Les grandes structures de l'univers

Auteur: Florence Durret

La distribution à grande échelle des galaxies dans l'Univers

Auteur: Florence Durret

Introduction

introductionIntroduction

La cosmologie est la branche de l'astronomie qui étudie l'Univers dans son ensemble. Du fait que les galaxies peuvent être observées à de grandes distances, il est possible de les utiliser comme traceurs des grandes structures de l'Univers. Pour connaître l'Univers le mieux possible et avoir en particulier une estimation de sa taille il faut donc observer les galaxies les plus lointaines possibles.


Les grandes structures de l'univers

Dans cette partie, nous décrirons comment les galaxies peuvent être utilisées pour dessiner l'Univers, c'est à dire pour caractériser la distribution de matière à très grande échelle.

Pour cela, nous présenterons tout d'abord plusieurs grands relevés de galaxies qui depuis le milieu des années 1980 ont révolutionné notre connaissance de la distribution de la matière dans l'Univers. En effet, si la cosmologie du XXème siècle a souvent fait l'hypothèse d'une distribution de matière uniforme dans l'Univers, ce n'est pas vrai à l'échelle des galaxies, qui semblent plutôt distribuées selon des filaments et des feuillets, conférant ainsi à l'Univers une structure évoquant celle d'une gigantesque éponge.

Nous présenterons ensuite les propriétés des groupes de galaxies et amas de galaxies, ces derniers étant les plus grandes structures identifiables de l'Univers. Là aussi, d'importants progrès ont été faits ces dernières décennies sur la compréhension de ces objets, tant du point de vue observationnel dans divers domaines de longueur d'onde, que sur le plan des simulations numériques.


Les méthodes d'étude de l'univers à grande échelle

L'observation de l'Univers à grande échelle commence en général par des observations en imagerie profonde, qui permettent de détecter des objets très faibles, et donc à priori très lointains. Avec des images dans plusieurs bandes, y compris des bandes dans l'infrarouge, puisque c'est dans ce domaine que les galaxies lointaines apparaissent les plus lumineuses, il est possible d'estimer le décalage spectral estimé par la méthode photométrique (que nous appellerons par la suite "redshift photométrique", généralement noté zphot ).

Cependant, on ne peut connaître avec certitude la distance). d'une galaxie que si l'on a mesuré son décalage spectral spectroscopique. L'étude de la distribution à grande échelle des galaxies a donc commencé par l'obtention de grands relevés spectroscopiques de galaxies.


Les premiers relevés de galaxies

Les premiers relevés spectroscopiques de galaxies ont été effectués aux Etats-Unis par Margaret Geller, John Huchra et Valérie de Lapparent dans la seconde moitié des années 1980. Un télescope a été dédié à ces observations pendant plusieurs années, le temps de pose étant de l'ordre d'une heure par galaxie et le nombre de galaxies observé de l'ordre d'un millier.

Ce sondage a révélé que la distribution des galaxies à grande échelle n'était pas du tout homogène. Au contraire, les galaxies apparaissaient distribuées selon des filaments (à une dimension) ou des feuillets (à deux dimensions). De grandes zones quasiment vides de galaxies ont également été mises en évidence, ce qui n'était pas du tout prévu.

Distribution spatiale des galaxies
Geller.jpg
Première carte montrant la distribution d'environ un millier de galaxies de l'Univers proche. Chaque petit point représente une galaxie. Un filament de galaxies est bien visible vers le centre de la figure.
Crédit : Geller M. & Huchra J. (1989) Science 246, 897
Diagramme en cône
Lapparent.jpg
Distribution des galaxies dans un diagramme en cône.
Crédit : de Lapparent V. et al. (1986) ApJL 302, L1

Une autre manière de présenter la distribution des galaxies pour faire apparaître la dimension selon la ligne de visée est de tracer un diagramme dit "en cône". Pour cela, on considère par exemple toutes les galaxies dans un intervalle de déclinaison donné, et on représente chaque galaxie par un point, avec l'ascension droite selon un cercle gradué de 0 à 24 heures et la vitesse de récession de la galaxie représentée radialement. On peut aussi sommer sur un intervalle d'ascension droite et représenter la déclinaison selon un cercle. Enfin, on peut aussi graduer radialement le cône non en vitesse mais en décalage spectral.

Dans un tel diagramme en cône, un amas de galaxies apparaît comme une concentration de galaxies dans une direction donnée (en ascension droite) avec une certaine dispersion de vitesses. Dans la figure, le "corps du bonhomme" correspond à l'amas de galaxies Coma (les galaxies sont quasiment dans la même direction, mais en raison de la dispersion de vitesses des galaxies dans l'amas, elles sont étalées radialement).


Exercice : diagramme en cône

exerciceDistribution des galaxies

Difficulté : ☆☆   Temps : 5 minutes

Question 1)

Expliquer en quoi consiste un diagramme en cône.

Question 2)

A quoi ressemble un amas de galaxies dans un diagramme en cône ?


Les grands relevés de galaxies

De nombreux relevés de galaxies ont été obtenus depuis vingt ans, en particulier grâce aux techniques de spectroscopie multi-objets qui ont permis d'obtenir les spectres de plusieurs dizaines de galaxies à la fois dans les années 1990, et maintenant même de plusieurs centaines, voire de près d'un millier (ce texte a été rédigé en 2010).

