Les systèmes stellaires multiples

Auteurs: M. Gerbaldi, G. Theureau

Introduction

Le phénomène d'étoile double est très commun : on estime en effet que plus de la moitié des étoiles appartiennent à des systèmes binaires ou multiples.

Certaines des paires observées résultent de l'alignement fortuit de deux étoiles sur la ligne de visée, alors que les deux composantes sont en réalité à des années lumières l'une de l'autre (on parle alors de couples optiques), mais la grande majorité sont de réels systèmes binaires, les deux étoiles étant liées gravitationnellement.

Les mouvements de ces objets sont képlériens, chaque étoile décrivant une ellipse autour du centre de masse commun. Ce sont en fait les caractéristiques du mouvement qui permettent de distinguer les couples optiques des vraies étoiles doubles.

L'étude des systèmes doubles est précieuse pour de nombreuses mesures : masses, rayons....

epslyraecds.jpg
L'étoile double epsilon de la constellation de la Lyre (en fait, elle est double-double i.e. chacune des deux étoile est double)
Crédit : CDS

Etoiles doubles


Observer

Exemples de systèmes multiples

Les étoiles binaires ou multiples sont majoritaires.

sigmaoricds.jpg
L'étoile double sigma de la constellation d'Orion, entourée de 4 autres compagnons orbitant à plus grande distance.
Crédit : CDS

Proxima Centauri

L'étoile la plus proche du Soleil, Proxima Centauri, à 1.3 pc, est une étoile triple. Les deux composantes les plus brillantes A et B ont une séparation maximale de 35", correspondant à un demi-grand axe de 23.5 UA et une période de révolution de 80 ans. Ce sont deux étoiles de la séquence principale de types spectraux respectifs G2 et K1. Le mouvement de la troisième composante (C) n'est pas connu avec une précision suffisante pour conclure définitivement, mais l'on pense qu'elle est physiquement associée aux deux autres, car elle partage les mêmes parallaxe et mouvement propre. Elle est située à 2.2 deg des deux autres, avec une période orbitale d'au moins 250 000 ans...


Apprendre

Systèmes binaires ou multiples

De nombreux systèmes multiples, avec deux, trois étoiles ou plus, forment un système gravitationnellement lié. De tels systèmes ont tendance à former une paire centrale, les autres composantes jouant un rôle de perturbateur par rapport au mouvement orbital de celle-ci.

Sur 3 étoiles, 2 sont dans un système multiple.

Formation stellaire et binarité

Les étoiles se forment suite à l'effondrement d'un nuage de matière interstellaire. Celui-ci, de masse très supérieure à la masse stellaire moyenne, conduit à une formation d'un groupe d'étoiles. Ce processus favorise la binarité.

Classification

La classification des étoiles doubles est essentiellement liée aux moyens observationnels qui ont servi à leur découverte.

On parle ainsi de binaires visuelles ou astrométriques, de binaires à éclipse et de binaires spectroscopiques, selon qu'elles ont été découvertes ou étudiées à partir de leur mouvement apparent sur le ciel, des variations de leur éclat ou des caractéristiques de leur spectre.


Binarité et astrophysique


Apprendre

prerequisPrérequis

Notion de classification spectrale et de type spectral.

De l'intérêt de l'étude

L'étude des étoiles doubles apporte un grand nombre d'informations importantes sur les étoiles, en particulier en termes de masse, de rotation, de rayon, de densité, de luminosité et de température superficielle. Ces informations, elles sont souvent les seules à pouvoir nous les donner, et leur étude est par là même indispensable pour comprendre la formation et l'évolution stellaire.

La reconstitution des orbites

Dans le cas des étoiles binaires visuelles, si la parallaxe du système est connue, la reconstitution de l'orbite de l'une des deux étoiles et de son demi-grand axe permet de calculer la somme des masses des deux composantes.

Si, par ailleurs, on est capable de repérer le mouvement de chacune des deux composantes par rapport au centre de masse du système, on est alors en mesure de calculer la masse de chaque étoile.

