La cosmologie est la branche de l'astronomie qui étudie l'Univers dans son ensemble. Du fait que les galaxies peuvent être observées à de grandes distances, il est possible de les utiliser comme traceurs des grandes structures de l'Univers. Pour connaître l'Univers le mieux possible et avoir en particulier une estimation de sa taille il faut donc observer les galaxies les plus lointaines possibles.
Dans cette partie, nous décrirons comment les galaxies peuvent être utilisées pour dessiner l'Univers, c'est à dire pour caractériser la distribution de matière à très grande échelle.
Pour cela, nous présenterons tout d'abord plusieurs grands relevés de galaxies qui depuis le milieu des années 1980 ont révolutionné notre connaissance de la distribution de la matière dans l'Univers. En effet, si la cosmologie du XXème siècle a souvent fait l'hypothèse d'une distribution de matière uniforme dans l'Univers, ce n'est pas vrai à l'échelle des galaxies, qui semblent plutôt distribuées selon des filaments et des feuillets, conférant ainsi à l'Univers une structure évoquant celle d'une gigantesque éponge.
Nous présenterons ensuite les propriétés des groupes de galaxies et amas de galaxies, ces derniers étant les plus grandes structures identifiables de l'Univers. Là aussi, d'importants progrès ont été faits ces dernières décennies sur la compréhension de ces objets, tant du point de vue observationnel dans divers domaines de longueur d'onde, que sur le plan des simulations numériques.
L'observation de l'Univers à grande échelle commence en général par des observations en imagerie profonde, qui permettent de détecter des objets très faibles, et donc à priori très lointains. Avec des images dans plusieurs bandes, y compris des bandes dans l'infrarouge, puisque c'est dans ce domaine que les galaxies lointaines apparaissent les plus lumineuses, il est possible d'estimer le décalage spectral estimé par la méthode photométrique (que nous appellerons par la suite "redshift photométrique", généralement noté zphot ).
Cependant, on ne peut connaître avec certitude la distance). d'une galaxie que si l'on a mesuré son décalage spectral spectroscopique. L'étude de la distribution à grande échelle des galaxies a donc commencé par l'obtention de grands relevés spectroscopiques de galaxies.
Les premiers relevés spectroscopiques de galaxies ont été effectués aux Etats-Unis par Margaret Geller, John Huchra et Valérie de Lapparent dans la seconde moitié des années 1980. Un télescope a été dédié à ces observations pendant plusieurs années, le temps de pose étant de l'ordre d'une heure par galaxie et le nombre de galaxies observé de l'ordre d'un millier.
Ce sondage a révélé que la distribution des galaxies à grande échelle n'était pas du tout homogène. Au contraire, les galaxies apparaissaient distribuées selon des filaments (à une dimension) ou des feuillets (à deux dimensions). De grandes zones quasiment vides de galaxies ont également été mises en évidence, ce qui n'était pas du tout prévu.
Une autre manière de présenter la distribution des galaxies pour faire apparaître la dimension selon la ligne de visée est de tracer un diagramme dit "en cône". Pour cela, on considère par exemple toutes les galaxies dans un intervalle de déclinaison donné, et on représente chaque galaxie par un point, avec l'ascension droite selon un cercle gradué de 0 à 24 heures et la vitesse de récession de la galaxie représentée radialement. On peut aussi sommer sur un intervalle d'ascension droite et représenter la déclinaison selon un cercle. Enfin, on peut aussi graduer radialement le cône non en vitesse mais en décalage spectral.
Dans un tel diagramme en cône, un amas de galaxies apparaît comme une concentration de galaxies dans une direction donnée (en ascension droite) avec une certaine dispersion de vitesses. Dans la figure, le "corps du bonhomme" correspond à l'amas de galaxies Coma (les galaxies sont quasiment dans la même direction, mais en raison de la dispersion de vitesses des galaxies dans l'amas, elles sont étalées radialement).
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Expliquer en quoi consiste un diagramme en cône.
A quoi ressemble un amas de galaxies dans un diagramme en cône ?
De nombreux relevés de galaxies ont été obtenus depuis vingt ans, en particulier grâce aux techniques de spectroscopie multi-objets qui ont permis d'obtenir les spectres de plusieurs dizaines de galaxies à la fois dans les années 1990, et maintenant même de plusieurs centaines, voire de près d'un millier (ce texte a été rédigé en 2010).
