Ce TP vise à l'utilisation du logiciel VOSpec afin d'analyser des raies interstellaires en émission et en absorption. Cette étude permettra d'appliquer les notions de transfert de rayonnement apprises au cours de ce chapitre. Nous analyserons notamment le profil d'une raie en émission afin d'en déduire les causes d'élargissement (voir les pages : Profils de raie pour les atomes et les molécules en l'absence de mouvements d'ensemble et Profils de raie associés aux mouvements d'ensemble d'atomes et de molécules) et nous utiliserons la largeur équivalente d'une raie en absorption optiquement mince afin d'en dériver la densité de colonne de l'espèce observée (voir les pages : L'état thermodynamique du gaz et Raies en absorption).
Il s'agit d'un logiciel développé au Centre Européen d'Astronomie Spatiale (European Space Astronomy Centre ESAC) de Villafranca du Castillo, en Espagne, dans le cadre des activités de l'Observatoire Virtuel liées à la recherche spatiale. VOSpec est un outil de visualisation et d'analyse multi-longueur d'onde de spectres astronomiques. Il permet d'accéder à des spectres observés ainsi qu'à des modèles théoriques et des bases de données de raies atomiques et moléculaires disponibles dans le contexte de l'Observatoire Virtuel. Le logiciel se caractérise par une grande flexibilité : il peut traiter différents intervalles de longueur d'onde et manipuler différentes unités de mesure du flux d'énergie, ce qui est essentiel pour superposer les données spectrales fortement hétérogènes dérivant des différents projets de l'Observatoire Virtuel. VOSpec fournit également des outils d'ajustement des raies spectrales, de correction du décalage vers le rouge, d'opérations d'arithmétique (par exemple addition) sur les spectres et de calcul de la largeur équivalente de raies d'absorption.
Au cours de ce TP nous exploiterons la flexibilité du logiciel VOSpec pour analyser des spectres observés par les satellites ISO et FUSE qui ont été lancés afin de sonder des intervalles de longueur d'onde différents. ISO a été envoyé en 1995 pour des observations dans les domaines infrarouge moyen et lointain, entre 2 et 200 . Les nuages moléculaires représentent une classe privilégiée d'objets détectés avec cet instrument. Nous analyserons notamment un spectre en émission de la nébuleuse d'Orion. FUSE a été lancé en 1999 afin d'obtenir des spectres stellaires dans le domaine de l'ultraviolet lointain (de 90 à 120 nm). La deuxième partie du TP sera consacrée à l'étude des raies d'absorption interstellaires observées dans le spectre de l'étoile HD34078. Nous profiterons notamment des outils qui permettent de visualiser les spectres en utilisant différentes unités de mesure afin d'identifier les spectres et les raies d'intérêt dans les nombreuses données spectrales d'archives disponibles. En étudiant une raie en émission du carbone excité observée par ISO nous exploiterons les outils d'ajustement afin de déterminer l'effet d'élargissement dominant. Enfin, l'outil de calcul de la largeur équivalente nous permettra de dériver la densité de colonne d'une raie excitée en absorption de l'hydrogène moléculaire observée par FUSE.
Recherche du spectre et identification d'une raie : On s'intéresse au spectre montré sur la figure Spectre en émission et observé par le satellite ISO dans la nébuleuse d'Orion. Interroger les bases de données spectrales en indiquant le nom de l'objet (ORION) dans la case Target de la fenêtre de contrôle du logiciel et en validant la requête avec la commande Query. Une nouvelle fenêtre contenant la liste des données disponibles s'affiche. Accéder aux spectres en dépliant le menu Observational Spectra Services et sélectionner les données du satellite ISO (The ISO Data Archive Interoperability System). En confirmant la requête avec Query (dans cette fenêtre de recherche) la liste des spectres ISO disponibles s'affiche dans la partie inférieure de la fenêtre de contrôle. Une fois la liste dépliée, il faut cocher les spectres d'intérêt et les extraire en cliquant sur RETRIEVE en bas à droite de la fenêtre de contrôle.
