Dès leur introduction, les caméras CCD ont très rapidement remplacé les plaques photographiques pour l'observation en astronomie. Plus sensibles, de réponse plus linéaire, fournissant un signal digitalisé, avec une réponse spectrale plus modulable, spatialisables... elles offrent des perspectives que la plaque photographique n'ouvrait pas.
Les propriétés élémentaires des caméras CCD sont tout d'abord décrites, en lien avec les propriétés générales des détecteurs déjà présentées, et reprenant essentiellement les propriétés des caméras CCD aujourd'hui.
Les dernières pages de cette section se concentrent sur diverses notions relatives aux observations, en détaillant diverses sources de bruit. Elles ont pour but la compréhension physique de certains phénomènes (et ne satisferont pas entièrement l'astronome amateur confronté à des problèmes bien pratiques).
Le détecteur CCD, pour l'anglais charge coupled device, assure la conversion d'un signal lumineux en un signal électrique. Cette technique introduite en 1969 est en usage en astronomie depuis la fin des années 70, fournissant des détecteurs pour les domaines visible, infrarouge et proche UV.
Le fonctionnement d'un détecteur CCD peut être ainsi résumé :
Une caméra CCD comprend des lignes et des colonnes, définissant les pixels. Le principe de lecture d'une CCD conduit à définir les bornes des colonnes par un dopage p gravé dans le silicium. En revanche, les bornes des lignes sont définies par une polarisation commandée. Le puits de potentiel qu'est un pixel est statique dans la phase d'acquisition du signal scientifique, puis variable pendant la lecture des pixels.
Comment, dans un détecteur CCD, un photon éveille un photo-électron, et comment celui-ci devient signal.
Principe de détection
Les étapes de l'enregistrement et de la lecture d'une image CCD sont décrites dans l'animation ci-jointe :
Le signal d'obscurité, enregistré alors qu'aucune source n'éclaire le détecteur, rend compte de divers signaux et bruits affectant toute image délivrée par une caméra CCD.
Divers artefacts dégradent la réponse idéale d'un CCD.
Le signal numérisé est proportionnel au nombre de photo-électrons :
avec le facteur de conversion exprimé en ADU par électron.
Le signal numérisé est codé sur un nombre de bits en accord avec la dynamique du signal.
Pour une caméra sans obturateur, le phénomène de traînée est la signature de la lecture des images par transfert de trame.
Les caractéristiques des 12 CCD d'une caméra à grand champ du télescope CFH sont présentées par l'appliquette ci-dessous. L'unité ADU signifie analog to digital unit (et kADU = 1000 ADU) ; RN = read-out noise = bruit de lecture ; lin = domaine de linéarité. Le rendement quantique, exprimé en pourcentage, est donnée pour les bandes B, V, R, I et Z'.
L'enregistrement d'une image du courant d'obscurité comporte nécessairement les bruits d'obscurité et de transfert. Le transfert est responsable du gradient de signal sur cette image de courant d'obscurité.
Le champ plat rend compte du caractère non uniforme du signal collecté en réponse à une source uniforme.
Examiner les étapes générant les bruits les plus importants pour une image enregistrée. L'agitation thermique du capteur et le transfert des électrons vers les registres de lecture comptent parmi les étapes les plus bruyantes d'une séquence d'observation.
Après la phase d'acquisition du signal scientifique, l'horloge qui pilote l'électronique du CCD commande le transfert des photoélectrons collectés dans les pixels vers un registre de lecture. Le registre, de taille égale à une ligne du CCD, est lui-même lu séquentiellement.
Le déplacement des électrons, qui se vident d'un pixel dans un autre, est provoqué par une bascule des tensions de polarisation du CCD.
Pour chacun des pixels lus, les électrons vont charger un condensateur ; la tension aux bornes du condensateur, proportionnelle à la charge collectée, est ensuite amplifiée analogiquement, puis convertie en un signal numérique.
Le courant d'obscurité est associé à la création de charges par agitation thermique, sans intervention de quelque signal lumineux. Le nombre de charges créées dépend fortement de la température : typiquement en moyenne 0.1 électron par pixel par seconde. Le courant d'obscurité est un signal parasite. Comme il s'agit d'un processus poissonnien, ce signal est bruité : le bruit du processus varie comme la racine carrée du nombre de charges créées.
Les charges accumulées dans un pixel doivent transiter le long d'une colonne vers un registre, avant d'être amplifiées. L'efficacité de ce processus, quoique très bonne, n'est pas idéale. Le nombre de charges créées ainsi dépend du nombre d'électrons par pixel à transférer, de l'inefficacité d'un transfert et du nombre total de transferts. Le bruit dû aux imperfections du transfert se monte à :
Le facteur 2 provient du fait que 2 pixels sont affectés : celui qui a perdu un électron, et celui qui l'a malencontreusement gagné.
Avec p.ex. un signal à hauteur de la moitié du puits quantique d'un pixel, de l'ordre de 50000 e-, une efficacité de transfert typiquement de , et donc une inefficacité de , et un millier de transferts en moyenne pour une colonne de 2k pixels, le bruit lié au transfert est de 32 e-/pixel.
