Des rayons X à la radio

Auteurs: Carine Briand, Arnaud Beck

Introduction

introductionIntroduction

Compte tenu des conditions de température et d'irradiation de l'atmosphère solaire, les mesures in situ sont très difficiles. Les sondes se sont approchées à 0.3 Unités Astronomiques du Soleil. Des projets sont en cours d'élaboration pour pénétrer à une distance de 3 rayons solaires dans la couronne. De même, si le vent solaire peut être étudié in situ autour de la Terre et jusque dans les régions des premières planètes géantes, les mesures aux confins de l'héliosphère sont rares et difficiles (seules les sondes VOYAGER, lancées en 1977, ont atteint ces limites en 2004 et 2007).

Pour comprendre les processus physiques se déroulant à l'intérieur du Soleil, dans son atmosphère et aux confins de l'héliosphère, nous n'avons pas d'autre choix que d'étudier le rayonnement électromagnétique qui nous parvient, des rayons γ au rayonnement radio. Les processus d'émission des ondes renseignent sur les conditions physiques au moment de l'émission et dans les régions traversées par ce rayonnement.

Emissions thermiques et non-thermiques

Différents types mécanismes d'émission de rayonnement électromagnétique coexistent.

L'agitation des particules constituant un gaz produit un rayonnement continu, dans tout le spectre électromagnétique. C'est le rayonnement thermique. A ce spectre continu se superposent des absorptions (ou émissions) très localisées dans le spectre provenant de processus non-thermiques.

Nous allons voir les principaux types d'émission et les propriétés qu'elles permettent de déduire.


Quelques rappels


La lumière : qu'est-ce ?

La "lumière" peut être décrite sous la forme d'une onde ou sous la forme d'une particule (le photon). Ces deux notions se sont imposées pour décrire correctement l'interaction de la "lumière" avec des structures solides ou des atomes. Ce que nous appelons communément la "lumière" se réfère en fait à la gamme visible de l'émission d'un Soleil. Mais le Soleil, comme la plupart des étoiles, émet dans une gamme beaucoup plus étendue de longueur d'onde.

Longueur d'onde et énergie

Le rayonnement électromagnétique est constitué par un champ électrique et un champ magnétique (dont le vecteur est perpendiculaire au champ électrique) qui oscillent. Une onde est définie par la fréquence de cette oscillation et l'amplitude du champ électrique (l'amplitude du champ magnétique peut être négligée pour ce qui nous intéresse).

Longueur d'onde λ et fréquence ν sont reliées par l'équation : \lambda = \frac{c}{\nu}

c est la vitesse de la lumière. Donc, plus une longueur d'onde est grande plus la fréquence est petite.

L'énergie d'une onde est donnée par : E = hν

h est la constante de Planck (h=6,6 10-34 J.s). Donc, plus la fréquence est petite (grande longueur d'onde) plus l'énergie de l'onde est petite.

La distribution de l'énergie émise en fonction de la longueur d'onde (ou de la fréquence) s'appelle un spectre.

Les domaines spectraux

Le spectre électromagnétique s'étend de façon continue des rayons gamma (très courte fréquence, très grande énergie) au domaine des ondes radio de très grandes longueurs d'onde. Le tableau suivant donne le nom des différents domaines et leurs limites en longueur d'onde.

Nom du domaine spectral Longueur d'onde
Gamma - X (dur) <0,1 nm
X (mous) 0,1 - 10 nm
Extrême UltraViolet (EUV) 10 - 120 nm
UltraViolet (UV) 120 - 400 nm
Visible 400 - 800 nm
Infra-Rouge (IR) 800nm - 1 mm
Radio >1 mm

Noms et limites (en longueur d'onde) des différents domaines spectraux. L'abbréviation classique des différents domaines est aussi indiquée avec le nom.


