L'objectif de ce TP est d'exploiter l'atlas interactif Aladin afin de se familiariser avec la visualisation, la manipulation et l'exploration d'images et de catalogues astronomiques. Le traitement et l'analyse des images permettra de mesurer la taille des structures dans un nuage de gaz et de poussière. De plus, la comparaison d'images obtenues à différentes longueurs d'onde permettra de distinguer les différentes zones émettrices, et ainsi de mieux comprendre la structuration en phases du milieu interstellaire.
Aladin est un logiciel développé au Centre de Données astronomiques de Strasbourg (CDS) dans le cadre de l'Observatoire Virtuel (OV). Il permet de visualiser des images digitalisées du ciel et d'y superposer de façon interactive des informations issues de catalogues ou de bases de données astronomiques. Aladin offre une série d'outils pour interroger les différentes bases de données et manipuler les images et les catalogues. Au cours de ce TP nous exploiterons une partie de ces outils afin d'apprendre à chercher, choisir et extraire des images d'un objet astronomique dans les différentes bandes du spectre électromagnétique ; et à obtenir des informations complémentaires sur l'objet (par exemple distance, position et origine des cibles) en utilisant les catalogues disponibles. Nous effectuerons les opérations suivantes :
L'objet d'étude de ce TP est la nébuleuse de l'Aigle (M16), une région de formation d'étoiles massives située à l'intérieur du bras galactique du Sagittaire. Un grand nuage de gaz et de poussière interstellaire, d'extension environ 50 années-lumière, est illuminé et ionisé par les nombreuses étoiles massives (type OB) du jeune amas stellaire ouvert NGC6611. La façon dont le rayonnement ionisant stellaire sculpte le nuage a été étudiée à haute résolution dans l'optique par le télescope Hubble. Ces observations ont révélé la présence de structures denses et sombres de gaz et de poussière en forme de doigts, appelés ici les Piliers de la Création.
La formation des piliers s'interprète comme le résultat de l'ionisation d'un nuage moléculaire fortement inhomogène. La photo-ionisation du gaz à la surface du nuage chauffe cette interface à environ 104 K, et sous l'effet de la pression thermique ce gaz chaud s'échappe du nuage vers la région HII : c'est le phénomène de photo-evaporation. Ce phénomène est particulièrement visible dans les images Hubble sous la forme d'un halo luminescent entourant le sommet de chacun des piliers. La photo-évaporation "érode" graduellement le nuage moléculaire, dont la matière est progressivement incorporée dans la région HII, qui croît en taille. Dans un nuage inhomogène, les régions initialement plus denses sont plus opaques au rayonnement ultraviolet et résistent plus longtemps à la photo-évaporation. Leur cone d'ombre, bien protégé du rayonnement, s'érode beaucoup plus lentement que le reste du nuage et subsiste ainsi sous forme de piliers. C'est le même processus qui mène sur terre à la format ion des cheminées de fées, qu'une pierre plus dure protège de l'érosion du vent et de l'eau.
Les observations du télescope VLT dans l'infrarouge proche, et des satellites Spitzer et Herschel dans l'infrarouge moyen et lointain, ont permis de sonder l'intérieur des piliers de la Création (grâce à la plus faible opacité de la poussière aux grandes longueurs d'onde), et de révéler la présence d'étoiles naissantes en leur sein. Au cours de ce TP nous analyserons des images de la nébuleuse de l'Aigle à différentes longueurs d'onde en identifiant les diverses composantes responsables de son émission.
Vérifier que la taille linéaire caractéristique des piliers de gaz et de poussière observés par le télescope Hubble dans la nébuleuse de l'Aigle est de l'ordre du parsec.
Ce TP consiste à appliquer les opérations décrites en détail dans la section précédente sur deux images de la nébuleuse de l'Aigle dans le visible (POSSI O-DSS2 750) et dans l'infrarouge proche (2MASS K(IR K) 99052S_KI1320103) et à analyser les informations complémentaires dérivant des observations dans ces deux bandes du spectre électromagnétique.
Modifier le contraste de l'image 2MASS K(IR K) 99052S_KI1320103 de façon à mieux visualiser les régions de l'image caractérisées par des valeurs d'intensité faibles par rapport aux étoiles brillantes qui dominent l'image d'archive. Utiliser à la fois la fonction de transfert et le déplacement des curseurs dans la fenêtre de la dynamique des pixels.
Cocher l'icône correspondant à l'image contrastée dans l'infrarouge proche et tracer quatre isophotes représentatives des étoiles faibles dans le champ de vue. Puis sélectionner l'image dans le visible POSSI O-DSS2 750 (cliquer sur l'icône des contours de l'image dans l'infrarouge pour la désactiver) et générer les contours correspondant aux étoiles brillantes ainsi qu'à l'intense émission diffuse environnant les piliers, et à deux niveaux de l'émission du fond de l'image. Dans la représentation des intensités au moyen de la table de gris, ce fond plus clair correspond à l'absorption dans le visible due à la poussière. Noter que les échelles de gris pour les deux images sont différentes, le niveau de gris du fond de l'image dans le visible étant plus foncé que celui de l'image dans l'infrarouge.
Superposer les contours des deux images (en cliquant sur les deux icônes contours) et commenter les différences : 1) quelle émission est dévoilée par les contours de l'image dans l'infrarouge ? 2) et quelle émission est tracée par les isophotes de l'image dans le visible ?