Distribution des galaxies dans le relevé 2dF
images-collees/Colless.jpg
Distribution de 141402 galaxies observées par le relevé 2dF.
Crédit : Colless M. et al. (2003) astro-ph/0306581

Les grands relevés ont confirmé sur des zones du ciel à la fois plus étendues et plus profondes en décalage spectral ce qui avait déjà été mis en évidence dans les années 1980, à savoir que les galaxies ne sont pas distribuées de manière uniforme, mais au contraire semblent former des filaments ou des feuillets, ce qui donne à l'Univers à très grande échelle une structure comparable à celle d'une éponge. Les amas de galaxies, dont il sera question ultérieurement, étant situés à l'intersection de ces filaments cosmiques.

Ces divers relevés sont complémentaires. Certains privilégient l'observation d'un champ assez grand mais de relativement faible profondeur en magnitude, et par conséquent en décalage spectral. C'est le cas du relevé 2dF (2 degree field) réalisé en Australie a été complété par le 6dF (6 degree field), en Australie toujours, qui a observé 150000 galaxies jusqu'à un décalage spectral de 0.1.

Le plus grand relevé en cours actuellement est le Sloan Digital Sky Survey, dont l'objectif est de mesurer 900000 décalages spectraux de galaxies jusqu'à un décalage spectral de l'ordre de 0.25 (voir http://www.sdss.org/).

D'autres relevés au contraire sont limités à de très petites zones du ciel mais sondent l'Univers jusqu'à un décalage spectral entre 0.5 et 1. C'est le cas par exemple du sondage Norris de Palomar, du sondage ESO-Sculptor ou plus récemment du sondage VIMOS (VIMOS Very Deep Survey, ou VVDS).


Distribution des groupes, amas et superamas dans l'univers

Il est intéressant de noter que la distribution observée pour les galaxies dans l'Univers se retrouve à des échelles encore plus grandes, pour les groupes, les amas et même les superamas, comme on peut le voir dans les figures ci-contre, obtenues à partir des données du grand relevé SDSS http://www.sdss.org/.

Distribution des amas de galaxies dans le SDSS
Einasto.jpg
Distribution des amas de galaxies dans le Sloan Digital Sky Survey. La barre en-dessous de la figure indique la table de couleurs choisie: la densité augmente quand on va de la gauche (bleu) vers la droite (rouge).
Crédit : Einasto J. et al. (2003) A&A 405, 425
Distribution des superamas de galaxies dans le SDSS
Einasto2.jpg
Distribution des superamas de galaxies dans le Sloan Digital Sky Survey. La barre en-dessous de la figure a la même signification que pour la figure précédente.
Crédit : Einasto J. et al. (2003) A&A 405, 425

Recherche de filaments de galaxies

Bien qu'on ait détecté quelques filaments de galaxies à grande échelle, ces recherches de filaments, par exemple entre deux amas, sont difficiles en raison de la contamination des images par les nombreuses galaxies d'arrière-plan.

En pratique, pour avoir la certitude d'avoir détecté un filament de galaxies entre deux amas, il faut avoir mesuré plusieurs centaines de décalages spectraux dans cette région, ce qui n'est pas facile (l'un des problèmes, et non des moindres, étant de convaincre le comité d'attribution du temps de télescope d'accorder du temps pour des observations dont on n'est pas sûr qu'elles donneront un résultat !).

Distribution des galaxies de part et d'autre de l'amas Abell 496
images-collees/A496_LSSfilament.jpg
Distribution des galaxies dans un intervalle de décalage spectral centré sur celui d'Abell 496 (0.033), obtenue à partir du catalogue de redshifts du relevé 6dF. La position de l'amas est indiquée en rouge. Un filament de galaxies est visible. Les chiffres en noir indiquent les décalages spectraux des groupes et amas déjà répertoriés dans cette région : ils sont tous proches de 0.033.
Crédit : Boué G. et al. (2008) A&A 479, 335
Filament de galaxies entre les amas Abell 1763 et Abell 1770
A1763_filaments.jpg
Filament de galaxies entre les amas Abell 1763 (cercle de droite) et Abell 1770 (cercle de gauche). Tous les décalages spectraux des galaxies sont confirmés spectroscopiquement.
Crédit : Fadda, Biviano, Marleau, Storrie-Lombardi & Durret 2007, ApJ 672, L9

Dans la mesure où le gaz cohabite généralement avec les galaxies, on pourrait penser que ces filaments contiendraient du gaz. Comme c'est le cas dans les groupes et amas de galaxies, ce gaz pourrait avoir été chauffé par l'effondrement gravitationnel lors de la formation des grandes structures de l'Univers. Dans ce cas, il serait très chaud et susceptible d'émettre en rayons X (voir Les Groupes et Amas de Galaxies plus loin). Cependant, un très petit nombre de filaments a actuellement été détecté en rayons X, du fait de la faiblesse du signal.


Comparaison avec les résultats de simulations numériques

Les simulations numériques ont connu un grand essor depuis une vingtaine d'années, en raison de l'augmentation rapide de la puissance de calcul des ordinateurs.

Les simulations numériques comme celle de formation de structures à partir de particules de matière noire froide montrée dans la figure ci-contre comprennent maintenant des millions, voire dans certains cas des milliards, de particules. Il s'agit dans ce cas de simulations numériques à N-corps.

Elles permettent de voir qu'à partir d'un ensemble de particules interagissant uniquement par la gravitation on aboutit à une structure très voisine de celle observée pour la distribution à grande échelle des galaxies : la matière est regroupée le long de filaments et sur des feuillets à deux dimensions, avec de grandes régions vides, et des zones plus denses à l'intersection des filaments.