Le processus d'amplification du signal, qui permet aux circuits électroniques de travailler avec de plus forts signaux, est également peu bruité. On peut le négliger dans la grande majorité des cas devant les autres sources de bruit.
La conversion du signal analogique vers un codage numérique est menée avec un gain tel que le bruit de numérisation (lié à la nature quantique du codage) soit également négligeable. Ce gain vaut typiquement quelques électrons par ADU (analog to digital unit).
La lecture de la caméra va être entachée des bruits du courant d'obscurité, du transfert de charge et d'amplification. Selon les conditions, l'un ou l'autre des bruits domine :
Difficulté : ☆ Temps : 15 min
On s'intéresse à quelques caractéristiques d'une caméra CCD KAF-0400. Un pixel présente une capacité de charges de 80000 électrons. La numérisation se fait sur 14 bits. Le bruit de lecture annoncé vaut 13 électrons.
Déterminer le rapport signal à bruit maximal par pixel.
Déterminer le gain de la conversion ADU.
On montre que le bruit de quantification vaut . Montrer qu'il est effectivement négligeable.
La tension en sortie de l'amplification s'écrit par sommation sur la bande passante :
On suppose que le gain est constant sur la bande passante, et que le bruit est blanc, avec , et . Calculer le bruit en sortie d'amplificateur, en déduire le bruit équivalent en entrée d'amplificateur, puis l'exprimer en nombre d'électrons, sachant que le facteur de conversion de l'étage de sortie du CCD vaut . Conclure.
Le champ plat mesure la réponse du CCD d'une chaîne instrumentale à un éclairement uniforme. Cette réponse, idéalement uniforme, ne l'est bien sûr pas tout à fait dans la pratique. Les différences à une réponse uniforme proviennent du champ de variations de la réponse des pixels, des défauts de la galette CCD, et aussi des conditions d'éclairement qui peuvent être modulées par le montage instrumental en amont du détecteur.
Obtenir un champ plat n'est pas toujours facile, car il faut disposer d'une source la plus uniforme possible. Différentes techniques permettent d'aboutir à un résultat performant :
Comme son nom l'indique, le signal d'obscurité correspond au signal enregistré alors qu'aucune source n'éclaire le détecteur. Il correspond à la création de porteur de charges (typiquement 1 électron par pixel toutes les 10 secondes) par simple agitation thermique.
Obtenir une bonne image du courant d'obscurité nécessite de poser aussi longtemps que pour la pose scientifique. Ceci peut prendre du temps... mais n'a heureusement pas besoin d'être mené sur le ciel.
Le courant d'obscurité est modulé sur le champ de la caméra selon la technologie de fabrication des détecteurs. Des pixels abimés peuvent produire un grand nombre de charges parasites : on parle de pixels chauds.
Les corrections d'obscurité et de champ plat redressent l'information photométrique d'une image.
Deux étapes sont indispensables dans le traitement d'une image CCD. La correction d'un offset lié à divers signaux parasites dont le courant d'obscurité, et la correction de champ plat.
Au signal astrophysique se superposent différentes contributions, additives, dont principalement le courant d'obscurité.
En raison du bruit thermique, le détecteur délivre un courant en l'absence de toute puissance lumineuse, appelé courant d'obscurité. Sa contribution , additive, est à retrancher.
La réponse de la chaîne instrumentale, y compris la caméra, n'est pas uniforme. Une pose sur une source uniforme fournit le champ plat : la réponse normalement uniforme à une excitation uniforme, en fait potentiellement déformée par les divers éléments, et modulée par la réponse non uniforme des pixels.
On note la réponse à cette excitation uniforme. Cet effet est multiplicatif.
On passe de l'image brute à l'image finale par soustraction des effets additifs et division par les effets multiplicatifs :
Idéalement, la réponse du champ plat est normalisée, de moyenne 1. En pratique, il est indispensable d'acquérir une image de champ plat avec le meilleur rapport signal à bruit. De toutes façons, l'étalonnage de la réponse nécessite des sources de référence.
A l'aide de l'appliquette ci-jointe, assurer la correction du champ plat.
Correction du champ plat
A l'aide de l'appliquette ci-jointe, assurer la correction du courant d'obscurité. La correspondance entre les noms de fichiers et les images est la suivante, selon le rang des lettres :
Correction du courant d'obscurité
Le signal d'obscurité doit être enregistré avec un rapport signal à bruit meilleur que celui des images à traiter.
Les étapes de correction des signaux de courant d'obscurité et de champ plat ne se font pas sans bruit. Le but de cette page est d'estimer les performances de ces opérations, et de montrer que les signaux de courant d'obscurité et de champ plat doivent être connus avec un rapport signal à bruit (bien) meilleur que celui du signal seul.