Les grands relevés ont confirmé sur des zones du ciel à la fois plus étendues et plus profondes en décalage spectral ce qui avait déjà été mis en évidence dans les années 1980, à savoir que les galaxies ne sont pas distribuées de manière uniforme, mais au contraire semblent former des filaments ou des feuillets, ce qui donne à l'Univers à très grande échelle une structure comparable à celle d'une éponge. Les amas de galaxies, dont il sera question ultérieurement, étant situés à l'intersection de ces filaments cosmiques.
Ces divers relevés sont complémentaires. Certains privilégient l'observation d'un champ assez grand mais de relativement faible profondeur en magnitude, et par conséquent en décalage spectral. C'est le cas du relevé 2dF (2 degree field) réalisé en Australie a été complété par le 6dF (6 degree field), en Australie toujours, qui a observé 150000 galaxies jusqu'à un décalage spectral de 0.1.
Le plus grand relevé en cours actuellement est le Sloan Digital Sky Survey, dont l'objectif est de mesurer 900000 décalages spectraux de galaxies jusqu'à un décalage spectral de l'ordre de 0.25 (voir http://www.sdss.org/).
D'autres relevés au contraire sont limités à de très petites zones du ciel mais sondent l'Univers jusqu'à un décalage spectral entre 0.5 et 1. C'est le cas par exemple du sondage Norris de Palomar, du sondage ESO-Sculptor ou plus récemment du sondage VIMOS (VIMOS Very Deep Survey, ou VVDS).
Il est intéressant de noter que la distribution observée pour les galaxies dans l'Univers se retrouve à des échelles encore plus grandes, pour les groupes, les amas et même les superamas, comme on peut le voir dans les figures ci-contre, obtenues à partir des données du grand relevé SDSS http://www.sdss.org/.
Bien qu'on ait détecté quelques filaments de galaxies à grande échelle, ces recherches de filaments, par exemple entre deux amas, sont difficiles en raison de la contamination des images par les nombreuses galaxies d'arrière-plan.
En pratique, pour avoir la certitude d'avoir détecté un filament de galaxies entre deux amas, il faut avoir mesuré plusieurs centaines de décalages spectraux dans cette région, ce qui n'est pas facile (l'un des problèmes, et non des moindres, étant de convaincre le comité d'attribution du temps de télescope d'accorder du temps pour des observations dont on n'est pas sûr qu'elles donneront un résultat !).
Dans la mesure où le gaz cohabite généralement avec les galaxies, on pourrait penser que ces filaments contiendraient du gaz. Comme c'est le cas dans les groupes et amas de galaxies, ce gaz pourrait avoir été chauffé par l'effondrement gravitationnel lors de la formation des grandes structures de l'Univers. Dans ce cas, il serait très chaud et susceptible d'émettre en rayons X (voir Les Groupes et Amas de Galaxies plus loin). Cependant, un très petit nombre de filaments a actuellement été détecté en rayons X, du fait de la faiblesse du signal.
Les simulations numériques ont connu un grand essor depuis une vingtaine d'années, en raison de l'augmentation rapide de la puissance de calcul des ordinateurs.
Les simulations numériques comme celle de formation de structures à partir de particules de matière noire froide montrée dans la figure ci-contre comprennent maintenant des millions, voire dans certains cas des milliards, de particules. Il s'agit dans ce cas de simulations numériques à N-corps.
Elles permettent de voir qu'à partir d'un ensemble de particules interagissant uniquement par la gravitation on aboutit à une structure très voisine de celle observée pour la distribution à grande échelle des galaxies : la matière est regroupée le long de filaments et sur des feuillets à deux dimensions, avec de grandes régions vides, et des zones plus denses à l'intersection des filaments.
La répartition des galaxies dans l'Univers n'est pas uniforme. Les galaxies constituent une structure en éponge, avec des feuillets et des régions vides, et sont préférentiellement distribuées selon des filaments. A l'intersection de ces filaments se situent les amas de galaxies.
On note le bon accord entre les simulations numériques et la distribution des galaxies à grande échelle, qui permet de penser que les hypothèses sur lesquelles sont basées les simulations numériques (Big Bang, matière noire froide) sont suffisamment réalistes.
Comme il a été dit ci-dessus, les amas de galaxies sont les plus grandes structures identifiables dans l'Univers. Les groupes de galaxies ont les mêmes propriétés que les amas, mais sont moins massifs, et contiennent du gaz un peu moins chaud et en quantité moindre. Nous allons décrire dans ce chapitre leurs principales propriétés.