Rayonnement thermique


Loi du corps noir et lois dérivées

L'agitation thermique des particules constituant un corps produit un rayonnement continu, dans tout le spectre électromagnétique. Ce rayonnement thermique est décrit par la loi du corps noir (absorbant parfait).

Le Soleil, comme la plupart des étoiles, rayonne comme un corps noir. La loi fondamentale, la loi de Planck, donne l'intensité (autrement appelée luminance) en fonction de la longueur d'onde :

I_\lambda=\frac{2hc^2}{\lambda^5}\frac{1}{e^{\frac{hc}{\lambda k_B T}}-1}       \hspace{2cm}W.m^{-2}.sr^{-1}.m^{-1}

avec :

h la constante de Planck (h=6,6 10-34 J.s), c la vitesse de la lumière (c=3 108 m.s-1) et k_B la constante de Boltzman (k_B=1,38 10-23 J.K-1)

L'intensité décrit donc la puissance rayonnée par unité de surface, d'angle solide et de longueur d'onde. La figure ci-contre montre la courbe d'intensité pour des étoiles de température différente en fonction de la longueur d'onde. Deux points sautent aux yeux :

  1. Le maximum de l'intensité est d'autant plus élevé que la température de surface de l'étoile est grande
  2. La longueur d'onde du pic de maximum d'intensité se décale vers les petites longueurs d'onde (vers le bleu) avec l'augmentation de la température de surface de l'étoile

Ces deux remarques sont exprimées par deux lois lois simplifiées déduites de la loi de Planck.

images/planck2.png
Intensité du spectre électromagnétique en fonction de la longueur d'onde pour des étoiles de température de surface différente. Ces courbes sont l'illustration de la loi de Planck. Les domaines UV, X et gamma sont vers la gauche de la figure, l'infra-rouge et la radio vers la droite.
Crédit : Adapté du graphe original de Glenn Elert - http://hypertextbook.com/physics/

Lois dérivées de la loi du corps noir

Loi de Wien

La loi de Wien relie la longueur d'onde maximale lambda_max à la température de surfaceT  :

lambda_max*T = 2897  μm.K

Nous retrouvons bien que plus une étoile est chaude plus la longueur d'onde du maximum d'intensité est petite (vers le bleu).

loi de Stephan

La loi de Stephan donne l’émission totale (en tenant compte de toutes les longueurs d'onde) du corps par unité de surface :

E = \sigma  T^4 \hspace{2cm} W.m^{-2}

Avec σ = 5,6698 x 10-8 W.m-2.K-4

Les basses fréquences

Enfin, considérons le cas où le terme dans l'exponentielle de la loi de Planck est petit :

\frac{hc}{\lambda k_B T} \ll 1

La loi de Planck se simplifie alors pour donner la loi de Rayleigh-Jeans :

I = 2ck_B \lambda^{-4}T

Dans le cas des basses fréquences (grandes longueurs d'onde), l'intensité est directement proportionnelle à la température.


Exercice

exerciceApplications des lois du corps noir

Données :

Question 1)

Loi de Wien

1a) Déterminez la température (dite effective) du Soleil T_soleil sachant que son pic d'émission (lambda_max) se situe à 500 nm. Même question pour la Terre T_terre( lambda_max = 9,6 μm).

1b) Calculez le rapport de température T_soleil / T_terre.

Question 2)

Loi du corps noir : limite des basses fréquences

2a) A partir des résultats précédents, déterminer la longueur d'onde minimale pour l'utilisation de la loi de Rayleigh-Jeans dans le cas du Soleil et de la Terre.

2b) A quelle domaine de longueur d'onde / fréquence avons-nous à faire ?

Question 3)

Loi de Stephan

A partir des résultats précédents, calculez l’émission totale du Soleil (à sa surface) ainsi que celle de la Terre. Une analyse dimensionnelle explicite des résultat est demandée.

