Le contenu des galaxies

Auteur: Florence Durret

Généralités

Les galaxies sont composées d'étoiles, de gaz, de poussières et de matière noire.

Nous allons voir comment il est possible de déterminer le contenu et les propriétés de chacune de ces composantes.

L'importance relative et les propriétés physiques de ces diverses composantes diffèrent selon les divers types de galaxies.

Par exemple, les galaxies elliptiques sont riches en étoiles vieilles, rouges, et relativement peu massives, alors que les galaxies spirales contiennent des étoiles vieilles et rouges dans leur bulbe (semblables à celles des galaxies elliptiques) mais aussi des étoiles chaudes et plus massives dans leurs bras spiraux.

Le gaz, lui, sert à former les étoiles. Dans les galaxies elliptiques, toutes les étoiles ont depuis longtemps fini de se former, et il ne reste donc quasiment plus de gaz. Au contraire, dans les spirales, il reste du gaz, et on y observe donc encore des étoiles en train de se former ou tout juste formées.

M81
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La galaxie Messier 81 observée à différentes longueurs d'onde. On voit bien que l'aspect de la galaxie est différent selon le domaine de longueur d'onde cartographié.
Crédit : Multiwavelength astronomy, Cool Cosmos at IPAC, NASA, Caltech, USA

Suivant le domaine de longueur d'onde où l'on observe une galaxie, celle-ci peut prendre divers aspects. Par exemple en ultraviolet, on va voir essentiellement les étoiles jeunes et chaudes, tandis que dans le rouge on verra les étoiles plus vieilles. En infrarouge, on détectera l'émission des poussières, qui peuvent dans certains cas être chauffées par le rayonnement d'étoiles récemment formées. C'est ainsi par exemple que le satellite Spitzer a permis d'observer des galaxies à la longueur d'onde de 24 microns, et de cartographier les zones de formation d'étoiles grâce au rayonnement des poussières réémettant dans l'infrarouge le rayonnement qu'elles reçoivent des étoiles chaudes voisines.

Aux très hautes énergies, on verra des composantes complètement différentes : en rayons X, on détectera le rayonnement du noyau actif s'il y en a un (voir le chapitre Les galaxies à noyau actif), ou bien les étoiles binaires X individuelles dans les bras spiraux des galaxies proches. Certaines grosses galaxies elliptiques peuvent être entourées d'un halo de gaz très chaud et très peu dense de même nature que celui qui baigne les amas de galaxies, et qui est alors détecté en rayons X. Enfin, les régions centrales de certaines galaxies à noyau actif peuvent aussi émettre en rayons gamma.


Comment observer les étoiles dans les galaxies

Les étoiles peuvent être observées dans les galaxies tout d'abord grâce à l'imagerie, qui permet de caractériser leur distribution. De plus si l'on observe la même galaxie avec différents filtres, on fera apparaître des détails différents, par exemple, pour une galaxie proche, une image dans un filtre bleu ou ultraviolet montrera la distribution des étoiles chaudes tandis qu'une image dans un filtre rouge montrera celle des étoiles vieilles.

La spectroscopie des galaxies exige bien sûr des temps de pose nettement plus longs que l'imagerie mais apporte aussi des informations beaucoup plus riches. Par exemple, on peut créer des modèles de synthèse de populations stellaires en additionnant les spectres de divers types d'étoiles, et voir quelle combinaison d'étoiles permet le mieux d'ajuster le spectre d'une galaxie donnée. Cette méthode permet d'évaluer l'âge moyen des étoiles et leur métallicité (abondance en éléments plus lourds que l'hydrogène et l'hélium).

Spectre d'une galaxie naine dans l'amas Abell 496
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Spectre d'une galaxie naine de l'amas Abell 496 (en noir). Le modèle de synthèse de populations stellaires qui ajuste le mieux les données est superposé en rouge. En dessous, en vert, sont présentés les résidus, c'est à dire la différence entre le spectre et le modèle. On peut voir que ces résidus sont bien localisés autour de zéro, et qu'ils sont faibles, ce qui veut dire que l'ajustement est bon (sauf à l'extrémité droite du spectre).
Crédit : Igor Chilingarian et al. (2008), Astronomy & Astrophysics 486, 85

Spectres de divers types de galaxies et réponses spectrales des filtres

La figure ci-contre montre les spectres de quatre galaxies de types très différents. Si l'on compare leur forme, on voit que le spectre qui commence le plus haut vers la gauche et décline fortement vers le rouge correspond à une galaxie très riche en étoiles jeunes. A l'autre extrême, en descendant selon l'axe des abscisses à faible longueur d'onde, le quatrième spectre n'est quasiment pas détecté dans le filtre UV lointain, mais est très intense au-dessus de la bande u : c'est un spectre de galaxie elliptique.