Résultat d'une simulation numérique de formation des grandes structures de l'univers
Colombi.jpg
Résultat de la simulation numérique de formation de structures dans l'Univers dans le cadre d'un Univers de matière noire froide. Le cube fait 500 millions d'années-lumière de côté et inclut 16 millions de particules.
Crédit : S. Colombi et le groupe INC de l'IAP.

Conclusion

conclusionConclusion

La répartition des galaxies dans l'Univers n'est pas uniforme. Les galaxies constituent une structure en éponge, avec des feuillets et des régions vides, et sont préférentiellement distribuées selon des filaments. A l'intersection de ces filaments se situent les amas de galaxies.

On note le bon accord entre les simulations numériques et la distribution des galaxies à grande échelle, qui permet de penser que les hypothèses sur lesquelles sont basées les simulations numériques (Big Bang, matière noire froide) sont suffisamment réalistes.


Les groupes et amas de galaxies

Auteur: Florence Durret

Introduction

Comme il a été dit ci-dessus, les amas de galaxies sont les plus grandes structures identifiables dans l'Univers. Les groupes de galaxies ont les mêmes propriétés que les amas, mais sont moins massifs, et contiennent du gaz un peu moins chaud et en quantité moindre. Nous allons décrire dans ce chapitre leurs principales propriétés.


Définition des groupes et amas de galaxies en lumière visible

Les galaxies sont rarement isolées, mais ont tendance à se regrouper pour former des groupes (quelques dizaines de galaxies) ou des amas (quelques centaines, voire plusieurs milliers de galaxies). Les amas de galaxies sont les plus grandes structures de l'Univers liées par la gravité. Il existe aussi des superamas, regroupements de plusieurs amas, mais leur existence physique réelle est plus difficile à mettre en évidence de manière totalement certaine.

C'est en lumière visible que les amas ont tout d'abord été découverts, comme de simples concentrations de galaxies sur des plaques photographiques. L'astronome suisse Fritz Zwicky a été le pionnier de cette recherche dans les années 1930, suivi par l'astronome américain George Abell dans les années 1960.

Abell a constitué le premier grand catalogue d'amas de galaxies. Cependant, les objets qu'il a recensés ne sont pas tous des amas, dans la mesure où il y a parfois superposition de galaxies à des distances différentes mais situées sur des lignes de visée très proches. La spectroscopie des galaxies a donc été nécessaire pour pouvoir déterminer quelles galaxies appartiennent vraiment à l'amas, et lesquelles sont situées en avant-plan ou en arrière-plan.


L'amas Coma à plusieurs longueurs d'onde

L'existence des amas a été mise en évidence avec davantage de certitude par l'observation de gaz très chaud émettant en rayons X et distribué dans tout l'amas.

L'amas Coma
images-collees/Coma.jpg
L'amas de galaxies Coma à plusieurs longueurs d'onde. En lumière visible (à gauche), on voit les deux galaxies principales, NGC 4874 et NGC 4889, et une multitude d'autres galaxies. En rayons X (à droite), image obtenue avec le satellite Chandra ; les deux points lumineux correspondent aux deux galaxies les plus brillantes. Au milieu, on voit image en rayons X à beaucoup plus grande échelle prise avec le satellite XMM-Newton. Les images en rayons X sont codées en fausses couleurs de manière à faire ressortir les détails que l'on cherche à mettre en évidence.
Crédit : C. Adami (image optique); Neumann D.M. et al. (2003) A&A 400, 811 (image XMM-Newton); Vikhlinin A. et al. (2003) ApJ 555, L87 (image Chandra)

L'aspect d'un amas est évidemment très différent en optique et en rayons X, puisqu'en optique on voit les galaxies individuellement alors qu'en rayons X on voit bien sur la figure une tache diffuse, comportant ou non des sous-structures.


La distribution des galaxies dans les amas

Dans les amas, on constate que tous les types de galaxies ne sont pas distribués de la même manière : c'est ce que l'on appelle la ségrégation morphologique. Les galaxies elliptiques sont plutôt concentrées dans les zones centrales, tandis que les spirales sont plus abondantes dans les zones périphériques.

Ces propriétés peuvent se comprendre d'une manière assez simple. Nous avons vu que les galaxies elliptiques étaient très probablement formées par la fusion de galaxies spirales. Dans les régions centrales des amas où la densité en galaxies est plus grande, la probabilité de fusion est aussi plus élevée, ce qui explique que l'on observe davantage d'elliptiques.

Au contraire, dans les zones extérieures on pense qu'il y a encore accrétion de galaxies de champ qui "tombent" sur l'amas. Dans ce cas, il s'agit majoritairement de galaxies spirales ; de plus, lorsqu'elles entrent dans l'amas leur gaz peut être comprimé, ce qui peut avoir pour effet d'augmenter leur taux de formation d'étoiles, ce qui est effectivement observé dans nombre de cas.


Les fonctions de luminosité des galaxies dans les amas

Les fonctions de luminosité (FDL) des galaxies sont définies comme le nombre de galaxies observé dans un amas par intervalle de magnitude.

Elles nous renseignent sur les abondances relatives des galaxies faibles et brillantes, et sont généralement modélisées par une fonction de Schechter (Schechter 1976, ApJ 203, 297), dont les paramètres sont la magnitude absolue (ou, si l'on préfère, la luminosité) au point d'inflexion M* et la pente α pour les objets faibles (avec une constante multiplicative de normalisation K).

