Après la période de recombinaison, 380 000 ans après le Big Bang, jusqu'à nos jours, l'univers a évolué d'un gaz neutre presque homogène à un état très inhomogène avec comme composantes du gaz neutre, du gaz ionisé et des étoiles regroupés gravitationnellement dans des galaxies qui sont elles-mêmes structurées suivant des filaments séparés par des zones de quasi-vide. Ce changement radical de structure a connu plusieurs phases, un âge sombre qui est la suite directe de l'époque de recombinaison, une époque de réionisation où se sont formées les premières structures (étoiles et galaxies), et où tout le gaz de l'univers s'est ionisé, et enfin une évolution hiérarchique qui dure depuis plus de treize milliards d'années et qui a vu principalement la formation des galaxies par des fusions successives.
Si l'univers était très homogène avant la recombinaison avec des inhomogénéités de l'ordre de 1 pour 100 000, l'univers aujourd'hui est très inhomogène mais aussi très structuré. Plusieurs facteurs ont rendu ce changement d'état possible. Le premier est évidemment le découplage lumière-matière qui a permis à la matière de s'effondrer sur elle-même sans en être empêchée par la pression du flux lumineux et ainsi d'augmenter les faibles inhomogénéités du FDC. Le second facteur est le temps. Depuis plus de 13 milliards d'années l'univers évolue et devient de plus en plus inhomogène et structuré. Le troisième facteur est la possible présence d'une grande quantité de matière noire qui aurait accéléré la formation des structures. En effet, la matière noire a pu se condenser sans entrave avant la recombinaison car elle n'était pas sujette à la pression lumineuse. Cela aurait permis la création de puits de potentiel gravitationnel qui auraient pu après la recombinaison être des catalyseurs pour condenser la matière baryonique.
L'expansion de l'univers ne crée pas d'inhomogénéité mais entrave plutôt la formation des structures de l'univers. Un univers connaissant une expansion trop rapide n'aurait pas permis l'effondrement de grandes quantités de gaz sur lui-même et la création de grandes structures cosmiques telles que les galaxies. A l'inverse, une expansion moins rapide permet une plus grande interaction entre la matière et donc la création de structures plus massives.
Un concept utile pour résumer et quantifier ce qui vient d'être présenté est la masse de Jeans. Pour une distribution de masse quelconque connaissant une force de pression (la pression cinétique due aux chocs des particules qui est donnée par la température), une température et une densité , la masse de Jeans se définit comme suit :
La température n'apparaît pas car elle se déduit de la pression et de la densité par une équation d'état. Une sphère englobant une masse supérieure à la masse de Jeans peut s'effondrer sur elle-même sinon elle n'en est pas capable par manque d'énergie gravitationnelle comparée à l'énergie cinétique. Plus la pression entre les particules dans la sphère de matière est forte plus la masse totale contenue dans la sphère doit être grande, et à l'inverse plus la densité est élevée plus la masse peut être petite. Ce concept ne dépend pas de la nature de la masse, il s'applique aussi bien à l'univers tout entier qu'à un nuage de gaz qui s'effondre pour former des étoiles.
La première image de l'univers est donnée par l'observation du Fond Diffus Cosmologique 380 000 ans après le Big Bang (voir FDC). La grande homogénéité et isotropie de l'univers permet d'utiliser des lois analytiques et la physique linéaire pour prédire l'évolution de sa densité. Les fluctuations de densité, notées , dépendant du temps et de la position, sont très petites (1 partie pour 100 000) devant la densité moyenne de l'univers, notée et ne dépendant que du temps. Tandis que cette densité moyenne chute avec l'expansion de l'univers d'après la loi , les fluctuations croissent linéairement avec la baisse de la température, . L'indice "rec" dénote les conditions au moment de la recombinaison. Les fluctuations deviennent non négligeables pour des décalages spectraux proches de 100. A cette époque, la physique linéaire doit être remplacée par une physique non linéaire. Pour ce faire les astronomes utilisent des simulations cosmologiques. Cette période de croissance linéaire a duré près de 16 millions d'années.
Du décalage spectral 100 à 25, c'est à dire de 16 à 132 millions d'années, les inhomogénéités de l'univers augmentent sans rencontrer de force pour les en empêcher, pas de pression lumineuse ni de force de pression mécanique, les collisions entre les atomes sont rares et peu énergétiques. L'univers reste sous la forme d'un gaz majoritairement composé en masse d'Hydrogène (75%) et d'Hélium (25%) avec un peu de Lithium et de Deutérium (voir cours sur la nucléosynthèse primordiale). Les galaxies, les étoiles, les planètes, tous les objets astronomiques connus dans l'univers proche n'existent pas encore. Cette époque qui dura presque 150 millions d'années, sans étoile et sans création de lumière, est appelée l'âge sombre.