Pour mieux comprendre la contribution à l'émission de chaque "phase" qui compose la nébuleuse de l'Aigle il faut comparer des images à différentes longueurs d'onde sur un intervalle plus large du spectre, allant du visible au rayons X. Les images issues d' observations récentes non disponibles dans les archives du logiciel Aladin peuvent être aisément chargées en saisissant l'adresse Web des sites des observatoires ou des agences spatiales concernées (ESO, NASA) dans le bandeau de localisation Commande en haut de la fenêtre de visualisation. On utilisera pour ce TP des images à grand champ de la nébuleuse de l'Aigle, qui permettent de voir de manière détaillée l'ensemble de la région environnant les piliers.
Comparer les images et identifier les différentes composantes (gaz, poussières de différentes tailles et températures, étoiles) responsables de l'émission observée aux différentes longueurs d'onde. Utiliser les notions apprises dans le cours et en particulier à la page Images à différentes longueurs d'onde.
pages_tp-aladin/aladin-structures.html
En application directe de la définition de parsec un objet de taille angulaire β exprimée en secondes d'arc vu à une distance D en parsec possède une taille linéaire L en unité astronomique (dans l'approximation de petits angles) : .
La mesure de la taille angulaire β est obtenue par l'outil graphique dist de Aladin en suivant la procédure décrite en détail dans la section précédente. Elle donne la valeur d'environ 1.65 minutes d'arc. La distance de la nébuleuse issue par le catalogue Simbad est 1700 pc. On en déduit : L(UA) = 1.65 X 60 X 1700 pc = 168200 UA, c'est-à-dire environ 0.81 pc. Comme les images disponibles ne permettent pas de mesurer le pilier principal jusqu'à la base on estime une taille linéaire comparable mais inférieure à l'estimation plus précise de 1.2 pc. Résultat
pages_tp-aladin/image-vis-if.html
La première opération pour augmenter le contraste consiste à modifier le choix de la fonction de transfert qui est par défaut linéaire. En choisissant une échelle logarithmique on obtient une image très contrastée. Pour distinguer les régions de faible émission il faut modifier le seuillage et le tableau de gris de l'image en déplaçant les curseurs de seuil haut et intermédiaire à gauche de la fenêtre de contrôle. Résultats avant et après modification
Pour générer des contours correspondants à des faibles intensités sur l'image dans l'infrarouge il faut déplacer les curseurs à gauche vers les valeurs de pixel moins élevées. Sur l'image dans le visible le déplacement des deux curseurs bien à droite de l'histogramme de la distribution des pixels permettra d'associer des isophotes aux étoiles brillantes et à l'émission autour des piliers. Enfin, en positionnant deux curseurs environ au centre on rendra compte d'un premier niveau d'absorption correspondant au profil externe des piliers et un deuxième plus prononcé à leur intérieur. Résultats
Charger et superposer (en passant sur l'icône correspondante sans la cocher) l'image en vraies couleurs utilisée dans la première partie du TP ("Pillars of Creation in a Star-Forming Region" avec un champ de 2.6' X 2.5' , logHST) pour mieux comprendre les différentes contributions à l'émission dans le visible.
L'image dans l'infrarouge proche révèle la présence d'un grand nombre d'étoiles invisibles en optique. En particulier, les observations dans cette bande du spectre permettent de pénétrer plus en profondeur dans la poussière dense et de dévoiler des étoiles très jeunes à l'intérieur des piliers. Les deux premiers contours dans le visible correspondent aux piliers obscurcis de gaz sous forme moléculaire mêlés aux poussières, le troisième au flot de photo-évaporation (particulièrement visible aux sommets des piliers dans l'image HST) qui trace la matière photo-ionisée chaude s'échappant du nuage moléculaire vers la région HII ionisée. Cette photo-évaporation est induite par le rayonnement ultraviolet des étoiles brillantes, qui sont représentées par le quatrième contour. Résultats
pages_tp-aladin/images-vi-if-x.html
Image dans le visible : les piliers sont visibles au centre de l'image et émergent du vaste mur sombre de gaz froid et de poussière. Ces colonnes de gaz moléculaire et de poussière sont sculptées, illuminées et détruites par l'intense radiation provenant des étoiles massives (visible en blanc au centre de l'image) de NGC661, le jeune amas d'étoiles adjacent. La composante d'émission en rouge autour des piliers est associée au processus de photo-évaporation qui résulte de la transition du gaz de l'état moléculaire à l'état ionisé.
Image dans l'infrarouge moyen : dans cette bande du spectre un grand nombre d'étoiles devient visible ainsi que des structures de poussière. La composante en rouge de l'image est associée à l'émission d'hydrocarbures polycycliques aromatiques ; la composante en vert représente l'émission du gaz ; les étoiles sont en bleu.
Image dans l'infrarouge moyen-lointain : cette image met en évidence le contraste entre l'émission d'une composante de poussière chaude (en rouge) et d'une composante de poussière plus froide (en vert) contenue dans le nuage et les piliers. La poussière chaude en forme de coquille a été associée au chauffage induit par une explosion récente de supernova.
Images dans l'infrarouge lointain/submillimétrique et rayons X : l'observation à ces longueurs d'onde permet de percer les piliers et les structures environnantes en éclairant l'anatomie des zones opaques dans le visible. L'image Herschel montre l'émission du gaz froid de la nébuleuse et de la poussière dans l'infrarouge lointain. Chaque couleur correspond à différentes températures de la poussière, d'environ 10 K (rouge) à 40 K (bleu). Le gaz et les poussières fournissent le matériau nécessaire à la formation d'étoiles. En allant jusqu'au domaine submillimétrique qui caractérise la phase de formation, les observations Herschel permettent la recherche d'étoiles en formation dans l'intérieur du nuage. Les données X superposées à l'image Herschel révèlent les étoiles chaudes au centre du nuage.