Rayonnements non thermiques


De l'UV à l'IR (1/2)

Le rayonnement thermique donne un spectre continu. Cependant, si nous regardons attentivement le spectre solaire, nous nous apercevons qu'il est parsemé de stries noires. Elles sont appelées "raies d'absorption" car elles correspondent à l'absorbtion du rayonnement (le fond continu) par des atomes présents (principalement) dans l'atmosphère du Soleil.

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Spectre solaire dans le domaine visible. Sur un fond continu correspondant au rayonnement thermique se superposent des raies noires, appelées raies d'absorption.
Crédit : Observatoire de Paris

Raies d'absorption

L'état énergétique d'un atome, d'un ion ou d'une molécule n'est pas continu mais quantifié. Un atome passe d'un niveau d'énergie à un autre par palier (par la suite nous ne parlerons que d'atome pour ne pas alourdir le texte mais ce qui est décrit s'applique également aux ions et aux molécules). Un atome absorbe (ou émet) de l'énergie correspondant à chaque saut de palier. Ainsi, un photon qui possède une énergie exactement égale à un saut énergétique d'un atome donné sera absorbé.

Chaque atome possède une "carte énergétique" propre : les sauts autorisés pour le fer par exemple ne sont pas ceux du carbone ou de l'hydrogène. Ainsi, la position de ces raies d'absorption permettent de connaître les éléments présents dans l'atmosphère solaire. La "carte énergétique" d'un atome est connue par les physiciens atomistes.

L'hélium a ainsi été découvert sur le Soleil avant d'être trouvé sur Terre, d'où son nom !

Raies d'émission

Les atomes ayant absorbé de l'énergie sont dits excités. Ils ne resteront pas dans cet état pour une longue durée. Ils vont se désexciter en retombant directement ou par paliers successifs dans un état énergétique plus stable. Ce faisant, ils vont émettre des photons (paquets d'onde électromagnétique) correspondants à ce(s) saut(s) énergétique(s). Autrement dit, un atome peut émettre un photon à la même énergie qu'il peut en absorber. La longueur d'onde d'émission (d'absorption) est directement liée au saut énergétique franchi :

E=h\nu=hc/\lambda

avec h la constante de Planck, c la vitesse de la lumière, \nu la fréquence et \lambda la longueur d'onde. Ainsi, plus la longueur d'onde est grande (fréquence petite) plus l'énergie du photon est petite.

Nous avons vu le processus d'émission et d'absorption de la lumière par un atome en l'appliquant dans le domaine visible du spectre solaire. Mais le phénomène conduit également à des l'absorption et de l'émission dans l'infrarouge ou l'ultraviolet.


De l'UV à l'IR (2/2)

Profils spectraux

La figure ci-contre montre un exemple de profils de raie : il s'agit simplement d'une coupe horizontale dans le spectre montré précédemment. Les atomes ou molécules ayant produit ces raies d'absorption sont indiqués. Des éléments lourds tels que du magnésium (Mg), du fer (Fe) ou du carbone (C) sont présents. Ces atomes n'ont pas été produit par le Soleil. Ils proviennent du nuage protosolaire. Ce sont donc des résidus d'anciennes étoiles ayant explosées dans le passé.

Le phénomène d'absorption se produit tout au long du parcours des photons entre leur point d'émission et celui d'observation. En ce qui concerne le rayonnement solaire, une autre source d'absorption est aussi présente lors d'observation depuis le sol : l'atmosphère terrestre. C'est ainsi que l'on voit apparaître la signature de molécule d'eau sur le spectre solaire. Est-ce à dire qu'il y a de l'eau sur le Soleil ? Non, bien sûr. Pour bien s'en convaincre, il suffit de regarder comment ces raies disparaissent d'un moment à l'autre de la journée ou d'une journée à l'autre. L'absorption est en effet plus ou moins forte selon la densité de molécules absorbantes le long du trajet du rayonnement.

