Une des questions clef quant à la compréhension de nos origines est celle de la formation de la Terre et, plus généralement, de toutes les planètes. Pendant plusieurs siècles, étudier cette formation planétaire équivalait implicitement à expliquer la formation des seules planètes que nous connaissions : celles de notre système solaire. La situation a radicalement changé en 1995, avec la découverte de la première « exoplanète » autour d’une autre étoile. A ce jour, plusieurs milliers de planètes extrasolaires ont été détectées, et, du moins d’un point de vue numérique, les 8 planètes du système solaire ne représentent plus aujourd’hui qu’une infime fraction du total.
Malgré cela, les modèles de formation planétaires sont encore affectés par un fort tropisme « système solaire », car ils sont, dans leurs grandes lignes, les héritiers de théories développées dans les années 70, 80 et 90 pour expliquer la formation des 8 planètes telluriques et géantes autour du soleil. Ce tropisme s’explique bien entendu également par le fait que ces 8 planètes sont encore, de très loin, celles que nous connaissons le mieux. Ceci n’empêche pas que l’existence de systèmes extrasolaires, dont certains ont des caractéristiques très éloignées de celles du système solaire, est de plus en plus prise en compte dans les études les plus récentes. L’un des défis principaux de ces études est aujourd’hui d’expliquer la grande diversité de systèmes planétaires révélée par les observations.
Dans les pages qui suivent, nous présenterons en détail le modèle « standard » de formation planétaire, sur les grandes lignes duquel la plupart des chercheurs s’accordent aujourd’hui. Comme nous le verrons cependant, rien n’est gravé dans le marbre et il existe encore (et heureusement !) bien des questions en suspens dans ce scenario « standard ».
Par ailleurs, le modèle standard étant, pour l’essentiel, adapté aux caractéristiques de notre système solaire, nous axerons notre présentation sur les planètes de ce système. Mais nous verrons également comment ce scenario, ou du moins certaines de ses étapes, est affecté par les contraintes déduites des centaines de systèmes extrasolaires connus à ce jour.
Les premières tentatives pour expliquer scientifiquement la formation des planètes remontent au 17ème siècle. En schématisant quelque peu, on peut dire que, durant près de 3 siècles, vont s’opposer les partisans de deux scénarios radicalement différents.
Historiquement les plus anciens, les modèles dits « évolutionnistes» postulent que les planètes naissent de façon « naturelle » lors de la formation du soleil et des autres étoiles. Le premier de ces modèles est celui de Descartes (1633), pour qui l’univers est rempli de tourbillons, au centre desquels les éléments les plus lourds se condensent pour former les étoiles tandis que les plus légers restent en périphéries pour former les planètes. Un siècle plus tard, Kant (1755) et Laplace (1796) proposent que les étoiles se forment par effondrement d’un nuage de matière (une « nébuleuse ») en rotation sur lui même : pour conserver le moment cinétique lors de la contraction, la force centrifuge crée un disque dans le plan de rotation, disque dans lequel se forment des anneaux concentriques dans lesquels vont finalement se condenser les planètes.
Les modèles « catastrophistes » postulent au contraire que les planètes se forment lors d’évènements isolés, rares et/ou violents. Pour le naturaliste Buffon (1741), c’est la collision d’une comète avec le soleil qui produit un nuage de débris à partir duquel se condensent et se refroidissent les planètes. L’âge d’or des modèles catastrophistes est cependant le début du XX siècle, au moment où le scénario de la nébuleuse semble irréaliste en raison de son incapacité à expliquer que les planètes possèdent 100 fois plus de moment cinétique que le soleil (voir ici). A cette époque, c’est la rencontre proche entre le soleil et une autre étoile qui est privilégiée, rencontre qui arracherait de la matière au soleil et/ou à l’étoile, matière à partir de laquelle se condensent ensuite les planètes (scénario de Moulon-Chamberlain,1904 et Jeans, 1917).
Ce n’est que dans la 2ème moitié du XX siècle que le débat sera (définitivement?) tranché en faveur des modèles évolutionnistes, quand tous les scenarios catastrophistes auront été rejetés, notamment quand Spitzer (1939) aura montré que la matière chaude arrachée au soleil va se disperser bien plus rapidement qu’elle ne peut se condenser.
Il est important de souligner qu’au delà de leurs détails techniques, ces 2 types de scénarios aboutissaient à deux visions totalement différentes quant à notre place dans l’univers. Pour les « catastrophistes », les planètes telles que la nôtre sont dues à un événement exceptionnel, et sont donc sans doute très rares, tandis que les thèses évolutionnistes prédisent que les planètes sont un « produit dérivé » banal de la formation stellaire et doivent donc être très abondantes dans notre galaxie. On peut remarquer que cette opposition de visions s’est aujourd’hui en partie reportée sur le débat sur la vie dans l’Univers, avec d’un côté ceux qui pensent quenous sommes sans doute seuls dans l’Univers, car l’apparition de la vie nécessite un concours de circonstances hautement improbable, et ceux qui au contraire pensent que la vie apparaît « naturellement » lorsque les conditions physiques sont réunies.
Avant de présenter la théorie des modèles de formation planétaire, il est essentiel de les replacer dans leur contexte. Il faut pour cela bien comprendre quelles sont les caractéristiques fondamentales du système solaire qui vont contraindre tout modèle de formation. Certaines de ces caractéristiques sont du niveau de l’évidence, et d’autres un peu plus techniques, mais toutes nous apprennent des choses essentielles sur l’origine des planètes.
Un premier fait essentiel est que les 8 planètes orbitent toutes à peu près dans le même plan, et de plus dans le même sens. Par ailleurs, ce plan et ce sens correspondent aussi à l’axe et au sens de rotation du soleil sur lui même. Ce simple fait plaide très fort en faveur d’une origine commune pour toutes les planètes, origine sans doute également liée à l’origine du soleil lui même. Car si, par exemple, le soleil avait capturé les planètes les unes après les autres, alors il n’y aurait aucune raison pour qu’elles soient toutes dans le même plan.
Autre point fondamental : plus de 99,8% de la masse MSS du système solaire se trouve dans le soleil lui même, les planètes ne représentant qu’une toute petite fraction de celle-ci. Mais par ailleurs, l’essentiel du moment cinétique JSS du système solaire (pour schématiser, son énergie de rotation) est, lui, contenu dans les planètes, le soleil ne contenant que 1% du moment total. Ce paradoxe est, on le verra plus loin, l’un des faits les plus contraignants pour les modèles de formation planétaire.
Un premier regard, même superficiel, sur les planètes du système solaire montre que celles-ci peuvent se repartir en 2 groupes bien distincts: les 4 planètes telluriques, petites et proches du soleil, et les 4 planètes géantes, beaucoup plus massives et situées dans les régions externes et froides. Les planètes telluriques ont des masses comprises entre 0.06 et 1, sont essentiellement rocheuses et sont très pauvres en Hydrogène et Helium, les 2 éléments de loin les plus abondants dans l’Univers. A l’inverse, les planètes géantes ont des masses comprises entre 15 (Uranus) et 300 (Jupiter). Parmi ces géantes il faut tout d’abord distinguer les 2 géantes « gazeuses » que sont Jupiter et Saturne, dont l’essentiel de la masse est contenue sous forme d’H2 et He gazeux, mais qui contiennent cependant de 10 à 50 de solides sous formes de roches et de glace (probablement concentrée dans un coeur solide). Viennent ensuite les géantes « glacées » que sont Uranus et Neptune, dont l’essentiel de la masse est sous forme de glace (d’eau, d’ammoniaque et de méthane), mais qui possèdent cependant une atmosphère contenant de 1 à 5 de H2 et He.
On peut remarquer que la composition de toutes ces planètes diffère très fortement de la composition globale de l’Univers, qui est lui constitué à 98% d’hydrogène et d’Helium. Même les géantes gazeuses contiennent une proportion très importante d’éléments lourds si on les compare à la composition du soleil, qui est, elle, très proche de celle de l’univers dans son ensemble. Ce point est fondamental quand il s’agira de remonter à la « Nébuleuse solaire de masse minimale » initiale (cf. lien).
Toutes les planètes du système solaire ont été très fortement remodelées dans les premiers temps de leur histoire, et la surface de nombreuses d’entre elles a également été irréversiblement altérée par l’évolution au cours des milliards d’années qui ont suivi. De ce fait, il ne reste aucun matériel planétaire primordial qui puisse nous permettre de remonter aux premiers instants du système solaire. De tels matériaux primordiaux et en particulier une certaine catégorie de météorites appelée « chondrites » constituent les corps les plus primitifs du système solaire, et l’on pense que leur intérieur n’a quasiment pas été altéré depuis les premiers instants de celui-ci. On peut mesurer l’âge de ces chondrites à l’aide de la décomposition radioactive de certains éléments qu’elles contiennent (cf. lien). De manière assez remarquable, ces méthodes de datation ont permis d’estimer l’âge du système solaire à une précision extraordinaire : 4,568 milliards d’années ! L’âge des plus vieilles roches terrestres, de petites inclusions cristallines de zircon, est, quant à lui, estimé à 4.404 milliards d’années. Ce qui laisserait donc environ 150 millions d’années au maximum pour former la planète Terre. L’âge des plus vieilles roches lunaires est, lui, d’environ 4.5 milliards d’années.