Les galaxies sont rarement isolées, mais ont tendance à se regrouper pour former des groupes (quelques dizaines de galaxies) ou des amas (quelques centaines, voire plusieurs milliers de galaxies). Les amas de galaxies sont les plus grandes structures de l'Univers liées par la gravité. Il existe aussi des superamas, regroupements de plusieurs amas, mais leur existence physique réelle est plus difficile à mettre en évidence de manière totalement certaine.
C'est en lumière visible que les amas ont tout d'abord été découverts, comme de simples concentrations de galaxies sur des plaques photographiques. L'astronome suisse Fritz Zwicky a été le pionnier de cette recherche dans les années 1930, suivi par l'astronome américain George Abell dans les années 1960.
Abell a constitué le premier grand catalogue d'amas de galaxies. Cependant, les objets qu'il a recensés ne sont pas tous des amas, dans la mesure où il y a parfois superposition de galaxies à des distances différentes mais situées sur des lignes de visée très proches. La spectroscopie des galaxies a donc été nécessaire pour pouvoir déterminer quelles galaxies appartiennent vraiment à l'amas, et lesquelles sont situées en avant-plan ou en arrière-plan.
L'existence des amas a été mise en évidence avec davantage de certitude par l'observation de gaz très chaud émettant en rayons X et distribué dans tout l'amas.
L'aspect d'un amas est évidemment très différent en optique et en rayons X, puisqu'en optique on voit les galaxies individuellement alors qu'en rayons X on voit bien sur la figure une tache diffuse, comportant ou non des sous-structures.
Dans les amas, on constate que tous les types de galaxies ne sont pas distribués de la même manière : c'est ce que l'on appelle la ségrégation morphologique. Les galaxies elliptiques sont plutôt concentrées dans les zones centrales, tandis que les spirales sont plus abondantes dans les zones périphériques.
Ces propriétés peuvent se comprendre d'une manière assez simple. Nous avons vu que les galaxies elliptiques étaient très probablement formées par la fusion de galaxies spirales. Dans les régions centrales des amas où la densité en galaxies est plus grande, la probabilité de fusion est aussi plus élevée, ce qui explique que l'on observe davantage d'elliptiques.
Au contraire, dans les zones extérieures on pense qu'il y a encore accrétion de galaxies de champ qui "tombent" sur l'amas. Dans ce cas, il s'agit majoritairement de galaxies spirales ; de plus, lorsqu'elles entrent dans l'amas leur gaz peut être comprimé, ce qui peut avoir pour effet d'augmenter leur taux de formation d'étoiles, ce qui est effectivement observé dans nombre de cas.
Les fonctions de luminosité (FDL) des galaxies sont définies comme le nombre de galaxies observé dans un amas par intervalle de magnitude.
Elles nous renseignent sur les abondances relatives des galaxies faibles et brillantes, et sont généralement modélisées par une fonction de Schechter (Schechter 1976, ApJ 203, 297), dont les paramètres sont la magnitude absolue (ou, si l'on préfère, la luminosité) au point d'inflexion M* et la pente α pour les objets faibles (avec une constante multiplicative de normalisation K).
La fonction de Schechter exprimée en fonction de la magnitude absolue M des galaxies est de la forme suivante:
Les fonctions de luminosité des galaxies d'amas ne sont pas faciles à déterminer, car il faut être sûr de n'inclure que les galaxies appartenant à l'amas, à l'exclusion des galaxies d'avant-plan ou d'arrière-plan.
Pour cela, diverses méthodes sont possibles, par exemple la soustraction statistique de comptages de galaxies faits dans des grands relevés de galaxies (si possible avec le même filtre). Bien sûr, la meilleure méthode serait d'avoir une mesure du décalage spectroscopique de chaque galaxie, mais cette méthode exige beaucoup de temps de télescope, et ne permet d'observer que les galaxies relativement brillantes, les autres étant très difficilement observables en spectroscopie.
A défaut de données spectroscopiques, il est possible d'effectuer plusieurs estimations des comptages de galaxies d'arrière-plan, par exemple en comptant les galaxies dans une région de l'image non couverte par l'amas, ou bien en utilisant des comptages de galaxies publiés dans des résultats de grands relevés. La figure ci-contre montre les ajustements par des fonctions de Schechter, correspondant à deux soustractions des galaxies d'arrière-plan différentes On voit que dans ce cas les ajustements sont très voisins.
