La distribution à grande échelle des galaxies dans l'Univers

Auteur: Florence Durret

Introduction

introductionIntroduction

La cosmologie est la branche de l'astronomie qui étudie l'Univers dans son ensemble. Du fait que les galaxies peuvent être observées à de grandes distances, il est possible de les utiliser comme traceurs des grandes structures de l'Univers. Pour connaître l'Univers le mieux possible et avoir en particulier une estimation de sa taille il faut donc observer les galaxies les plus lointaines possibles.


Les grandes structures de l'univers

Dans cette partie, nous décrirons comment les galaxies peuvent être utilisées pour dessiner l'Univers, c'est à dire pour caractériser la distribution de matière à très grande échelle.

Pour cela, nous présenterons tout d'abord plusieurs grands relevés de galaxies qui depuis le milieu des années 1980 ont révolutionné notre connaissance de la distribution de la matière dans l'Univers. En effet, si la cosmologie du XXème siècle a souvent fait l'hypothèse d'une distribution de matière uniforme dans l'Univers, ce n'est pas vrai à l'échelle des galaxies, qui semblent plutôt distribuées selon des filaments et des feuillets, conférant ainsi à l'Univers une structure évoquant celle d'une gigantesque éponge.

Nous présenterons ensuite les propriétés des groupes de galaxies et amas de galaxies, ces derniers étant les plus grandes structures identifiables de l'Univers. Là aussi, d'importants progrès ont été faits ces dernières décennies sur la compréhension de ces objets, tant du point de vue observationnel dans divers domaines de longueur d'onde, que sur le plan des simulations numériques.


Les méthodes d'étude de l'univers à grande échelle

L'observation de l'Univers à grande échelle commence en général par des observations en imagerie profonde, qui permettent de détecter des objets très faibles, et donc à priori très lointains. Avec des images dans plusieurs bandes, y compris des bandes dans l'infrarouge, puisque c'est dans ce domaine que les galaxies lointaines apparaissent les plus lumineuses, il est possible d'estimer le décalage spectral estimé par la méthode photométrique (que nous appellerons par la suite "redshift photométrique", généralement noté zphot ).

Cependant, on ne peut connaître avec certitude la distance). d'une galaxie que si l'on a mesuré son décalage spectral spectroscopique. L'étude de la distribution à grande échelle des galaxies a donc commencé par l'obtention de grands relevés spectroscopiques de galaxies.


Les premiers relevés de galaxies

Les premiers relevés spectroscopiques de galaxies ont été effectués aux Etats-Unis par Margaret Geller, John Huchra et Valérie de Lapparent dans la seconde moitié des années 1980. Un télescope a été dédié à ces observations pendant plusieurs années, le temps de pose étant de l'ordre d'une heure par galaxie et le nombre de galaxies observé de l'ordre d'un millier.

Ce sondage a révélé que la distribution des galaxies à grande échelle n'était pas du tout homogène. Au contraire, les galaxies apparaissaient distribuées selon des filaments (à une dimension) ou des feuillets (à deux dimensions). De grandes zones quasiment vides de galaxies ont également été mises en évidence, ce qui n'était pas du tout prévu.

Distribution spatiale des galaxies
Geller.jpg
Première carte montrant la distribution d'environ un millier de galaxies de l'Univers proche. Chaque petit point représente une galaxie. Un filament de galaxies est bien visible vers le centre de la figure.
Crédit : Geller M. & Huchra J. (1989) Science 246, 897
Diagramme en cône
Lapparent.jpg
Distribution des galaxies dans un diagramme en cône.
Crédit : de Lapparent V. et al. (1986) ApJL 302, L1

Une autre manière de présenter la distribution des galaxies pour faire apparaître la dimension selon la ligne de visée est de tracer un diagramme dit "en cône". Pour cela, on considère par exemple toutes les galaxies dans un intervalle de déclinaison donné, et on représente chaque galaxie par un point, avec l'ascension droite selon un cercle gradué de 0 à 24 heures et la vitesse de récession de la galaxie représentée radialement. On peut aussi sommer sur un intervalle d'ascension droite et représenter la déclinaison selon un cercle. Enfin, on peut aussi graduer radialement le cône non en vitesse mais en décalage spectral.