La correction consiste à soustraire au signal le signal d'obscurité. Ce dernier est acquis lors d'une pose longue, sans source. Cette soustraction s'exprime par :
Les bruits des signaux d'entrée sont respectivement et (le bruit de la source comprend le bruit de photons). Non corrélés, il s'additionnent quadratiquement pour donner le bruit de la différence :
Le rapport signal à bruit s'écrit donc :
Ceci montre que le rapport signal à bruit après correction du courant d'obscurité est moindre qu'avant correction :
Cette correction reste néanmoins nécessaire pour corriger certains effets structurels de la caméra.
Le cas où le bruit de courant d'obscurité domine apparaît très inintéressant : la performance de la correction sera d'autant bruitée. En revanche, si le signal d'obscurité est bien moins bruité que le signal astrophysique, càd , on récupère :
Le rapport signal à bruit est très peu dégradé. Il est donc indispensable d'acquérir une bonne image très peu bruitée du courant d'obscurité.
La correction de champ plat consiste à diviser le signal par le signal de champ plat normalisé (et éventuellement corrigé du courant d'obscurité). Le champ plat est acquis lors d'une pose sur une source la plus uniforme possible. La division s'exprime :
Les bruits en entrée sont respectivement et . Le bruit final dépend des bruits et signaux initiaux via :
Pour s'en convaincre, il suffit de différencier logarithmiquement la relation définissant . On peut donc réécrire le rapport signal à bruit :
On remarque que cette correction dégrade nécessairement le rapport signal à bruit, car de toutes façons :
Il est inintéressant d'avoir un champ plat très bruité, car la performance sera limitée au rapport signal à bruit du champ plat dans ce cas. En revanche, si le champ plat est peu bruité , on obtient :
Il est donc indispensable d'acquérir une image de champ plat la moins bruitée possible. Ceci peut nécessiter une longue durée d'observation sur une source artificielle uniforme.
Enfin, on remarque dans cette opération qu'un signal bruité est moins dégradé qu'un signal peu bruité. En effet, corriger un signal peu bruité nécessite une correction de qualité meilleure encore.
A l'aide de l'appliquette ci-jointe, assurer la correction du signal d'obscurité sur les images de Jupiter. La correspondance entre les noms de fichiers et les images est la suivante, selon le rang des lettres :
Correction de l'image Jovienne
Réaliser les opérations de corrections du courant d'obscurité et du champ plat, et comparer les résultats par des coupes d'images. Voir le mode d'emploi de l'appliquette donné précédemment.
Le tableau de l'appliquette ci-jointe donne les signaux moyens, par pixel, du courant d'obscurité (dark) et du champ plat (flat), ainsi que de diverses sources plus ou moins brillantes. On cherche à déterminer le rapport signal à bruit des observations. Le bruit de lecture est estimé à 20 e-.
En fonction de ce qui précède, comparer l'évolution des rapports signaux à bruits des diverses sources.
L'oeil humain est un instrument très évolué : focale variable, diaphragme ajustable, vision stéréoscopique pour la perception du relief et des distances, transmission correcte dans le visible....
La courbe de réponse spectrale de l'oeil humain est centrée sur le maximum du spectre solaire, et décroît très rapidement vers le bleu et le rouge.
L'oeil est un instrument très perfectionné, mais malheureusement non adapté à l'observation d'objets très lointains, et donc de petite taille angulaire et de luminosité réduite.
Ouverte au maximum, après de longues minutes d'adaptation au noir le plus complet, la pupille atteint un diamètre maximal de l'ordre de 6 mm. La tache de diffraction qui en résulte ne permet pas de résoudre, en lumière jaune, des détails angulaires plus fins que 20".
L'oeil humain construit de l'ordre de 20 images par seconde. Cette cadence n'est pas "réglable" : impossible de poser pour scruter un objet fixe mais faiblement lumineux, comme le fait une plaque photo ou tout autre détecteur.
L'oeil peut distinguer un très grand nombre de couleurs, dans un domaine spectral de 400 à 700 nm principalement. Mais l'impression des couleurs reste toute relative, et dépend de nombreux paramètres, parmi lesquels l'intensité lumineuse.
La réponse de l'oeil humain dans le bleu évolue très fortement, et très défavorablement, avec l'age.
pages_ccd/ccd-signal-bruit-sexercer.html
Identifier le signal maximal, le bruit minimal.
Le rapport maximal est fixé par le signal maximal, 80000, et le bruit minimal. Les 13 électrons de lecture sont négligeables devant le bruit de photoélectrons. Il vaut donc environ .
Déterminer l'entier maximal qui peut être codé sur 14 bits.
Un signal numérisé sur 14 bits est limité à . Le gain vaut 80000 / 16384 = 4.9 électrons/ADU.
Il s'agit simplement d'une application numérique !
Le bruit de quantification vaut électrons. Il est effectivement négligeable.
Le bruit en entrée de l'amplificateur vaut le bruit en sortie divisé par le gain de l'amplificateur.
Le bruit en sortie vaut, par application de la définition intégrale et avec les hypothèses simplificatrices :
Le bruit en entrée vaut donc :
Traduit en électron, cela donne, avec un facteur de conversion , 2 électrons.
Ce bruit est négligeable devant le bruit de lecture.