Question 4)

Constante solaire

En déduire l'énergie solaire par unité de surface reçue au niveau de la Terre (appelée constante solaire C : elle est mesurée au-dessus des nuages). Dans l’exercice on négligera la hauteur des nuages au-dessus de la surface de la Terre devant la distance Soleil-Terre.


Rayonnements non thermiques


De l'UV à l'IR (1/2)

Le rayonnement thermique donne un spectre continu. Cependant, si nous regardons attentivement le spectre solaire, nous nous apercevons qu'il est parsemé de stries noires. Elles sont appelées "raies d'absorption" car elles correspondent à l'absorbtion du rayonnement (le fond continu) par des atomes présents (principalement) dans l'atmosphère du Soleil.

spect_obsParis.gif
Spectre solaire dans le domaine visible. Sur un fond continu correspondant au rayonnement thermique se superposent des raies noires, appelées raies d'absorption.
Crédit : Observatoire de Paris

Raies d'absorption

L'état énergétique d'un atome, d'un ion ou d'une molécule n'est pas continu mais quantifié. Un atome passe d'un niveau d'énergie à un autre par palier (par la suite nous ne parlerons que d'atome pour ne pas alourdir le texte mais ce qui est décrit s'applique également aux ions et aux molécules). Un atome absorbe (ou émet) de l'énergie correspondant à chaque saut de palier. Ainsi, un photon qui possède une énergie exactement égale à un saut énergétique d'un atome donné sera absorbé.

Chaque atome possède une "carte énergétique" propre : les sauts autorisés pour le fer par exemple ne sont pas ceux du carbone ou de l'hydrogène. Ainsi, la position de ces raies d'absorption permettent de connaître les éléments présents dans l'atmosphère solaire. La "carte énergétique" d'un atome est connue par les physiciens atomistes.

L'hélium a ainsi été découvert sur le Soleil avant d'être trouvé sur Terre, d'où son nom !

Raies d'émission

Les atomes ayant absorbé de l'énergie sont dits excités. Ils ne resteront pas dans cet état pour une longue durée. Ils vont se désexciter en retombant directement ou par paliers successifs dans un état énergétique plus stable. Ce faisant, ils vont émettre des photons (paquets d'onde électromagnétique) correspondants à ce(s) saut(s) énergétique(s). Autrement dit, un atome peut émettre un photon à la même énergie qu'il peut en absorber. La longueur d'onde d'émission (d'absorption) est directement liée au saut énergétique franchi :

E=h\nu=hc/\lambda

avec h la constante de Planck, c la vitesse de la lumière, \nu la fréquence et \lambda la longueur d'onde. Ainsi, plus la longueur d'onde est grande (fréquence petite) plus l'énergie du photon est petite.

Nous avons vu le processus d'émission et d'absorption de la lumière par un atome en l'appliquant dans le domaine visible du spectre solaire. Mais le phénomène conduit également à des l'absorption et de l'émission dans l'infrarouge ou l'ultraviolet.


De l'UV à l'IR (2/2)

Profils spectraux

La figure ci-contre montre un exemple de profils de raie : il s'agit simplement d'une coupe horizontale dans le spectre montré précédemment. Les atomes ou molécules ayant produit ces raies d'absorption sont indiqués. Des éléments lourds tels que du magnésium (Mg), du fer (Fe) ou du carbone (C) sont présents. Ces atomes n'ont pas été produit par le Soleil. Ils proviennent du nuage protosolaire. Ce sont donc des résidus d'anciennes étoiles ayant explosées dans le passé.

Le phénomène d'absorption se produit tout au long du parcours des photons entre leur point d'émission et celui d'observation. En ce qui concerne le rayonnement solaire, une autre source d'absorption est aussi présente lors d'observation depuis le sol : l'atmosphère terrestre. C'est ainsi que l'on voit apparaître la signature de molécule d'eau sur le spectre solaire. Est-ce à dire qu'il y a de l'eau sur le Soleil ? Non, bien sûr. Pour bien s'en convaincre, il suffit de regarder comment ces raies disparaissent d'un moment à l'autre de la journée ou d'une journée à l'autre. L'absorption est en effet plus ou moins forte selon la densité de molécules absorbantes le long du trajet du rayonnement.