Il existe aujourd’hui un scenario « standard » de formation planétaire, dont les grandes lignes sont acceptées par l’essentiel des scientifiques, du moins en ce qui concerne les planètes telluriques. Pour l’essentiel, ce scenario a été développé au cours des années 60 et 70, notamment à partir des travaux pionniers du savant russe Victor Safronov. Ce modèle est l’héritier direct des anciens modèles évolutionnistes (cf. lien), avec lesquels il partage l’idée essentielle que les planètes se forment « naturellement » et conjointement avec les étoiles, à partir de la contraction d’une « nébuleuse » en rotation.
Dans ce scénario standard, les planètes se forment progressivement, étape par étape, à la suite d’une succession de processus distincts. Ceux-ci peuvent schématiquement se résumer ainsi (cf. Figure) : Tout commence avec un grand nuage de gaz moléculaire froid, dont certaines régions peuvent s’effondrer sous l’effet de leur propre gravité, formant des cœurs denses et chauds qui vont devenir une proto-étoile. Autour de ces cœurs, la contraction du nuage (ou plutôt d’un fragment de celui-ci) va finir par former un disque sous l’effet de la force centrifuge. On arrive alors à une étape où proto-étoile, disque et enveloppe (le reste du fragment de nuage initial) coexistent, la matière étant accrétée de l’enveloppe sur le disque, puis du disque sur l’étoile. Le disque d’accrétion est initialement très chaud, mais il va se refroidir avec le temps. Ceci va permettre la condensation de grains solides : roches, mais aussi glaces dans les régions externes. Ces grains vont ensuite croitre par collisions mutuelle pour former des corps kilométriques appelés « planétésimaux ». L’accrétion mutuelle de ces planétésimaux va alors former des embryons planètaires, puis les planètes elles-mêmes, tandis que le disque de gaz primordial va se disperser.
Nous allons maintenant examiner plus en détail chaque étape de ce processus. Comme nous le verrons, malgré un consensus global sur les grandes lignes, certaines étapes du modèle standard sont encore mal comprises et les débats sont loin d’être clos.
Toutes les étoiles, et par la même occasion les planètes qui leurs sont liées, naissent dans de gigantesques nuages moléculaires. Ces nuages sont essentiellement composés d’Hydrogène et d’Helium, à savoir les 2 éléments les plus abondants dans l’Univers, et sont extrêmement froids, avec des températures de l’ordre de 10K. Ils ont des tailles pouvant aller d’une fraction de parsec (pc) à plus de 20pc, et peuvent contenir de quelques dizaines à plusieurs milliers de masses solaires (). Bien que ces nuages soient bien plus compacts que la matière inter-galactique alentour, leur densité est tout de même extrêmement faible comparée à notre environnement quotidien, de l’ordre de seulement 100 à 10 000 atomes d’Hydrogène par cm3. Ceci est à comparer aux quelques 1015 molécules/cm3 de l’atmosphère terrestre ! (En fait, un nuage moléculaire « dense » est bien plus vide que le « vide » à l’intérieur d’une chambre à vide dans un laboratoire !).
Ces « nurseries » stellaires sont observées par milliers dans notre galaxie, soit comme des « poches sombres » bloquant la lumière des étoiles situées derrière elles, soit comme de magnifiques nuages éclairées de l’intérieur par les premières étoiles qui s’y sont formées (cf. Image).
Un nuage moléculaire est a priori à l’équilibre hydrostatique, c’est à dire que sa gravité est compensée par la pression thermique des molécules qui le composent (cf. Théorème de Viriel). Cependant, dans certains de ces nuages, cet équilibre va être rompu et ils vont commencer à s’effondrer sur eux-mêmes, et ce pour des raisons encore mal comprises. Est ce parce-que certains nuages deviennent trop massifs pour que la pression thermique puisse lutter ? Ou bien cet effondrement est il déclenché de l’extérieur, par exemple lorsque 2 nuages se collisionnent ou bien lorsqu’une supernova explose à proximité ? Quoi qu’il en soit, une fois cet effondrement commencé, les choses s’emballent assez rapidement. Au bout de quelques milliers d’années, la turbulence crée des structures en filaments en même temps que le nuage initial commence à se fragmenter en morceaux de plus en en plus petits (cf. Image), chacun de ces fragments pouvant potentiellement être un site de formation stellaire : les étoiles naissent donc en groupe !
A l’intérieur de chaque fragment, une forte condensation de matière se produit au centre, jusqu’à ce que celui-ci devienne opaque à la lumière infra-rouge. A partir de ce moment, une sorte d’ « effet de serre » se produit et la température augmente fortement dans ce cœur dense. A un certain point, la pression thermique stoppe l’effondrement du cœur et cette concentration de matière dense et chaude forme le premier stade d’une proto-étoile. Cette proto-étoile est initialement peu massive (1% de sa masse finale), mais elle augmente progressivement, car la matière du reste du nuage continue à s’effondrer et s’accumuler sur elle.
En parallèle au processus de formation stellaire, l’effondrement du nuage va également créer un disque en rotation autour de la proto-étoile. Ce disque se forme sous l’effet de la force centrifuge, dont l’intensité augmente à mesure que le nuage se contracte (à cause de la conservation du moment cinétique). On atteint donc un état où coexistent 3 composantes : 1) La proto étoile au centre, 2) le disque circumstellaire, et 3) le reste du nuage qui continue à s’effondrer. Il est important de noter que pendant cette étape de coexistence, le transfert de matière se fait du nuage vers le disque, et ensuite du disque vers l’étoile. D’où le nom de disque d’accrétion.
Au cours de cette phase d’accrétion, la température de la proto-étoile continue d’augmenter. Lorsque celle-ci dépasse plusieurs milliards de degrés au centre de la proto-étoile, des réactions thermonucléaires vont se déclencher: une étoile est née ! Un très puissant jet de matière va alors se développer le long de l’axe de rotation stellaire. Une telle étoile, entourée d’un disque d’accrétion et produisant un jet bipolaire est dans ce qu’on appelle sa phase « T Tauri », du nom d’une étoile de la constellation du taureau. Cette phase T Tauri n’est pas qu’un simple concept théorique, car l’on dispose aujourd’hui de très nombreuses observations de ce type d’étoile jeune, révélant souvent à la fois un disque circumstellaire, un jet bipolaire et des restes de matière du nuage initial (voir image).
Le disque qui entoure la jeune étoile après environ un million d’années est appelé disque « d’accrétion », car la matière qu’il contient spirale lentement vers l’intérieur pour finalement tomber sur l’étoile. Ces mouvements de matière sont dus à la viscosité du disque, viscosité elle-même due à la turbulence du gaz. L’effet global de cette viscosité turbulente est de transférer l’essentiel de la matière vers l’intérieur du disque, tandis qu’une petite fraction de cette matière part vers l’extérieur en emportant l’essentiel du moment cinétique J du disque.
On pense que ce double transfert (masse vers l’intérieur, J vers l’extérieur), est ce qui résout, du moins en partie, le paradoxe d’un système solaire où 99.8% de la masse est dans le soleil, mais 99% du moment cinétique est dans les planètes (voir lien).
Le disque d’accrétion est initialement extrêmement chaud, et ce en raison du rayonnement intense de la jeune étoile, mais aussi à cause de la chaleur dégagée par la viscosité dans le disque. L’analyse des météorites montre que se produisent peut-être également des « flashs » thermiques brefs mais intenses dus sans doute à des ondes des chocs. Dans les régions les plus internes, les températures peuvent dépasser les 1500K, vaporisant même les particules rocheuses (silicates et composés ferreux). Au cours du temps, cependant, le disque va progressivement se refroidir. Dans les régions internes, les températures sont alors suffisamment basses pour permettre la condensation des roches, mais pas des composés volatils et des glaces (eau, méthane, CO, etc.). Dans les régions externes, en revanche, les températures descendent suffisamment pour permettre la condensation des glaces, et notamment de la glace d’eau (T<160 K). La frontière entre disque interne rocheux et disque externe roches+glaces est appelée « limite des glaces » (« snowline » en anglais). Elle se situe à environ 3 UA dans notre système solaire, et correspond donc peu ou prou à la limite entre planètes telluriques et planètes géantes. On pense que cela n’est pas un hasard, car, au delà de la limite des glaces, la matière solide est 3 à 4 plus abondante et permet donc l’accrétion de corps plus gros, pouvant de plus retenir une épaisse enveloppe de gaz (voir lien).
Dans les années 1970 et 80, plusieurs scientifiques ont réalisé que, à partir de la structure actuelle du système solaire, il est possible d’avoir une idée de la distribution de matière dans le disque proto-planétaire initial. Il faut pour cela faire 2 hypothèses : 1) que la position actuelle des planètes correspond, approximativement, à celle où elles se sont formées, et 2) que le disque proto-planétaire avait une composition proche de ce qu’elle est aujourd’hui dans le soleil.