Le spectre montré sur la figure concerne des observations de la source très lumineuse IRC2 dans Orion, menées en utilisant le spectromètre LWS à bord du satellite ISO. Il faut donc extraire les spectres catalogués avec la légende de type ISO LWS01 Spectrum Target : ORIAIRC2 afin de procéder à l'identification du spectre. La gestion de la visualisation se fait par la fenêtre de Graphic mode où la couleur correspondant à chaque spectre s'affiche sous forme de case et le type de caractères (points, lignes, ...) peut être changé en le saisissant dans la liste à droite de cette case. Par défaut, tous les spectres extraits sont visualisés simultanément et il est nécessaire de décocher les cases correspondantes si on veut exclure certains spectres de l'affichage. Chaque changement au niveau de la visualisation doit être mis à jour en cliquant sur la commande View en bas de la fenêtre de Graphic mode.
Afin d'identifier le spectre d'intérêt entre les spectres extraits (ou isoler une seule raie dans un spectre) on peut utiliser deux fonctionnalités fournies par le logiciel : le convertisseur des unités de mesure et la fonction de zoom. La conversion des unités est obtenue en choisissant les unités désirées pour les axes dans les deux listes Wave Unit et Flux Unit situées à gauche de la fenêtre de contrôle. On peut ainsi choisir d'utiliser des échelles linéaires ou logarithmiques pour les axes. Pour zoomer, il faut sélectionner (en gardant la souris appuyée) la région d'étude sur le spectre affiché dans la fenêtre de contrôle (pour annuler l'opération de zoom choisir dans le menu principal : View ⇒ Unzoom).
Parmi les données spectrales acquises avec le satellite ISO en direction de la source IRC2 dans la nébuleuse d'Orion identifier le spectre montré dans l'image Spectre en émission et en particulier les raies en émission du carbone correspondant aux transitions entre les niveaux d'énergie caractérisés par les nombres quantiques J=15-14 et J=14-13.
Se concentrer sur la raie du carbone J=14-13 et utiliser les outils d'ajustement des raies spectrales pour établir la cause principale d'élargissement de la raie observée.
En utilisant le profil gaussien d'ajustement issu de la question précédente mesurer la largeur de la raie du carbone J=14-13. Négliger le décalage vers le rouge de la fréquence du centre de la raie. En déduire une estimation de la dispersion de vitesse de la source IRC2 dans la nébuleuse d'Orion et comparer le résultat avec les valeurs suggérées dans l'article de la littérature dont la figure est extraite et qui sont supérieures à 100 km.s-1.
Les raies spectrales montrées sur la figure occupent des positions différentes sur la courbe de croissance décrite en détail dans la page Raies en absorption. . Les raies de basse énergie sont lorentziennes et, bien que saturées, leur profil est indépendant de la largeur Doppler . Elles fournissent donc une mesure de la densité de colonne, la largeur naturelle de la raie (
) étant connue. Par contre, les raies issues des niveaux compris entre
, J = 4 et
, J = 9 sont saturées et non lorentziennes, elles se situent donc sur la partie plate de la courbe de croissance. La connaissance de la largeur Doppler est alors un élément indispensable à la détermination des densités de colonne. Pour les niveaux d'énergie supérieure à
, J = 9, il est possible de trouver dans le spectre des raies optiquement minces et d'en déduire la densité de colonne directement à partir des largeurs équivalentes.
On s'intéresse donc à la raie spectrale optiquement mince correspondante à la transition
, J = 10, dont la longueur d'onde à repos vaut
1045.051
et la force de l'oscillateur
1.47x10-2. Noter que le centre de la raie peut être décalé dans le spectre observé à cause du mouvement du nuage interstellaire interposé entre la source HD 34078 et l'observateur. Pour les applications numériques, on rappelle également les valeurs de la charge de l'électron (e=4.0832x10-10 esu), de sa masse (
=9.1094x10-28 g) et de la vitesse de la lumière (c=2.9979x1010 cm.s-1) dans le système CGS.
Parmi les données spectrales du satellite FUSE extraites par VOSpec identifier la raie , J = 10 et choisir le spectre où la raie est plus visible. Vérifier en particulier que la somme de plusieurs spectres caractérisés par des temps de pose différents maximise le rapport signal sur bruit, ce qui rend les raies plus visibles.
Se concentrer sur le spectre simple (sans opération de somme de spectres différents) où la raie est mieux visible. Calculer le décalage Doppler de la raie , J = 10 et appliquer la correction par l'outil de calcul du décalage vers le rouge. Vérifier sur le spectre corrigé que la longueur d'onde du centre de la raie se trouve bien à la valeur au repos donnée dans l'énoncé du TP.
