Auteur: S. Renner
Date de création: 8 avril 2009
Dans le système solaire, on trouve plusieurs exemples de configurations où des petits satellites co-orbitaux sont en orbite autour d'un corps central (planète) beaucoup plus massif. Dans le système de Saturne, les satellites Hélène et Pollux sont en libration autour des points de Lagrange et de Dioné. De même, Télesto et Calypso sont respectivement au point et de Téthys. D'autre part, les satellites co-orbitaux Janus et Epiméthée ont des orbites en fer à cheval (cf. figure des points de Lagrange) autour de leur point mutuel.
Dans un autre contexte, la présence de 4 arcs de matière (des "morceaux" d'anneau) autour de Neptune pourrait s'expliquer par l'existence de satellites co-orbitaux (non découverts) qui confineraient la poussière observée de l'anneau formant les arcs.
Le but ici est de redémontrer des résultats généraux sur les configurations stationnaires (planes) de satellites co-orbitaux, en orbite autour d'une planète beaucoup plus massive (problème à corps, plan). Ces résultats généralisent le problème des points de Lagrange et sont extraits de Renner, S. & Sicardy, B., Celestial Mechanics and Dynamical Astronomy, 88, 397-414, 2004.
Plus précisément, on va montrer que l'existence de solutions stationnaires planes pour le problème à corps dépend de la parité de . Plus précisément, si est impair, et pour une configuration angulaire donnée, il existe toujours un ensemble de masses (positives ou négatives) qui réalise un équilibre! Pour pair au contraire, il n'y a à priori pas de combinaison de masses qui réalise un équilibre, pour des séparations angulaires données entre les satellites.
Difficulté : ☆☆ Temps : 2h30
On considère satellites co-orbitaux en orbite autour d'un corps central supposé ponctuel de masse M. On note la vitesse angulaire moyenne et le rayon orbital moyen des satellites.
On suppose le problème plan, et on se place dans un repère centré sur M et tournant à la vitesse angulaire .
Le mouvement de chaque satellite est décrit par les coordonnées , , où est la longitude du satellite i par rapport à une longitude de référence arbitraire, et l'excursion radiale relative du satellite par rapport au rayon moyen (voir figure ci-dessous).
On peut montrer que la dynamique de chaque satellite est régie par le système d'équations différentielles suivant :
avec
, ,
Ecrire les deux équations algébriques donnant les points fixes du système.
Que signifie la première relation?
La seconde relation correspond en fait à équations linéaires des masses. Ecrire ce système sous forme matricielle. On note la matrice obtenue.
Que peut-on dire de la matrice ?
Trouver les points d'équilibre dans le cas .
On cherche à trouver tous les angles ,..., tels que soit solution de l'équation matricielle, avec . Il est évidemment impossible de résoudre cette équation analytiquement pour quelconque. On peut néanmoins déduire des propriétés générales sur les solutions.
soit tel que pour tout (f' n'est pas définie en 0).
On suppose que est impair. Déterminer le rang de la matrice , puis en déduire qu'il existe une famille à paramètres, avec entier impair, de vecteurs pour laquelle est une configuration stationnaire.
On suppose que est pair. Déterminer le rang de la matrice , et en déduire qu'en général il n'existe pas de famille de vecteurs qui réalise un équilibre.
Dans le cas où est pair, quelle propriété doit vérifier la matrice pour pouvoir obtenir des solutions non-triviales ?
Vérifier les deux questions précédentes avec le cas .
Les équations du mouvement sont donc:
avec
, ,
Pour établir ces équations, on a fait les hypothèses suivantes:
La première équation n'est rien d'autre que la vitesse keplerienne différentielle de chaque satellite par rapport à l'orbite de référence de rayon . La seconde équation contient, sous forme dérivée, tous les termes résultant des interactions gravitationnelles mutuelles entre les satellites.
La fonction est la somme des potentiels direct et indirect exercé par un satellite donné sur les autres co-orbitaux. C'est une fonction paire, et son graphe est tracé ci-dessous avec ses dérivées première et seconde et .
Puisque est impaire, il est facile de montrer d'après les équations du mouvement que . Le rayon de référence étant arbitraire, il peut être choisi de telle manière que, sans perte de généralité. Ainsi le système possède les intégrales premières suivantes :
qui résultent de la conservation du moment cinétique total. Cette conservation résulte elle-même de l'invariance par rotation du problème. Il existe une autre intégrale première :
Elle exprime la conservation de l'énergie dans le repère tournant, et est appelée constante de Jacobi.
Auteur: Marc Fouchard
Date de création: 4 avril 2011
On considère le système dynamique suivant:
,
où est un vecteur de dimension , et une fonction vectorielle de dimension continue et dérivable.
On appelle exposant de Lyapunov en suivant le vecteur la quantité:
,
où est solution de l'équation différentielle:
,
avec est le Jacobien de .
Cette équation, appelée équation variationnelle, est associée à l'équation différentielle décrivant l'évolution de . Les vecteurs et sont les conditions initiales de ces équations différentielles.
On appelle généralement le vecteur le vecteur tangent à la trajectoire. Il évolue dans un espace appelé espace tangent qui peut être identifié à
Les exposants de Lyapunov permettent de savoir si la trajectoire passant par est chaotique ou pas. Par exemple sur la figure ci-dessous on peut voir qu'un dérivé des exposants de Lyapunov (Exposant de Lyapunov Rapide) se comporte de manière différente pour une trajectoire régulière (accroisement linéaire) et pour une trajectoire chaotique (accroissement exponentiel). Dans la suite on va étudier les exposants de Lyapunov associés à la trajectoire passant par à et démontrer quelques propriétés élémentaires de ces exposants, en particulier leur similarité avec le spectre des valeurs propres d'en endomorphisme.