Dans un tel diagramme en cône, un amas de galaxies apparaît comme une concentration de galaxies dans une direction donnée (en ascension droite) avec une certaine dispersion de vitesses. Dans la figure, le "corps du bonhomme" correspond à l'amas de galaxies Coma (les galaxies sont quasiment dans la même direction, mais en raison de la dispersion de vitesses des galaxies dans l'amas, elles sont étalées radialement).


Exercice : diagramme en cône

exerciceDistribution des galaxies

Difficulté : ☆☆   Temps : 5 minutes

Question 1)

Expliquer en quoi consiste un diagramme en cône.

Question 2)

A quoi ressemble un amas de galaxies dans un diagramme en cône ?


Les grands relevés de galaxies

De nombreux relevés de galaxies ont été obtenus depuis vingt ans, en particulier grâce aux techniques de spectroscopie multi-objets qui ont permis d'obtenir les spectres de plusieurs dizaines de galaxies à la fois dans les années 1990, et maintenant même de plusieurs centaines, voire de près d'un millier (ce texte a été rédigé en 2010).

Distribution des galaxies dans le relevé 2dF
images-collees/Colless.jpg
Distribution de 141402 galaxies observées par le relevé 2dF.
Crédit : Colless M. et al. (2003) astro-ph/0306581

Les grands relevés ont confirmé sur des zones du ciel à la fois plus étendues et plus profondes en décalage spectral ce qui avait déjà été mis en évidence dans les années 1980, à savoir que les galaxies ne sont pas distribuées de manière uniforme, mais au contraire semblent former des filaments ou des feuillets, ce qui donne à l'Univers à très grande échelle une structure comparable à celle d'une éponge. Les amas de galaxies, dont il sera question ultérieurement, étant situés à l'intersection de ces filaments cosmiques.

Ces divers relevés sont complémentaires. Certains privilégient l'observation d'un champ assez grand mais de relativement faible profondeur en magnitude, et par conséquent en décalage spectral. C'est le cas du relevé 2dF (2 degree field) réalisé en Australie a été complété par le 6dF (6 degree field), en Australie toujours, qui a observé 150000 galaxies jusqu'à un décalage spectral de 0.1.

Le plus grand relevé en cours actuellement est le Sloan Digital Sky Survey, dont l'objectif est de mesurer 900000 décalages spectraux de galaxies jusqu'à un décalage spectral de l'ordre de 0.25 (voir http://www.sdss.org/).

D'autres relevés au contraire sont limités à de très petites zones du ciel mais sondent l'Univers jusqu'à un décalage spectral entre 0.5 et 1. C'est le cas par exemple du sondage Norris de Palomar, du sondage ESO-Sculptor ou plus récemment du sondage VIMOS (VIMOS Very Deep Survey, ou VVDS).


Distribution des groupes, amas et superamas dans l'univers

Il est intéressant de noter que la distribution observée pour les galaxies dans l'Univers se retrouve à des échelles encore plus grandes, pour les groupes, les amas et même les superamas, comme on peut le voir dans les figures ci-contre, obtenues à partir des données du grand relevé SDSS http://www.sdss.org/.

Distribution des amas de galaxies dans le SDSS
Einasto.jpg
Distribution des amas de galaxies dans le Sloan Digital Sky Survey. La barre en-dessous de la figure indique la table de couleurs choisie: la densité augmente quand on va de la gauche (bleu) vers la droite (rouge).
Crédit : Einasto J. et al. (2003) A&A 405, 425
Distribution des superamas de galaxies dans le SDSS
Einasto2.jpg
Distribution des superamas de galaxies dans le Sloan Digital Sky Survey. La barre en-dessous de la figure a la même signification que pour la figure précédente.
Crédit : Einasto J. et al. (2003) A&A 405, 425

Recherche de filaments de galaxies

Bien qu'on ait détecté quelques filaments de galaxies à grande échelle, ces recherches de filaments, par exemple entre deux amas, sont difficiles en raison de la contamination des images par les nombreuses galaxies d'arrière-plan.