La procédure pour remonter au disque initial est alors assez simple : On considère tout d’abord la masse de matière solide (roches et glaces) contenue dans les planètes et on la distribue de manière continue entre l’orbite me Mercure et celle de Neptune (voir LIEN vers page d’exercice). Ceci nous donne alors la distribution radiale des solides dans le disque proto-planétaire. Si on fait ensuite l’hypothèse que le rapport solides/volatiles (H et He) est le même que dans le soleil, alors on peut remonter à la masse « manquante » de volatiles qui était présente au départ et qui a disparu en cours de route. Cette masse initiale est bien supérieure à la masse actuelle de gaz dans les planètes, même pour les géantes « gazeuses » Jupiter et Saturne. On a alors reconstitué un disque proto-planétaire « minimal », c’est à dire contenant la masse minimale de matière (de composition solaire) nécessaire à former les planètes actuelles. On appelle ce disque théorique la « Nébuleuse Solaire de Masse Minimale » (NSMM ou plus communément MMSN en anglais).
On voit sur la Figure ci-dessus que, de manière remarquable, la distribution radiale de matière dans cette nébuleuse suit une loi de puissance en r-1.5 sur tout l’extension du disque. On remarque certes un saut de densité d’un facteur 3 vers 3AU, mais ce saut s’explique par la « ligne des glaces », au delà de laquelle la matière solide devient plus abondante en raison de la condensation de la glace d’eau.
Le profil d’une telle MMSN ne doit cependant être considéré qu’à titre indicatif, en particulier dans le système solaire externe, car on sait aujourd’hui que les planètes géantes ne se sont sans doute pas formées à leur position actuelle et ont sans doute migré dans le disque initial (cf. lien).
Le disque proto-planétaire se refroidit progressivement au cours du temps. A mesure que la température baisse, de plus en plus d’éléments peuvent se condenser. A moins de 1600K, ce sont des oxydes métalliques, à 1400K c’est le Fer, et, enfin, à 1300K, les silicates. La condensation forme initialement des grains très petits, de l’ordre de quelques microns. La croissance de ces grains se fait ensuite lors de collisions mutuelles, quand la vitesse d’impact est suffisamment faible pour qu’ils restent soudés. Pour des particules de si petites tailles, ce qui les fait « coller » les unes aux autres lors de collisions, ce sont les forces de surface moléculaire (forces de Van der Waals). Les vitesses et la fréquence des rencontres entre grains sont déterminées par le fait qu’ils sont couplés au gaz et que celui-ci a des mouvements turbulents. On pense que, pour une MMSN typique, les vitesses de collisions entre petits grains sont de l’ordre de 10cm/s à 10m/s (la vitesse d’un cycliste). Des expériences en laboratoire ont montré que ces vitesses sont effectivement suffisamment faibles pour permettre à 2 grains de s’accréter lors d’une collision. Ce processus d’accrétion grain à grain va former des particules filamenteuses de type fractal (cf. image), dont la taille peut atteindre quelques cm.
La suite de l’histoire est beaucoup plus problématique. Quand les corps solides ont atteint quelques centimètres ou décimètres, les modèles de croissance par collisions mutuelles rencontrent un problème majeur, qu’on appelle pour simplifier « la barrière du mètre ». En effet, ces corps sont devenus suffisamment gros pour commencer à se découpler du gaz, et ce gaz va alors commencer à exercer une forte friction sur eux. Ceci a deux conséquences : 1) Les vitesses relatives de collisions impliquant ces objets deviennent élevées, et le bilan de ces collisions n’est plus l’accrétion mais l’érosion des corps, et 2) La friction du gaz fait perdre du moment cinétique au corps solides, et ceux ci vont se mette à spiraler vers le centre du disque et l’étoile. Pour des corps de 1m, on calcule que le temps de migration vers le centre est de seulement quelques centaines d’années dans une MMSN « standard ».
Plusieurs théories ont été avancées pour expliquer comment surmonter la barrière du mètre. Certaines font appel à l’action de la turbulence du gaz et au fait que celle-ci crée des vortex au centre desquels les particules solides peuvent s’accumuler. Dans ces vortex, l’accrétion peut se remettre en marche pour 2 raisons: 1) les vitesses relatives sont suffisamment faibles pour que les particules « collent » à nouveau lors de collisions, et 2) La densité de grains solides au centre des vortex peut par ailleurs devenir telle qu’une instabilité gravitationnelle se déclenche, formant directement et rapidement des corps de plusieurs kilomètres. Dans le même ordre d’idée, d’autres scénarios envisagent que les grains sont piégés au niveau de singularités dans le disque de gaz, là où existe un très fort gradient de pression. Ces singularités peuvent se situer au bord de ce qu’on appelle des « Dead Zones » (sans activité magnétique), ou bien au niveau de la ligne des glaces, ou bien encore au niveau de surdensités créées par des Instabilités Magnéto-Hydrodynamiques (« MRI »). Dans ces zones de piégeage, l’accrétion peut se poursuivre pour les mêmes raisons que dans le scénario des « Vortex ».
D’autres scénarios proposent une solution alternative, fournie par la physique des collisions elle-même. Si il existe une très large dispersion de la taille des corps solides, alors les plus gros de ces corps seraient capable d’accréter les plus petits, même en cas de vitesses relativement élevées. Dans le même ordre d’idée, même en cas de collisions érosives, les fragments érodés pourraient former une poussière facilement ré-accrétable par les plus gros corps.
Il faut cependant rester prudent, car aucun de ces scénarios ne propose pour l’instant une explication 100% satisfaisante. Ce problème est l’un des sujets majeurs de la recherche actuelle sur la formation planétaire.
Malgré un enfantement qui pose pour l’instant beaucoup de problèmes aux théoriciens (voir page précédente), il est probable que des « planétésimaux », c’est à dire des corps solides de l’ordre du kilomètre, vont finir par se former dans le disque. Ces planétésimaux vont ensuite eux aussi croître par collisions mutuelles, mais le processus d’accrétion est radicalement différent de ce qu’il était pour les petits grains, car c’est maintenant la force de gravité qui va faire « coller » les corps les uns aux autres. Le critère pour qu’il y ait accrétion est que la vitesse de collision vcoll doit être inférieure à la vitesse de libération vlib des 2 corps impactant. Pour des corps de l’ordre du kilomètre, vlib est de l’ordre de quelques m/s, soit la vitesse d’un piéton (pressé).
Si tous les planétésimaux avaient la même taille et croissaient ensemble, alors il faudrait environ 1 million d’années pour former un corps de 1000km aux alentours de 1 UA. On pense cependant que le processus d’accrétion est en fait beaucoup plus rapide, et ce du fait de la dispersion en taille des planétésimaux. Si en effet certains planétésimaux sont initialement plus gros que les autres, alors leur vitesse de libération sera supérieure et ils auront tendance à dévier les autres corps vers eux. Ceci les fera grossir plus rapidement, donc acquérir une vlib encore plus élevée, et donc dévier encore plus les petits planétésimaux vers eux, et ainsi de suite. Le processus s’emballe donc de lui même, dans une sorte d’effet « boule de neige » (voir lien1 et lien2), qui va se maintenir tant que les vitesses de collisions restent petites, de l’ordre de ce qu’elles étaient initialement (c’est à dire quelques m/s). L’accrétion boule de neige est capable de former de gros corps en seulement quelques 104 ans, sachant qu’à ce moment une grande partie de la masse de solides est encore sous forme de planétésimaux kilométriques.
Le processus d’accrétion « boule de neige » ne peut pas continuer éternellement. Il va s’arrêter quand les quelques corps en croissance rapide deviennent suffisamment gros pour commencer à exciter gravitationnellement leur environnement. A ce moment là, la croissance ne s’emballe plus, tout en se poursuivant cependant à un rythme élevé. On entre alors dans la phase dite « oligarchique » du processus d’accrétion, car seuls les quelques heureux embryons formés par effet de boule de neige sont en croissance. On pense que la transition entre accrétions « boule de neige » et « oligarchique » a lieu lorsque la taille des embryons est de l’ordre de quelques centaines de kilomètres. La phase oligarchique va alors durer de l’ordre de 105 ans, pour former des « embryons » planétaires de la taille de la Lune.