Comme on peut le constater sur la figure, la profondeur relative des raies varie énormément. Certaines raies produisent une absorption d'à peine 10% alors que les raies du Mg produisent une absorption de près de 90% du rayonnement. La forme, la profondeur, la largeur et la position de ces raies vont fournir des indicateurs pour déduire la température, la densité et la vitesse moyenne du milieu.

images/profil_spectre.png
Profils spectraux de plusieurs raies dans la gamme 514.0-518.0 nm. Le nom des éléments ayant créé les raies d'absorption les plus importantes est indiqué.
Crédit : Extrait du spectre solaire établit par Delbouille - Disponible sur BASS2000

Les raies ne sont pas toutes formées à la même altitude dans l'atmosphère du Soleil (voir un exemple ici). En observant des raies formées à différentes altitudes, on peut ainsi déduire une carte non seulement en deux dimensions (le plan d'observation) mais en trois dimensions du Soleil (en ajoutant la hauteur grâce à des observations simultanément dans plusieurs raies spectrales).

images/formation_des_raies.png
Altitude de formation de certaines raies. La courbe en noire représente la température en fonction de l'altitude (l'altitude H=0 est la base de la photosphère). Le nom des éléments donnant les raies est indiqué ainsi que la longueur d'onde correspondante.
Crédit : Adapté des Modèles d'atmopshère solaire VAL

Préparation d'une observation

exerciceChoix des raies spectrales

Question 1)

Vous souhaitez observer la photosphère et la chromosphère simultanément. En vous aidant de la figure précédente, choisissez un couple de raies pour mener à bien votre observation (on pourra ne pas se limiter à une gamme de longueur d'onde en faisant l'hypothèse que vous utilisiez des instruments différents).


En savoir plus : Transfert de rayonnement

ensavoirplusEn savoir plus

Comment peut-on déduire température, densité, vitesse ?

Sans entrer dans le détail car c'est un domaine fort compliqué, surtout en physique solaire où les détails des profils spectraux sont si fins que beaucoup de processus physiques doivent être pris en compte. Nous allons juste en donner les grandes lignes.

Cette ligne de recherche s'appelle le transfert de rayonnement. Comme son nom l'indique, il s'agit de comprendre comment le rayonnement est transféré d'une couche à l'autre de l'atmosphère en prenant en compte tous les processus d'émission et d'absorption.

On considère un morceau de plasma illuminé par dessous. L'intensité du rayonnement incident sur cette tranche de plasma est prédéfinie par un modèle (par exemple la loi du corps noir). Ensuite, on établit un modèle d'atmosphère pour notre tranche de plasma. Elle a donc une composition (avec un plus ou moins grand nombre d'atomes selon la raie que l'on veut modéliser), une densité (pour chacun des atomes inclus), une température, une vitesse. Nous nous plaçons pour l'instant dans le cas ou nous pouvons négliger la présence d'un champ magnétique.

Le rayonnement incident d'intensité I va donc traverser cette tranche de Soleil fictif. Il subira un certain nombre d'absorption et d'émission. Quelle intensité I+\Delta I peut-on espérer à la sortie de notre tranche de plasma ? Quelle forme aura le profil de la raie qui nous intéresse ?

Tout revient à connaître précisément le taux d'émission et d'absorption dans notre tranche de plasma. C'est là que les soucis commencent ... Selon que le milieu laisse ou non passer tout ou partie des photons les équilibres à écrirent deviennent plus complexes. Des connaissances précises des transitions énergétiques autorisées pour chaque élément sont nécessaires. C'est là que les "physiciens atomistes" interviennent pour nous aider !!