La fonction de Schechter exprimée en fonction de la magnitude absolue M des galaxies est de la forme suivante:

FDL(M)=K\ 10^{0.4(\alpha -1)(M^*_V - M_V) }\ exp[-10^{0.4(M^*_V - M_V)}]

Fonction de luminosité de l'amas Abell 222
A222_GLF.jpg
Fonction de luminosité de l'amas Abell 222. Le nombre de galaxies de l'amas estimé dans la bande photométrique r (rouge) est tracé (échelle logarithmique) en fonction de la magnitude absolue dans la bande r. Deux ajustements par des fonctions de Schechter légèrement différentes (correspondant en fait à deux soustractions des galaxies d'arrière-plan différentes) sont montrés en bleu et en rouge.
Crédit : F. Durret

Les fonctions de luminosité des galaxies d'amas ne sont pas faciles à déterminer, car il faut être sûr de n'inclure que les galaxies appartenant à l'amas, à l'exclusion des galaxies d'avant-plan ou d'arrière-plan.

Pour cela, diverses méthodes sont possibles, par exemple la soustraction statistique de comptages de galaxies faits dans des grands relevés de galaxies (si possible avec le même filtre). Bien sûr, la meilleure méthode serait d'avoir une mesure du décalage spectroscopique de chaque galaxie, mais cette méthode exige beaucoup de temps de télescope, et ne permet d'observer que les galaxies relativement brillantes, les autres étant très difficilement observables en spectroscopie.

A défaut de données spectroscopiques, il est possible d'effectuer plusieurs estimations des comptages de galaxies d'arrière-plan, par exemple en comptant les galaxies dans une région de l'image non couverte par l'amas, ou bien en utilisant des comptages de galaxies publiés dans des résultats de grands relevés. La figure ci-contre montre les ajustements par des fonctions de Schechter, correspondant à deux soustractions des galaxies d'arrière-plan différentes On voit que dans ce cas les ajustements sont très voisins.

Il semble que la fonction de luminosité des galaxies soit plus plate dans les régions centrales des amas et plus "pentue" dans les zones externes, autrement dit qu'il y ait davantage de galaxies naines dans les zones externes que dans les zones internes.

L'explication la plus simple est qu'au centre des amas les galaxies naines sont accrétées par les grosses galaxies, tandis que dans les zones externes ces petites galaxies restent en nombre important, parce qu'elles ont une probabilité beaucoup plus faible de rencontrer et être accrétées par une grosse galaxie.


Les propriétés des galaxies dans les amas

Les galaxies situées dans les amas sont influencées par le milieu qui les entoure.

Par exemple, on a pu constater que leur contenu en hydrogène neutre ou gaz HI était parfois sous-abondant, ce qui peut être interprété comme dû à la pression exercée par le gaz inter-amas qui arrache aux galaxies leur gaz. La première mise en évidence de cette déficience en HI dans un amas a été faite pour l'amas de la Vierge par Cayatte et al. (1990), comme le montre la figure ci-contre.

Déficience HI dans les galaxies de l'amas de la Vierge
Virgo_HI.gif
Carte représentant l'observation des galaxies spirales de l'amas de la Vierge dans la raie de l'hydrogène neutre à 21 cm. Les galaxies près du centre de l'amas sont très appauvries en HI, alors que les galaxies plus loin du centre présentent des disques HI normaux.
Crédit : Cayatte V., van Gorkom J.H., Balkowski C., Kotanyi C. 1990, AJ 100, 604

Les fusions et interactions successives peuvent également arracher du gaz aux galaxies. Leur réserve en gaz étant appauvrie, leur taux de formation d'étoiles va alors diminuer.


La relation couleur-magnitude

Les galaxies d'amas se placent sur une séquence dans un diagramme couleur-magnitude (la couleur étant définie comme la différence entre les magnitudes mesurées dans deux filtres différents), ce qui est un moyen de sélectionner les galaxies ayant une forte probabilité d'appartenir à l'amas même si l'on ne connaît pas leur décalage spectral.

Pour les amas proches, on procède comme pour Abell 496 et on élimine toutes les galaxies situées nettement au-dessus de la séquence de l'amas dans le diagramme couleur-magnitude. Si l'on peut en plus disposer de nombreuses mesures de décalages spectraux, comme c'est le cas pour le célèbre amas Coma, la confiance que l'on peut accorder à cette méthode est encore plus grande.

Pour les amas plus lointains, la contamination par des galaxies d'avant-plan, donc plus bleues que celles de l'amas, devient importante. On choisit alors de sélectionner les galaxies membres de l'amas autour de la séquence elle-même. C'est le cas pour l'amas Abell 222.

Relation couleur-magnitude pour les galaxies d'Abell 496
A496_CMR.jpg
Relation couleur-magnitude pour les galaxies dans la direction de l'amas Abell 496. La séquence des galaxies de l'amas est visible jusque vers i' =20. La ligne rouge sépare les galaxies susceptibles d'appartenir à l'amas (sous cette ligne) et celles qui sont plus rouges et donc vraisemblablement plus lointaines (au-dessus de cette ligne).
Crédit : Boué G. et al. (2008) A&A 479, 335
La relation couleur-magnitude pour les galaxies de Coma
Coma_CMR.jpg
Relation couleur-magnitude pour les galaxies de Coma. Les points noirs sont déduits d'observations en imagerie. Les points rouges sont les galaxies dont l'appartenance à Coma a été confirmée par des données spectroscopiques. Il s'agit ici de galaxies faibles, donc de galaxies naines (du moins pour toutes celles qui sont dans Coma).
Crédit : Adami C. et al. (2006) A&A 459, 659
La relation couleur-magnitude des galaxies dans Abell 222
A222_redseq.jpg
Relation couleur-magnitude dans la direction de l'amas Abell 222. Chaque croix correspond à une galaxie détectée en imagerie. Les points verts correspondent aux galaxies ayant un décalage spectral mesuré et correspondant à celui de l'amas. Les traits verticaux correspondent aux limites inférieure et supérieure de magnitude r' (dans le rouge) où la relation couleur-magnitude a été calculée ; celle-ci est représentée par la longue droite en tirets. Les deux droites parallèles a cette droite délimitent la séquence à l'intérieur de laquelle on pourra considérer que les galaxies font partie de l'amas.
Crédit : F. Durret