Au cours des phases d’accrétion « boule de neige » puis oligarchique chaque embryon fait progressivement le « vide » autour de lui. Le disque est alors structuré en régions concentriques à l’intérieur desquelles un seul gros corps dominant a émergé. Chaque embryon peut accréter les planétésimaux se situant à l’intérieur de sa « zone d’alimentation », correspondant à tous corps dont l’orbite peut être déviée sur l’embryon par focalisation gravitationnelle (cf. lien). Schématiquement, cette zone d’alimentation correspond à un anneau circulaire centré sur l’embryon, dont la largeur augmente à mesure que l’embryon grossit. Cependant, comme la masse disponible à l’intérieur de la zone d’alimentation croît moins vite que le taux auquel cette masse est accrétée par l’embryon, on aboutit in fine à une situation où la zone d’alimentation est vide. A ce moment, la phase de croissance par accrétion de petits planétésimaux s’arrête. Dans la région des planètes telluriques, on peut calculer qu’à ce stade, des corps d’environ 1000km se sont formés (cf. page d’exercice)
Comme nous l’avons vu à la page précédente, l’accrétion boule de neige et oligarchique ne permet sans doute pas de former directement des planètes, mais s’arrête, par épuisement de la matière (planétésimaux, poussière, etc …) à accréter, lorsque des embryons planétaires de la taille de la Lune ont été formés. Heureusement (si, du moins, on considère l’apparition de planètes comme un bien), ces embryons sont alors devenus suffisamment massifs pour se perturber mutuellement à distance. Ces perturbations vont rendre leurs orbites excentriques, et celles-ci vont pouvoir se croiser. Ces collisions entre embryons vont se faire à vitesses élevées, mais les embryons sont maintenant suffisamment massifs pour que l’accrétion mutuelle soit possible même lors d’impacts assez violents.
Ce « jeu de quilles » entre embryons va durer quelques millions, voire quelques dizaines de millions d’années. A la fin de cette période extrêmement violente, la plupart des milliers d’embryons formés par l’accrétion oligarchique ont disparu. Ils ont été soit éjectés du système solaire, soit (pour la plupart) accrétés par les quelques heureux gagnants qui vont devenir les planètes que nous connaissons aujourd’hui.
Notons que, dans les régions internes du système solaire, ces planètes ne vont jamais devenir suffisamment massives pour pouvoir accréter le gaz qui est encore présent dans le disque. On verra qu’il en va tout autrement dans la région des planètes géantes (cf. lien).
Les datations isotopiques indiquent que la Lune s’est formée entre 30 et 200 millions d’années après la Terre. Ceci place la formation de la Lune vers la fin de la phase agitée de collisions entre embryons planétaires (cf. page précédente). Les modèles récents postulent d’ailleurs que la formation de la Lune est due à un impact géant entre la proto-Terre et une autre proto-planète, appelée « Theïa », peut-être de la taille de Mars. Dans le modèle « standard » de Robin Canup (cf. image), Theïa impacte la Terre à vitesse élevée et est détruite ; un nuage de débris extrêmement chauds, essentiellement formé du manteau de Theïa se forme en orbite autour de la proto-Terre (qui est partiellement détruite par l’impact mais survit cependant), la Lune s’accrète ensuite à partir de cet anneau de débris en refroidissement. Un tel impact expliquerait plusieurs des caractéristiques peu banales de la Lune : 1) La Lune est très pauvre en fer comparée à la Terre. 2) Elle est également très pauvre en éléments volatiles (H20, Azote, CO2, etc…), 3) le timing pour la formation, 4) le moment angulaire très élevé du couple Terre-Lune.
Des analyses récentes d’échantillons lunaires ont cependant mis en évidence un problème majeur avec cette théorie : le fait que la surface de la Lune ait la même composition isotopique que la Terre pour les éléments O, Ti, Cr, W et K. Ceci n’est pas possible si la Lune est pour l’essentiel constituée de matière « theïenne », dont la composition isotopique a a priori peu de chances de ressembler à celle de la Terre, car étant probablement formée ailleurs dans le système solaire. Pour tenter de résoudre ce paradoxe, plusieurs modèles récents ont exploré différentes théories. Il est possible par exemple que le disque de débris post-impact ait été tellement chaud et dense qu’un équilibre isotopique avec la composition terrestre s’est fait. Il est possible également que la Terre et Theïa aient une origine commune. Alternativement, un impact plus énergétique (appelée « hit and run ») pourrait également arracher plus de matière à la Terre et faire que le disque de débris pré-lunaire soit dominé par de la matière terrestre. Enfin, si la rotation sur elle-même de la proto-Terre était initialement extrêmement rapide, alors l’impact avec Theïa aurait pu arracher énormément de matière du manteau terrestre pour former le disque pré-lunaire. Toutes ces théories ont leurs avantages et leurs défauts, mais on peut remarquer qu’aucune d’entre elles ne remet en cause le fait que la Lune se soit formée à partir d’un impact Terre-Theïa.
Toutes les étapes de formation dont nous venons de parler se font dans un disque protoplanétaire dont l’essentiel de la masse est encore sous forme de gaz primordial (surtout de l’hydrogène). Les grains et les planétésimaux en croissance interagissent très fortement avec ce gaz et nous avons vu que ce gaz est sans doute essentiel pour que l’accrétion des plus petits grains puisse se faire.
Ce disque de gaz primordial n’est cependant pas éternel. L’observation des jeunes étoiles montre en effet que les disques proto-planétaires primordiaux se dispersent sur des échelles de temps comprises entre 1 et 10 millions d’années, la durée de vie moyenne étant sans doute de l’ordre de 3 millions d’années pour une étoile de type solaire. Ceci place la dispersion du disque sans doute au cours de la phase finale d’interactions mutuelles entre gros embryons (cf. lien).
Reste à expliquer pourquoi et comment le disque se disperse. Il existe pour cela plusieurs mécanismes possibles, comme par exemple le vent stellaire de l’étoile en phase T-Tauri, ou l’accrétion visqueuse du disque sur l’étoile. La cause la plus probable semble cependant être l’effet de « photo-évaporation » dû au rayonnement ultra-violet de la jeune étoile, qui, couplé à la viscosité du disque, est capable de disperser très rapidement le disque de gaz hydrogène après l’avoir « coupé » en deux (voir PHOTO-EVAPORATION).
Le scénario présenté dans les pages précédentes se rapportait à la formation des planètes telluriques. La formation des planètes géantes est un problème en partie différent, avec quelques contraintes spécifiques. Les plus évidentes étant qu’il faut arriver à accréter beaucoup plus de matière sur chaque planète, entre 15 et 300, et qu’en plus, pour Jupiter et Saturne du moins, il faut arriver à accréter une énorme quantité de gaz (cf. lien). Cette accrétion du gaz pose de plus une contrainte très forte sur le timing de la formation de ces planètes, qui doit être achevée avant la dispersion du disque de gaz primordial, c’est à dire avant 10 millions d’années maximum (cf. lien). Enfin, il faut trouver un scénario de formation qui explique pourquoi Jupiter et Saturne sont très riches en gaz alors qu’Uranus et Neptune ne le sont pas.
Il reste que, comme on va le voir, le scénario « standard » de formation des géantes est, pour l’essentiel, une adaptation du scénario standard pour la formation des telluriques, en y rajoutant une étape finale d’accrétion d’une enveloppe de gaz massive. Cependant, comme nous le verrons également, ce scénario rencontre des difficultés, principalement le timing très strict pour l’accrétion du gaz, qui ont conduit plusieurs chercheurs à envisager un mode alternatif (et spécifique) de formation pour les planètes géantes, basé sur un effondrement gravitationnel direct dans le disque.
Dans ce scénario auquel adhère une majorité de chercheurs (mais attention, majorité n’est pas vérité !), la formation des géantes suit un processus par étapes qui ressemble fortement à ce qu’il est pour les planètes telluriques. Il commence notamment par la condensation de particules solides qui vont ensuite se coller entre elles par collisions et former des planétésimaux, planétésimaux qui vont ensuite former, par accrétion gravitationnelle, des embryons planétaires massifs.
La différence essentielle est que nous sommes ici au delà de la limite des glaces, et que donc les particules solides qui vont constituer les briques de la formation planétaire sont composées de roches et de glaces. On estime que ceci multiplie par 4 la quantité de matière solide disponible (voir MMSN). Les planétésimaux vont donc être plus gros et pouvoir former des embryons planétaires plus massifs. Ceci va également permettre d’accélérer le processus d’accrétion, et compenser le fait que les vitesses orbitales (et donc les rencontres proches) sont plus faibles dans les régions externes.
La présence de glace d’eau permet à la phase d’accrétion boule de neige et oligarchique de former des embryons planétaires bien plus massifs que dans les régions internes. Si cette masse dépasse environ 10 MTerre, alors la force d’attraction de la proto-planète est suffisante pour commencer à accréter le gaz qui l’entoure. Cette accrétion du gaz est tout d’abord progressive: il se forme une atmosphère dense dont la masse augmente linéairement avec le temps. Mais quand la masse de gaz devient comparable à celle du cœur solide au centre, cette atmosphère devient instable et s’effondre. L’accrétion du gaz s’emballe alors extrêmement vite, et permet d’accumuler plusieurs dizaines de masses terrestres en quelques milliers d’années (voir Figure) .Les 3 étapes de ce processus ont des durées très différentes : la phase initiale d’accrétion oligarchique de cœur solide dure 105 ans, l’accrétion progressive de l’enveloppe de gaz se fait sur plusieurs millions d’années, alors que la phase finale d’effondrement et d’accrétion brutale du gaz se fait en quelques milliers d’années seulement.