La phase suivant l'âge sombre est appelée l'époque de réionisation. Au cours de cette période qui se déroule grossièrement du décalage spectral 25 au décalage spectral 6 se déroulent deux évolutions majeures pour l'univers : l'ionisation de tout le gaz neutre, l'univers redeviendra ionisé comme il l'était avant la recombinaison, et la formation des premières étoiles et des premières structures contenant ces étoiles.
Entre les décalages spectraux 25 et 6, de 132 millions d'années à 951 millions d'années après le Big Bang, les inhomogénéités de densité deviennent telles que les atomes du gaz commencent à s'entrechoquer fortement et à chauffer, le gaz émet alors de la lumière dans l'infrarouge. Pour continuer à s'effondrer sur eux-mêmes, les nuages de gaz doivent perdre de l'énergie sous forme de photons pour se refroidir. Cependant, l'hydrogène et l'hélium requièrent de grandes énergies pour exciter leurs électrons et ainsi émettre de la lumière. Cela conduit à un mécanisme de refroidissement lent qui permet une grande accumulation de matière. De ce fait, les premières étoiles devraient être des étoiles très massives évoluant en supernovae et des hypernovae. Ces étoiles très instables brûlent rapidement leurs carburants et émettent un rayonnement très fort dans l'ultra-violet (UV). Ce flux UV est d'abord absorbé par les atomes (ou le gaz neutre) l'entourant. Ce phénomène se répétant au niveau global de l'univers, un flux UV va bientôt baigner le cosmos et exciter de plus en plus d'atomes neutres formés à l'époque de la recombinaison. En plus des étoiles massives, les premiers trous noirs supermassifs se forment et accrètent le gaz neutre dans leur environnement devenant des noyaux actifs de galaxie et émettant une lumière très énergétique. L'effet combiné des étoiles massives et des noyaux actifs de galaxies ionisera complètement l'univers, si bien que le parcours moyen d'un photon énergétique ne sera plus stoppé par l'absorption d'un atome et pourra ainsi nous parvenir.
A la fin de la réionisation, bien que l'univers ait formé les premières structures, l'évolution de l'univers est loin d'être terminée. Trois processus vont transformer l'univers distant en notre univers proche. Le premier est la formation stellaire qui convertira une partie du gaz présent à cette époque en étoiles. Le second processus est la fusion entre les galaxies qui est le mécanisme à la base du modèle de structuration des galaxies, le modèle hiérarchique. Partant d'une multitude de petites galaxies, de nouvelles galaxies plus massives se forment. Les galaxies géantes au centre des amas de galaxies en sont le symbole. Enfin le dernier changement structurel de l'univers est le renforcement d'une structure filamentaire de la distribution spatiale des galaxies. En effet, les galaxies ne sont pas distribuées de manière isotrope et homogène mais elles forment des filaments qui semblent entourés de sphères quasiment vides. La description de la structure de notre univers à différentes échelles, du Mpc au Gpc, est traité dans le premier cours sur la découverte de notre univers.
Afin de suivre l'évolution des structures de la matière depuis l'âge sombre jusqu'à nos jours, des simulations cosmologiques de plus en plus précises ont été entreprises. Leur but est de décrire l'univers à différentes époques et à différentes échelles.
Dans le premier chapitre de ce cours de cosmologie, les lois de l’évolution de l’univers ont été expliquées en mettant en avant la relativité générale. Le contenu énergétique a aussi été défini, baryons (atomes, gaz et photons), matière noire et énergie noire. Cela a fourni le modèle ΛCDM ; Λ représentant l’énergie noire et CDM correspondant à Cold Dark Matter pour notifier la présence importante de matière noire froide. Dans ce modèle, la matière baryonique est négligeable et n'influence donc pas la structure de l’univers aux grandes échelles ; elle suit la matière noire. En partant de ce postulat et avec l’aide d'ordinateurs multi-processeurs, les scientifiques des années 1990 ont commencé à modéliser l’évolution de cubes d’univers de plusieurs Mpc de côté depuis un décalage spectral z = 100 (il y a plus de 13 milliards d'années) lorsque la physique de l'univers devient non linéaire jusqu’à nos jours, z = 0. Ces simulations ne prennent en compte que la matière noire, la force de gravité entre ces particules et l’expansion de l’univers. Les conditions initiales correspondent à un univers de densité constante avec des inhomogénéités générées de manière aléatoire.
