Gravitation, pression et température

Auteur: B. Mosser

Introduction

Différents éléments physiques sont introduits, qui vont conduire à comprendre dans quelles conditions fonctionne une étoile, et à montrer le rôle crucial de la gravitation.

C'est la masse de l'étoile qui pilote son évolution, mais il n'y a pas incohérence avec le plan total du cours ; on entre dans un domaine où la masse, si elle conditionne l'essentiel, n'explique pas tout. On est bien... dans le chapitre Température.

horseheadnebulaeso.jpg
La nébuleuse de la Tête de Cheval, dans la constellation d'Orion à 1500 AL du Soleil, regroupe les différents ingrédients intervenant lors de la genèse stellaire : région dense de gaz et de poussières, région d'hydrogène ionisé HII, étoiles en cours de formation.
Crédit : ESO

Le gaz parfait


Apprendre

prerequisPrérequis

Éléments de théorie cinétique du gaz parfait.

Gaz parfait application.png

Gaz parfait

Rappel : un gaz est dit parfait si les interactions entre particules se réduisent à des chocs élastiques.

Pour un gaz parfait usuel, non dégénéré (c'est à dire non soumis à des effets quantique) et classique (c'est à dire non relativiste), l'équation d'état s'écrit :

P \ = \ {\rho k _{\mathrm{B}} T \over m}

avec \rho la masse volumique, et m la masse d'une particule élémentaire du gaz.

Un gaz parfait est dit chaud s'il est dominé par l'agitation thermique. Les effets quantiques sont dans ce cas négligeables.

Un gaz parfait est dit froid lorsque les effets thermiques ne jouent plus aucun rôle. Son incompressibilité provient du tassement de la matière : les cortèges électroniques se repoussent en raison de la nature quantique (fermionique) des électrons.

Température

Pour que la température d'un système soit définie, il faut que ce système soit à l'équilibre, et que ses composantes échangent assez d'informations, via des collisions, pour se thermaliser.

Dans un milieu non collisionnel, il y a peu de chances que l'on puisse définir une température qui vaille... mais on ne s'intéresse pas la suite qu'à des milieux à l'équilibre thermodynamique local, où localement la température est bien définie.

Densité particulaire

La densité particulaire est une grandeur couramment utilisée pour mesurer l'abondance de matériau disponible dans un milieu. Elle est comptée en particules (souvent des électrons, ou des atomes ou molécules d'hydrogène) par unité de volume. Par exemple : n = 100 \,\mathrm{m}^{-3}.

Énergie cinétique d'une particule

L'énergie d'une particule vaut 1/2 k _{\mathrm{B}} T par degré de liberté. L'énergie cinétique de translation vaut 3/2 k _{\mathrm{B}} T. Pour une collection de N particules, l'énergie cinétique totale se monte tout simplement à 3/2 N k _{\mathrm{B}} T.

Pression

Selon la théorie cinétique du gaz parfait, la pression, qui dimensionnellement est une densité d'énergie, correspond un flux de quantité de mouvement. En effet, l'énergie cinétique, fonction de la température, peut s'écrire en tenant compte de l'équation d'état du gaz parfait : 1/2\ mv^2 = 3/2\  k_{\mathrm{B}} T= 3/2\ mp / \rho = 3/2\  p/ n. avec m la masse d'une particule et n la densité particulaire. On en déduit : p = 1/3\ nmv^2 = nmv_x^2 = n m v_x v_x avec v_x la composante de la vitesse selon un seul axe (le milieu étant supposé homogène et isotrope : v^2 = v_x^2  +  v_y^2  +  v_z^2  = 3 \ v_x^2 . On retrouve bien le flux de quantité de mouvement n m v_x.


La compression gravitationnelle au centre d'une étoile


Observer

Autogravitation et forme sphérique

Une étoile présente une forme sphérique, pas évidente à voir vu la petitesse du rayon stellaire devant la distance entre elle et le Soleil. Le disque stellaire d'une étoile ne peut être imagé que si cette étoile est une géante du proche voisinage solaire.

Un noyau de comète, tel celui de la comète de Halley, n'est pas assez massif pour être façonné par sa propre gravitation. Sa forme n'est pas sphérique.