Ces trois figures montrent comment il est possible de sélectionner les galaxies ayant une forte probabilité d'appartenir à un amas sans mesurer leur décalage spectral (beaucoup plus coûteux en temps de télescope). La méthode n'est pas parfaite, mais donne d'assez bons résultats.


Les amas sont des lentilles gravitationnelles : observations

Au début du XXème siècle, Einstein avait prédit qu'une forte concentration de masse pouvait courber les rayons lumineux passant à proximité et amplifier la source lumineuse d'arrière-plan.

Vers le milieu des années 1980, un groupe d'astronomes de l'observatoire Midi-Pyrénées regroupé autour de Bernard Fort découvrit un arc lumineux géant dans une image de l'amas Abell 370, qui est à un décalage spectral de 0.375. Il s'agissait de la première mise en évidence du phénomène de lentille gravitationnelle dans un amas de galaxies.

Abell 370
A370.jpg
Premier arc géant découvert par des astronomes de l'Observatoire de Toulouse sur une image de l'amas Abell 370.
Crédit : Soucail G. et al. (1987) A&A 172, L14

Un spectre de l'arc révéla ensuite qu'il s'agissait d'une galaxie à un décalage spectral 0.725, déformée et amplifiée par l'effet de lentille gravitationnelle de l'amas.

Depuis vingt ans, de nombreux autres arcs géants ont été découverts dans des images d'amas, l'un des plus beaux exemples étant Abell 2218.

Abell 2218
images-collees/A2218.jpg
L'amas Abell 2218 observé par le télescope spatial Hubble, où l'on voit une multitude d'arcs gravitationnels.
Crédit : Couch W. & Ellis R. (1995) Science 268, 199

Les lentilles gravitationnelles : théorie

Schéma expliquant l'effet de lentille gravitationnelle
lensing_principe.jpg
Schéma montrant de principe de l'optique gravitationnelle. Ici, la lumière d'une galaxie lointaine (à droite du schéma) est défléchie et amplifiée par un amas de galaxies. Si l'observateur (indiqué par un oeil), l'amas et la galaxie sont parfaitement alignés, l'image de la galaxie lointaine va apparaître (en projection sur le plan du ciel) sous forme d'un nombre impair d'arcs centrés sur la position du centre de l'amas. Si l'alignement n'est pas parfait, on ne verra plus d'arcs de cercle mais de petits arcs en divers points de l'image. Enfin si l'alignement est encore moins bon, il se produira des déformations dans l'image, trop faibles pour être détectées individuellement, mais détectables statistiquement. Les angles sont fortement grossis, pour que la figure soit lisible.
Crédit : Y. Mellier

Le principe de l'effet de lentille gravitationnelle appliqué aux amas de galaxies montre l'existence de trois régimes. Si l'observateur, l'amas et une galaxie lointaine sont parfaitement alignés, la galaxie lointaine apparaîtra sous l'aspect d'un nombre impair de grands arcs : c'est l'effet de lentille gravitationnelle fort.

Si l'alignement n'est pas parfait, on observera seulement de petits arcs disséminés sur l'image (en anglais, des "arclets").

Enfin, si l'alignement est encore moins bon, il se produira alors de simples déformations des galaxies d'avant-plan, indétectables pour chaque galaxie individuellement, mais détectables statistiquement sur un grand nombre de galaxies.


La masse des amas déduite de l'effet de lentille gravitationnelle

L'observation des positions et magnitudes de nombreux arcs sur l'image d'un amas (et si possible aussi l'obtention de spectres) permet de modéliser la distribution de masse dans l'amas. Par intégration, on a ainsi accès à la masse totale de l'amas, où l'on entend par masse totale la somme des masses des galaxies, du gaz émetteur X et de la matière noire.

D'autre part, l'amplification des galaxies d'arrière plan peut permettre d'observer des galaxies très lointaines, et donc très faibles, qui pourraient ne pas être observables sans amplification.


Observer les amas en rayons X

Comme les rayons X ne traversent pas l'atmosphère terrestre, il a fallu attendre les observations par satellite pour observer le ciel dans ce domaine de longueur d'onde à la fin des années 1960. Les amas de galaxies ont alors été détectés, à commencer par l'amas Coma, qui est riche, massif, et donc brillant en X.

Depuis lors plusieurs générations de télescopes X de plus en plus performants se sont succédé, avec à chaque nouvelle génération un progrès considérable dans les performances de l'instrument.