La courbe de lumière et la variation du spectre

L'analyse de la forme des courbes de lumière des étoiles binaires à éclipse permet de connaître certains paramètres physiques de l'atmosphère des étoiles du système. Lors d'une éclipse totale, on peut déterminer le rapport des températures effectives des deux composantes, sous couvert d'une modélisation réaliste du profil de brillance pour chacun des disques stellaires.

Si l'orbite est circulaire, on peut accéder au rapport des rayons des étoiles, ou aux rayons eux-mêmes si l'on connaît également, grâce à l'analyse de leur spectre, la courbe de variation des vitesses radiales. Ce type de situation est très rare puisqu'il faut que l'étoile soit à la fois binaire à éclipse et binaire spectroscopique. Les rayons n'ont ainsi pu être mesurés en valeur absolue que pour un très petit nombre d'étoiles, et cette mesure est fondamentale car c'est, avec l'interférométrie, le seul moyen de mesurer directement des rayons stellaires.

Des analyses plus fines

Certains systèmes particuliers permettent une analyse plus fine de l'atmosphère d'une des composantes. C'est le cas par exemple de l'étoile zeta Aurigae qui est un système formé d'une étoile géante de type K (245 fois la taille du Soleil) et d'une étoile naine de type B appartenant à la séquence principale. L'étoile de type B, la plus lumineuse, est périodiquement éclipsée par l'étoile géante dont l'atmosphère est très étendue et très diffuse, en particulier dans ses régions les plus externes. L'analyse spectroscopique de l'étoile B, vue par transparence au travers de l'atmosphère de l'étoile K permet une analyse fine des différentes couches de cette dernière. L'analyse détaillée de la courbe de lumière peut parfois donner la vitesse de rotation de l'étoile éclipsée.


Les étoiles doubles visuelles


Observer

epslyraecds.jpg
L'étoile double epsilon de la constellation de la Lyre
Crédit : CDS
thetaserpentis_3.jpg
Les 2 composantes principales de l'étoile multiple \theta Serpentis partagent des parallaxes identiques (0.0248"). Malgré leur mouvement orbital, leurs mouvements propres (flèches rouges) apparaissent voisins. La 3ème composante, dans le coin supérieur gauche du cliché, possède également une parallaxe identique.
Crédit : CDS

Vous voyez double ?

Hasard des alignements, ou système double ? Une image seule ne suffit pas à répondre.

Signatures

Deux figures de diffraction signent également la présence de deux objects non résolus... mais ça ne suffit pas pour conclure sur la binarité. Une bonne signature, en plus de la proximité angulaire, est fournie par des parallaxes communes.


Apprendre

Définition

On appelle binaire visuelle un couple d'étoiles qui peut être résolu en deux composantes au moyen d'un télescope, qui montrent des paramètres communs (parallaxe, ou mouvement propre typiquement). Typiquement, ce sont des étoiles relativement éloignées l'une de l'autre, dont la période orbitale varie entre un an et plusieurs milliers d'années.

Ici, et dans la plupart du chapitre, on parle uniquement d’étoiles, mais la majorité des reflexions s’appliquent également aux exoplanètes.

Binaires astrométriques

Un cas particulier de binaire visuelle est celui des binaires astrométriques. Il s'agit d'étoiles doubles dont on ne voit qu'une des deux composantes : c'est le mouvement apparent périodique de l'étoile visible qui permet de détecter indirectement l'existence d'un compagnon. Celui-ci est très peu lumineux et en général de faible masse. Ce type d'étude très fine du mouvement apparent est un terrain propice pour la découverte de nouveaux systèmes planétaires.


Simuler

Ballets

siriusfilm1.gif
Mouvement de Sirius B autour de Sirius A. La date est indiquée en bleu, en année décimale.
Crédit : ASM

Le mouvement orbital du couple Sirius A et B, composé au mouvement propre, conduit à de jolis festons.