L'univers est constitué de milliards de milliards de milliards, etc, de particules baryoniques et encore plus de matière noire ; il est impossible de suivre l'évolution de chacune d'elles, cela demanderait beaucoup trop d'heures de calcul. Les simulations cosmologiques les plus importantes simulent au maximum plusieurs milliards de particules. Dans le cas des simulations cosmologiques couvrant un grand volume spatial (cubes de plusieurs centaine de kpc), seule la matière noire est simulée par le biais d'éléments de masse appelés particules. Elles ont une masse allant du million au milliard de fois la masse du soleil. Cette taille crée une limite dans la résolution de la simulation. Elle ne rend pas fausse les simulations mais elle les rend incapables de simuler des objets de plus petite masse que la masse de base. Ces types de simulations ne sont donc pertinentes que pour reproduire les galaxies les plus massives et les grandes structures qu'elles forment. Il est à noter qu'il existe de plus en plus de simulations cosmologiques simulant de petits cubes d'univers (10-20 kpc) mais introduisant la matière baryonique. De plus, un autre type de simulation cosmologique se focalise sur les petites structures, telles les galaxies naines, en simulant de petit volume d'univers mais avec une grande résolution. Le domaine des simulations est donc très vaste et dépend de ce que l'on veut étudier : l'univers dans son ensemble, la formation des baryons dans les galaxies ou encore la formation des petites structures.
L'univers visible mesurable est celui des étoiles et gaz. Cependant, les simulations cosmologiques à grandes échelles nous montrent surtout l'univers invisible de la matière noire. Cela peut paraître de prime abord très profitable, nous aurions à notre portée les deux faces de l'univers. Cependant, cela empêche de vérifier directement si les simulations cosmologiques sont bonnes et décrivent bien l'univers. Il est donc primordial de faire le lien entre la matière baryonique et la matière noire, ce qui n'est pas chose aisée. Il paraît normal de supposer qu'un halo de matière noire abrite une galaxie. Mais une galaxie de quelle masse, de quelle type, et quelle est la nature de la matière dans cette galaxie, gazeuse ou stellaire ? Toutes ces questions ont donné lieu à des modèles semi-analytiques qui remplissent les halos de matière noire de matière baryonique et les font évoluer analytiquement. Ce procédé est rapide mais sujet à caution. Les lois analytiques sont-elles les bonnes, peut-on simplifier par quelques lois des phénomènes aussi complexes qu'une fusion de galaxies et connaît-on réellement ces lois à grands décalages spectraux ?
Bien que les simulations soient un outil irremplaçable, les limites dues à la résolution et les limites dues à la physique implémentée dans les simulations montrent que les simulations sont aussi un outil à utiliser avec précaution.
Un des exemples les plus connus de simulation cosmologique est la simulation Millennium. Lancée en 2005 au Max Planck Institut, elle simule plus de 10 milliards de particules couvrant un volume cubique de 500 Mpc de côté. Ses données de sortie sont 63 snapshots (données sur les positions et vitesses de chaque particule à un temps défini) répartis de z = 127 à z = 0 qui représentent plusieurs téraoctets de données. La masse de chaque particule est de masses solaires. Une seconde version a été lancée, Millennium II, dans le but de mieux contraindre les moyennes échelles. La taille du cube est dans ce cas de 125 Mpc avec une masse par particule de masses solaires.
Le principal résultat de telles simulations numériques est l'accord entre la distribution spatiale de la matière observée et de celle simulée. Dans ces simulations, la matière se distribue bien suivant des filaments remplis de galaxies isolées ou en petits groupes. Les intersections de ces filaments forment des amas. La ressemblance entre les résultats des simulations numériques et la distribution des galaxies et des amas de galaxies observée à grande échelle est frappante, et semble indiquer que les simulations numériques rendent bien compte de la manière dont les grandes structures ont pu se former dans l’univers.
La simulation Millennium simule un cube d'une taille de 500 Mpc de côté avec près de particules d'une masse de masses solaires environ chacune. Quelle est la masse totale simulée et la masse volumique moyenne à z = 0 en g/ cm3, à comparer à l'eau ?
Combien de halos de matière noire de masses solaires (la valeur généralement admise pour la Voie Lactée) peuvent être simulés ?
De combien de particules est constitué le halo de la Voie Lactée dans une telle simulation ?
La matière dans l'univers proche s'est répartie suivant une structure filamentaire mais elle a aussi changé de forme. Depuis la matière froide et neutre des âges sombres en passant par du gaz ionisé à la réionisation, la matière aujourd'hui prend plusieurs formes.