Les équations sont rentrées en un programme qui va traiter l'avancement des photons au sein de chaque tranche de plasma dont l'accumulation représentera l'atmosphère totale. Le profil de raie résultant sera alors comparé aux observations. Si le modèle ne donne pas satisfaction, le modèle atmosphérique est changé jusqu'à obtenir un résultat ajustant les observations.

Ce processus itératif peut être optimisé par une connaissance précise de l'impact des différents paramètres (température, densité, etc.) sur les raies. Certaines raies sont en effet plus sensibles à la température alors que d'autres seront plus sensibles à la densité. Rapidement, la température va influencer la largeur d'une raie, la densité la profondeur de la raie et la vitesse la position de la raie.


Rayonnement radio (1/3)

Introduction

Tous les photons ne sont pas dus à des transitions des électrons d'un atome. Un très grand nombre d'entre eux sont émis suite à l'accélération d'une particule chargée. On distingue alors plusieurs sortes de rayonnement en fonction du type d'accélération subit par la particule.

En particulier, le Soleil, le milieu interplanétaire et les planètes produisent de larges émissions dans le domaine radio. Nous allons maintenant en voir quelques exemples.


Rayonnement radio (1/3)

Sursauts solaires de type II et III

Lors d'éruptions solaires, des particules sont accélérées à de très fortes énergies. Ces particules se propagent le long des lignes de champ magnétique interplanétaire, formant parfois des faisceaux de particules. En se propageant, ces particules vont provoquer des émissions dans le domaine radio. Nous allons voir les processus de base de ces émissions (le détail est en dehors des limites de ce cours : c'est encore un sujet d'investigation fortement débattu !)

On distingue deux types d'émissions radio : les émissions de type II et de type III. Un exemple de ces émissions est présenté sur la figure figure ci-contre. Ce rayonnement électromagnétique est caractérisé par une dérive en fréquence de l'émission en fonction du temps. Du point de vue observationnel, la différence principale entre ces deux types d'émission réside dans la pente de la dérive de l'émission avec le temps : les émissions de type III dérivent beaucoup plus vite que les émissions de type II.

images/radio_typeII_III.png
Exemple d'émission radio de type II et III : le temps est en abscisse, la fréquence est en ordonnée. Ce type de diagramme est appelé spectre dynamique car il donne la répartition de l'énergie radio (code de couleur : bleu très faible intensité, rouge : très forte intensité) en fonction de la fréquence (ici de 10 à 180 MHz) et du temps (ici de 0 à 24h).
Crédit : IPS Radio and Space Services, Australia

Les faisceaux en se déplaçant dans le milieu interplanétaire produisent ce que l'on appelle des "ondes de Langmuir" à une fréquence proche d'une fréquence particulière appelée "fréquence plasma" qui s'écrit :

f_p=\frac{1}{2\pi}\sqrt{\frac{ne^2}{m\epsilon_0}}

avec f_pla fréquence plasma (en Hz), n est la densité d'électrons, e la charge élémentaire (1,6 x 10-19 c), m la masse de l'électron (9 x 10-31kg), epsilon_0 la constante diélectrique (8,8 x 10-12 F. m-1).

Pour concrétiser le sujet, supposons que nous soyions dans le vent solaire. Une densité typique est 10 particules.cm-3. La fréquence plasma vaut alors 28 kHz : nous sommes dans la gamme des ondes radio.

Ces ondes sont électrostatiques : elles ne se propagent pas. Seules des mesures dans la source de ces ondes permettent de les mesurer, et donc de déterminer la densité n du milieu. Toutefois, par certains processus, ces ondes sont transformées en ondes électromagnétiques qui, elles, vont se propager et qui sont à une fréquence proche de cette fréquence plasma.

Que nous apprennent ces ondes ?

Comme le faisceau se déplace dans un milieu dont la densité décroit quand la distance au Soleil augmente, la fréquence diminue avec le temps. C'est ce qui explique la dérive en fréquence des émissions avec le temps.