Les trois caractéristiques principales que l'on cherche sans cesse à améliorer sont : la sensibilité (ou la surface collectrice), la résolution spatiale et la résolution en énergie (terme utilisé en rayons X à la place du terme de résolution spectrale employé dans d'autres domaines de longueur d'onde). Comme il n'est pas possible d'optimiser ces trois propriétés à la fois, des choix technologiques doivent être faits pour privilégier l'une de ces caractéristiques par rapport aux deux autres.

Depuis dix ans, trois satellites observent le ciel en rayons X, avec des propriétés très complémentaires. En effet, le satellite européen XMM-Newton a une grande surface collectrice qui lui permet d'observer des objets faibles ; en revanche sa résolution spatiale est au mieux de 5 secondes d'arc et sa résolution en énergie est moyenne (sauf pour le spectrographe RGS à haute résolution, mais qui n'a pas de résolution spatiale). Le satellite américain Chandra (ainsi nommé en hommage au grand astrophysicien indien Chandrasekhar), lui, possède au contraire une excellente résolution spatiale de l'ordre de 1 seconde d'arc ; par contre il ne couvre qu'un champ assez petit, et sa sensibilité et sa résolution en énergie sont moyennes. Enfin le satellite japonais Suzaku privilégie une excellente résolution en énergie au détriment de la résolution spatiale, inexistante.


Propriétés physiques du gaz émetteur X

L'émission X du gaz présent dans les amas de galaxies est interprétée comme l'émission thermique d'un gaz très chaud et très peu dense.

Le gaz des amas est majoritairement constitué d'hydrogène. Du fait de la haute température de ce gaz, les atomes d'hydrogène vont être ionisés en protons et électrons. Lorsqu'un électron passe au voisinage d'un proton il va subir une force électrique qui va le ralentir, et l'énergie perdue va alors se transformer en un photon X. C'est ce que l'on appelle le rayonnement de freinage ("bremsstrahlung" en Allemand).

La quantité d'énergie rayonnée en X (ou émissivité) due à ce mécanisme à la fréquence ν est de la forme :

\epsilon(n,T) \propto n^2\ T^{-1/2}\ exp\ (-\frac{h\nu}{kT})

où n est la densité électronique du gaz et T sa température.

Le gaz émetteur X a une température très élevée : quelques dizaines à quelques centaines de millions de degrés. En revanche, sa densité est très faible, de l'ordre de 10-2 particules cm-3. Si l'on compare cette densité à celle de l'atmosphère terrestre au niveau de la mer, on trouve qu'elle est environ 1017 fois plus faible! Du fait que la densité du gaz décroît radialement à partir du centre des amas, l'émissivité en X décroît donc fortement du centre vers la périphérie des amas. En revanche, la dépendance de l'émissivité avec la température est relativement faible, et on a longtemps considéré les amas comme isothermes (c'est à dire ayant la même température partout). On sait maintenant qu'il n'en est rien, et que la température peut varier d'un facteur 2 ou 3 à l'intérieur d'un même amas.

exerciceTempérature du gaz dans les amas

Difficulté : ☆☆   Temps : 5 minutes

On exprime généralement la température du gaz émetteur X dans les amas en keV (kilo-électronVolts).

Question 1)

Si le gaz d'un amas est à 5 keV, calculer sa température en Kelvins.


Quelques images d'amas en rayons X

La morphologie des amas en rayons X est très variée.

Certains semblent homogènes et sans sous-structures spatiales, mais peuvent quand même dans certains cas présenter des "bord" plus nets dans certaines directions, ce qui est le cas de Abell 2142.

D'autres présentent au contraire des morphologies très compliquées, avec deux ou plusieurs sous-structures. On observe dans certains cas des "trous d'émission" ou des filaments dans les zones internes, qui peuvent être dus à la présence d'une galaxie à noyau actif au centre de l'amas (Amas du Centaure, Amas Persée).

Abell 2142
A2142.jpg
L'amas Abell 2142 (décalage spectral 0.09) vu par le satellite Chandra.
Crédit : Markevitch M. et al. (2000) ApJ 541, 542
Amas du Centaure
Centaurus_cluster.jpg
Région centrale de l'amas du Centaure en rayons X (décalage spectral 0.011) observé par le satellite Chandra. On voit une partie centrale très brillante, entourée d'un système complexe de filaments et de "bulles" d'où le gaz semble avoir été soufflé.
Crédit : Fabian A.C. et al. (2005) MNRAS 360, L20
L'amas Persée
Perseus.jpg
Région centrale de l'amas Persée (décalage spectral 0.018) observé par Chandra en rayons X. On voit clairement un système de filaments et de "bulles" quasiment vides d'où le gaz semble, là aussi, avoir été soufflé.
Crédit : Fabian A.C. et al. (2000) MNRAS 318, 65

Les fusions d'amas

Tout comme l'on observe parfois des fusions de galaxies, on a découvert qu'il existait également, à beaucoup plus grande échelle, des fusions d'amas. Là aussi, les échelles de temps (de l'ordre de plusieurs milliards d'années) sont beaucoup trop longues pour pouvoir observer ces fusions en temps réel. On a donc recours à des simulations numériques pour rendre compte des propriétés des amas en fusion.

Abell 754
A754.jpg
L'amas Abell 754 est clairement constitué de deux amas en train de fusionner. En fausses couleurs, on peut voir la carte de densité de la distribution de galaxies. Les contours en blanc correspondent aux courbes d'égale émission en rayons X. Le fait que l'émission X la plus intense soit fortement décalée par rapport à une position située entre les amas suggère fortement que la fusion n'a pas lieu dans le plan du ciel (c'est à dire perpendiculairement à la ligne de visée).
Crédit : Zabludoff & Zaritsky (1995) ApJ 447, L21

Lorsqu'il y a fusion de deux amas, le gaz situé entre les deux amas est généralement comprimé. Comme l'émission X est proportionnelle à la densité du gaz au carré, elle va donc fortement augmenter dans cette région. Le gaz peut aussi être chauffé par les ondes de choc créées par la fusion de deux amas. C'est ce que l'on observe dans la zone située entre les deux amas qui forment Abell 754.