Les étoiles doubles spectroscopiques


Observer

Spectre du système 57 Cyg

Les raies du spectre de 57 Cyg présentent un dédoublement périodique. Ceci est interprété comme la signature d'un système double.

57cyg.gif
Dédoublement des raies H alpha (656.3 nm) et HeI (667.8 nm) dans le spectre de 57 Cygni. Observations menées par le Cercle Astronomique pour l'Accès à la Spectroscopie
Crédit : Christian Buil

Déplacement des raies

Si le rapport des luminosités est important, seule l'une des composantes est visible. Ses raies apparaissent modulées au cours de la période orbitale. Cette modulation n'est pas à confondre avec celle liée au mouvement annuel de la Terre autour du Soleil.

spectraaeso.png
Déplacement au cours du temps des raies d'une étoile appartenant à un système binaire spectroscopique.
Crédit : U. Texas

Apprendre

Définition

Les étoiles binaires spectroscopiques forment des couples en général très serrés, constituant une image unique au foyer d'un télescope. Elles sont détectées grâce à l'analyse de leur spectre, où l'on observe un déplacement périodique des raies.

Binaires de type 1 ou 2

Deux composantes suffisamment brillantes ou de type spectral semblable constituent un système à doubles raies, mais il arrive souvent que l'on n'observe qu'une seule des deux composantes. Comme dans le cas des binaires astrométriques, ceci permet de deviner indirectement la présence du compagnon. Les binaires spectroscopiques ont typiquement des périodes orbitales de quelques heures à quelques mois.


Simuler

Dédoublement de raies

Si les 2 composantes sont de type spectral identique, le dédoublement de la binaire spectroscopique apparaît très symétrique. Mais ce n'est pas nécessairement le cas : deux étoiles de type spectral ou magnitude différentes vont montrer un dédoublement non symétrique, voire pas de dédoublement mais une simple modulation si seulement la composante la plus brillante est visible.

binairespectro1.gif
Dédoublement symétrique de raies dans un système double spectroscopique.
Crédit : ASM
binairespectro2.gif
Dédoublement non symétrique de raies dans un système double spectroscopique.
Crédit : ASM
binairespectro3.gif
Pas de dédoublement de raies dans un système double spectroscopique, mais une simple modulation, lorsque le rapport des luminosités stellaire est très déséquilibré.
Crédit : ASM

Les étoiles binaires à éclipse


Observer

courbealgol.png
Courbe de lumière d'Algol.
Crédit : ASM

Eclipses

Un système double peut être dévoilé par analyse de sa courbe de lumière, par la présence d'éclipses.


Apprendre

Définition

Un système binaire à éclipse est un système où les deux composantes s'éclipsent mutuellement et périodiquement au cours de leur mouvement orbital. Ce que l'on observe est alors une courbe de lumière correspondant à la variation périodique de la magnitude apparente du système. On qualifie aussi ces étoiles de binaires photométriques.

S'il y a occultation, l'observateur se trouve forcément au voisinage du plan de l'orbite.

Le phénomène est le même que les transits de planètes ou d'exoplanètes.


Simuler

Courbe de lumière

La forme de la courbe de lumière dépend :

L'appliquette ci-jointe permet de faire varier ces paramètres. Examiner dans différents cas (binaire composée d'une géante rouge et naine bleue, ou composée de naines rouge et bleue) les phénomènes suivants concernant l'allure conjointe du mouvement et de la courbe de lumière (lancer la visualisation avec la commande Figure+Graphe) :

Vous devez ensuite pouvoir répondre aux questions :

application.png

Type Algol ou W Ursae

Les binaires de type Algol sont nettement séparées, alors que celles de type W Ursae sont très proches.

binairesalgol.gif
Courbe de lumière d'une binaire à éclipse de type Algol.
Crédit : ASM
binaireswursae.gif
Courbe de lumière d'une binaire à éclipse de type W Ursae
Crédit : ASM