Atmosphère de Bételgeuse
betelgeuse.jpg
Atmosphère de l'étoile supergéante rouge Bételgeuse. Cette géante rouge, de diamètre 800 fois celui du Soleil, est suffisamment proche (130 pc) pour que son disque puisse être imagé.
Crédit : HST
Noyau de la comète de Halley
halley.jpg
Noyau de la comète de Halley, vue en 1986 par la sonde européenne Giotto, lors d'un survol à 600 km (mais avec une vitesse relative de 70 km/s. Ce noyau cométaire n'est pas assez massif pour acquérir une forme sphérique.
Crédit : ESA

Apprendre

objectifsObjectifs

Exprimer sous forme d'une pression (la pression centrale) l'autogravitation d'une étoile.

Autogravitation

On qualifie d'autogravitant un objet soumis à sa propre gravitation et façonné par elle. Le Soleil, la Terre sont des objets autogravitants. Toi, lecteur, tu n'es pas un objet auto-gravitant (tout au plus sujet à un peu d'embonpoint).

Rien n'interdit à un objet autogravitant de graviter autour d'un autre astre, comme la Terre autour du Soleil ou la Lune autour de la Terre. Un objet autogravitant est de forme sphérique si sa rotation propre n'est pas trop importante, ou ovoïde aplatie dans le cas contraire.

Analyse dimensionnelle

L'analyse dimensionnelle fournit un ordre de grandeur de la pression interne à supporter au sein d'objet autogravitant et à symétrie sphérique de masse M et rayon R. Elle vaut :

P _{\mathrm{grav}} \ \propto \ {\cal G} {M^{2} \over R^4}

La démonstration est immédiate, {\cal G} {M^{2} / R^2} étant homogène à une force.

Une valeur plus précise nécessite de modéliser l'allure du profil de masse volumique. Si l'on suppose p.ex. que la masse volumique est uniforme, on trouve un facteur de proportionnalité de 3/8\pi; comme vérifié en exercice.

Mais l'hypothèse d'uniformité n'est pas satisfaisante pour un corps de type stellaire, fortement condensé en son centre. On garde l'ordre de grandeur précédent, acceptable comme le montre le tableau suivant, qui compare l'estimation de la pression centrale et la valeur communément admise (précisément mesurée pour le Soleil et la Terre, via l'étude sismique de ces objets).

Compression gravitationnelle
objetM (kg)R (km) P _{\mathrm{grav}} (Pa)Pression réelle (Pa)
Soleil2\ 10^{30}7\ 10^510^{15}2.5\ 10^{16}
Jupiter2\ 10^{27}7\ 10^410^{13}\simeq 10^{13}
Terre6\ 10^{24}6\ 10^310^{12}7\ 10^{11}

Équilibre

Comme cette pression rend compte de l'interaction gravitationnelle, attractive, on l'appellera par la suite compression. Il va falloir lui trouver, au sein d'un astre, une contrepartie répulsive pour assurer l'équilibre d'une étoile.


Simuler

Rotation et aplatissement

La rotation de Saturne est suffisamment rapide pour conduire à un aplatissement sensible.

Le mesurer à l'aide de l'appliquette ci-contre, en déterminant le rapport (r _{\mathrm{eqt}}-r _{\mathrm{pol}}) / r _{\mathrm{eqt}}.

Montrer que l'inclinaison sous laquelle on voit la planète, estimée à partir des anneaux, ne perturbe pas significativement la mesure précédente.

Saturne application.png


S'exercer

exerciceCompression gravitationnelle

Difficulté : ☆☆☆   Temps : 30 min

Le but de l'exercice est d'estimer la constante de proportionnalité de la compression gravitationnelle. Pour dépasser l'approximation d'une masse volumique uniforme, et rendre compte d'une distribution de masse volumique plus piquée vers le centre, tout en gardant des calculs acceptablement légers, on suppose le modèle suivant : \rho(r) = \beta \ r^\alpha.

On s'intéresse à des exposants légèrement négatifs, conduisant à une singularité au centre, qui ne prête pas à conséquence.

