Le milieu interstellaire
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Détection du gaz ionisé

Auteur: Cecilia Pinto et Sylvie Cabrit

Le milieu ionisé dans la Galaxie comprend une composante tiède à environ 10 000 K (WIM) et une composante beaucoup plus chaude autour de 106 K (HIM). Nous résumons séparément pour chacune leurs principales méthodes d'observation et les caractéristiques qui en sont déduites.

Le milieu ionisé tiède (WIM)

Ce milieu est réparti en une composante organisée en structures bien définies, les régions HII ou nébuleuses gazeuses, et une composante plus diffuse. Les régions HII peuvent être décrites schématiquement comme des sphères ionisées (sphères de Strömgren) entourant une ou plusieurs étoiles chaudes de type O ou B qui sont responsables des photons UV ionisants > 13.6 eV (voir la page Réservoirs d'énergie : champ de rayonnement). Le gaz y possède de nombreux mécanismes d'émission de l'ultraviolet jusqu'au domaine radio. Les principales méthodes utilisées pour le cartographier et obtenir ses conditions physiques sont les suivantes :

  • l'émission continue dite "libre-libre" ou brehmstrahlung produite par le freinage des électrons libres passant à proximité des ions. Il se trouve dans le domaine radio centimétrique pour ces températures. L'interféromètre du VLA est un instrument de choix pour ce type d'observations. La cartographie révèle la distribution spatiale et la brillance donne accès à la mesure d'émission du gaz, c'est-à-dire l'intégrale de n_e^2sur la ligne de visée.
  • Les raies de recombinaison : lorsqu'un électron se recombine avec un ion sur un niveau excité, l'atome se désexcite vers les niveaux plus bas par une cascade radiative entraînant l'émission d'un ou plusieurs photons. Cette cascade produit un spectre de recombinaison avec des rapports de raies caractéristiques, qui dépendent peu de n_e et T_e. L'atome est ensuite ionisé à nouveau par un photon UV, et le phénomène se reproduit. On peut donc déduire du flux de ces raies le flux de photons UV ionisants (si on connaît la température, qui affecte le taux de recombinaison). Les raies de recombinaison les plus importantes sont celles de l'hydrogène, en particulier la raie Hα de la série de Balmer dans l'optique (voir la page Détection du gaz atomique : l'atome d'hydrogène). Une carte de la Galaxie dans la raie Hα est présentée dans la figure ci-dessous. On utilise aussi les raies de recombinaison radio associées aux transitions entre niveaux de nombre quantique élevé (n \ge 30 environ). Elles permettent de déduire la température du gaz à partir du rapport raie/continuum, de mesurer précisément la vitesse de la source (ce qui aide a déterminer sa distance), et de sonder les régions HII trop jeunes et enfouies pour être détectables en Hα.
  • Les raies interdites : beaucoup de raies très intenses émises dans les régions HII sont dues à des raies "interdites" du point de vue dipolaire électrique. Les raies métastables dans l'optique sont des traceurs très usités, très sensibles à la densité et/ou à la température du gaz, en particulier [SII]6716,6731, [NII]5755,6584, [OIII]4363,4959,5007. Les raies ioniques de structure fine dans l'infrarouge lointain (eg. [NII], [NIII], [OIII]52,88mic, [NeII], [NeIII], [SIII], [SIV]) sont moins sensibles à la température et peu affectées par l'extinction, ce qui en fait de bons traceurs de densité et d'abondance. Mais elles ne sont accessibles que de l'espace (ISO, puis Herschel) ou par l'avion SOFIA.

Résultats des observations : l'étude de ces différents diagnostics a permis la détermination de la température et de la densité des électrons ainsi que des abondances de nombreuses espèces dans les régions photo-ionisées. Dans l'histogramme de la page Composition du MIS les abondances solaires sont comparées aux abondances de la nébuleuse gazeuse d'Orion, la région HII la plus proche de nous. On trouve que les régions HII ont des tailles typiques de 0.1-3 parsecs, une température d'environ T=104 K, une densité d'environ 1-104 cm-3 et qu'elles émettent la plupart de la luminosité totale du gaz ionisé tiède. Le milieu ionisé diffus est moins dense et chaud (n≈0.5 cm-3, T≈8000 K) mais contient la presque totalité de la masse du gaz ionisé (109 M_soleil). On pense que cette composante diffuse provient des fuites de gaz ionisé hors des régions HII par effet "champagne" (surpression) et de l'ionisation du milieu atomique diffus par des étoiles OB isolées. Au dessus du plan Galactique, la dissipation de la turbulence du plasma pourrait contribuer à son chauffage.

Carte en Halpha du gaz ionisé à 10 000K dans la Galaxie
gazionise.png
Carte de la Voie Lactée dans la raie Hα de l'hydrogène, montrant le gaz ionisé tiède (WIM) situé dans les régions HII (zones brillantes en blanc) ainsi qu'une composante plus diffuse.
Crédit : WHAM, Haffner 2003

Le milieu ionisé chaud (HIM)

La composante de gaz ionisé très chaud dans le MIS, de température 105 K à 107 K, est principalement détectée par l'émission diffuse de rayons X mous (énergie inférieure à 1 keV) due à son rayonnement libre-libre, par les raies d'absorption dans l'ultraviolet d'atomes très ionisés (OVI, NV, CIV), et par des raies en émission de OVII, OVIII dans le domaine X. Ce gaz très ténu et chaud provient des restes de supernovae (voir le cours Astronomie et Mécanique Céleste). Comme il se refroidit lentement du fait de sa faible densité, il se répand dans le milieu interstellaire et remplit un large volume du disque et du halo galactique, où sa pression contribue à confiner les nuages HI à grande vitesse.

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