Comme on peut le constater sur la figure, la profondeur relative des raies varie énormément. Certaines raies produisent une absorption d'à peine 10% alors que les raies du Mg produisent une absorption de près de 90% du rayonnement. La forme, la profondeur, la largeur et la position de ces raies vont fournir des indicateurs pour déduire la température, la densité et la vitesse moyenne du milieu.

images/profil_spectre.png
Profils spectraux de plusieurs raies dans la gamme 514.0-518.0 nm. Le nom des éléments ayant créé les raies d'absorption les plus importantes est indiqué.
Crédit : Extrait du spectre solaire établit par Delbouille - Disponible sur BASS2000

Les raies ne sont pas toutes formées à la même altitude dans l'atmosphère du Soleil (voir un exemple ici). En observant des raies formées à différentes altitudes, on peut ainsi déduire une carte non seulement en deux dimensions (le plan d'observation) mais en trois dimensions du Soleil (en ajoutant la hauteur grâce à des observations simultanément dans plusieurs raies spectrales).

images/formation_des_raies.png
Altitude de formation de certaines raies. La courbe en noire représente la température en fonction de l'altitude (l'altitude H=0 est la base de la photosphère). Le nom des éléments donnant les raies est indiqué ainsi que la longueur d'onde correspondante.
Crédit : Adapté des Modèles d'atmopshère solaire VAL

Préparation d'une observation

exerciceChoix des raies spectrales

Question 1)

Vous souhaitez observer la photosphère et la chromosphère simultanément. En vous aidant de la figure précédente, choisissez un couple de raies pour mener à bien votre observation (on pourra ne pas se limiter à une gamme de longueur d'onde en faisant l'hypothèse que vous utilisiez des instruments différents).


En savoir plus : Transfert de rayonnement

ensavoirplusEn savoir plus

Comment peut-on déduire température, densité, vitesse ?

Sans entrer dans le détail car c'est un domaine fort compliqué, surtout en physique solaire où les détails des profils spectraux sont si fins que beaucoup de processus physiques doivent être pris en compte. Nous allons juste en donner les grandes lignes.

Cette ligne de recherche s'appelle le transfert de rayonnement. Comme son nom l'indique, il s'agit de comprendre comment le rayonnement est transféré d'une couche à l'autre de l'atmosphère en prenant en compte tous les processus d'émission et d'absorption.

On considère un morceau de plasma illuminé par dessous. L'intensité du rayonnement incident sur cette tranche de plasma est prédéfinie par un modèle (par exemple la loi du corps noir). Ensuite, on établit un modèle d'atmosphère pour notre tranche de plasma. Elle a donc une composition (avec un plus ou moins grand nombre d'atomes selon la raie que l'on veut modéliser), une densité (pour chacun des atomes inclus), une température, une vitesse. Nous nous plaçons pour l'instant dans le cas ou nous pouvons négliger la présence d'un champ magnétique.

Le rayonnement incident d'intensité I va donc traverser cette tranche de Soleil fictif. Il subira un certain nombre d'absorption et d'émission. Quelle intensité I+\Delta I peut-on espérer à la sortie de notre tranche de plasma ? Quelle forme aura le profil de la raie qui nous intéresse ?

Tout revient à connaître précisément le taux d'émission et d'absorption dans notre tranche de plasma. C'est là que les soucis commencent ... Selon que le milieu laisse ou non passer tout ou partie des photons les équilibres à écrirent deviennent plus complexes. Des connaissances précises des transitions énergétiques autorisées pour chaque élément sont nécessaires. C'est là que les "physiciens atomistes" interviennent pour nous aider !!

Les équations sont rentrées en un programme qui va traiter l'avancement des photons au sein de chaque tranche de plasma dont l'accumulation représentera l'atmosphère totale. Le profil de raie résultant sera alors comparé aux observations. Si le modèle ne donne pas satisfaction, le modèle atmosphérique est changé jusqu'à obtenir un résultat ajustant les observations.

Ce processus itératif peut être optimisé par une connaissance précise de l'impact des différents paramètres (température, densité, etc.) sur les raies. Certaines raies sont en effet plus sensibles à la température alors que d'autres seront plus sensibles à la densité. Rapidement, la température va influencer la largeur d'une raie, la densité la profondeur de la raie et la vitesse la position de la raie.


Rayonnement radio (1/3)

Introduction

Tous les photons ne sont pas dus à des transitions des électrons d'un atome. Un très grand nombre d'entre eux sont émis suite à l'accélération d'une particule chargée. On distingue alors plusieurs sortes de rayonnement en fonction du type d'accélération subit par la particule.