Question 1)

Déterminer la relation entre la masse totale M et le rayon extérieur R. En déduire l'expression du coefficient \beta en fonction de ces grandeurs.

[2 points]

Question 2)

En déduire la masse m(r) et le champ gravitationnel en un point de rayon r. Quelle condition sur l'exposant \alpha garantit que le champ ne diverge pas ?

[2 points]

Question 3)

L'équilibre hydrostatique donne le gradient de pression :

{ {\mathrm{d}} P \over {\mathrm{d}} r} = - \rho g

En déduire la pression centrale.

[2 points]

Question 4)

Discuter de la forme du résultat précédent. Que se passe-t-il pour une distribution uniforme ?

[1 points]

exerciceAinsi fond, fond, fond...

Difficulté : ☆☆   Temps : 30 min

Limbe lunaire : la hauteur des plus hauts reliefs reste petite devant le rayon.
limbelunerelief.jpg
Relief sur le limbe lunaire.
Crédit : ASM

Le but de cet exercice est de modéliser la hauteur limite d'une montagne sur une planète de masse M et rayon R, pour en déduire la transition entre un objet sphérique et un autre ressemblant plutôt, comme les noyaux cométaires, à une grosse cacahuète.

On suppose très hardiment la montagne de forme cylindrique, section S et hauteur h, dans le champ gravitationnel uniforme de la planète.

Question 1)

Rappeler l'expression du champ gravitationnel g. Déterminer l'énergie supplémentaire pour rajouter au sommet une masse \Delta m, en fonction de g et h.

[2 points]

Question 2)

En déduire la valeur limite de la hauteur h, pour laquelle la couche rajoutée au sommet va conduire à faire fondre une couche équivalente à la base de la montagne. L'exprimer en fonction de la chaleur latente de fusion des roches L _{\mathrm{f}}. Faire l'application numérique pour la Terre, avec L _{\mathrm{f}} = 250\ \mathrm{kJ} {\,\mathrm{kg}}^{-1}.

[2 points]

Question 3)

Les plus hautes montagnes atteignent 8.8 km sur Terre (l'Everest) et 27 sur Mars (le Mont Olympe). A l'aide des données du calcotron, vérifier si l'estimation précédente est correcte.

[1 points]

Question 4)

En supposant toujours valable le résultat précédent, et en notant \rho la masse volumique uniforme de la planète, en déduire le rayon minimum d'une planète sphérique, défini pour des montagnes de hauteur égale au rayon de la planète. Faire l'application numérique avec une masse volumique crustale (de la croûte terrestre) de 3\ 10^3 {\,\mathrm{kg}} {\,\mathrm{m}}^{-3}.

[2 points]


Pression cinétique, pression de dégénérescence, pression de radiation


Apprendre

prerequisPrérequis

Notion de gaz parfait.

objectifsObjectifs

Une étoile peut exister sous réserve d'être dans un état d'équilibre. La compression d'origine gravitationnelle, qui tend à condenser l'étoile, doit être balancée par une autre source de pression : pression cinétique (ou thermique), pression de dégénérescence (ou quantique), pression de rayonnement.

Pression cinétique

Aussi appelée pression thermique, cette pression est celle du gaz parfait chaud. Dans le cas classique, non relativiste, cette pression s'exprime pour un gaz de masse volumique \rho à la température T, composé de particules de masse m :

P _{\mathrm{K}} = \rho k _{\mathrm{B}} T / m

En fonction de la densité particulaire n, la définition devient :

P _{\mathrm{K}} = n k _{\mathrm{B}} T

Pression de dégénérescence, ou pression de Fermi, ou pression quantique

La pression de dégénérescence est la pression dans un gaz parfait dit froid. Dans un milieu froid ou dense, les termes cinétiques peuvent devenir négligeables et les interactions entre nuages électroniques des atomes présents prépondérantes. La pression est alors dominée par la pression de dégénérescence P _{\mathrm{deg}} des électrons (s'il y a des électrons). Ce terme de pression révèle la nature quantique de la matière : les électrons sont des fermions. Quand ces effets quantiques apparaissent, c'est que la densité de matière devient suffisamment importante pour négliger dans un premier temps l'agitation cinétique.