Calculer la largeur équivalente de la raie , J = 10 et en déduire une estimation de la densité de colonne de l'hydrogène moléculaire. Comparer le résultat avec les valeurs suggérées dans l'article de la littérature dont la figure est extraite, tels que 2.5 1013<
< 6 1013.
pages_tp-vospectre/vo-spec-emiss.html
Les spectres extraits à l'aide de VOSpec ont été seulement prétraités. Noter par exemple l'absence de soustraction du continu par rapport à l'image.
En utilisant les outils de conversion des unités de mesure et de zoom en longueur d'onde on s'aperçoit que parmi les données spectrales extraites seulement le spectre affiché en bleu présente des valeurs des flux dans les raies comparables à celles montrées sur l'image de la littérature. Les spectres sont visualisés par défaut par le logiciel en unités de Jy/μm alors que les unités du spectre de la littérature sont des W cm-2 μm-1 et l'intervalle de longueur d'onde est moins étendu (140 μm<λ<195 μm). Une échelle linéaire permet de mieux comparer avec l'image de la littérature. Résultats avant et après modification. En zoomant ultérieurement en longueur d'onde on peut aisément identifier les raies excitées du carbone (transitions J=15-14 et J=14-13). Résultat
Se rappeler que le profil lorentzien associé à la largeur naturelle de la raie et dû aux processus de collision domine les ailes des raies spectrales. Il faudra donc sélectionner un intervalle de longueur d'onde suffisamment étendu autour de la raie afin de visualiser cette contribution à l'élargissement de raie.
En observant les résultats des différents ajustements superposés au profil observé de la raie on voit qu'il est mieux reproduit par une fonction gaussienne. L'élargissement de la raie est donc dominé par l'effet Doppler qui inclut à la fois une contribution due à l'agitation thermique des molécules et à la présence des mouvements aléatoires de turbulence au sein du nuage. Résultats
Afin d'avoir une mesure plus précise noter que la valeur de la longueur d'onde à différentes positions du spectre visualisé s'affiche en dessous de la commande View lorsque on déplace le curseur de la souris sur la fenêtre de visualisation.
Sur le profil gaussien affiché dans la fenêtre de contrôle on mesure une longueur d'onde au centre de la raie (c'est-à-dire une fréquence de s-1) et une largeur à mi hauteur en unités de fréquence
s-1. En utilisant les formules données dans le cours (en négligeant le décalage vers le rouge de la fréquence au centre de la raie
dont
) on en tire un élargissement Doppler
s-1et une dispersion de vitesse
en accord avec les valeurs de l'article de littérature.
pages_tp-vospectre/vo-spec-abs.html
En visualisant les spectres extraits par VOSpec avec une conversion appropriée des unités de mesure de flux et de longueur d'onde et en zoomant sur l'intervalle de longueur d'onde d'intérêt, on reconnaît l'allure du spectre de la littérature (Résultat). En zoomant sur la région autour de la raie recherchée on s'aperçoit qu'elle est plus visible dans le spectre en bleu (Résultat). En utilisant l'outil de sommation des spectres dans le même intervalle de longueur d'onde on obtient effectivement des raies plus proéminentes. L'opération arithmétique est appliquée sur des différents couples de spectres (les opérandes s'affichent en bas de la fenêtre de contrôle). Résultat
En suivant la procédure de correction du décalage décrite en détail en haut de cette page on obtient pour la région autour de la raie d'intérêt le résultat. Pour vérifier la valeur précise de la longueur d'onde du centre de la raie y déplacer le curseur de la souris et comparer le résultat que s'affiche en bas à gauche avec 1045.051
.
Le calcul de la largeur équivalente par l'outil de VOSpec donne W=0.011 (résultat du zoom sur la raie utilisé pour ce calcul). En utilisant les formules données dans le cours et en introduisant les constantes de l'énoncé on obtient (avec W et
exprimés en
) :
. Cette valeur peut être considérée en accord avec les résultat de l'article de la littérature car le calcul de la largeur équivalente est très sensible au choix du niveau du continu pendant la procédure de sélection de la raie.