Spectres de plusieurs galaxies
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Spectres de quatre galaxies de type différent. Les flux lumineux de ces spectres ont été normalisés pour avoir la même valeur à la longueur d'onde 250 nm. Les filtres, de gauche à droite, correspondent à l'extrême ultraviolet (FUV), à l'ultraviolet proche (NUV), et aux bandes u (bleu), g (vert), r (rouge), i (rouge lointain) et z (entre rouge et infrarouge). Les spectres de quatre galaxies sont superposés (voir texte).
Crédit : Florence Durret

La figure ci-dessus illustre bien la méthode dite des "décalages spectraux photométriques". En effet, si l'on observe un champ en imagerie dans plusieurs bandes photométriques, on peut arriver à estimer le décalage spectral de toutes les galaxies du champ. Une galaxie très bleue (donc très brillante en UV ou dans la bande u) sera forcément proche ; en revanche, une galaxie qui, par exemple, ne serait pas détectée dans les bandes plus bleues que r et serait détectée dans la bande i sera nécessairement très lointaine. Bien sûr, l'erreur sur le décalage spectral de chaque galaxie est beaucoup plus grande que si l'on avait un véritable spectre, mais cela permet d'avoir une estimation du décalage spectral approximatif de dizaines, voire de centaines de milliers de galaxies en quelques heures de pose, ce qui ne serait pas possible en spectroscopie.


Comment observer le gaz neutre dans les galaxies

En ce qui concerne le gaz, divers types d'observation sont possibles.

Tout d'abord, l'élément le plus abondant dans l'univers étant l'hydrogène, on peut rechercher l'hydrogène neutre HI dans une galaxie.

Les niveaux d'énergie de l'atome d'hydrogène présentent deux sous-niveaux hyperfins ; la transition de l'un à l'autre correspond à une longueur d'onde d'émission de 21 cm, observable dans le domaine radio. On peut donc détecter l'hydrogène neutre dans une galaxie à l'aide d'un radio télescope réglé à la fréquence correspondant à la longueur d'onde de 21 cm (longueur d'onde qui doit être multipliée par (1+z), où z est le décalage spectral de la galaxie).

M51 en HI
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La galaxie Messier 51 observée dans la raie à 21cm de l'hydrogène neutre. On voit que l'hydrogène neutre est concentré dans les bras spiraux.
Crédit : Rots A.H. et al. 1990, AJ 100, 387

La cartographie d'une galaxie en HI montre que le gaz HI est distribué principalement dans les bras spiraux. On détecte très peu d'hydrogène neutre dans les galaxies elliptiques, ce qui est normal puisque ces galaxies ont consommé tout leur gaz pour former des étoiles.


Comment observer le gaz ionisé dans les galaxies

Outre le gaz neutre, il est également possible de détecter du gaz ionisé dans les galaxies. Là aussi, c'est en priorité l'hydrogène que l'on va rechercher, par exemple dans le domaine visible, par ses raies d'émission. Ces dernières peuvent être détectées en spectroscopie, ou bien en imagerie grâce à un filtre interférentiel de bande passante très étroite qui ne laissera passer que la raie d'émission à étudier. On utilise ainsi couramment la raie Hα de l'hydrogène pour tracer la distribution de gaz ionisé dans les bras des galaxies spirales.

Ce gaz peut être ionisé par le rayonnement ultraviolet d'étoiles chaudes récemment formées : il s'agit alors de ce que l'on appelle les régions HII (ou nébuleuses, terme maintenant un peu désuet). Il peut aussi être ionisé par d'autres mécanismes, comme par exemple le rayonnement ultraviolet du noyau actif, si la galaxie en possède un, ou les ondes de choc créées par des fusions de galaxies.

M51 en optique
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La galaxie Messier 51 observée en lumière visible et codée en fausses couleurs de manière à faire ressortir en rouge les régions de formation d'étoiles (régions HII)
Crédit : Hubble site gallery, http://hubblesite.org/gallery/album/galaxy/spiral
Messier 33
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Image de la galaxie Messier 33 obtenue en combinant des images dans les filtres B (bleu), V (vert), I (rouge lointain), Halpha (pour détecter l'hydrogène ionisé) et l'image radio à 21 cm correspondant à l'émission de l'hydrogène neutre.
Crédit : T.A.Rector (NRAO/AUI/NSF and NOAO/AURA/NSF) and M.Hanna (NOAO/AURA/NSF)

Les galaxies en infrarouge

Les poussières rayonnant comme un corps noir, plus la longueur d'onde d'observation des poussières dans l'infrarouge est grande, plus les poussières détectées seront froides.