On utilise ces pentes de dérive pour déterminer la vitesse des faisceaux de particules. En effet, on peut montrer que la pente peut s'écrire :

\frac{df}{dt}= \frac{A.V}{2\sqrt{n(r)} }\frac{dn(r)}{dr}

où df/dt représente la variation de la fréquence en fonction du temps (la pente dans le diagramme précédent), A=\frac{1}{2\pi}\sqrt{\frac{e^2}{m\epsilon_0}}, V la vitesse du faisceau d'électrons, n(r) un modèle de densité électronique en fonction de la distance au Soleil et dn(r)/dr la variation de cette densité en fonction de la distance au Soleil. Donc, si l'on se donne un modèle de densité électronique dans le milieu interplanétaire, on peut déduire V à partir de la mesure de pente df/dt.


Exercice

exerciceVitesse de dérive des particules

Question 1)

Les particules des faisceaux d'électrons produisant les émissions de type III ont une vitesse plus grande que dans le cas des émissions de type II. Vrai ou faux  ? Justifiez.


En savoir plus : Fréquence plasma

ensavoirplusEn savoir plus

Ce mécanisme d'émission de rayonnement résulte du comportement collectif des particules - des électrons - accélérées. En effet, si un plasma subit une perturbation, ses électrons vont spontanément et collectivement se mettre à osciller à la fréquence particulière appelée fréquence plasma. Elle donne l'échelle de temps caractéristique de la réponse collective des électrons à la perturbation (les protons, beaucoup trop massifs, peuvent être considérés comme immobiles). C'est une des caractéristiques fondamentales d'un plasma.

Cette fréquence est donnée par :

f_p=\frac{1}{2\pi}\sqrt{\frac{ne^2}{m\epsilon_0}}

avec f_pla fréquence plasma (en Hz), n est la densité d'électrons, e la charge élémentaire (1,6 x 10-19 c), m la masse de l'électron (9 x 10-31kg), epsilon_0 la constante diélectrique (8,8 x 10-12 F. m-1). Si on peut mesurer la fréquence plasma, on peut déterminer la densité du milieu. Les ondes à cette fréquence sont électrostatiques : elles sont constituées par un champ électrique qui oscille, sans champ magnétique - contrairement à des ondes électromagnétiques - et ne se propagent pas. Elles sont convectées par le milieu si celui-ci se déplace ; c'est donc par le biais de mesures in-situ que l'on peut les mesurer.

La fréquence plasma constitue une fréquence de coupure pour un milieu  : en-dessous de cette fréquence les ondes ne se propagent plus.

images/Film_Oscillation.gif
Cette figure montre le mouvement collectif des électrons suite à une perturbation électrostatique et le champ électrique moyen correspondant en fonction du temps. On y voit l'évolution périodique du système à la fréquence plasma.
Crédit : Arnaud Beck - LESIA, Observatoire de Paris

Rayonnement radio (2/3)

Rayonnement cyclotron

En dehors de cette émission plasma, due au comportement collectif des particules accélérées, chaque particule émet du rayonnement à une fréquence omega_c proportionnelle à l'intensité du champ magnétique  :

\omega_c = \frac{\parallel e B\parallel }{m}

\parallel eB\parallel indique la norme du produit de la charge d'un électron et du champ magnétique. On appelle cela le rayonnement cyclotron qui se trouve être un rayonnement du domaine radio. La mesure de cette fréquence permet de déterminer le champ magnétique dans des régions où les méthodes spectroscopiques échouent (quand le champ magnétique est trop faible).

