià zhì | solstice d'été | 90° |
J6 | Xiao shu | petite chaleurs | 105° |
Z6 | Dà shu | grandes chaleurs | 120° |
J7 | Lì qiu | début de l'automne | 135° |
Z7 | Chu shu | fin des chaleurs | 150° |
J8 | Bái lù | rosée blanche | 165° |
Z8 | Qiu fen | équinoxe d'automne | 180° |
J9 | Hán lù | rosée froide | 195° |
Z9 | Shuang Jiáng | arrivée du givre | 210° |
J10 | Lì dong | début de l'hiver | 225° |
Z10 | Xiao xue | petites neiges | 240° |
J11 | Dà xue | grandes neiges | 255° |
Z11 | Dong zhì | solstice d'hiver | 270° |
J12 | Xiao hán | petits froids | 285° |
Z12 | Dà hán | grands froids | 300° |
Le tableau donne la liste des Jié Qì.
Les aborigènes de la région de Kakadu (Australie) découpent l'année solaire en cinq saisons. En Gundjeidmi, la langue des Maiili, les saisons portent les noms suivants :
Nom des saisons | Traduction |
---|---|
yegge | saison plus fraîche, mais encore humide |
wurrgeng | saison froide |
gurrung | saison chaude et sèche |
gunumeleng | saison des tempêtes d'avant la mousson |
banggereng | saison des tempêtes renverse tout |
En Inde le nombre des saisons est de six, chaque saison ayant deux mois.
Le tableau suivant donne la liste des saisons ainsi que les mois du calendrier solaire indien correspondant à ces saisons avant la réforme calendaire de 1957.
Saison | Nom des mois dans le calendrier solaire |
---|---|
Hiver (Sisira) | Pausa - Magha |
Printemps (Vasanta) | Phalguna - Chaitra |
Été (Grisma) | Vaisakha - Jyaistha |
Pluies (Varsa) | Asadha - Sravana |
Automne (Sarat) | Bhadra - Asvina |
Froid (Hermana) | Kartika - Agrahayana |
Les mois en Inde
La réforme du calendrier de 1957 a imposé un calendrier solaire identique au calendrier grégorien commençant le 1 Chaitra (22 mars). Dans ce nouveau calendrier, suite à la précession des équinoxes, les dates des saisons ont été décalées d'un mois pour compenser cet écart (qui est en réalité de six semaines).
Assez paradoxalement, c'est au nord du cercle polaire que l'on trouve une division de l'année comportant plus de six saisons. Les Inuit utilisaient un calendrier lunaire, qui était en réalité plus lié aux variations de leur l'environnement qu'à l'observation de la Lune. Ce calendrier était composé de 13 mois lunaires. Les saisons étaient au nombre de huit et étaient, elles aussi, très liées aux modifications apparentes de l'environnement. De nos jours, ce découpage calendaire n'a plus cours chez les Inuit, il a été remplacé par le calendrier grégorien.
Nom des mois lunaires | Saisons |
---|---|
Siqinnaarut (Soleil possible) | Ukiuq (hiver) |
Quangattaasan (Soleil plus haut) | Ukiuq (hiver) |
Avunniit (bébés phoques prématurés) | Upirngaksajaaq (vers le printemps) |
Naittian (bébés phoques) | Upirngaksaaq (début du printemps) |
Tirigluit (bébés phoques à barbe) | Upirngaaq (printemps) |
Nurrait (bébés caribous) | Upirngaaq (printemps) |
Manniit (oeufs) | Upirngaaq (printemps) |
Saggaruut (les caribous perdent leurs poils) | Aujaq (été) |
Akullirut (le poil des caribous épaissit) | Aujaq (été) |
Amiraijaut (les bois des caribous perdent du duvet) | Ukiatsajaaq (vers l'automne) |
Ukuitlirut (début de l'hiver) | Ukiaksaaq (automne) |
Tusartuut (écoute nouvelles des voisins) | Ukiaq (début de l'hiver) |
Tauvigjuaq (grande obscurité) | Ukiuq (hiver) |
Le tableau suivant donne la liste des treize mois lunaires et les saisons correspondantes.
Dès l'époque d'Hipparque (environ 130 avant J.-C.) les astronomes eurent une assez bonne approximation de la valeur de l'année tropique. A la date de la création de notre calendrier en 1582, la valeur utilisée était pratiquement la même que celle déterminée par Al Battani sept siècles plus tôt. Les valeurs actuelles ne sont pas mesurées mais calculées à partir des théories planétaires et du mouvement de précession des équinoxes.
Dans de très nombreux pays le nombre des saisons est différent des quatre saisons astronomiques, cela en raison de l'importance des autres facteurs climatiques prépondérants dans ces régions.