Il semble que la fonction de luminosité des galaxies soit plus plate dans les régions centrales des amas et plus "pentue" dans les zones externes, autrement dit qu'il y ait davantage de galaxies naines dans les zones externes que dans les zones internes.
L'explication la plus simple est qu'au centre des amas les galaxies naines sont accrétées par les grosses galaxies, tandis que dans les zones externes ces petites galaxies restent en nombre important, parce qu'elles ont une probabilité beaucoup plus faible de rencontrer et être accrétées par une grosse galaxie.
Les galaxies situées dans les amas sont influencées par le milieu qui les entoure.
Par exemple, on a pu constater que leur contenu en hydrogène neutre ou gaz HI était parfois sous-abondant, ce qui peut être interprété comme dû à la pression exercée par le gaz inter-amas qui arrache aux galaxies leur gaz. La première mise en évidence de cette déficience en HI dans un amas a été faite pour l'amas de la Vierge par Cayatte et al. (1990), comme le montre la figure ci-contre.
Les fusions et interactions successives peuvent également arracher du gaz aux galaxies. Leur réserve en gaz étant appauvrie, leur taux de formation d'étoiles va alors diminuer.
Les galaxies d'amas se placent sur une séquence dans un diagramme couleur-magnitude (la couleur étant définie comme la différence entre les magnitudes mesurées dans deux filtres différents), ce qui est un moyen de sélectionner les galaxies ayant une forte probabilité d'appartenir à l'amas même si l'on ne connaît pas leur décalage spectral.
Pour les amas proches, on procède comme pour Abell 496 et on élimine toutes les galaxies situées nettement au-dessus de la séquence de l'amas dans le diagramme couleur-magnitude. Si l'on peut en plus disposer de nombreuses mesures de décalages spectraux, comme c'est le cas pour le célèbre amas Coma, la confiance que l'on peut accorder à cette méthode est encore plus grande.
Pour les amas plus lointains, la contamination par des galaxies d'avant-plan, donc plus bleues que celles de l'amas, devient importante. On choisit alors de sélectionner les galaxies membres de l'amas autour de la séquence elle-même. C'est le cas pour l'amas Abell 222.
Ces trois figures montrent comment il est possible de sélectionner les galaxies ayant une forte probabilité d'appartenir à un amas sans mesurer leur décalage spectral (beaucoup plus coûteux en temps de télescope). La méthode n'est pas parfaite, mais donne d'assez bons résultats.
Au début du XXème siècle, Einstein avait prédit qu'une forte concentration de masse pouvait courber les rayons lumineux passant à proximité et amplifier la source lumineuse d'arrière-plan.
Vers le milieu des années 1980, un groupe d'astronomes de l'observatoire Midi-Pyrénées regroupé autour de Bernard Fort découvrit un arc lumineux géant dans une image de l'amas Abell 370, qui est à un décalage spectral de 0.375. Il s'agissait de la première mise en évidence du phénomène de lentille gravitationnelle dans un amas de galaxies.
Un spectre de l'arc révéla ensuite qu'il s'agissait d'une galaxie à un décalage spectral 0.725, déformée et amplifiée par l'effet de lentille gravitationnelle de l'amas.
Depuis vingt ans, de nombreux autres arcs géants ont été découverts dans des images d'amas, l'un des plus beaux exemples étant Abell 2218.
Le principe de l'effet de lentille gravitationnelle appliqué aux amas de galaxies montre l'existence de trois régimes. Si l'observateur, l'amas et une galaxie lointaine sont parfaitement alignés, la galaxie lointaine apparaîtra sous l'aspect d'un nombre impair de grands arcs : c'est l'effet de lentille gravitationnelle fort.
Si l'alignement n'est pas parfait, on observera seulement de petits arcs disséminés sur l'image (en anglais, des "arclets").
Enfin, si l'alignement est encore moins bon, il se produira alors de simples déformations des galaxies d'avant-plan, indétectables pour chaque galaxie individuellement, mais détectables statistiquement sur un grand nombre de galaxies.
L'observation des positions et magnitudes de nombreux arcs sur l'image d'un amas (et si possible aussi l'obtention de spectres) permet de modéliser la distribution de masse dans l'amas. Par intégration, on a ainsi accès à la masse totale de l'amas, où l'on entend par masse totale la somme des masses des galaxies, du gaz émetteur X et de la matière noire.
