Binaires à éclipse ou photométriques

Auteurs: M.Gerbaldi, G.Theureau

Introduction

Quand l'orbite d'une étoile double est vue par la tranche ou sous un angle très petit, et que l'on a affaire à un couple relativement serré, chacune des étoiles s'interpose périodiquement entre l'observateur et l'autre composante. Un phénomène d'éclipse, ou plus exactement d'occultation, se produira donc pour l'observateur qui reçoit la lumière de la binaire sans pouvoir séparer les deux composantes stellaires. On détecte ainsi ces étoiles doubles par la variation périodique de la magnitude apparente du système.

Du fait que les deux composantes sont très proches, les binaires à éclipse sont aussi très souvent en même temps des binaires spectroscopiques. Dans ce cas, l'étude de la variation d'éclat permet de calculer le rapport des rayons, et l'étude du spectre, s'il est à doubles raies, donne la vitesse orbitale de chaque composante. On peut alors calculer le rayon des deux composantes, mais aussi leurs masses et la distance qui les sépare, sans faire aucune mesure de diamètre apparent.

La première binaire à éclipse qui a été observée est Algol (\beta Persei). Ses variations d'éclat sont connues depuis 1670 par les observations de Geminiano Montanari. La première étude systématique a été faite par John Goodricke en 1783. On connaît actuellement plus de 4000 systèmes de binaires à éclipse. Les périodes de ces systèmes sont en général courtes, variant de quelques heures à une dizaine de jours. La plus petite période actuellement mesurée est celle de WZ Sagittae (1h22min), et la plus longue est celle de \epsilon Aurigae avec ses 9883 jours (27 ans).

Il est maintenant possible, avec les télescopes de la classe des 8 mètres, de mesurer les paramètres des binaires à éclipse extragalactiques, ce qui améliore la précision sur la mesure de la distance de ces galaxies.

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Courbe de lumière d'une binaire à éclipse observée par le satellite CoRoT. Remarquer les différences entre les minima principaux et secondaires.
Crédit : CNES

Les paramètres de l'orbite et la courbe de lumière


Observer

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Courbe de lumière d'Algol.
Crédit : ASM

La courbe de lumière d'Algol

Algol, dont le nom vient de l'arabe Al Guhl esprit changeant est l'étoile \beta de la constellation de Persée (\beta Persei). Son comportement est connu depuis plusieurs siècles car ses variations d'éclat sont spectaculaires et particulièrement visibles à l'oeil nu.

Sa luminosité totale diminue en effet en quelques heures jusqu'au tiers de sa valeur habituelle, puis remonte pour rester quasiment stable pendant deux jours et demi. Puis le cycle recommence... Algol est un couple de binaires à éclipse, dont la plus brillante est de type spectral B (blanc bleuté), et la plus faible est de type K (jaune orangé).

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Magnitude d'une binaire à éclipse de type Algol en fonction du temps. Observations du satellite européen Hipparcos
Crédit : Hipparcos/ASM
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Courbe de lumière d'une binaire à éclipse de type Algol. Observations du satellite européen Hipparcos
Crédit : Hipparcos/ASM

Binaires à éclipse de type Algol

Les observations de la courbe de lumière donne la magnitude totale du système en fonction du temps. La périodicité de la série temporelle est analysée, pour conduire à la courbe de lumière en fonction de la phase.

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Courbe de lumière d'une étoile de type Beta Lyrae. Observations du satellite européen Hipparcos
Crédit : Hipparcos/ASM
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Courbe de lumière d'une étoile de type W Ursae. Observations du satellite européen Hipparcos
Crédit : Hipparcos/ASM

Binaires à éclipse serrées

classes de binaires correspondent à des couples très serrées, présentant alors des périodes très courtes, bien plus rapides que le type Algol, telles les variables de type Beta Lyrae ou W Ursae Majoris. Ces dernières, moins massives, sont le plus souvent tellement proches l'une de l'autre qu'elles remplissent leur lobe de Roche, et échangent de la matière.

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Image du disque solaire en lumière visible montrant l'assombrissement du disque dans les régions proches du limbe.
Crédit : ASM

Assombrissement centre bord

Le profil des courbes de lumière, arrondi, dévoile que les étoiles ne sont pas des disques de brillance uniforme. En effet, comme pour le Soleil, les régions visibles proches du limbe sont sondées à des altitudes plus élevées, où la température est plus froide.


Apprendre

Courbe de lumière

Les variations de la magnitude en fonction du temps donnent la courbe de lumière. L'étude de la forme de cette courbe permet en principe de reconstituer les paramètres de l'orbite. On notera cependant que ces couples d'étoiles étant serrés, la courbe de lumière peut parfois être déformée par les interactions entre les deux composantes : par exemple des effets de réflexion de lumière entre les deux étoiles ou des déformations des étoiles elles-mêmes qui, sous l'effet des forces de marées, ne sont plus sphériques.