Les poussières sont principalement constituées de grains dont le diamètre est de quelques dixièmes de microns, essentiellement du graphite et des silicates.

La galaxie M33 observée avec le satellite Spitzer
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Image de la galaxie M33 prise en infrarouge par le satellite Spitzer. On observe en réalité l'émission des poussières chauffées par les étoiles jeunes.
Crédit : NASA/JPL-Caltech/Univ. Arizona
Galaxies a 24 microns
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Atlas de galaxies observées en infrarouge à 24 microns par le satellite Spitzer
Crédit : Spitzer Space Telescope, NASA

Il y a une vingtaine d'années, on a également découvert dans les spectres infrarouges des galaxies des raies d'émission qui ont été identifiées comme étant dues à de grosses molécules constituées de cycles benzéniques : les hydrocarbures aromatiques polycycliques (PAH en Anglais). Des observations obtenues avec Spitzer/IRAC montrent qu'il existe une émission des PAH dans le disque des galaxies spirales, et que les poussières sous forme de PAH sont communes hors du plan des galaxies spirales.

Les processus à l'origine de l'éjection des poussières loin du disque des galaxies ne détruisent pas les très petites poussières tracées par ces observations. L'échelle verticale des PAHs est environ la moitié de celle du milieu diffus ionisé, ce qui suggère que les poussières sont présentes dans un milieu froid qui ne peut être supporté très loin du disque galactique (en supposant que les données ont la sensibilité adéquate).

Un exemple de spectre montrant la présence de PAH est présenté ci-contre.

Spectre des PAH
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Spectres infrarouges de NGC 7027 (en haut) et HD 44179 (au milieu) montrant pour la première fois plusieurs raies d'émission identifiées avec des raies du coronène chauffé à 600 K (en bas). Ces raies font partie des raies attribuées maintenant aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (en Anglais PAH).
Crédit : Puget J.-L. & Léger A. 1984, A&A 137, L5

La matière noire

La matière noire est ainsi appelée parce qu'on ne peut pas la détecter directement puisqu'elle n'émet pas de lumière. En revanche on soupçonne depuis longtemps son existence, en particulier en raison de la forme des courbes de rotation des galaxies spirales (voir plus loin).

C'est l'astronome suisse Fritz Zwicky qui a le premier fait l'hypothèse de l'existence de matière noire dans les années 1930. Il a en effet observé que dans les amas de galaxies les vitesses relatives des galaxies étaient très élevées (plusieurs milliers de km/s). Pour que l'ensemble des galaxies soit gravitationnellement lié, Zwicky a alors calculé que la masse requise devait être nettement plus élevée que la masse totale des galaxies. Cette hypothèse a depuis été confirmée par un grand nombre d'observations.

Cependant, et bien que de nombreuses études lui aient été consacrées, on ne sait toujours pas quelle est la nature de la matière noire.


Premier exercice sur le contenu des galaxies

exerciceLes galaxies à diverses longueurs d'onde

Difficulté : ☆☆   Temps : 5 minutes

Question 1)

Selon la longueur d'onde à laquelle on observe une galaxie, on peut avoir des informations différentes. Préciser à quelle composante on a accès en observant : 1) en rayons gamma ; 2) en rayons X ; 3) en ultraviolet ; 4) en lumière visible ; 5) en infrarouge proche ; 6) en infrarouge moyen (vers 24 micromètres).

Question 2)

Quelles sont les galaxies que l'on observe préférentiellement dans le domaine submillimétrique ou millimétrique ? Pourquoi ?


Second exercice sur le contenu des galaxies

exerciceObservation du gaz dans la galaxie NGC 3516

Difficulté : ☆☆   Temps : 5 minutes

Question 1)

La galaxie NGC 3516 a un décalage spectral z=0,0088. À quelle fréquence faut-il régler le récepteur du radio télescope pour la détecter en hydrogène neutre ?

Question 2)

Si on veut maintenant cartographier cette galaxie dans la raie Hα de l'hydrogène ionisé, dont la longueur d'onde au repos est 656,28 nm, quelle est la longueur d'onde du filtre à utiliser ?

Question 3)

Expliquer comment on peut faire pour obtenir l'image uniquement dans la raie Hα à partir de deux images d'une galaxie, l'une dans un filtre étroit centré sur la raie Hα décalée vers le rouge, l'autre dans un filtre ne couvrant aucune raie d'émission.


Réponses aux exercices

pages_galaxies/exercice-contenu-galaxies1.html

Exercice 'Les galaxies à diverses longueurs d'onde'


pages_galaxies/exo-contenu-galaxies2.html

Exercice 'Observation du gaz dans la galaxie NGC 3516'