D'autre part, l'amplification des galaxies d'arrière plan peut permettre d'observer des galaxies très lointaines, et donc très faibles, qui pourraient ne pas être observables sans amplification.
Comme les rayons X ne traversent pas l'atmosphère terrestre, il a fallu attendre les observations par satellite pour observer le ciel dans ce domaine de longueur d'onde à la fin des années 1960. Les amas de galaxies ont alors été détectés, à commencer par l'amas Coma, qui est riche, massif, et donc brillant en X.
Depuis lors plusieurs générations de télescopes X de plus en plus performants se sont succédé, avec à chaque nouvelle génération un progrès considérable dans les performances de l'instrument.
Les trois caractéristiques principales que l'on cherche sans cesse à améliorer sont : la sensibilité (ou la surface collectrice), la résolution spatiale et la résolution en énergie (terme utilisé en rayons X à la place du terme de résolution spectrale employé dans d'autres domaines de longueur d'onde). Comme il n'est pas possible d'optimiser ces trois propriétés à la fois, des choix technologiques doivent être faits pour privilégier l'une de ces caractéristiques par rapport aux deux autres.
Depuis dix ans, trois satellites observent le ciel en rayons X, avec des propriétés très complémentaires. En effet, le satellite européen XMM-Newton a une grande surface collectrice qui lui permet d'observer des objets faibles ; en revanche sa résolution spatiale est au mieux de 5 secondes d'arc et sa résolution en énergie est moyenne (sauf pour le spectrographe RGS à haute résolution, mais qui n'a pas de résolution spatiale). Le satellite américain Chandra (ainsi nommé en hommage au grand astrophysicien indien Chandrasekhar), lui, possède au contraire une excellente résolution spatiale de l'ordre de 1 seconde d'arc ; par contre il ne couvre qu'un champ assez petit, et sa sensibilité et sa résolution en énergie sont moyennes. Enfin le satellite japonais Suzaku privilégie une excellente résolution en énergie au détriment de la résolution spatiale, inexistante.
L'émission X du gaz présent dans les amas de galaxies est interprétée comme l'émission thermique d'un gaz très chaud et très peu dense.
Le gaz des amas est majoritairement constitué d'hydrogène. Du fait de la haute température de ce gaz, les atomes d'hydrogène vont être ionisés en protons et électrons. Lorsqu'un électron passe au voisinage d'un proton il va subir une force électrique qui va le ralentir, et l'énergie perdue va alors se transformer en un photon X. C'est ce que l'on appelle le rayonnement de freinage ("bremsstrahlung" en Allemand).
La quantité d'énergie rayonnée en X (ou émissivité) due à ce mécanisme à la fréquence ν est de la forme :
où n est la densité électronique du gaz et T sa température.
Le gaz émetteur X a une température très élevée : quelques dizaines à quelques centaines de millions de degrés. En revanche, sa densité est très faible, de l'ordre de 10-2 particules cm-3. Si l'on compare cette densité à celle de l'atmosphère terrestre au niveau de la mer, on trouve qu'elle est environ 1017 fois plus faible! Du fait que la densité du gaz décroît radialement à partir du centre des amas, l'émissivité en X décroît donc fortement du centre vers la périphérie des amas. En revanche, la dépendance de l'émissivité avec la température est relativement faible, et on a longtemps considéré les amas comme isothermes (c'est à dire ayant la même température partout). On sait maintenant qu'il n'en est rien, et que la température peut varier d'un facteur 2 ou 3 à l'intérieur d'un même amas.
Difficulté : ☆☆ Temps : 5 minutes
On exprime généralement la température du gaz émetteur X dans les amas en keV (kilo-électronVolts).
Si le gaz d'un amas est à 5 keV, calculer sa température en Kelvins.
La morphologie des amas en rayons X est très variée.
Certains semblent homogènes et sans sous-structures spatiales, mais peuvent quand même dans certains cas présenter des "bord" plus nets dans certaines directions, ce qui est le cas de Abell 2142.
D'autres présentent au contraire des morphologies très compliquées, avec deux ou plusieurs sous-structures. On observe dans certains cas des "trous d'émission" ou des filaments dans les zones internes, qui peuvent être dus à la présence d'une galaxie à noyau actif au centre de l'amas (Amas du Centaure, Amas Persée).