La pression de dégénérescence s'écrit alors (dans le cas non relativiste) :

P _{\mathrm{deg}} = \alpha _{\mathrm{deg}}\ {\hbar^{2}\over m _{\mathrm{e}} }\ \left({Z\over A} \ {\rho\over m _{\mathrm{p}}} \right)^{5/3}

avec \rho la masse volumique, et Z et A respectivement la charge et le nombre de masse des atomes en présence. La constante \alpha est un nombre : le calcul précis donne \alpha = (3\pi)^{2/3} / 5.

Dans certains cas, tel l'intérieur d'une étoile à neutrons, il peut ne plus y avoir d'électrons pour assurer la pression. On trouve alors des neutrons, qui sont toujours des fermions, et la pression de dégénérescence des neutrons s'écrit :

{ P _{\mathrm{deg}}}{} _{\mathrm{, n}} = 2\ {\hbar^{2}\over m _{\mathrm{n}} }\ \left({\rho\over m _{\mathrm{n}}} \right)^{5/3}

Pression de radiation

La pression de radiation P _{\mathrm{rad}} du gaz de photons à la température T s'exprime par :

P _{\mathrm{rad}} = {4\over 3} \ {\sigma\over c} \ T^4 = {1\over 3}\ aT^4

\sigma est la constante de Stefan-Boltzmann : \sigma = 5,67.10^{-8} {\,\mathrm{W}} {m}^{-2} {\,\mathrm{K}}^{-4}. La grandeur a s'écrit : a={4\sigma / c} = {8\pi^5 k _{\mathrm{B}}^4 / 15c^{3} h^{3}}. En unité SI, a vaut 7.5 \ 10^{-16}. La dépendance de cette pression avec la puissance quatrième de la température est bien sûr reliée au spectre du corps noir.

Quel terme de pression domine en fonction de la température ?

La nature est complexe, si bien que ce qui suit n'est pas toujours vrai, mais en général :

Supporter la gravitation

Dans tous les cas, l'un des 3 termes de pression, ou l'association de 2 d'entre eux, doit permettre d'équilibrer la compression gravitationnelle. Si, on le verra plus loin, la source énergétique essentielle pour l'étoile adulte, dans la séquence principale, est l'énergie nucléaire, c'est la gravitation qui pilote l'évolution stellaire via la masse de l'objet.


Simuler

Ne poussez pas !

Les simulations suivantes donnent, pour une étoile de masse, rayon et température de corps fixés, les valeurs de la température T_ccentrale (en million de Kelvin) et de la masse volumique rho_c centrale (en unité 10^3 {\,\mathrm{kg}} {\,\mathrm{m}}^{-3}). Le but de la simulation est d'estimer le terme de pression dominant au centre de l'étoile, en fonction de sa masse. On mènera les calculs avec des pressions exprimées en unité 1 Gbar (1 milliard de fois la pression atmosphérique, soit 10^{14}\,\mathrm{Pa}).

Estimer tout d'abord la compression gravitationnelle. [ =(M^2/R^4)*8.4 ] pour avoir la bonne unité

Estimer les termes de pression (avec les constantes numériques pour rattraper la bonne unité de pression ci-dessus définie) :

Déterminer l'importance relative des 3 termes de pression. Dans quels cas la pression radiative est-elle négligeable ? Même question pour la pression de dégénérescence.

Montrer que les réservoirs de pression sont suffisants pour contrer la compression gravitationnelle.

application.png


S'exercer

exercicePression de Fermi

Difficulté : ☆☆☆   Temps : 60 min

Cet exercice a pour but d'expliciter l'expression de la pression de Fermi, qui s'exerce lorsque la nature fermionique des composants est mise en évidence. Comme il s'agit de physique complexe, ce sont seulement les ordres de grandeur qui sont importants.

Question 1)

Rappeler la relation d'incertitude de Heisenberg entre la position x d'une particule sur un axe et sa quantité de mouvement p_x.

[1 points]

Question 2)

Relier l'incertitude de position \Delta x à la densité particulaire n.