Rayonnement synchroton

Quand les particules émettrices de rayonnement cyclotron atteignent des vitesses non négligeables devant celle de lumière, la fréquence, et donc l'énergie, du rayonnement est augmentée d'un facteur gamma^2 et on parle alors de rayonnement synchrotron.

omega_synchrotron=gamma^2*omega_c

Avec \gamma^2= {\frac{1}{1-\displaystyle\frac{v^2}{c^2}}

Où v est la vitesse de la particule émettrice et c la vitesse de la lumière. Étant donné la valeur du champ magnétique dans la couronne solaire et la vitesse des particules accélérées au cours d'une éruption, les sursauts synchrotrons solaires sont généralement observés dans le domaine centimétrique et millimétrique.

omega_synchrotron lambda_synchrotron Energie de l'électron
10 GHz 3 cm 1,5 MeV
102 GHz 3 mm 3 MeV
103 GHz 0,3 mm 13 MeV
104 GHz 0,3 mm 44 MeV

Tableau de correspondance entre la fréquence synchrotron (en GHz), la longueur d'onde équivalente, l'énergie des électrons (en MeV). Les valeurs sont données pour un champ magnétique de 500 Gauss.


Rayonnement gamma et X

Lors d'éruption particulièrement violentes, les particules peuvent atteindre des énergies très importantes (108 MeV) et être très relativistes. Le rayonnement synchroton obtenu est alors dans la gamme des rayons X et γ. Ce dernier rayonnement résulte également de transitions énergétiques dans le noyau (et non le cortège électronique) des atomes.

Rayonnement de freinage

Lorsqu'un électron s'approche d'un ion, il ressent son champ électrique et subit une accélération qui est d'autant plus grande que l'électron passe près de l'ion. S'il passe à une distance suffisament petite, l'accélération peut être assez violente pour provoquer une émission dans le domaine des rayons X appelée alors rayonnement de freinage (il est généralement nommé par son nom allemand : bremstrahlung).

collision_proche_gimp.gif
Cette animation montre la trajectoire d'un électron (bleu) qui passe près d'un ion (rouge) et dont la trajectoire est violemment déviée sous l'effet du champ électrique ionique.
Crédit : Arnaud Beck - LESIA, Observatoire de Paris

Analyse d'un spectre


Exercice : identification des raies solaires

exerciceIdentification de raies solaires

Question 1)

Les raies spectrales nous permettent d'obtenir des informations sur la composition du milieu traversé par le rayonnement mais elles nous disent encore beaucoup d'autres choses.

La figure ci-contre représente le spectre solaire avec des raies d'absorption identifiées par des lettres. Complétez la table suivante à partir des éléments connus.

Désignation Elément Longueur d'onde (nm)
A O2 759.370
H\alpha 656.281
a O2 627.661
D1 Na
He 587.5618
E2 Fe
Mg 517.270
b4 Fe 516.891
H\beta 486.134
Fe 430.774
Ca+ 396.847
K Ca+
P Ti+ 336.112
T Fe 302.108

La première colonne indique la désignation de la raie en accord avec le spectre ; la deuxième colonne indique le nom de l'élément ayant donné lieu à la raie ; la troisième colonne donne la longueur d'onde de la raie (en nm).

Spectre solaire
images/fraunhofer_lines.png
Spectre solaire avec superposé un certain nombre de raies d'absorption repérées par des lettres (en minuscules et majuscule). Les longueurs d'onde sont données en nanomètre.
Crédit : Gebruiker MaureenV ; Domaine public


Déduction des Vitesses : effet Doppler

L'effet Doppler permet de recueillir des informations sur la vitesse globale des atomes à partir des raies spectrales. Quand un atome qui émet un photon à la longueur d'onde \lambda_0 se déplace, la longueur d'onde observée \lambda sera déplacée d'une quantité dépendant de cette vitesse V :

\frac{\lambda  - \lambda_0 }{\lambda_0}=\frac{V}{c}

Les raies spectrales vont donc être décalées vers les grandes fréquences si l'objet observé s'approche de l'observateur et vers les fréquences plus petites si l'objet s'éloigne. La mesure du décalage spectral peut donc nous donner une information sur la vitesse de l'objet observé, le long de la ligne de visée. C'est aussi la technique utilisée pour mesurer le décalage vers le rouge des galaxies.