Tout comme l'on observe parfois des fusions de galaxies, on a découvert qu'il existait également, à beaucoup plus grande échelle, des fusions d'amas. Là aussi, les échelles de temps (de l'ordre de plusieurs milliards d'années) sont beaucoup trop longues pour pouvoir observer ces fusions en temps réel. On a donc recours à des simulations numériques pour rendre compte des propriétés des amas en fusion.
Lorsqu'il y a fusion de deux amas, le gaz situé entre les deux amas est généralement comprimé. Comme l'émission X est proportionnelle à la densité du gaz au carré, elle va donc fortement augmenter dans cette région. Le gaz peut aussi être chauffé par les ondes de choc créées par la fusion de deux amas. C'est ce que l'on observe dans la zone située entre les deux amas qui forment Abell 754.
Les spectres d'amas en rayons X présentent un rayonnement continu dû au rayonnement de freinage des électrons dont nous avons déjà parlé, ainsi que des raies d'émission dues à des éléments chimiques fortement ionisés présents dans le gaz.
La raie d'émission la plus intense est celle du fer vers 6.7 keV. Les spectres X nous permettent d'estimer la température et la métallicité (abondance en éléments autres que l'hydrogène et l'hélium) du gaz. Ces éléments ont été créés dans les étoiles contenues dans les galaxies qui constituent l'amas, puis rejetés dans le milieu intergalactique, par exemple lors de l'explosion des étoiles les plus massives en supernovae.
Avec un satellite comme XMM-Newton, il est maintenant possible d'obtenir des spectres en diverses régions des amas, et donc de calculer des profils (variation en fonction du rayon dans des couronnes concentriques), et même des cartes de température et de métallicité des amas. Par métallicité, les astronomes entendent l'abondance de tous les éléments plus lourds que l'hydrogène et l'hélium (qu'ils soient ou non des "métaux" au sens usuel de la chimie).
Difficulté : ☆ Temps : 2 minutes
Sachant que la raie la plus intense observée dans le spectre d'un amas de galaxies est celle du fer à 6.7 keV, calculer à quelle énergie cette raie sera détectée dans le spectre d'un amas à décalage spectral z=0.1.
Il n'est possible de tracer de vraies cartes de température du gaz émetteur X que depuis l'avènement du satellite XMM-Newton il y a dix ans. Cependant, on a pu bien plus tôt tracer les profils de température du gaz dans les amas, en sommant tous les photons X dans des couronnes concentriques, et en déterminant une température moyenne dans chaque couronne. L'exemple d'un tel profil est donné dans la figure ci-contre.
On a ainsi pu estimer la température au centre des amas, et on a trouvé qu'elle était généralement plus froide. L'explication qui a longtemps prévalu était celle proposée par A. Fabian : le fait que le gaz émette des rayons X se traduisait par une perte d'énergie pour le gaz. L'émission X variant comme la densité du gaz X au carré, le gaz dans les régions centrales de l'amas était assez dense pour que le temps de refroidissement du gaz dû à l'énergie rayonnée en X soit inférieur à l'âge de l'Univers. Dans ce cas, il était normal que le gaz soit plus froid au centre.
A. Fabian a ensuite développé une théorie dite "théorie du courant de refroidissement". Dans ce cadre, la température, et donc la pression du gaz étant plus faibles au centre, il devait s'ensuivre une chute de gaz des régions externes vers le centre ; ce phénomène était connu sous le nom de "courant de refroidissement" et la masse déposée au centre des amas pouvait atteindre des valeurs de l'ordre de plusieurs centaines de masses solaires par an.
Les observations avec le spectrographe RGS du satellite XMM-Newton ont montré que de si grandes masses de gaz plus froid n'étaient pas observées : elles auraient en effet produit l'émission de raies intenses autour de 1 keV, et ces raies n'étaient pas observées par le RGS. La théorie du courant de refroidissement a donc dû être abandonnée, du moins dans sa formulation initiale.
On pense maintenant qu'un phénomène physique vient réchauffer le centre des amas, et ainsi s'opposer au refroidissement par émission de photons X. L'hypothèse la plus probable est celle d'un chauffage par le rayonnement dû au noyau actif de la galaxie centrale géante située au centre de la plupart des amas.
Ce raisonnement et les calculs de la masse de gaz et de la masse totale de l'amas ne peuvent en toute rigueur s'appliquer qu'à des amas présentant une symétrie sphérique ou elliptique.