[1 points]

Question 3)

Montrer que, pour un gaz avec une distribution de vitesse typique, maxwellienne, la distribution de vitesse donne une valeur moyenne et une largeur de distribution du même ordre de grandeur.

[1 points]

Question 4)

On rappelle que la pression est un flux de quantité de mouvement

P = n v_x p_x

De ce qui précède (en admettant aussi que \Delta x \simeq x), montrer que pour un gaz classique la pression de dégénérescence s'écrit :

P _{\mathrm{deg}} \simeq {\hbar^2 \over m} n^{5/3}

[2 points]

Question 5)

Montrer que la pression électronique domine par rapport à la pression des protons.

[1 points]

Question 6)

En déduire l'expression de la pression de dégénérescence donnée dans le cours.

[1 points]


Énergie potentielle d'interaction gravitationnelle


Observer

messier35etngc2158cfht.jpg
Amas Messier 35 et NGC2158. Tous deux sont des amas ouverts, mais l'un, âgé de 100 millions d'années, présente beaucoup d'étoiles jeunes, lorsque, 6 fois plus distant et 10 fois plus âgé, ne peut plus contenir d'étoiles jeunes.
Crédit : CFHT

Système lié

L'observation de groupes stellaires formant apparemment un système lié semble indiquer une origine commune. L'estimation des énergies cinétique et potentielle permet d'estimer l'énergie mécanique totale. Si les termes cinétiques dominent, l'amas est ouvert.


Apprendre

objectifsObjectifs

Mesurer l'énergie que représente l'accrétion d'un corps dense.

Analyse dimensionnelle

On s'intéresse à un corps autogravitant de masse M et rayon R. Quelle énergie peut-on lui associer de par sa gravitation ?

L'analyse dimensionnelle apporte une première réponse à cette question. Avec les caractéristiques de l'objet et la constante gravitationnelle {\cal G} :

\Omega \propto { {\cal G} M^2 \over R}

Pour s'en convaincre, il suffit de revenir à la définition de l'interaction gravitationnelle.

Énergie potentielle d'interaction gravitationnelle

Avec un peu de physique, on peut se convaincre d'un supplément d'information :

\Omega \propto - { {\cal G} M^2 \over R}

L'interaction en jeu étant attractive, nécessairement l'énergie associée à un corps dense est négative : en effet, pour défaire ce corps, il faudrait lui fournir un travail positif, pour éparpiller très loin chacune de ses particules.

L'énergie potentielle d'interaction gravitationnelle d'un objet est d'autant plus négative qu'il est massif et/ou condensé. Le calcul complet de cette énergie potentielle est proposé en exercice.


S'exercer

exerciceCalcul de l'énergie potentielle

Difficulté : ☆☆☆   Temps : 45 min

Cet exercice un peu technique s'adresse surtout aux étudiants en licence ou maîtrise scientifique ; sinon, se contenter de suivre l'approche qualitative.

L'exercice s'attelle à la construction d'un objet stellaire. On part de rien. On y met un chouïa de matière, puis un peu plus, puis encore plus, jusqu'à constituer un corps de rayon R et masse M. Dans cette modélisation, on suppose qu'à tout moment la masse volumique \rho est uniforme.

Question 1)

On imagine être à une étape intermédiaire caractérisée par un rayon r et une masse m(r). Déterminer cette masse, ainsi que son champ gravitationnel.

[2 points]

Question 2)

Déterminer le travail d'un opérateur qui amènerait un surcroît de masse \Delta m depuis l'infini jusqu'à la surface de cet objet. On définit ce travail par une étape élémentaire (déplacement {\mathrm{d}} r'):

\delta W = - g(r') \Delta m \ {\mathrm{d}} r'

[2 points]

Question 3)

Cette masse \Delta m sert à construire l'objet. L'exprimer en fonction de l'accroissement de rayon \Delta r. Pour simplifier, on suppose ces 2 grandeurs petites, et l'on utilise en conséquence la notation différentielle ( {\mathrm{d}} m, \ {\mathrm{d}} r). Exprimer alors m et {\mathrm{d}} m en fonction de la masse totale finale M, des rayons r et R, et l'accroissement {\mathrm{d}} r.