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Paramètres de l'éclipse.
Crédit : ASM

Occultation

L'occultation sera partielle ou totale selon les diamètres relatifs des étoiles et l'inclinaison du plan de l'orbite par rapport à la ligne de visée : il y a en effet éclipse (partielle ou totale) lorsque la distance d entre les étoiles est telle que

d \sin(\pi/2 - i) = d \cos{i} < R_1 + R_2

R_1 et R_2 sont les rayons de chaque étoile.

Dans le cas où i = 90^\circ, les deux éclipses sont centrales, l'une étant totale (quand la plus grosse passe devant la plus petite), l'autre étant annulaire. On remarquera par ailleurs que lorsqu'il y a éclipse totale les minima de la courbe de lumière montrent un plateau, qui correspond à la durée effective de totalité de l'éclipse ou de l'occultation.

Orbite circulaire

On reconnaît que l'orbite est circulaire quand les deux éclipses se produisent exactement toutes les demi-périodes. Dans ce cas, il est alors possible de déterminer l'inclinaison et les rayons relatifs des étoiles R_{1,2}/ d.


Simuler

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Tracé de la courbe de lumière repliée sur diverses périodes. La période adéquate assure une moindre dispersion des valeurs.
Crédit : ASM

De la série temporelle à la phase

L'animation ci-jointe montre l'évolution de la série temporelle à la phase orbitale, par balayage de la période. La période adéquate est celle qui assure une moindre dispersion des valeurs.

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Courbe de lumière d'une binaire à éclipse de type Algol.
Crédit : ASM
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Courbe de lumière d'une binaire à éclipse de type W Ursae Majoris
Crédit : ASM

Courbe de lumière

Les binaires de type Algol sont nettement séparées, alors que celles de type W Ursae Majoris sont très proches. Les membres d'un couple W Ursae Majoris présentent un profil déformé par le champ gravitationnel du compagnon ; la courbe de lumière présente des formes très arrondies.


S'exercer

exerciceSystème binaire et courbe de lumière

Difficulté :    Temps : 30 min

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Courbe de lumière schématique : variation de l'éclat en fonction du temps.
Crédit : ASM

On observe un système binaire à éclipse (i=90^\circ) dont les orbites sont circulaires. La courbe de lumière correspond à la figure ci-dessus. Soient R_1 et R_2 les rayons des deux étoiles, R_1 étant le rayon de la plus grosse. On notera V la vitesse relative du mouvement orbital de la plus petite par rapport à la plus grosse.

Question 1)

Calculer R_1 et R_2 en fonction des dates t_1, t_2, t_3 et t_4 et de la vitesse relative des deux étoiles.

Question 2)

La période P du mouvement orbital est de 2 jours et 22 heures. La durée de chaque éclipse est par ailleurs de 18h00min, et la totalité dure 7h19min. En déduire le rapport des rayons R_1/R_2.

Question 3)

La vitesse relative V est de 200 km/s. Calculer R_1, R_2 et la distance \rho entre les deux étoiles.

Question 4)

Montrer que, d'après la figure, l'étoile la plus chaude est la plus petite.


S'évaluer

exerciceDurée d'une éclipse

Difficulté : ☆☆   Temps : 30 min

Cet exercice s'intéresse à mesurer la durée d'une éclipse dans un système stellaire binaire. Pour simplifier, on suppose l'orbite circulaire. Les observables sont : la période orbitale T et la durée du transit d.

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Durée d'un transit, fonction de la période orbitale du système double. Les points gris rapportent des événements de binaires à éclipses. Les points rouges rapportent des transits exoplanétaires observés par CoRoT.
Crédit : ASM
Question 1)

Montrer que la durée d'un transit est inversement proportionnelle à la vitesse orbitale.

[1 points]

Question 2)

Montrer que la durée d d'un transit varie comme T^{1/3}.

[1 points]

Question 3)

Expliquer la dispersion des points sur la courbe jointe.

[1 points]

Question 4)

Pourquoi les planètes découvertes par CoRoT ont-elles des durées de transit légèrement inférieures ?

[1 points]


Binarité et température stellaire


Apprendre

Maxima

En supposant la brillance de chaque disque uniforme, dans les cas où l'éclipse est totale, la comparaison du maximum principal et du maximum secondaire de la courbe de lumière permet de déterminer le rapport des températures des deux étoiles.

