Le milieu interstellaire
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Détection du gaz neutre atomique : raies spectrales

Auteur: Cecilia Pinto et Sylvie Cabrit
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Carte du plan galactique dans la raie à 21cm dans une région du bras de Persée
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Grumeaux et filaments (en pourpre) d'hydrogène froid superposés sur un fond diffus d'hydrogène plus chaud (en jaune).
Crédit : J. English : données obtenues par le Relevé Canadian du Plan Galactique.

Raie de l'hydrogène à 21cm

La raie à 21 cm de longueur d'onde (1.4 GHz de fréquence radio) correspond à la très faible différence d'énergie (5.9x10-5 eV = 0.07 K) entre les deux sous-niveaux hyperfins du niveau fondamental n = 1 de l'hydrogène atomique, où se trouve la plupart de l'hydrogène dans le MIS atomique froid. La transition se produit lorsque l'électron renverse son spin : le sous-niveau supérieur correspond à la configuration où le spin de l'électron est parallèle à celui du noyau (spin total S =1), et le sous-niveau inférieur à celle où le spin est antiparallèle (S=0). Le taux de désexcitation radiative spontanée (voir la page Coefficients d'Einstein) est très faible : la durée de vie du sous-niveau supérieur est de 107 ans. Aussi, dès que la densité excède 1 cm-3, les collisions maintiennent la population du niveau supérieur à son niveau d'équilibre thermodynamique local N_1 / N_0 = 3 \times  \exp(-0.07K/Tspin) . Chaque dépeuplement par émission spontanée produit un photon à 21 cm. L'intensité du signal radio observé est proportionnelle à la densité de colonne du gaz (nombre d'atomes par unité de surface le long de la ligne de visée). L'étude de l'émission de la raie à 21 cm et des variations spatiales de son intensité a donc permis la détermination de la masse et de la distribution du gaz atomique froid dans notre Galaxie et des galaxies extérieures. La raie à 21 cm peut être observée également en absorption lorsque un nuage d'hydrogène froid est situé sur la même ligne de visée qu'une source puissante de rayonnement radio continu (un pulsar ou une galaxie radio). Une combinaison de mesures en émission et absorption permet de déterminer à la fois la température et la densité de colonne du gaz atomique (voir les détails dans la page Application : la raie à 21 cm de l'hydrogène neutre).

Raies atomiques de structure fine

Contrairement à l'atome d'hydrogène, la plupart des atomes et des ions importants dans le milieu interstellaire ont un moment orbital total L non nul dans leur configuration electronique fondamentale (la seule qui soit peuplée en pratique). Ce niveau est donc décomposé par l'interaction de structure fine entre le moment orbital total \bf{L} de tous les électrons de l'atome et leur spin total \bf{S}. Le moment angulaire total du système atomique est la somme vectorielle de ces deux moments cinétiques : \bf{J}=\bf{L}+\bf{S} et les transitions dipolaires électriques sont soumises aux règles de sélection : \Delta S=0, \Delta L =\pm1, \Delta J = 0,\pm1. Les transitions entre les sous-niveaux de structure fine sont dites "interdites" car elles transgressent ces règles de sélection. Elles ont en conséquence un coefficient d'Einstein faible, mais non nul car la transition dipolaire magnétique reste autorisée. Le niveau supérieur est souvent proche du fondamental, ce qui leur donne une grande importance pour la physique du milieu interstellaire : La raie de [CII]λ157.7μm, dont le niveau supérieur n'est qu'à 91,2 K, est très facilement excitée dans le milieu neutre froid et elle en est le principal facteur de refroidissement. En effet, dans cette phase diffuse, le carbone est essentiellement sous forme de C+ à cause du flux UV interstellaire. La raie de [OI]λ63μm, dont le niveau supérieur est à 228 K, participe également au refroidissement à température plus élevée. Ces raies appartiennent à l'infrarouge lointain et ont été observées par de nombreux satellites comme COBE, ISO, SWAS) et récemment Herschel, avec une résolution angulaire atteignant 10 secondes d'arc.

Raies d'absorption interstellaires

De nombreuses raies d'absorption interstellaires ont été observées dans les spectres des étoiles. Dans le visible et le proche ultraviolet on observe les raies d'atomes (Na, Ca, K), d'ions (Ca+) et de molécules (CN, CH+, OH...). Grâce à des satellites comme COPERNICUS, Hubble, et FUSE on a pu observer dans l'ultraviolet lointain un grand nombre de raies atomiques (notamment les raies de la série Lyman de l'hydrogène), ioniques et moléculaires (par exemple H2, qui sera discuté plus bas). L'ensemble de ces raies donne des informations très riches sur les conditions physiques et la composition chimique dans le milieu interstellaire atomique. En particulier il est possible de déduire la colonne de densité de l'élément observé (voir la page Raies en absorption) et ainsi son abondance en phase gazeuse relativement à l'hydrogène.

Résultats des observations spectrales

  • Il existe deux phases du milieu interstellaire atomique : l'une tiède (WNM), à plusieurs milliers de degrés, et peu dense (0.1-0.5 cm-3) que l'on voit en émission, l'autre froide (CNM, 60-100 K) et plus dense (10-50 cm-3), qui domine l'absorption. Les densités de colonne sont toutes deux d'environ 1.5x1020 atomes cm-2. Le contenu en matière est comparable pour les deux composantes mais la composante tiède forme un disque plus épais, sa demi-épaisseur étant de l'ordre de 200 kpc, par rapport à celui du gaz froid d'environ 100 kpc. La composante froide forme principalement les structures complexes mentionnées ci-dessus, et se trouve également dans les enveloppes des nuages moléculaires. La composante tiède est distribuée plus uniformément.
  • La composante froide est fortement inhomogène. Elle est dominée par des nappes, des coquilles et des filaments à toutes les échelles avec une apparence fractale qui pourrait être créée par la turbulence. Elle se trouve également dans les enveloppes des nuages moléculaires. La composante tiède est distribuée plus uniformément.
  • Les abondances des éléments déduites des raies d'absorption ultraviolettes révèlent que la plupart des élément sont sous-abondants dans le gaz atomique froid par rapport aux abondances solaires, stellaires où dans les régions HII à l'exception de S, Zn et P. Les élément manquants sont supposés se trouver dans les grains de poussière. La sous-abondance est moins grande dans le gaz neutre tiède, ce qui indique une destruction partielle des grains, peut-être sous l'effet d'ondes de chocs violentes (restes de supernovae).
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