Comme nous l’avons déjà évoqué, la présence du gaz dans Jupiter et Saturne impose que la formation de ces planètes doit être achevée avant la dispersion du disque gazeux primordial, c’est à dire avant 10 millions d’années dans les hypothèses les plus optimistes (cf. lien) .
Il se trouve que beaucoup de modèles théoriques buttent sur cette contrainte temporelle. L’étape la plus problématique est la formation d’un cœur solide de masse 10 MTerre en moins de 1 millions d’années (sachant qu’ensuite l’étape d’accrétion progressive du gaz va durer plusieurs millions d’années supplémentaires). Avec la nébuleuse solaire de masse minimale, les simulations les plus optimistes arrivent à former un tel cœur solide au niveau de Jupiter, mais en aucun cas au niveau de Saturne, sans parler d’Uranus ou de Neptune. Le problème de Saturne peut certes se résoudre avec un disque massif de 10xMMSN, ce qui n’est pas l’hypothèse la plus générique mais reste une possibilité au vu des observations de disque. En revanche, la formation in-situ d’Uranus et Neptune ne semble pas possible dans le scénario de « cœur solide », même en tirant les paramètres à leurs limites.
On sait depuis les années 70 qu’une planète immergée dans un disque de gaz interagit dynamiquement avec lui, et que cette interaction peut être suffisante pour significativement faire migrer la planète. Curieusement, ce mécanisme a, dans un premier temps, été largement ignoré dans les modèles de formation planétaire, sans doute parce-que les premières versions de ces modèles n’avaient pas vraiment besoin de migration. La situation a radicalement changé avec la découverte des premières exoplanètes, et en particulier des « Jupiter chauds » très massifs et très près de leur étoile, strictement impossibles à former avec le modèle standard (cf. lien). Par ailleurs, les problèmes rencontrés par le scenario de cœur solide pour former Uranus et Neptune in-situ, ont eux aussi rendu attractive la possibilité d’une migration (cf. page précédente). Aujourd’hui, tous les modèles de formation planétaire prennent en compte la migration, qui est un mécanisme essentiel pour expliquer certaines caractéristiques du système solaire ainsi que nombre d’exoplanètes
Il faut cependant distinguer 2 mécanismes de migration bien distincts : la migration des proto-planètes par interaction avec le disque gazeux primordial, et celle, plus tardive, des planètes avec le disque résiduel de planétésimaux.
Quand une proto-planète atteint une masse comparable à celle de la Terre alors que le disque de gaz est encore présent, elle se met à interagir dynamiquement avec celui-ci. Plus spécifiquement, la planète interagit avec les ondes de densité qu’elle crée dans le disque de gaz. Pour des profils de densité « standard », le bilan de ces interactions est une perte de moment cinétique de la planète, et donc une migration de celle-ci vers l’intérieur. La migration peut alors être très rapide, et faire tomber la planète sur l’étoile en quelques 104 ans seulement ! Ce mécanisme a un seul problème : il est trop efficace ! Comment expliquer que les planètes telluriques de notre système solaire n’aient pas été avalées par le soleil ? Il existe plusieurs solutions à ce paradoxe. La première est que le soleil a bien avalé quantité de proto-planètes telluriques, et que celles que nous voyons aujourd’hui proviennent de plus loin dans le disque et ont migré pour prendre la place laissée vide. Le corollaire est alors bien sur qu’il y avait au départ bien plus de matière solide dans le disque que ce que nous voyons aujourd’hui. Une autre solution est que l’accrétion des proto-planètes telluriques ne s‘achève qu’après la dispersion du disque de gaz. Dans ce cas, pas (ou peu) de migration, car seuls des embryons oligarchiques << étaient formés quand le disque primordial est encore présent.
Pour des proto-planètes géantes de plus de 10, la situation change. Ces objets vont en effet creuser un sillon dans le disque de gaz et vider la région autour d’eux. Une fois ce « trou » créé, l’évolution radiale de la planète est couplée à celle du disque. Or, comme celui-ci spirale lentement vers l’étoile en raison de sa viscosité, la planète va elle-aussi migrer au même rythme. Cette migration régulière est a priori plus lente que celle de type I, et se fait sur une échelle de temps comparable à l’échelle de temps visqueuse du disque. Elle semble cependant inévitable pour toute planète géante en croissance. Et là encore se pose la question : quid des géantes du système solaire ainsi que de toutes les exoplanètes géantes observées à plusieurs UA de leur étoile ? Comment ont elles pu échapper à ce destin fatal ? La réponse pourrait être ici que l’union fait la force. En effet, si une planète migre toujours vers l’intérieur, deux planètes ensembles peuvent elles stopper cette migration, voir même l’inverser à condition que les ouvertures creusées par les 2 planètes se chevauchent et que la planète interne soit 2-4 fois plus grosse que l’autre. C’est ce qui s’est peut-être produit pour le couple Jupiter/Saturne, lors d’un processus migratoire complexe appelé le « Grand Tack » (cf. lien).
Les migrations de Type I et II cessent après la dispersion du disque de gaz. Mais les planètes peuvent tout de même continuer à bouger, mais c’est cette fois ci en interagissant avec les planétésimaux résiduels non utilisés dans l’accrétion planétaire. En effet, à la fin de la phase oligarchique, une grande partie de la masse de solides est sans doute toujours sous forme de planétésimaux kilométriques. Les interactions des planètes avec ce disque de planétésimaux peuvent être complexes, car, à la différence du gaz, ceux ci peuvent être perturbés sur des orbites très excentriques, « rebondir » d’une planète à l’autre, voire éjectés du système. On pense que c’est un tel processus d’interaction planétésimaux/planètes qui est à l’origine de la structure actuelle du système solaire externe. C’est en particulier ce jeu de billard planétaire qui aurait placé Uranus et Neptune à leur position actuelle à 20 et 30 UA du soleil, alors que ces planètes se sont sans doute formés beaucoup plus près du soleil. Ceci pourrait résoudre les problèmes rencontrés par le scénario de cœur-solide pour former des planètes géantes loin de leur étoile (cf. lien).
Même si, on l’a vu, des pistes existent pour résoudre les problèmes rencontrés par le scénario « cœur solide » pour former Saturne « à temps » ou pour former Uranus et Neptune tout court, certains chercheurs envisagent des solutions plus radicales : abandonner le modèle standard et le remplacer par un scénario alternatif. Ce scénario est celui d’une formation par instabilité gravitationnelle dans le disque protoplanétaire gazeux. Ce disque n’est en effet pas homogène, et, inévitablement, des surdensités (des « grumeaux ») locales peuvent exister. En principe la pression thermique du gaz empêche l’effondrement gravitationnel de ces surdensités, et, de plus, la rotation képlérienne différentielle a tendance à les disperser rapidement. Cependant, si le disque est suffisamment dense et froid, alors ces grumeaux pourraient devenir gravitationnellement instables.
Ce scénario avait tout d’abord été proposé dans les années 70 pour expliquer la formation de toutes les planètes, mais avait rapidement été abandonné pour les planètes telluriques ,car il est très difficile de développer des instabilités dans le disque interne du fait de la forte chaleur et du fort cisaillement képlérien. Dans le disque externe, cependant, les conditions sont plus favorables, car la pression thermique et le cisaillement képlérien y sont moins forts. Des simulations numériques (cf. Image) ont ainsi montré qu’un disque protoplanétaire peut effectivement développer des instabilités locales. L’avantage de la formation par instabilité est qu’elle est en principe extrêmement rapide, de l’ordre de quelques centaines d’années seulement au niveau de l’orbite de Jupiter. Cependant, une grande inconnue subsiste : pour que ces instabilités initiales aillent jusqu’au bout et forment des planètes il faut qu’elles soient capable de se refroidir rapidement à mesure qu’elles se contractent. Or aucune simulation n’a encore prouvé à ce jour que cela était possible. Le scenario par instabilité a cependant connu un très fort regain d’intérêt avec la découverte récente de planètes extrasolaires géantes orbitant très loin, parfois à plus de 100UA, de leur étoile. De telles planètes sont en effet a priori strictement impossibles à former avec le scenario de « cœur solide », alors que le modèle par instabilité devient, lui, plus efficace dans ces régions externes. L’autre alternative étant, bien sur, que ces planètes se soient formées par cœur solide plus à l’intérieur et aient ensuite migrées vers l’extérieur (cf. page précédente).
Le système solaire ne se résume pas, loin s’en faut, aux planètes. Il est également peuplé d’une quantité innombrable de petits corps, la plupart d’entre eux regroupés dans 2 vastes structures. La plus célèbre est sans aucun doute la ceinture d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter. On sait aujourd’hui que cette ceinture n’est probablement pas constituée des débris d’une ancienne planète qui aurait été détruite. On a plutôt affaire à une région où une planète n’a jamais pu se former, très probablement en raison des perturbations de Jupiter. Un point très important est que la masse totale de cette ceinture est très faible par rapport à ce à quoi on pourrait s’attendre dans un disque proto-planétaire ayant formé les planètes telluriques et géantes. Si on prend par exemple la nébuleuse solaire de masse minimale (MMSN), alors on estime qu’il devait y avoir initialement 1000 fois plus de matière solide dans la région des astéroïdes qu’il n’y en a aujourd’hui. Le grand défi de tout modèle de formation est donc d’expliquer comment 99.9% de la masse de la ceinture d’astéroïdes a pu disparaître.