En particulier, le Soleil, le milieu interplanétaire et les planètes produisent de larges émissions dans le domaine radio. Nous allons maintenant en voir quelques exemples.


Rayonnement radio (1/3)

Sursauts solaires de type II et III

Lors d'éruptions solaires, des particules sont accélérées à de très fortes énergies. Ces particules se propagent le long des lignes de champ magnétique interplanétaire, formant parfois des faisceaux de particules. En se propageant, ces particules vont provoquer des émissions dans le domaine radio. Nous allons voir les processus de base de ces émissions (le détail est en dehors des limites de ce cours : c'est encore un sujet d'investigation fortement débattu !)

On distingue deux types d'émissions radio : les émissions de type II et de type III. Un exemple de ces émissions est présenté sur la figure figure ci-contre. Ce rayonnement électromagnétique est caractérisé par une dérive en fréquence de l'émission en fonction du temps. Du point de vue observationnel, la différence principale entre ces deux types d'émission réside dans la pente de la dérive de l'émission avec le temps : les émissions de type III dérivent beaucoup plus vite que les émissions de type II.

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Exemple d'émission radio de type II et III : le temps est en abscisse, la fréquence est en ordonnée. Ce type de diagramme est appelé spectre dynamique car il donne la répartition de l'énergie radio (code de couleur : bleu très faible intensité, rouge : très forte intensité) en fonction de la fréquence (ici de 10 à 180 MHz) et du temps (ici de 0 à 24h).
Crédit : IPS Radio and Space Services, Australia

Les faisceaux en se déplaçant dans le milieu interplanétaire produisent ce que l'on appelle des "ondes de Langmuir" à une fréquence proche d'une fréquence particulière appelée "fréquence plasma" qui s'écrit :

f_p=\frac{1}{2\pi}\sqrt{\frac{ne^2}{m\epsilon_0}}

avec f_pla fréquence plasma (en Hz), n est la densité d'électrons, e la charge élémentaire (1,6 x 10-19 c), m la masse de l'électron (9 x 10-31kg), epsilon_0 la constante diélectrique (8,8 x 10-12 F. m-1).

Pour concrétiser le sujet, supposons que nous soyions dans le vent solaire. Une densité typique est 10 particules.cm-3. La fréquence plasma vaut alors 28 kHz : nous sommes dans la gamme des ondes radio.

Ces ondes sont électrostatiques : elles ne se propagent pas. Seules des mesures dans la source de ces ondes permettent de les mesurer, et donc de déterminer la densité n du milieu. Toutefois, par certains processus, ces ondes sont transformées en ondes électromagnétiques qui, elles, vont se propager et qui sont à une fréquence proche de cette fréquence plasma.

Que nous apprennent ces ondes ?

Comme le faisceau se déplace dans un milieu dont la densité décroit quand la distance au Soleil augmente, la fréquence diminue avec le temps. C'est ce qui explique la dérive en fréquence des émissions avec le temps.

On utilise ces pentes de dérive pour déterminer la vitesse des faisceaux de particules. En effet, on peut montrer que la pente peut s'écrire :

\frac{df}{dt}= \frac{A.V}{2\sqrt{n(r)} }\frac{dn(r)}{dr}

où df/dt représente la variation de la fréquence en fonction du temps (la pente dans le diagramme précédent), A=\frac{1}{2\pi}\sqrt{\frac{e^2}{m\epsilon_0}}, V la vitesse du faisceau d'électrons, n(r) un modèle de densité électronique en fonction de la distance au Soleil et dn(r)/dr la variation de cette densité en fonction de la distance au Soleil. Donc, si l'on se donne un modèle de densité électronique dans le milieu interplanétaire, on peut déduire V à partir de la mesure de pente df/dt.


Exercice

exerciceVitesse de dérive des particules

Question 1)

Les particules des faisceaux d'électrons produisant les émissions de type III ont une vitesse plus grande que dans le cas des émissions de type II. Vrai ou faux  ? Justifiez.


En savoir plus : Fréquence plasma

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Ce mécanisme d'émission de rayonnement résulte du comportement collectif des particules - des électrons - accélérées. En effet, si un plasma subit une perturbation, ses électrons vont spontanément et collectivement se mettre à osciller à la fréquence particulière appelée fréquence plasma. Elle donne l'échelle de temps caractéristique de la réponse collective des électrons à la perturbation (les protons, beaucoup trop massifs, peuvent être considérés comme immobiles). C'est une des caractéristiques fondamentales d'un plasma.