Si vous levez les yeux au ciel le soir vous verrez sous quelle forme se présente une partie de la matière dans l'univers : les étoiles. Il est assez facile de déterminer la masse des étoiles. Il suffit de mesurer la quantité de lumière qui nous parvient de ces dernières et de la convertir en masse. Bien que simple en théorie, cela s'avère plus difficile en pratique et certains pièges sont à éviter. La valeur déterminante dans cette recherche est le rapport M/L, masse sur luminosité. Si ce rapport était constant l'exercice serait trivial. Il change en fait en fonction de l'étoile observée. Une étoile géante à 20 000 K émettant beaucoup dans le bleu a un M/L plus petit qu'une étoile rouge moins massive de 4 000 K. La masse stellaire représente près de 20 % de la masse baryonique totale.
L'autre forme de la matière est le gaz neutre d'hydrogène, HI. Il est généralement le résultat d'une absence d'évolution depuis l'époque de la recombinaison. Ce gaz se raréfie. Pour la Voie Lactée, il compte pour seulement 12 % de la masse baryonique totale, le reste étant principalement des étoiles. Pour la galaxie d'Andromède c'est encore moins, 6%. Les galaxies elliptiques sont quant à elles presque dépourvues de gaz HI. Ce sont les galaxies naines irrégulières qui sont encore les plus riches en gaz avec des proportions pouvant atteindre plus de 50%. C'est le cas du Petit Nuage de Magellan. Les grands nuages de gaz neutre intergalactiques isolés sont rares à z = 0.
Les amas de galaxies sont connus pour deux caractéristiques : une forte concentration de galaxies, principalement elliptiques, et une grande masse de gaz chaud. Comment cela est-il possible quand on sait que les elliptiques sont quasiment dépourvues de gaz HI ? Il se trouve que le gaz dans les amas de galaxies n'est pas sous sa forme habituelle, neutre et attaché à une galaxie, mais il est très chaud, ionisé et en équilibre avec l'amas dans sa globalité. Ce gaz est facilement détectable car il émet très fortement dans le domaine des rayons X. De plus son interaction avec le FDC via l'effet Sunyaev-Zel'Dovitch permet de mesurer son décalage spectral. Ce gaz constitue plus de 90 % de la masse des amas de galaxies.
Le gaz chaud d'un amas est le résultat de l'agglomération successive de nombreuses galaxies dans l'amas. Lorsqu'un amas se forme, il commence par accréter des galaxies et par les faire interagir entre elles. Leur gaz est brûlé pour former des étoiles ou chauffé et éjecté dans leurs environnements. Au fur et à mesure que des galaxies peuplent un amas, le gaz environnant de l'amas devient chaud et surtout dense, si bien que les nouvelles galaxies riches en gaz qui tombent dans un amas sont dépouillées de leur gaz qui est chauffé et qui contribue au gaz chaud de l'amas. Cette formation ayant lieu dès le début de la formation des structures galactiques, pendant et après l'époque de réionisation, les galaxies accrétées étaient très riches en gaz, ce qui explique la fraction importante de gaz dans les amas.
Une dernière composante de la matière visible est la poussière. Cette dernière dans son sens général inclut tout ce qui n'est pas du gaz, ou un plasma de gaz tel qu'une étoile. La poussière est en général constituée de petites particules d'une taille de 0.001 à 0.2 m. Cependant, l'accumulation de cette poussière peut former des objets plus massifs comme les astéroïdes ou les planètes avec nous y vivant. Cette composante est le résultat de la nucléosynthèse des étoiles massives et de l'éjection de cette matière par les étoiles. Nous sommes donc de la poussière d'étoiles comme il est fréquent d'entendre dire. Sa masse totale est assez faible, moins d'un pourcent de la masse baryonique.
Lorsque toute la masse baryonique est comptabilisée à z = 0 et qu'elle est ensuite comparée à la masse baryonique mesurée à z = 2, il y a un déficit de près de 50% ; la moitié de la masse baryonique manque. Comme il n'existe pas de processus possible pour faire disparaître une aussi grande quantité de masse durant les 13 derniers milliards d'années, cela implique qu'elle est cachée, invisible. L'hypothèse la plus tangible est qu'elle soit sous la forme d'un gaz diffus froid ou d'un gaz tiède ou chaud. Le fait d'être diffus rend difficile sa détection car le gaz n'absorbe ou n'émet pas assez de lumière. Le fait que le gaz soit tiède ou chaud implique une émission de lumière dans des longueurs d'onde non observées intensivement par les astronomes, entre l'UV et les rayons X. Le gaz chaud des amas est facilement observable car il est concentré et émet beaucoup de rayons X.
Un autre type de matière semble aussi être présente bien qu'elle n'ait jamais été observée directement : la matière noire. Elle formerait des halos autour des galaxies et dans les amas. Sa particularité est de n'interagir que gravitationnellement, donc d'être totalement invisible. La propriété la plus surprenante de cette matière est que sa masse serait plus de six fois supérieure à la masse baryonique.