Difficulté : ☆☆☆ Temps : 1h30
Soit une orbite périodique de condition initiale et de période . Ainsi après une période on a , où est une matrice carrée de dimension , et pour on a . Montrer que si est un vecteur propre de la matrice associé à la valeur propre alors:
Ainsi on voit que pour les orbites périodiques les exposants de Lyapunov sont reliés au spectre, c'est-à-dire l'ensemble des valeurs propres, du Jacobien de . Dans le cas général la matrice n'existe pas. Cependant on va voir qu'on peut définir un spectre d'exposants de Lypunov associé au Jacobien de ayant certaines similarités avec le spectre des valeurs propres d'une matrice.
Montrer que , pour .
Montrer que .
Avec la convention , montrer que pour tout , l'ensemble , forme un sous-espace vectoriel de .
En déduire qu'il existe au plus exposants de Lyapunov distincts pour une trajectoire donnée.
On voit ainsi que les exposants de Lyapunov forment un spectre au même titre que les valeurs propres pour un opérateur linéaire. Si on a exposants distincts et tels que , avec , alors les vecteurs forment une base de . Dans la pratique, on ne connait pas les vecteurs permettant de déterminer les exposants de Lyapunov. Mais si on prend un vecteur au hasard il apartiendra à mais peu probablement à . En effet pour qu'il y appartienne il faudrait que la composante de ce vecteur suivant soit égale à zéro. Lors d'un tirage au hasard cette probabilité est nulle.
Ainsi dans la pratique on calcule en général uniquement l'exposant maximal de Lyapunov . Il permet de savoir si une orbite est stable ou chaotique. En effet dans le cas d'une orbite stable la norme du vecteur tangent va très probablement augmenter linéairement avec le temps, ainsi , alors que dans le cas chaotique elle va augmenter très probablement exponentiellement avec le temps, ainsi .
pages_syst-lin/exo-sat-coorb.html
Les points fixes du système sont donnés par :
,
et
pour tout .
La première équation signifie qu'en configuration stationnaire les satellites co-orbitaux ont le même rayon orbital. Dans le problème exact, cela est seulement vrai à l'ordre 0 en . Les petites corrections d'ordre sont ici négligées.
La seconde équation fait intervenir les séparations angulaires entre les satellites et peut s'écrire sous forme matricielle. On définit . La fonction étant impaire, on obtient:
La matrice définie ci-dessus est antisymétrique. Elle ne dépend que des longitudes , via les coefficients .
Avec , la condition d'équilibre s'écrit
,
c'est-à-dire
et , ou .
Les points d'équilibre sont respectivement les points de Lagrange , et .
Les points et n'apparaissent pas. Cela résulte des hypothèses du problème.
Puisque est antisymétrique, son rang est pair. C'est un résultat classique d'algèbre linéaire, non redémontré ici.
Par conséquent, pour des angles donnés, l'existence de solutions non-triviales (positives ou négatives) du système linéaire va dépendre de la parité du nombre de satellites.
Si N est impair, avec impair. Ainsi, étant données des séparations angulaires arbitraires et non-nulles entre les satellites, il existe une famille à k paramètres de vecteurs pour laquelle la configuration est stationnaire: étant données par exemple , , ..., , le système linéaire admet une et une seule solution .
Notons cependant que les masses doivent être positives pour que la solution correspondante ait un sens physique. Cela réduit les configurations angulaires possibles à un sous-ensemble de.
En fait "presque partout". Dans l'espace des , l'ensemble pour lequel le rang de est , ,..., est de mesure nulle. Ainsi étant donnée par exemple , il y aura une et une seule solution pour laquelle est une configuration d'équilibre.
Si est pair, le rang de est généralement : étant donnée une configuration angulaire arbitraire , il n'existe pas en général de solutions non-triviales pour lesquelles est un équilibre.
On doit tout d'abord annuler le déterminant de la matrice, , afin de trouver des solutions non-triviales.
Le rang de sera "presque partout" sur . Dans ce cas, il existe une famille à 2 paramètres de vecteurs pour lesquels la configuration est stationnaire.
Dans le cas , seuls les points de Lagrange , et sont des points d'équilibre. Deux satellites à par exemple l'un de l'autre sont stationnaires quelque soit le choix arbitraire des masses et .
pages_syst-lin/exo-expo-lyap.html
On a . Ainsi:
.
L'équation différentielle décrivant l'évolution de est linéaire. On en déduit que si désigne l'évolution de et l'évolution de alors on a . Ainsi on a :
Toujours du fait de la linéarité de l'équation différentielle décrivant l'évolution de , si on note et les évolutions respectives de et on a:
.
D'après l'inégalité de Cauchy-Schwarz on a: . Ainsi, la fonction logarithme étant croissante, on a:
où , ainsi ce qui permet d'éliminer le facteur lors du passage à la limite (division par ).
Lorsque les limites existent on a:
,
Ce qui montre le résultat.
D'après la convention, . En tant que sous-espace d'un espace vectoriel, il suffit de montrer donc de montrer que est stable par combinaison linéaire. Ceci est une conséquance immédiate des deux questions précédentes.
Procéder par l'absurde en supposant exposants de Lyapunov distincts.
Supposons qu'il en existe . soit les exposants de Lyapunov, tels que . Par définition on a avec . Ainsi . Soit . Or qui est de dimension , donc il ne peut y avoir exposants de Lyapunov distincts.