[2 points]

Question 4)

En déduire le travail total pour créer le corps, somme de toutes les contributions.

[2 points]


Accrétion et réchauffement


Observer

IC1396 en infrarouge
ic1396spitzer.jpg
Nuage interstellaire (dans la nébuleuse IC1396), d'apparence bien développée dans le proche infrarouge, hébergeant de nombreuses étoiles en formation. L'aspect filamentaire provient des effets d'érosion du vent stellaire d'une étoile massive (hors champ, sur la gauche du cliché).
Crédit : NASA/Spitzer
IC1396 en lumière visible
ic1396visible.jpg
Même région qu'à la figure précédente, mais en lumière visible et non infrarouge. On y distingue les résidus du nuage interstellaire ayant conduit à une genèse stellaire. En effet, en lumière visible, les régions les plus denses du nuage apparaissent totalement obscures, ou réfléchissant le rayonnement intense des étoiles jeunes nouvellement formées.
Crédit : NASA/Spitzer

Contraste

Le milieu interstellaire montre des régions de matière très froide (typiquement 10 K) et très peu dense (quelques particules \,\mathrm{m}^{-3}), qui contrastent singulièrement avec les étoiles, objets chauds (typiquement 10^4 {\,\mathrm{K}} en surface, et plusieurs millions de degrés à l'intérieur) et dense (densité particulaire de typiquement 10^{27} \,\mathrm{m}^{-3}).

Comble du contraste : les étoiles jeunes se situent au sein de ces régions, ou ce qu'il en reste dès lors que le rayonnement de l'étoile parvient à percer.


Apprendre

objectifsObjectifs

Un modèle simple permet d'expliquer qu'avec un peu de matière et sans énergie, on peut construire un objet dense et chaud.

Montrer que la contraction d'une masse M de gaz conduisant à un corps condensé de rayon R donne une température centrale variant comme M/R, d'autant plus élevée que le corps est massif et dense.

Etat initial

On suppose le nuage initialement très peu dense et très froid. Il ne possède ni énergie cinétique (il est trop froid), ni énergie potentielle d'interaction (la matière est beaucoup trop diluée). On résume la situation par une énergie mécanique totale quasi nulle (plus précisément : ces énergies sont initialement totalement négligeables par rapport aux énergies cinétiques et potentielles à venir) :

E _{\mathrm{i}} = E _{\mathrm{c}} + \Omega = 0 + 0 = 0

Etat final

Dans un état condensé, l'énergie cinétique qui relate l'agitation thermique n'est plus négligeable. Si N atomes d'hydrogène sont concernés, l'énergie cinétique (thermique) vaut, à compter de 3/2 k _{\mathrm{B}} T par nucléon :

E _{\mathrm{c}} = {3\over 2} N k _{\mathrm{B}} T \mathrm{\ avec\ } N = {M\over m _{\mathrm{H}}}

L'énergie potentielle rend compte de la très énergique interaction gravitationnelle des N atomes rassemblés. Cette énergie est négative, car l'interaction gravitationnelle est attractive. On se contente d'un ordre de grandeur, donné par l'analyse dimensionnelle, avec toujours M la masse concernée, et R le rayon final de l'objet condensé.

\Omega \simeq -{ {\cal G} M^2 \over R}

L'énergie totale s'exprime alors :

E _{\mathrm{f}} \simeq {3\over 2} {M\over m _{\mathrm{H}}} k _{\mathrm{B}} T -{ {\cal G} M^2 \over R}

Effondrement et échauffement
accretion.png
Lorsque le nuage se contracte, il se réchauffe.
Crédit : ASM

Bilan

Si l'énergie reste sous forme mécanique, le bilan d'énergie donne, entre les états initial et final :

E _{\mathrm{i}} = E _{\mathrm{f}} = 0

On en déduit l'ordre de grandeur de la température finale du corps formé par accrétion, ici écrite via l'énergie thermique.

k _{\mathrm{B}} T \simeq { {\cal G} M m _{\mathrm{H}} \over R}

Chaque atome d'hydrogène tombé dans le puits de potentiel stellaire a gagné en énergie thermique ce qu'il a perdu en énergie potentielle.