Il n’existe aujourd’hui pas encore de consensus sur comment la ceinture s’est formée. Ce qui est sur est qu’il est impossible que les perturbations dynamiques de Jupiter (du moins, du Jupiter actuel) puissent à elles-seules éjecter autant de matière entre 2 et 4UA. Une solution pourrait être que les perturbations de Jupiter aient agi de manière indirecte, en excitant de gros embryons planétaires formés dans la ceinture, et que ces embryons, une fois placés sur des orbites excentriques, aient perturbés et éjectés l’essentiel des astéroïdes primitifs. Un autre scénario, qui a actuellement le vent en poupe, est celui dit du « Grand Tack ». Ce modèle suppose que les 4 planètes géantes se sont formées plus près du Soleil que leurs positions actuelles, et aient ensuite migré dans le disque. Jupiter aurait tout d’abord migré vers l’intérieur jusqu’à 1.5UA du Soleil (migration type II, voir lien) et éjecté l’essentiel de tous les corps présents dans la région astéroïdale actuelle. Mais une fois que Saturne l’a quasiment rejoint, les interactions entre les 2 planètes géantes vont les refaire migrer vers l’extérieur, destin que vont aussi partager Uranus et Neptune. Dans le chaos dynamique qui s’ensuit alors, des planétésimaux issus des régions externes vont être injectés dans la région <4UA (cf. image). La ceinture d’astéroïde est alors au final peuplée d’un mélange de corps provenant de différentes régions du système solaire, mais sa masse totale reste très faible.
Le scénario de formation planétaire présenté aux pages précédentes suppose implicitement que le disque proto-planétaire et les planètes orbitent autour d’une étoile seule et isolée. Cette configuration pourrait a priori nous sembler la plus « naturelle », mais nous sommes ici fortement biaisés par le cas particulier qui est le nôtre : le système solaire. En réalité, la majorité des étoiles se trouvent dans des systèmes stellaires multiples, le plus souvent des binaires. On connaît aujourd’hui près d’une centaine d’exoplanètes habitant de tels systèmes (cf. Figure), et ce chiffre est sans doute sous-estimé, car les programmes de détection de planètes extrasolaires ont longtemps sciemment évité les systèmes binaires. La question qui se pose ici est, bien entendu, de savoir si la binarité influe sur le processus de formation planétaire, et si oui, comment ?
Pour de nombreuses binaires avec exoplanètes, la séparation entre les 2 étoiles est très grande, parfois plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’UA. Il est probable que, dans ce cas, la présence d’un compagnon stellaire ait eu une influence assez limitée sur l’accrétion de planètes autour de chaque étoile. Mais il existe des exoplanètes dans des binaires ayant des séparations de moins de 100UA, et on recense même 4 planètes dans des binaires séparées d’environ 20UA (cf. Figure). Pour mettre les choses en perspective, c’est comme si, dans le système solaire, on remplaçait Uranus par une étoile plus de 1000 fois plus massive ! Il paraît évident que les perturbations d’une étoile si proche vont fortement affecter la formation planétaire. Et c’est ce qu’ont effectivement montré de nombreuses études théoriques au cours de la dernière décennie. Ces études arrivent même à un résultat assez déconcertant, à savoir qu’il semble impossible de former les exoplanètes des binaires Gamma Cephei, HD196885 et HD40004 avec le modèle standard. Comment expliquer alors l’existence paradoxale de telles planètes ? Est ce que la formation planétaire se fait par un processus différent dans les binaires ? Ou bien est ce que c’est le modèle « standard » lui même qui doit être révisé pour expliquer ces cas « extrêmes »? Ou bien, solution moins radicale, est ce que ces binaires serrées étaient beaucoup plus séparées dans leur jeunesse, permettant alors à la formation planétaire de se faire dans un environnement beaucoup moins perturbé ? Ces questions sont encore loin d’être tranchées et les prochaines années devraient nous apprendre beaucoup sur cette problématique encore relativement recente.
Certains noyaux atomiques, appelés radioisotopes, sont naturellement instables et peuvent spontanément se désintégrer en noyaux moins massifs et stables, libérant de l’énergie sous forme de rayonnement. La décroissance du nombre d’un type de radioisotopes en un élément suit une décroissance exponentielle . Où la quantité est le temps de demi-vie caractéristique de l’élément. Dans le cas le plus simple où aucun élément n’est présent initialement le temps t peut être trouvé directement par le rapport . Mais en réalité les choses ne sont jamais aussi simples, et ce pour au moins 2 raisons :
1) Il y a a priori toujours du présent à ou, du moins, il est impossible d’exclure cette présence. Et on ne connait pas a priori cette quantité initiale de
2) l’isotope n’est souvent pas le seul possible pour l’élément , qui peut également exister sous la forme , ce qui peut fortement compliquer les choses. En effet, dans un matériau à l'état gazeux ou liquide, les isotopes et vont naturellement s'équilibrer entre eux à une valeur d'équilibre. En conséquence, dès qu'un matériau fond ou fusionne, toute information sur la quantité d'isotope produite par désintégration de va être perdue par cette mise à l'équilibre isotopique (autrement dit, toute fusion est un "reset" des isotopes de B).
Ceci va rendre la datation plus compliquée, mais elle reste néanmoins possible, du moins pour remonter jusqu'au moment de la dernière condensation du matériau. On peut grosso-modo distinguer 2 types de datation : datation absolue et datation relative.
La désintégration de en a un temps de ½ vie de 4.47 109 ans, idéal pour mesurer l’âge des plus anciens corps du système solaire. Mais n’est pas l’isotope naturel du , qui est . On obtient alors la relation suivante, liant les abondances de , et :
où les indices et se réfèrent aux abondances actuelles et initiales, respectivement. Le moment "initial" correspond à l'instant où l'objet en question s'est solidifié pour la dernière fois. En effet, dès que le corps fond ou se sublime en gaz, les proportions des 2 isotopes et s'équilibrent rapidement à leur proportion "naturelle" et toute information sur la désintégration de est perdue (voir page précédente ). A cet instant initial le rapport est donc égal à la valeur d'équilibre. En revanche, une fois le corps solidifié, un excès de l'isotope va petit à petit se créer à mesure que se désintègre. La variable inconnue est ici la quantité initiale absolue de (ou de ), que l'on ne connaît pas a priori. Heureusement, il existe un deuxième type de désintégration d’U en Pb, la réaction , dont le temps de vie est de 704 106 ans, et qui va nous permettre de contraindre les abondances initiales. Les équations sont alors:
Et donc:
où 137.88 est la valeur présente de , qui est une constante globale du système solaire actuel, et , . Cette relation est directement exploitable pour toute météorite non-homogène initialement, mais dont tous les composants se sont formés à la même époque. En effet, dans ce cas, les rapports initiaux et / sont les mêmes partout dans la météorite et sont égaux à leurs valeurs d'équilibre (indiquées par a0 et b0 sur la figure). Par conséquent, dans un graphe vs. / , toutes les mesures du rapport F doivent se situer une même droite, appelée isochrone, dont la pente va directement donner l’âge de la météorite (cf. Figure).
La désintégration radioactive permet également de dater des corps même bien après la disparition des radionucléotides concernés (c'est à dire bien au delà du temps de 1/2-vie de la désintégration concernée). C’est le cas par exemple de la désintégration , dont le temps de ½ vie est de « seulement » 720 000ans. Notons que ni , ni ne sont des isotopes naturels de leurs éléments, qui sont, respectivement, et . A la différence de la désintégration d’, il n’existe aujourd’hui plus de que l’on puisse mesurer. En principe, on a donc :
Cette équation n’est pas d’une grande aide en elle-même, mais, comme pour la datation absolue, on peut tirer parti de la non-homogénéité d’une météorite donnée. Si en effet deux endroits de cette météorite avaient initialement des teneurs totales en (tous isotopes confondus) différentes, mais que la proportion de était, elle, la même, alors l’excès de ne sera aujourd’hui pas partout le même, et cet excès sera relié à l’abondance actuelle locale de par la relation :
Les mesures de et en différents endroits de la météorite vont alors tracer une isochrone dont la pente donnera la teneur initiale en (voir Figure).