La figure présente les cartes de température du gaz X obtenues pour quatre amas très différents à partir de données obtenues par le satellite XMM-Newton. On peut remarquer qu'aucune carte de température n'est parfaitement symétrique. Même celle d'Abell 496, pourtant considéré habituellement comme un amas sans aucun signe de sous-structures ou de fusions, présente non seulement une zone plus froide au centre, ce qui est normal, mais aussi des régions plus chaudes au sud.
On remarque que la carte de température d'Abell 85 ressemble beaucoup à celle résultant d'une simulation numérique de la fusion de deux amas de masse inégale (voir figures). Cette simulation n'a pourtant pas été réalisée pour rendre compte des observations d'Abell 85.
La comparaison de la carte de température d'Abell 85 avec celle issue des simulations numériques montre de fortes similitudes et permet de penser qu'un petit amas a été accrété par Abell 85 depuis suffisamment longtemps (2 à 4 milliards d'années) pour que l'amas ait eu le temps de s'homogénéiser sans que la carte de température du gaz ait, elle, eu le temps de le faire.
Les simulations numériques sont donc très précieuses pour tenter de comprendre l'histoire de formation d'un amas en remontant aux diverses fusions qu'il a pu subir.
A partir du profil de densité et de température du gaz X, on peut calculer la masse totale de gaz en fonction du rayon, et par intégration la masse totale du gaz X.
Si l'on suppose que le gaz X est en équilibre hydrostatique dans le puits de potentiel de l'amas, on peut alors calculer la masse totale de l'amas en fonction du rayon, puis par intégration la masse totale de l'amas.
On constate que le gaz représente environ 15% de la masse totale, et les galaxies quelques %. Le reste de la masse des amas est constitué de matière noire, que l'on ne détecte pas directement, mais dont on déduit l'existence par ses effets gravitationnels.
Il est intéressant de constater que pour les amas sans sous-structure, où la condition d'équilibre hydrostatique a des chances d'être vérifiée, la masse totale de l'amas ainsi calculée est en accord avec celle déduite du phénomène de lentille gravitationnelle.
En revanche, il est clair que cette méthode (la seule dont nous disposions hélas!) ne peut pas être appliquée aux amas en fusion, comme par exemple Abell 3376 (voir page précédente).
Les groupes de galaxies sont connus depuis longtemps, puisque notre Voie Lactée elle-même est membre d'un groupe, appelé Groupe Local. Cependant, leur détection en rayons X n'a été possible que dans les années 1990 avec le satellite ROSAT.
Les propriétés des galaxies appartenant à des groupes ne diffèrent pas beaucoup de celles des galaxies de champ. En revanche, on ne détecte de gaz chaud émetteur en rayons X que dans les groupes suffisamment massifs pour avoir été capables de retenir du gaz dans leur puits de potentiel. Dans ce cas, le gaz émet en rayons X comme le gaz des amas, mais il est nettement moins chaud (température inférieure à 1 keV).
Il n'est pas toujours facile de savoir si l'émission X des groupes provient d'un énorme nuage de gaz chaud, ou de la superposition des émissions X individuelles de galaxies constituant le groupe, ce qui rend d'autant plus difficile l'étude des groupes en rayons X.
Les amas de galaxies sont les plus grandes structures de l'Univers liées par la gravité. Outre le fait qu'il s'agit pour diverses raisons d'objets intéressants à étudier en soi, les amas ont également un intérêt cosmologique.
En effet, les comptages d'amas, en particulier à grand décalage spectral, permettent de placer certaines contraintes sur les paramètres cosmologiques qui décrivent les propriétés à très grande échelle de l'Univers. Ces contraintes, couplées avec d'autres (supernovae Ia, oscillations baryoniques acoustiques, fond diffus cosmologique) permettent maintenant de déterminer avec précision un certain nombre de paramètres cosmologiques, comme par exemple les paramètres Omega et w présentés dans la figure ci-contre.
pages_structures/exo-cone.html
Se souvenir que pour tracer un diagramme en cône on a besoin de connaître la position et le décalage spectral de chaque galaxie.
Se souvenir que toutes les galaxies d'un amas sont concentrées dans une région angulaire très petite du ciel, mais sans avoir exactement la même vitesse de récession.
pages_structures/emx.html
5 keV correspondent à une énergie, obtenue en multipliant k (constante de Boltzmann) par la température T.
pages_structures/exo-fer.html
Appliquer la même relation en optique, en faisant attention au fait qu'ici c'est l'énergie de la raie qui est donnée et non sa longueur d'onde.