En pratique, pour avoir la certitude d'avoir détecté un filament de galaxies entre deux amas, il faut avoir mesuré plusieurs centaines de décalages spectraux dans cette région, ce qui n'est pas facile (l'un des problèmes, et non des moindres, étant de convaincre le comité d'attribution du temps de télescope d'accorder du temps pour des observations dont on n'est pas sûr qu'elles donneront un résultat !).

Distribution des galaxies de part et d'autre de l'amas Abell 496
images-collees/A496_LSSfilament.jpg
Distribution des galaxies dans un intervalle de décalage spectral centré sur celui d'Abell 496 (0.033), obtenue à partir du catalogue de redshifts du relevé 6dF. La position de l'amas est indiquée en rouge. Un filament de galaxies est visible. Les chiffres en noir indiquent les décalages spectraux des groupes et amas déjà répertoriés dans cette région : ils sont tous proches de 0.033.
Crédit : Boué G. et al. (2008) A&A 479, 335
Filament de galaxies entre les amas Abell 1763 et Abell 1770
A1763_filaments.jpg
Filament de galaxies entre les amas Abell 1763 (cercle de droite) et Abell 1770 (cercle de gauche). Tous les décalages spectraux des galaxies sont confirmés spectroscopiquement.
Crédit : Fadda, Biviano, Marleau, Storrie-Lombardi & Durret 2007, ApJ 672, L9

Dans la mesure où le gaz cohabite généralement avec les galaxies, on pourrait penser que ces filaments contiendraient du gaz. Comme c'est le cas dans les groupes et amas de galaxies, ce gaz pourrait avoir été chauffé par l'effondrement gravitationnel lors de la formation des grandes structures de l'Univers. Dans ce cas, il serait très chaud et susceptible d'émettre en rayons X (voir Les Groupes et Amas de Galaxies plus loin). Cependant, un très petit nombre de filaments a actuellement été détecté en rayons X, du fait de la faiblesse du signal.


Comparaison avec les résultats de simulations numériques

Les simulations numériques ont connu un grand essor depuis une vingtaine d'années, en raison de l'augmentation rapide de la puissance de calcul des ordinateurs.

Les simulations numériques comme celle de formation de structures à partir de particules de matière noire froide montrée dans la figure ci-contre comprennent maintenant des millions, voire dans certains cas des milliards, de particules. Il s'agit dans ce cas de simulations numériques à N-corps.

Elles permettent de voir qu'à partir d'un ensemble de particules interagissant uniquement par la gravitation on aboutit à une structure très voisine de celle observée pour la distribution à grande échelle des galaxies : la matière est regroupée le long de filaments et sur des feuillets à deux dimensions, avec de grandes régions vides, et des zones plus denses à l'intersection des filaments.

Résultat d'une simulation numérique de formation des grandes structures de l'univers
Colombi.jpg
Résultat de la simulation numérique de formation de structures dans l'Univers dans le cadre d'un Univers de matière noire froide. Le cube fait 500 millions d'années-lumière de côté et inclut 16 millions de particules.
Crédit : S. Colombi et le groupe INC de l'IAP.

Conclusion

conclusionConclusion

La répartition des galaxies dans l'Univers n'est pas uniforme. Les galaxies constituent une structure en éponge, avec des feuillets et des régions vides, et sont préférentiellement distribuées selon des filaments. A l'intersection de ces filaments se situent les amas de galaxies.

On note le bon accord entre les simulations numériques et la distribution des galaxies à grande échelle, qui permet de penser que les hypothèses sur lesquelles sont basées les simulations numériques (Big Bang, matière noire froide) sont suffisamment réalistes.


Réponses aux exercices

pages_structures/exo-cone.html

Exercice 'Distribution des galaxies'