Maintenant, si on compare les teneurs initiales de obtenus pour différentes météorites, on peut obtenir une datation relative des temps de formation de ces météorites. En effet, étant donné le temps de vie très court de , sa teneur par rapport à pourra être très différente suivant l’instant où la météorite s’est formée. Si on compare les valeurs dans 2 météorites différentes, on obtient ainsi la datation relative de leur formation par la formule:
où et sont les instants de formation des 2 météorites, et est le taux de désintégration de la réaction
Il faut cependant ici bien faire attention à deux points très importants :
Comme nous l’avons vu (cf. lien), une des étapes les plus délicates du scénario standard de formation planétaire est celle qui fait passer des premières poussières condensées dans la nébuleuse aux planétésimaux kilométriques. La principale difficulté étant atteinte pour des corps de ∼10cm-1m, pour lesquels les vitesses de collision deviennent trop élevées pour permettre l’accrétion, et qui vont de plus avoir un mouvement de dérive très rapide vers l’étoile centrale. Ces deux problèmes sont tous deux liés à l’action du gaz sur les corps solides. En effet, toute particule solide plongée dans un milieu gazeux subit la friction de ce gaz, qui va être proportionnelle à la surface de contact entre le gaz et l’objet. Cette friction peut ainsi s’exprimer sous la forme
Où est la section efficace du corps () et la différence de vitesse entre le gaz et la particule. Si maintenant on applique le principe fondamental de la dynamique, on obtient que l’accélération due au gaz vaut:
On pourrait a priori se dire que, dans le cas présent, est nul car aussi bien le gaz que les corps solides orbitent autour de l’étoile suivant les mêmes lois de Kepler, et donc en principe à la même vitesse orbitale . Mais il y a en fait une différence, car le gaz est lui, en plus, soumis à une force de pression due au gradient de température et de densité dans la nébuleuse. Dans un disque proto-planétaire de type MMSN, cette force de pression s’exerce de l’intérieur vers l’extérieur et tend donc à contrebalancer la gravitation de l’étoile. Tout se passe donc comme si le gaz « percevait » une étoile de masse et aura donc une vitesse Képlérienne inférieure au d’un corps solide orbitant dans la vide. On dit alors que le disque de gaz est « sub-Képlérien ».
Le comportement de corps solides plongés dans ce disque de gaz est alors compris entre 2 extrêmes : les particules les plus petites (<mm) sont piégées dans le gaz et bougent avec lui, et on a dans ce cas et donc . A l’autre extrême, les planétésimaux très massifs sont, eux, découplés du gaz et subissent de la friction, mais ne vont pas beaucoup en pâtir car le rapport est tout petit et ils vont donc être très difficile à bouger par le gaz. Donc la aussi . Entre ces 2 extrêmes, il existe un régime intermédiaire avec des corps suffisamment gros pour être découplés du gaz ( ) mais pas suffisamment massifs pour être insensibles à la friction. Ce régime de taille intermédiaire se situe autour de 10cm-1m. Pour des corps de cette taille l’effet de la friction gazeuse est maximal (cf. image). Et comme , cette friction aura tendance à ralentir les corps solides et à les faire dériver vers l’étoile. Cette vitesse de dérive peut atteindre plus de 50m/s, ce qui correspond à 1UA en moins de 100ans !
Une population de planétésimaux orbitant le soleil ne pourra former des corps plus massifs que si les vitesses de rencontres mutuelles sont, pour une fraction importante de ces rencontres, inférieures à ; où est la vitesse de libération à la surface de 2 planétésimaux en collision et un paramètre prenant en compte la dispersion d’énergie lors de l’impact. Toute la question est alors de savoir si, effectivement, ce critère va être rempli dans un disque de planétésimaux kilométriques laissé à lui même.
L’état dynamique d’un tel disque va dépendre de l’équilibre entre plusieurs mécanismes: la gravité mutuelle des planétésimaux, la force de friction du gaz primordial toujours présent à ce stade, la dissipation d’énergie lors des collisions physiques, et, bien sur, la gravité de l’étoile autour de laquelle tous les corps orbitent. Si on fait l’hypothèse simplificatrice que tous les planétésimaux ont la même taille , alors on peut montrer que le disque va tendre vers un état stationnaire où les vitesses de rencontres vont en moyenne être de l’ordre de . Si en effet , alors les déflections gravitationnelles lors de rencontres proches vont automatiquement augmenter . Et si, à l’inverse, , alors la dissipation d’énergie cinétique lors des collisions va être très forte et fera diminuer . Cet équilibre autour de est plutôt une bonne nouvelle, car il entraine qu’une fraction des collisions vont effectivement permettre l’accrétion des corps (sachant qu’il y aura toujours une dispersion des vitesses de collision autour leur valeur moyenne).
Sachant que tous ces corps sont en orbite autour d’une étoile, par exemple le Soleil, les vitesses relatives de collisions vont être directement liées à l’excentricité (et à leur inclinaison si on est en 3D) de leurs orbites : plus les orbites sont excentriques, plus augmente, plus elles sont circulaires, plus tend vers zero. Pour de petites excentricités, à l’ordre zero on peut écrire que
Il faut réaliser que, pour des planétésimaux kilométriques, on a affaire à des vitesses très faibles, car les de tels corps sont de l’ordre de quelques mètres par seconde seulement. Ceci se traduit par des excentricités orbitales très faibles, de l’ordre de 0.0001 ! (cf. exercice).
Si tous les planétésimaux du disque avaient exactement la même taille r et grandissaient tous à la même vitesse, alors leur taux de croissance serait égal à où est la densité surfacique de planétésimaux, leur vitesse relative de collision et l’épaisseur du disque. Si on fait l’approximation raisonnable que (cf. page précédente) et que (, distance à l’étoile et excentricité moyenne de l’orbite des planétésimaux), alors on obtient avec , vitesse angulaire Keplerienne. On trouve alors que , et que la croissance en taille est linéaire avec le temps. Pour une MMSN à 1UA on trouve qu’il faut alors quelques 106 ans pour former un corps de 1000km (cf. EXERCICE)
Mais il semble qu’en réalité l’accrétion suive un chemin beaucoup plus rapide et efficace, mais très sélectif, appelé accrétion « boule de neige ». Il est en effet plus que probable que, dans tout disque réel, toutes les tailles ne sont pas identiques et que, localement, certains planétésimaux soient, par hasard, légèrement plus grands (de taille ) que ceux qui les entourent. De ce fait, ils ont une vitesse de libération supérieure à celle des corps environnants. En conséquence, ils vont légèrement infléchir la trajectoire des autres corps vers eux. On peut paramétriser cette déflection en considérant que le corps a une section efficace « effective » plus grande que sa simple section efficace géométrique . On a alors
Où est appelé le terme de « focalisation gravitationnelle ». Du fait de cette surface efficace« dilatée », le corps va croître plus vite que les autres. Le rapport va donc augmenter, ce qui a pour effet d’encore augmenter la focalisation gravitationnelle, et donc le taux de croissance de , et ainsi de suite. La croissance de ce corps initialement légèrement privilégié va donc rapidement s’emballer.
L’un des moyens les plus efficaces pour disperser le disque de gaz en moins de 10 millions d’années (voir la page de cours) est le couplage entre (l'accrétion visqueuse du disque) et la photo-évaporation du gaz. Ce dernier mécanisme est la conséquence de l’effet du rayonnement ultra-violet (UV) de l’étoile sur les molécules de gaz, essentiellement et . L’interaction des photons UV va en effet chauffer le gaz, c’est à dire lui donner une plus grande agitation thermique, et si cette vitesse d’agitation thermique dépasse la vitesse Képlerienne locale, alors le gaz est éjecté. Comme est mais que l’énergie transportée par un photon UV ne diminue pas avec la distance à l’étoile, ce sont les molécules des régions extérieures qui seront le plus facilement éjectées lors d’interaction photon-gaz (mais le flux de photon, et donc le taux d’interaction avec le gaz, va, lui, diminuer avec ). On peut ainsi calculer qu’il existe un rayon critique, appelée , au delà duquel l’énergie déposée par photo-évaporation dépasse l’énergie orbitale :
Où est la température du gaz par suite de l’interaction avec un photon, est le poids atomique moyen du gaz, la constante de Boltzman, le ratio des chaleurs spécifiques (5/3 pour un gaz mono-atomique), la constante gravitationnelle et la masse de l’étoile. Dans les faits, à cause de la rotation du gaz, le rayon critique de dispersion est plutôt égal à . Pour un rayonnement UV typique, on a . Pour une étoile de type solaire et un disque de type MMSN , on obtient alors .
Cependant, tant que le disque est très dense, à la distance le flux de matière vers l’intérieur du disque dû à la viscosité est supérieur au flux de matière éjecté par photo-évaporation (cf. IMAGE, CASE 1). Mais à mesure que la masse du disque diminue par accrétion sur l’étoile, va décroître, jusqu’à ce qu’on atteigne le point où . A partir de ce moment, la matière gazeuse au-delà de est éjectée du système avant de pouvoir franchir la frontière pour se mettre « à l’abri ». Une ouverture est alors créée dans le disque, qui se retrouve coupé en deux. La partie interne du disque est protégée de la photo-évaporation, mais est tellement petite (<2UA) qu’elle va très rapidement être accrétée sur l’étoile (alors qu’auparavant le flux de matière spirallant sur l’étoile était compensé par de la matière venant de plus loin dans le disque). La partie externe du disque va elle se disperser progressivement de l’intérieur () vers l’extérieur. Les modèles numériques indiquent que la troncature du disque se fait au niveau de sur une échelle de quelques millions d’années, tandis que la dispersion qui s’en suit est beaucoup plus rapide, quelques 105 ans peut-être.