Le tableau qui suit dont l'ordre de grandeur de la température centrale pour différents objets, et compare l'estimation de cette température et la valeur communément admise suite à une modélisation plus poussée.

Température d'accrétion
objetM (kg)R (km) T estimée T réelle (K)
Soleil2\ 10^{30}7\ 10^523\ 10^615\ 10^6
Jupiter2\ 10^{27}7\ 10^4228\ 10^320\ 10^3
Terre6\ 10^{24}6\ 10^37.7\ 10^37.7\ 10^3

On s'aperçoit qu'à partir d'une énergie totale nulle s'est construit un objet condensé, avec donc une énergie d'interaction potentielle gravitationnelle `très négative' (il faudrait dépenser beaucoup d'énergie pour redisperser cet objet), et une énergie cinétique `très positive'.

Remarque : dans ce qui précède, on a négligé toute forme d'énergie autre que mécanique... et cette hypothèse n'est pas tenable. Le corps s'échauffant, il est amené à rayonner. Le théorème du viriel met ceci en musique. Il ne remet pas en cause l'ordre de grandeur établi, mais précise juste les conditions de conservation de l'énergie.

Et la rotation ?

La conservation du moment cinétique et les collisions entre particules conduit à aplatir le système. En effet, par suite des collisions, les composantes de vitesse parallèles au moment cinétique vont peu à peu s'annuler, en gardant une valeur moyenne nulle, quand les vitesses perpendiculaires se thermalisent. Ceci est traité plus en détail à la page consacrée aux disques d'accrétion.


S'exercer

qcmQCM

1)  De manière générale, lorsque l'on comprime un corps, sa température



2)  Un nuage dense se contracte d'un facteur 1000 en volume. Le rapport des températures devient lors de l'évolution :




3)  Lors de la formation, un nuage de 1 pc a donné un corps condensé de 0.1 UA de diamètre. Estimer l'ordre de grandeur de l'évolution de sa température interne. Elle a évolué d'un facteur




Théorème du viriel


Observer

protoplaorionhst.jpg
Disque protoplanétaire dans la constellation d'Orion. Au centre du nuage, l'élévation de température conduit à un objet brillant qui commence à rayonner.
Crédit : HST

Fiat lux

La contraction du nuage l'échauffe en son centre, et donc la proto-étoile se met à rayonner. De l'énergie, initialement sous forme uniquement mécanique, a été convertie en énergie lumineuse.


Apprendre

objectifsObjectifs

Par rapport au modèle d'effondrement purement mécanique, il faut tenir compte du rayonnement de la proto-étoile qui s'effondre et s'échauffe. Le théorème du viriel montre que la moitié seulement de l'énergie gagnée par l'effondrement est convertie en énergie thermique, l'autre moitié est directement rayonnée par l'objet condensé qui se réchauffe.

Conservation de l'énergie

Le modèle étudié précédemment suppose, à juste titre, la conservation de l'énergie, mais à tort que toute cette énergie est sous forme mécanique. Le milieu qui se densifie s'échauffe, et rayonne de l'énergie.

Energie rayonnée

Le théorème du viriel, ici accepté, énonce que l'énergie interne thermique ne représente que la moitié de l'énergie interne gravitationnelle : un bilan énergétique de l'évolution vers un état à l'équilibre hydrostatique implique que la moitié de l'énergie interne est évacuée par radiation.

Lors de la formation d'une étoile, il y a échauffement et obligatoirement perte d'énergie par radiation, à parts égales : E _{\mathrm{K}} = E _{\mathrm{rad}}.

Conséquence du théorème du viriel

On peut donc réécrire la loi de conservation de l'énergie :

E = \Omega + E _{\mathrm{K}} + E _{\mathrm{rad}} = 0

Avec l'égalité entre les énergies rayonnée et cinétique :

E = \Omega + 2 E _{\mathrm{K}} = \Omega + 2 E _{\mathrm{rad}} = 0

Ceci conduit à une estimation de la température interne de moitié moindre à celle obtenue en omettant l'énergie rayonnée.