Mesure des températures

Si R_2 est le rayon de la plus petite étoile, les deux minima se produisent lorsque la même aire \pi R_2^2 est occultée. Lorsque l'aire occultée appartient à l'étoile la plus chaude, de température T_c, la courbe de lumière passe par son minimum principal. De même, lorsque la surface occultée appartient à l'étoile la plus froide, de température T_f, la courbe de lumière passe par son minimum secondaire. Ainsi, si E est l'éclat apparent correspondant à la phase où les deux étoiles sont visibles simultanément et sans occultation, E_1 l'éclat du minimum principal et E_2 celui du minimum secondaire, on a :

\Delta E_1 = E- E_1 \propto \pi R_2^2 \ \sigma T_c^4 \mathrm{ \ et \ } \Delta E_2 = E - E_2 \propto \pi R_2^2 \ \sigma T_f^4

d'où :

{\Delta E_1 \over \Delta E_2} = \frac{E-E_1}{E-E_2} = \left[ \frac{T_c}{T_f}\right]^4

On mesure ainsi le rapport T_c / T_f.


Simuler

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Courbe de lumière d'une binaire à éclipse avec 2 composantes présentant un fort contraste en température
Crédit : ASM

Courbe de lumière

Lorsque le contraste en température est marqué, les minima des deux éclipses diffèrent sensiblement ; la baisse de flux est plus forte lorsque la composante chaude est occultée.

Forme des minima, températures rayons stellaires

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L'allure des minima apporte des renseignements comparatifs sur les 2 composantes. La première appliquette explicite les arguments permettant de comparer les tailles : lorsque la plus petite étoile du couple disparaît, le flux est uniformément bas.

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La deuxième appliquette explicite les arguments permettant de comparer les températures : lorsque c'est l'étoile la plus chaude du couple qui disparaît, le minimum est plus profond.


S'exercer

exerciceSystème binaire et températures

Difficulté :    Temps : 30 min

Une des composantes d'une binaire à éclipse a une température effective de 15000 K, l'autre de 5000 K. La plus froide est une géante de rayon 4 fois plus grand que celui de la plus chaude.

Question 1)

Quel est le rapport des luminosités des deux étoiles ?

Question 2)

Quelle est l'étoile éclipsée au minimum primaire ?

Question 3)

Le minimum principal correspond-il à une éclipse totale ou à une éclipse annulaire ?

Question 4)

Quel est le rapport de profondeur entre les minima ?


S'évaluer

exerciceAR Lacertae : forme de la courbe de lumière

Difficulté :    Temps : 30 min

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Courbe de lumière de AR Lacertae.
Crédit : ASM
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Courbe de vitesse radiale de AR Lacertae
Crédit : ASM

On considère l'étoile double AR Lacertae, dont on a observé la courbe de lumière et les vitesses radiales des deux composantes. La période du système vaut 1.983 j.

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Question 1)

Commenter la forme des deux minima. Les températures des 2 étoiles peuvent-elles être identiques ?

[3 points]

Question 2)

Justifier que l'inclinaison est proche de i=90^\circ et que les orbites sont circulaires.

[3 points]

Question 3)

Représenter schématiquement les positions de l'étoile compagnon sur l'orbite relative en fonction des phases d'éclipse observées sur la courbe de lumière.

[2 points]

Question 4)

A l'aide de l'appliquette, estimer la durée de la phase de totalité, celle de l'éclipse principale dans son ensemble, ainsi que la profondeur (en magnitude) du minimum primaire.

[2 points]

exerciceAR Lacertae : mesure des paramètres physiques

Difficulté :    Temps : 30 min

On se propose d'analyser la courbe de lumière de AR Lacertae pour en déduire les paramètres physiques des deux composantes : rayons, températures, éclats apparents et luminosités intrinsèques...

Question 1)

a mesurant la séparation des deux étoiles, R_1 le rayon de la plus grosse, R_2 celui de la plus petite, déterminer R_1/a et R_2/a à partir de la figure.

[2 points]

Question 2)

Préciser laquelle des deux étoiles est la plus chaude.

[1 points]

Question 3)

Déterminer le rapport des luminosités L_2 / L_1 des deux étoiles. Commenter.

[2 points]

Question 4)

L'étude spectroscopique de l'étoile 1 indique que son type spectral est K0 et sa classe de luminosité IV (sous-géante). Sa magnitude absolue peut donc être estimée à 3. Déterminer la luminosité L_1 de l'étoile 1 et celle L_2 de l'autre composante en unité solaire (la magnitude absolue visuelle M_s du Soleil vaut 4.8).

[1 points]


Réponses aux exercices

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Exercice 'Système binaire et courbe de lumière'


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Exercice 'Durée d'une éclipse'


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Exercice 'Système binaire et températures'


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Exercice 'AR Lacertae : mesure des paramètres physiques'