Cette fréquence est donnée par :

f_p=\frac{1}{2\pi}\sqrt{\frac{ne^2}{m\epsilon_0}}

avec f_pla fréquence plasma (en Hz), n est la densité d'électrons, e la charge élémentaire (1,6 x 10-19 c), m la masse de l'électron (9 x 10-31kg), epsilon_0 la constante diélectrique (8,8 x 10-12 F. m-1). Si on peut mesurer la fréquence plasma, on peut déterminer la densité du milieu. Les ondes à cette fréquence sont électrostatiques : elles sont constituées par un champ électrique qui oscille, sans champ magnétique - contrairement à des ondes électromagnétiques - et ne se propagent pas. Elles sont convectées par le milieu si celui-ci se déplace ; c'est donc par le biais de mesures in-situ que l'on peut les mesurer.

La fréquence plasma constitue une fréquence de coupure pour un milieu  : en-dessous de cette fréquence les ondes ne se propagent plus.

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Cette figure montre le mouvement collectif des électrons suite à une perturbation électrostatique et le champ électrique moyen correspondant en fonction du temps. On y voit l'évolution périodique du système à la fréquence plasma.
Crédit : Arnaud Beck - LESIA, Observatoire de Paris

Rayonnement radio (2/3)

Rayonnement cyclotron

En dehors de cette émission plasma, due au comportement collectif des particules accélérées, chaque particule émet du rayonnement à une fréquence omega_c proportionnelle à l'intensité du champ magnétique  :

\omega_c = \frac{\parallel e B\parallel }{m}

\parallel eB\parallel indique la norme du produit de la charge d'un électron et du champ magnétique. On appelle cela le rayonnement cyclotron qui se trouve être un rayonnement du domaine radio. La mesure de cette fréquence permet de déterminer le champ magnétique dans des régions où les méthodes spectroscopiques échouent (quand le champ magnétique est trop faible).

Rayonnement synchroton

Quand les particules émettrices de rayonnement cyclotron atteignent des vitesses non négligeables devant celle de lumière, la fréquence, et donc l'énergie, du rayonnement est augmentée d'un facteur gamma^2 et on parle alors de rayonnement synchrotron.

omega_synchrotron=gamma^2*omega_c

Avec \gamma^2= {\frac{1}{1-\displaystyle\frac{v^2}{c^2}}

Où v est la vitesse de la particule émettrice et c la vitesse de la lumière. Étant donné la valeur du champ magnétique dans la couronne solaire et la vitesse des particules accélérées au cours d'une éruption, les sursauts synchrotrons solaires sont généralement observés dans le domaine centimétrique et millimétrique.

omega_synchrotron lambda_synchrotron Energie de l'électron
10 GHz 3 cm 1,5 MeV
102 GHz 3 mm 3 MeV
103 GHz 0,3 mm 13 MeV
104 GHz 0,3 mm 44 MeV

Tableau de correspondance entre la fréquence synchrotron (en GHz), la longueur d'onde équivalente, l'énergie des électrons (en MeV). Les valeurs sont données pour un champ magnétique de 500 Gauss.


Rayonnement gamma et X

Lors d'éruption particulièrement violentes, les particules peuvent atteindre des énergies très importantes (108 MeV) et être très relativistes. Le rayonnement synchroton obtenu est alors dans la gamme des rayons X et γ. Ce dernier rayonnement résulte également de transitions énergétiques dans le noyau (et non le cortège électronique) des atomes.

Rayonnement de freinage

Lorsqu'un électron s'approche d'un ion, il ressent son champ électrique et subit une accélération qui est d'autant plus grande que l'électron passe près de l'ion. S'il passe à une distance suffisament petite, l'accélération peut être assez violente pour provoquer une émission dans le domaine des rayons X appelée alors rayonnement de freinage (il est généralement nommé par son nom allemand : bremstrahlung).

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Cette animation montre la trajectoire d'un électron (bleu) qui passe près d'un ion (rouge) et dont la trajectoire est violemment déviée sous l'effet du champ électrique ionique.
Crédit : Arnaud Beck - LESIA, Observatoire de Paris