Difficulté : ☆
La MMSN est une entité théorique qui permet d’avoir une idée de la structure initiale du disque proto-planétaire qui a formé les planètes du système solaire, en faisant l’hypothèse que celles-ci se sont, en gros, formées à leur emplacement actuel (cf. cours).
A partir de la masse et de la composition actuelle des 8 planètes du système solaire, donner une estimation de la distribution radiale de la matière solide (roches+ glaces) dans la MMSN. Pour cela on peut supposer que la masse solide de toutes les planètes était initialement repartie dans un disque continu s’étendant de l’orbite de Mercure à celle de Neptune. L'information que l'on cherche est alors quelle est la densité surfacique ∑de matière (par exemple en kg/m2) dans ce disque en fonction de la distance radiale r au soleil. Il peut ensuite être intéressant de tracer un graphe représentant ∑(r).
Attention: si pour les planètes telluriques la masse solide de ces planètes peut-être considérée comme étant égale à leur masse totale, il n'en va pas de même pour les planètes géantes (qui contiennent également beaucoup de gaz). La masse totale de matière solide (roche+glaces) contenue dans les planètes géantes n'est pas connue avec une grande précision, mais on pourra prendre les fourchettes suivantes:
Jupiter: entre 10 et 45 MTerre de matière solide
Saturne: entre 20 et 30MTerre de matière solide
Uranus: entre 9 et 13 MTerre de matière solide
Jupiter: entre 12 et 16 MTerre de matière solide
Donner la vitesse de libération vlib à la surface d’un planétésimal de taille R et de densité ρ, en supposant, pour simplifier, que celui-ci a une forme sphérique.
Application numérique : donner vlib pour un corps de 1km, pour un corps de 100km, pour la Terre, et pour Jupiter.
Comme nous l’avons vu (cf. lien1 et lien2 ), l’étape intermédiaire dans le scénario de formation planétaire est celle qui fait passer de planétésimaux kilométriques à des « embryons » planétaires de 500-1000km. Lors de cette étape, le processus fondamental est l’attraction gravitationelle mutuelle des planétésimaux lors de leurs rencontres. Dans sa version initiale, le modèle d’accrétion des planétésimaux supposait que ceux-ci croissent de manière « ordonnée », c’est à dire tous ensemble et à la même vitesse. Même si on sait qu’aujourd’hui ce scénario ne correspond pas à la réalité (l’accrétion se faisant par effet « boule de neige » bien plus rapide), il est quand même intéressant d’avoir une idée du rythme de croissance pour cette croissance « ordonnée ».
Pouvez vous ainsi estimer le temps qu’il faut pour former des corps de 1000km à partir d’une population de corps de 1km ? On supposera que :
Difficulté : ☆☆☆
La météorite dite « Allende », tombée en 1969 au Mexique, est probablement la météorite la plus étudiée de toute l’histoire. Elle est le représentant archétypal des chondrites carbonées, qui sont parmi les corps les plus primitifs du système solaire (cf. lien). Elle a de ce fait fortement contribué à faire connaître l’âge de notre système solaire à une très grande précision. La méthode utilisée pour cette datation se base sur la désintégration U-Pb et sur la mesure des abondances relatives des différents isotopes du plomb.
La Figure présente les différentes mesures isotopiques effectuées en différents endroits de la météorite. En vous basant sur ce graphe, essayez d’estimer l’âge « d’Allende » en utilisant les formules présentées au chapitre «Comprendre ». Attention: Les fractions isotopiques reportées sur le graphe ne sont pas forcément celles de la formule présentée dans le cours.
Les phases d’accrétion boule-de-neige puis oligarchique produisent in fine un seul corps dominant (un « embryon ») à chaque distance radiale de l’étoile centrale (cf. cours « Accretion boule de neige », « Oligarchique » et « épuisement des ressources »). Un tel corps grossit en accrétant des petits planétésimaux et débris contenus dans sa « zone d’alimentation », c’est à dire un anneau radial à l’intérieur duquel tout corps aura une orbite croisant celle du corps dominant en raison de la focalisation gravitationnelle vers celui-ci (cf. lien). Pour un corps massif, la largeur de cette zone d’alimentation est environ égale à de chaque côté de l'orbite de la planète, où est le rayon de Hill correspondant à la « sphère d’influence » gravitationnelle du corps.
A) Montrer que la croissance par accrétion sur l’embryon va forcément finir par s’arrêter, car l’élargissement de la zone d’alimentation est plus lent que la croissance de l’embryon.
B) Estimer, pour une MMSN à 1UA du soleil, quelle est approximativement la masse atteinte par un embryon au moment où sa zone d’alimentation est vidée.
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On peut considérer que la masse de chaque planète était initialement uniformément répartie entre la moitié de la distance jusqu'à la planète précédante (plus proche du Soleil) et la moitié de la distance jusqu'à la planète suivante (plus éloignée du Soleil). Dans ce cas, on peut facilement estimer la densité surfacique moyenne de matière dans l'anneau défini par ces 2 limites. Attention: On prendra en compte la ceinture d'astéroides, en considérant que la masse totale de celle-ci (environ 1022kg) se situe à une distance moyenne de 3UA du soleil.
On a ici besoin de seulement 2 informations essentielles: la position et la masse de chaque planète du système solaire. Ces informations peuvent être très facilement trouvées sur Internet. Une fois qu'on a cela, la procédure est simple: on part de la planète la plus proche du soleil, donc Mercure, et on repartit la masse Mmer de cette planète entre 0.5amer et 0.5*(amer + avenus).
Dans ce cas on obtient donc pour Mercure
Ensuite pour Venus, on obtient
Ensuite pour la Terre, on obtient
Ensuite pour Mars (en considérant que la masse de Mars s'étendait jusqu'à mi-chemin de la distance jusqu'à la ceinture d'astéroïdes):
Pour les astéroïdes
Pour Jupiter (en considérant que la masse de matière solide de Jupiter est d'environ 30MTerre)
Pour Saturne (en considérant que la masse de matière solide de Saturne est d'environ 25MTerre):
Pour Uranus (en considérant que la masse de matière solide d'Uranus est d'environ 11MTerre):
Pour Neptune (en considérant que la masse de matière solide de Neptune est d'environ 14MTerre, et en considérant que la matière de Neptune étant étendue jusqu'à 35UA):
...Et on peut constater qu'on est assez loin d'obtenir une belle courbe régulière....
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Pour un corps sphérique, la vitesse de libération à la surface s'exprime sous la forme:
A.N.: La densité de la Terre est de 5.54g/cm3, celle de Jupiter de 1.34 g/cm3, ce qui donne donc, avec leur rayon respectifs de 6400km et de 71000km, vlib(Terre)=11.2km/s et vlib(Jup)=59.5km/s. Pour un corps de 1km, si on suppose une densité typique d'un astéroïde (3g/cm3), on obtient vlib = 1.28m/s. On remarque que, pour un corps de densité astéroïdale, on peut appliquer la relation simplifiée (et très pratique!):
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On peut commencer par estimer, pour un planétésimal de taille r, quel est le nombre d’autres planétésimaux (de même taille r) qu’il va rencontrer par unité de temps. Pour cela, on peut supposer que ce planétésimal avance en ligne droite à la vitesse dans un disque d’épaisseur (où a est la distance au soleil eti est l'inclinaison des orbites de tous les planétésimaux)
Pendant un temps dt, un planétésimal balaye le volume . Il faut maintenant estimer le nombre de planétésimaux contenus en moyenne dans ce volume. Ce nombre est donné par (m étant la masse d'un planétésimal). Le terme en (r + r)2 vient du fait que même des corps dont le centre n'est pas dans le volume balayé par le planétésimal considéré peuvent être impactés par lui en raison de leur taille non-nulle r. En remplaçant vcol par e.vKep, e/i par 2 et m par 4/3ρπr3 on obtient un taux de collision de , où Ωk est la vitesse angulaire orbitale. Comme on suppose que tous les planétésimaux ont toujours la même taille, on a donc, qu'à chaque collision, le planétésimal accrète 1 fois sa propre masse. Donc , ce qui donne, en remplaçant dN/dt par la formule précédente et (1/m)*(dm/dt) par (3/r)*(dr/dt), la formule . On remarque que cette formule très simple ne dépend ni de e, ni de i, ni de la taille des planétésimaux. Et, à 1UA, cela donne un taux de croissance , soit environ 2.5 millions d'années pour former un corps de 1000km.
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Pour retomber sur l'équation du cours, on calculera d'abord, pour au moins 2 points du graphe, les valeurs de et . Si tout se passe bien, on obtiendra alors une valeur pour le rapport . Il n'y a hélas pas de solution analytique à cette équation. Pour trouver la valeur de t, on pourra s'aider d'un solveur numérique, comme par exemple celui-ci. Conseil: pour faciliter l'utilisation du solveur, on peut choisir d'exprimer t en milliards d'années.
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Ceci revient, en pratique, à comparer, pour une masse donnée, la masse totale disponible dans la zone d’alimentation à la masse de l’embryon lui même.