Les spectres d'amas en rayons X

Les spectres d'amas en rayons X présentent un rayonnement continu dû au rayonnement de freinage des électrons dont nous avons déjà parlé, ainsi que des raies d'émission dues à des éléments chimiques fortement ionisés présents dans le gaz.

Spectre en rayons X de l'amas Abell 85
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Spectre de la région centrale de l'amas Abell 85 obtenu avec le satellite XMM-Newton. La flèche rose indique la position de la raie du fer vers 6.7 keV.
Crédit : Durret et al. (2005) A&A 432, 809

La raie d'émission la plus intense est celle du fer vers 6.7 keV. Les spectres X nous permettent d'estimer la température et la métallicité (abondance en éléments autres que l'hydrogène et l'hélium) du gaz. Ces éléments ont été créés dans les étoiles contenues dans les galaxies qui constituent l'amas, puis rejetés dans le milieu intergalactique, par exemple lors de l'explosion des étoiles les plus massives en supernovae.

Avec un satellite comme XMM-Newton, il est maintenant possible d'obtenir des spectres en diverses régions des amas, et donc de calculer des profils (variation en fonction du rayon dans des couronnes concentriques), et même des cartes de température et de métallicité des amas. Par métallicité, les astronomes entendent l'abondance de tous les éléments plus lourds que l'hydrogène et l'hélium (qu'ils soient ou non des "métaux" au sens usuel de la chimie).


Raie du fer dans le spectre d'Abell 85

exerciceRaie du fer émise par le gaz chaud dans les amas

Difficulté :    Temps : 2 minutes

Question 1)

Sachant que la raie la plus intense observée dans le spectre d'un amas de galaxies est celle du fer à 6.7 keV, calculer à quelle énergie cette raie sera détectée dans le spectre d'un amas à décalage spectral z=0.1.


Les profils de température du gaz X

Profil de température de l'amas Abell 85
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Profil de température du gaz émetteur X de l'amas Abell 85 déduit d'observations faites avec les satellites XMM-Newton (cercles pleins), Chandra (cercles vides) et BeppoSax (carrés vides).
Crédit : Durret et al. (2005) A&A 432, 809

Il n'est possible de tracer de vraies cartes de température du gaz émetteur X que depuis l'avènement du satellite XMM-Newton il y a dix ans. Cependant, on a pu bien plus tôt tracer les profils de température du gaz dans les amas, en sommant tous les photons X dans des couronnes concentriques, et en déterminant une température moyenne dans chaque couronne. L'exemple d'un tel profil est donné dans la figure ci-contre.

On a ainsi pu estimer la température au centre des amas, et on a trouvé qu'elle était généralement plus froide. L'explication qui a longtemps prévalu était celle proposée par A. Fabian : le fait que le gaz émette des rayons X se traduisait par une perte d'énergie pour le gaz. L'émission X variant comme la densité du gaz X au carré, le gaz dans les régions centrales de l'amas était assez dense pour que le temps de refroidissement du gaz dû à l'énergie rayonnée en X soit inférieur à l'âge de l'Univers. Dans ce cas, il était normal que le gaz soit plus froid au centre.

A. Fabian a ensuite développé une théorie dite "théorie du courant de refroidissement". Dans ce cadre, la température, et donc la pression du gaz étant plus faibles au centre, il devait s'ensuivre une chute de gaz des régions externes vers le centre ; ce phénomène était connu sous le nom de "courant de refroidissement" et la masse déposée au centre des amas pouvait atteindre des valeurs de l'ordre de plusieurs centaines de masses solaires par an.

Les observations avec le spectrographe RGS du satellite XMM-Newton ont montré que de si grandes masses de gaz plus froid n'étaient pas observées : elles auraient en effet produit l'émission de raies intenses autour de 1 keV, et ces raies n'étaient pas observées par le RGS. La théorie du courant de refroidissement a donc dû être abandonnée, du moins dans sa formulation initiale.

On pense maintenant qu'un phénomène physique vient réchauffer le centre des amas, et ainsi s'opposer au refroidissement par émission de photons X. L'hypothèse la plus probable est celle d'un chauffage par le rayonnement dû au noyau actif de la galaxie centrale géante située au centre de la plupart des amas.

Ce raisonnement et les calculs de la masse de gaz et de la masse totale de l'amas ne peuvent en toute rigueur s'appliquer qu'à des amas présentant une symétrie sphérique ou elliptique.


Les cartes de température du gaz X

Cartes de température pour quatre amas
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Cartes de température pour quatre amas. Les zones en bleu sont les plus froides et celles en rouge les plus chaudes. Une échelle de température est montrée à droite de chaque image. On voit que tous ces amas ont une structure fortement perturbée, en particulier Abell 3376, qui est certainement le siège d'une ou plusieurs fusions d'amas, et Abell 85 qui va être discuté plus en détail..
Crédit : Durret F. & Lima Neto G.B. (2008) Advances in Space Research 42, 578

La figure présente les cartes de température du gaz X obtenues pour quatre amas très différents à partir de données obtenues par le satellite XMM-Newton. On peut remarquer qu'aucune carte de température n'est parfaitement symétrique. Même celle d'Abell 496, pourtant considéré habituellement comme un amas sans aucun signe de sous-structures ou de fusions, présente non seulement une zone plus froide au centre, ce qui est normal, mais aussi des régions plus chaudes au sud.

