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La gravité comme force apparente |
Dans la mécanique newtonienne, la vitesse est relative – elle dépend du référentiel, – mais l’accélération (la variation de vitesse) est absolue. Ce concept est illustré par l'exemple d'un voyageur sur un train. Nous considérerons deux cas. Dans le premier, le train roule à une vitesse constante. Dans le deuxième, il accélère (ou décélère) brusquement.
Quand le train voyage à une vitesse constante, s'il n'y a pas de roulis, le mouvement du train est imperceptible. Le passager prend son petit déjeuner confortablement assis dans son siège, comme s'il était chez lui (Fig. 1a). Seulement en voyant les arbres à côté du chemin de fer venir vers lui, le passager s'aperçoit que le train est mouvement. Dans un tunnel, avec tous les rideaux fermés, il pourrait bien se demander, à un certain moment, si le train roule ou s'il est à l'arrêt. Il est impossible pour le passager de déterminer la vitesse du train sans regarder hors des fenêtres. La vitesse du train n'est définie que par rapport à quelque chose d'externe au train.
En revanche, si le train ralentit brusquement (ce qui correspond à une accélération négative), le passager s'en aperçoit tout de suite, parce qu'il voit son café et son jus d'orange partir en avant (Fig. 1b). Les dégâts que le café et le jus d'orange produisent s'ils se renversent sur le costume ou l'ordinateur du passager constituent des faits objectifs. La décélération brutale du train est une réalité absolue. Elle ne dépend pas du référentiel utilisé pour décrire le mouvement.
La réalité indéniable que les verres avec le café et le jus d'orange se sont renversés n'explique pas quelle force a provoqué cet accident. Chercher cette force est, pourtant, inutile, parce qu'elle n'existe pas. Tout simplement, les verres voyageaient avec la même vitesse que le train. Quand le train a ralenti, ils ont continué à avancer à la même vitesse. Si un verre avance plus vite que la tablette sur laquelle il a été posé, c'est logique qu'il puisse se renverser. Ce qui pourrait paraître comme une force est donc la tendance du mouvement acquis à se conserver en l’absence de forces contraires. Cette tendance est dite inertie.
On peut, bien sûr, décrire les effets de l'inertie come les conséquences d'une force si, selon la logique des apparences, on cherche à décrire les phénomènes comme ils se présentent à la personne qui les observe (phenomena est le mot grec pour apparences). On dit, alors, que l'inertie se manifeste comme une force apparente dans le référentiel de l'observateur.
Derrière cette force apparente, il y a une force une force réelle : c'est la force de freinage, qui cause la décélération du train. L'observateur a l'impression qu'une force agit sur les verres, alors qu'en réalité la force agit sur lui et sur le wagon dans lequel il se trouve.
L’accélération gravitationnelle présente une particularité. Le principe fondamental de la dynamique nous dit que l’action d’une force F sur un corps de masse m produit une accélération . Dans le cas de l'électricité, la force F avec laquelle deux charges s'attirent ne dépend de leurs masses (les masses apparaissent nulle part dans la loi de Coulomb). Donc, l’accélération a sera plus grande pour un corps moins massif et plus petite pour un corps plus massif.
Dans le cas de la gravitation, la force F avec laquelle deux masses M et m s'attirent est , où r est la distance entre les deux masses et G est la constante de gravitation universelle. Donc, l'accélération de la masse m due à l'attraction gravitationnelle de la masse M, , ne dépend pas de m. L'accélération gravitationnelle est la même pour un pomme de 200 g et une balle de canon de 5 kg. Si on laisse chuter un pomme de 200 g et une balle de canon de 5 kg de la même hauteur, elles arriveront au sol en même temps, si on néglige la résistance de l'air.
Par conséquent, un observateur en chute libre (un observateur qui se jette par la fenêtre en même temps qu'il jette la pomme) ne devrait mesurer aucune accélération, parce que le corps (la pomme) dont il essaie de mesurer l'accélération chute toujours à la même vitesse que lui. On appelle ceci le principe d’équivalence.
Cette conclusion pourrait paraître paradoxale. Imaginons que je suis dans un ascenseur. La raison on la comprendra plus tard. J’ai une pomme dans ma main, je la lâche, je vois bien qu’elle chute par terre (Fig 2a). Pourtant, dans ce cas-ci, le principe d’équivalence est mal appliqué parce que la pomme est en chute libre (si on néglige la résistance de l’air), alors que l’observateur a les pieds au sol. La résistance du sol agit sur lui et l'empêche de s’y enfoncer. Imaginez de refaire l’expérience dans un ascenseur au dernier étage et que le câble qui retient l’ascenseur se coupe juste avant que vous ne lâchiez la pomme (Fig. 2b). Alors, vous ne verrez pas la pomme chuter, parce que vous chuterez à la même vitesse qu’elle. Votre expérience (avant que vous vous écrasiez au sol quand l’ascenseur arrive au rez-de-chaussée) sera égale à celle que vous auriez faite si l’ascenseur avait été transporté dans l’espace et que vous étiez dans une situation d’apesanteur, c'est-à-dire d'absence de gravité.
Newton avait compris l’existence du principe d’équivalence, mais il n’avait pas su l’expliquer. Einstein réfléchit à l’expérience de l’ascenseur et il nota l'analogie avec le passager sur le train. Dans le train, la force apparente est absente quand le wagon roule par inertie, elle se manifeste quand une force réelle en modifie le mouvement. Dans l'ascenseur, la force de gravité est indétectable quand il est en chute libre, elle se manifeste quand une force agit sur l'ascenseur (la tension des cables qui retient la cabine).
Einstein en conclut que la gravité est une force apparente, qui se manifeste quand on utilise un référentiel qui n'est pas en chute libre et l'on se met du point de vue d'un observateur sujet à d'autres forces d'origine non-gravitationnelle