Puissance rayonnée

La luminosité de l'étoile est reliée au taux de variation de l'énergie rayonnée :

L \ \stackrel{\mathrm{d\acute ef}}{=}\ { {\mathrm{d}} E _{\mathrm{rad}} \over {\mathrm{d}} t} = -{1\over 2} { {\mathrm{d}} \Omega \over {\mathrm{d}} t}

Il s'ensuite que :

Remarques

De manière plus générale, à tout champ de force correspond une forme particulière du viriel. Pour un champ linéaire (de type ressort), énergies potentielle et cinétique moyennes sont égales. Pour un champ newtonien, elles sont respectivement dans un rapport -2.


S'exercer

exerciceDémonstration du théorème du viriel, dans un cas simplement modélisé

Difficulté : ☆☆☆   Temps : 1 h

Cet exercice a pour but d'établir le théorème du viriel, dans un cas simple. On suppose qu'à tout instant, l'astre, sous forme déjà condensée de rayon R, obéit à l'équation d'état du gaz parfait classique. On suppose également qu'il possède la symétrie sphérique. La pression est à l'équilibre hydrostatique.

Question 1)

Dans le cadre du modèle, avec les notations du cours, on écrit l'énergie cinétique comme une intégrale : E _{\mathrm{K}} = \int_0^R n \cdot {3/ 2} k _{\mathrm{B}} T \cdot 4\pi r^{2} {\mathrm{d}} r. Réécrire cette intégrale en fonction de la pression.

[1 points]

Question 2)

L'équilibre hydrostatique énonce que le gradient de la pression évolue comme :

{ {\mathrm{d}} P\over {\mathrm{d}} r} = -\rho\ { {\cal G} m(r)\over r^{2}}

Montrer, à l'aide de cette égalité, que l'énergie gravitationnelle \Omega peut s'écrire sous la forme d'une intégrale du gradient de la pression.

[3 points]

Question 3)

Estimer le lien entre {\mathrm{d}} P/ {\mathrm{d}} r et P en procédant à l'intégration par parties du terme :

\int_0^R { {\mathrm{d}} P\over {\mathrm{d}} r} \ 4\pi r^{3} {\mathrm{d}} r

[2 points]

Question 4)

En déduire l'égalité vérifiée entre \Omega et E _{\mathrm{c}}.

[2 points]


S'évaluer

exerciceEnergie d'accrétion

Difficulté : ☆☆   Temps : 20 min

Le but de cet exercice est d'estimer le rayonnement d'une planète géante encore en train de se contracter. On supposera, dans le cas d'un objet de masse volumique uniforme. L'énergie potentielle est :

\Omega = -{3\over 5}{ {\cal G} M^2\over R}

Question 1)

Relier la luminosité de l'objet à sa vitesse de contraction.

[2 points]

Question 2)

Quelle puissance rayonne une planète comme Jupiter qui se contracterait de 1 mm/an ? On donne : M= 2\ 10^{27} {\,\mathrm{kg}} et R= 7 \ 10^{4} {\,\mathrm{km}}. Comparer le résultat à la puissance lumineuse reçue du Soleil par Jupiter, de l'ordre de 6 \ 10^{17} {\,\mathrm{W}}.

[1 points]


Réponses aux QCM

pages_accretion-echauffement/accretion-echauffement-sexercer.html

QCM


Réponses aux exercices

pages_physique-evolution/pression-centrale-sexercer.html

Exercice 'Compression gravitationnelle'


pages_physique-evolution/pression-centrale-sexercer.html

Exercice 'Ainsi fond, fond, fond...'


pages_physique-evolution/pressions-sexercer.html

Exercice 'Pression de Fermi'


pages_physique-evolution/energie-potentielle-gravitationnelle-sexercer.html

Exercice 'Calcul de l'énergie potentielle'


pages_physique-evolution/theoreme-viriel-sexercer.html

Exercice 'Démonstration du théorème du viriel, dans un cas simplement modélisé'


pages_physique-evolution/theoreme-viriel-sevaluer.html

Exercice 'Energie d'accrétion'