On remarque que la carte de température d'Abell 85 ressemble beaucoup à celle résultant d'une simulation numérique de la fusion de deux amas de masse inégale (voir figures). Cette simulation n'a pourtant pas été réalisée pour rendre compte des observations d'Abell 85.

Carte de température du gaz X de l'amas Abell 85
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Carte de température calculée pour l'amas Abell 85 à partir de données obtenues par le satellite XMM-Newton. Sa ressemblance avec le résultat d'une simulation numérique présenté ci-après laisse à penser que l'amas Abell 85 a subi une fusion avec un petit amas venant du coin supérieur droit (flèche verte), comme c'est le cas dans la simulation.
Crédit : Durret et al. (2005) A&A 432, 809
Simulation numérique
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Simulation numérique de la carte de température résultant de la fusion d'un petit amas tombant sur un amas plus gros à partir du coin supérieur droit.
Crédit : Bourdin et al. (2004) A&A 429, 443

La comparaison de la carte de température d'Abell 85 avec celle issue des simulations numériques montre de fortes similitudes et permet de penser qu'un petit amas a été accrété par Abell 85 depuis suffisamment longtemps (2 à 4 milliards d'années) pour que l'amas ait eu le temps de s'homogénéiser sans que la carte de température du gaz ait, elle, eu le temps de le faire.

Les simulations numériques sont donc très précieuses pour tenter de comprendre l'histoire de formation d'un amas en remontant aux diverses fusions qu'il a pu subir.


La masse des amas déduite des rayons X

A partir du profil de densité et de température du gaz X, on peut calculer la masse totale de gaz en fonction du rayon, et par intégration la masse totale du gaz X.

Si l'on suppose que le gaz X est en équilibre hydrostatique dans le puits de potentiel de l'amas, on peut alors calculer la masse totale de l'amas en fonction du rayon, puis par intégration la masse totale de l'amas.

On constate que le gaz représente environ 15% de la masse totale, et les galaxies quelques %. Le reste de la masse des amas est constitué de matière noire, que l'on ne détecte pas directement, mais dont on déduit l'existence par ses effets gravitationnels.

Il est intéressant de constater que pour les amas sans sous-structure, où la condition d'équilibre hydrostatique a des chances d'être vérifiée, la masse totale de l'amas ainsi calculée est en accord avec celle déduite du phénomène de lentille gravitationnelle.

En revanche, il est clair que cette méthode (la seule dont nous disposions hélas!) ne peut pas être appliquée aux amas en fusion, comme par exemple Abell 3376 (voir page précédente).


Les groupes de galaxies

Les groupes de galaxies sont connus depuis longtemps, puisque notre Voie Lactée elle-même est membre d'un groupe, appelé Groupe Local. Cependant, leur détection en rayons X n'a été possible que dans les années 1990 avec le satellite ROSAT.

Les propriétés des galaxies appartenant à des groupes ne diffèrent pas beaucoup de celles des galaxies de champ. En revanche, on ne détecte de gaz chaud émetteur en rayons X que dans les groupes suffisamment massifs pour avoir été capables de retenir du gaz dans leur puits de potentiel. Dans ce cas, le gaz émet en rayons X comme le gaz des amas, mais il est nettement moins chaud (température inférieure à 1 keV).

Il n'est pas toujours facile de savoir si l'émission X des groupes provient d'un énorme nuage de gaz chaud, ou de la superposition des émissions X individuelles de galaxies constituant le groupe, ce qui rend d'autant plus difficile l'étude des groupes en rayons X.

Le groupe de galaxies HCG 16
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Image du groupe de galaxies HCG 16, à laquelle sont superposés des contours d'égale intensité d'émission X.
Crédit : Ponman T.J. et al. 1996, MNRAS 283, 690

Conclusion

conclusionConclusion

Les amas de galaxies sont les plus grandes structures de l'Univers liées par la gravité. Outre le fait qu'il s'agit pour diverses raisons d'objets intéressants à étudier en soi, les amas ont également un intérêt cosmologique.

En effet, les comptages d'amas, en particulier à grand décalage spectral, permettent de placer certaines contraintes sur les paramètres cosmologiques qui décrivent les propriétés à très grande échelle de l'Univers. Ces contraintes, couplées avec d'autres (supernovae Ia, oscillations baryoniques acoustiques, fond diffus cosmologique) permettent maintenant de déterminer avec précision un certain nombre de paramètres cosmologiques, comme par exemple les paramètres Omega et w présentés dans la figure ci-contre.

Paramètres cosmologiques
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Contraintes sur deux paramètres cosmologiques (ΩX caractérisant la matière noire et w0 caractérisant l'énergie noire) obtenues par différentes méthodes totalement indépendantes. L'ellipse en rouge correspond aux contraintes déduites des amas de galaxies.
Crédit : Vikhlinin A. et al. (2009) ApJ 692, 1060

Réponses aux exercices

pages_structures/exo-cone.html

Exercice 'Distribution des galaxies'


pages_structures/emx.html

Exercice 'Température du gaz dans les amas '


pages_structures/exo-fer.html

Exercice 'Raie du fer émise par le gaz chaud dans les amas'