Un exemple de jet de matière
absanormale.jpg
Sur cette image (longueur d'onde en abscisse, décroissante vers la droite, axe nord-sud solaire en ordonnée) obtenue avec le télescope THEMIS, on observe vers le haut un jet sombre s'étendant à gauche de l'imposante raie Hα de l'hydrogène. C'est la signature d'un jet de matière qui s'éloigne de nous, et donc tombe vers la surface du Soleil à une vitesse de plusieurs dizaines de kilomètres par seconde. Sur cette image, les raies fines observées sont des raies atmosphériques de la molécule d'eau. Elles peuvent donc servir à étalonner l'observation en longueur d'onde car elles ne subissent pas d'effet Doppler durant l'observation.
Crédit : THEMIS - INSU (observation J. Aboudarham - C. Briand )

Exercice : Effet Doppler

exerciceEffet Doppler du bord solaire

Question 1)

Au niveau photosphérique, le Soleil effectue une rotation équatoriale en 25 jours. Sachant que le diamètre du Soleil est de 1,4 106 km, déduire le décalage entre les longueurs d'onde des bords est et ouest du Soleil dans la raie Hα de l'hydrogène (656,3  nm).


Champ magnétique

En présence d'un champ magnétique, certaines raies spectrales se retrouvent subdivisées en plusieurs raies fines et elles sont polarisées. La polarisation d'une raie signifie que le champ électrique de l'onde oscille en décrivant des figures spécifiques : cercle, segment de droite ou ellipse. La polarisation est alors circulaire, linéaire ou elliptique respectivement. Ce phénomène s'appelle l'effet Zeeman.

Illustration de l'effet Zeeman
images/zeeman.png
La figure de gauche est une image d'une tache solaire. La droite verticale indique la position de la fente du spectrographe ayant servi à sélectionner une partie du champ d'observation. La figure de droite montre le spectre obtenu. On trouve la longueur d'onde en abscisse (horizontalement), et des positions sur le Soleil en ordonnée (verticalement). La raie centrale (sodium) est séparée en deux parties dans la zone de pénombre, là où le champ magnétique est non nul.
Crédit : Kitt Peak Vacuum Telescope

Nous allons regarder un exemple restreint mais qui permet de comprendre comment les magnétogrammes sont obtenus.

Quand le champ magnétique est aligné avec la ligne de visée, la polarisation des ondes est circulaire. Les raies sont divisées en deux raies séparées de la longueur d'onde centrale \lambda_0 (celle en absence de champ magnétique) par :

\Delta \lambda = 4,67.10^{-13}.g_{eff}\lambda^2.B\lambdaest la longueur d'onde (exprimée en Angstroem - 1 A = 0,1 nm), B est l'intensité du champ magnétique (exprimé en Gauss) et g_{eff} est appelé facteur de Landé. Ce facteur est caractéristique de la raie spectrale considérée.

La séparation est donc d'autant plus grande que :

Nous avons vu qu'en observant plusieurs raies simultanément, on peut déduire des cartes de température, de densité, etc. en 3 dimensions. En couplant aussi des mesures de polarisation, on peut aussi dresser des cartes 3D du champ magnétique.


Exercice : effet Zeeman

exerciceCalcul de séparation spectrale due à l'effet Zeeman

Question 1)

Calculer la séparation Zeeman des deux raies suivantes, en présence d'un champ magnétique de 1000 Gauss :

  • Raie du fer à 6302.5 A dont le facteur de Landé vaut 2.5
  • Raie de l'hélium à 10 830 A dont le fateur de Landé vaut 1.22


Réponses aux exercices

pages_rayonnements/so-exo-temperature-soleil.html

Exercice 'Applications des lois du corps noir'


pages_rayonnements/so-spectre-3.html

Exercice 'Effet Doppler du bord solaire'