Nous ne pouvons étudier le milieu interstellaire que par le moyen de l'analyse de son rayonnement, sous forme d'émission continue et de raies spectrales. Les caractéristiques de cette émission dépendent des conditions physiques (densité, température, composition chimique) du gaz et des poussières, qui sont très variées. Certaines composantes du MIS sont bien visibles dans des régions particulières du spectre mais ne sont pas relevées dans d' autres. Il nous faut donc combiner des observations dans un vaste intervalle d'énergies pour avoir accès aux différentes phases du milieu, ainsi qu'aux différents diagnostics radiatifs des conditions qui y règnent.
L'image La Voie Lactée à diverses longueurs d'onde montre une image complète du plan de la Galaxie (± 10 degrés de part et d'autre) à des fréquences croissantes de haut en bas, s'étendant sur un intervalle de fréquence de 14 ordres de grandeur. Chaque planche correspond à un différent mécanisme d'émission, qui apporte donc des informations différentes: de haut en bas:
Dans ce qui suit, nous allons décrire plus en détail les principales méthodes d'observation de chaque phase du MIS, et leurs principaux résultats.
Le noyau de l'atome d'hydrogène est constitué d'un seul proton autour duquel ne tourne qu'un seul électron sur des orbites bien définies appelées niveaux d'énergie. L'énergie de l'électron sur une orbite donnée dépend du nombre quantique principal (il prend des valeurs entières) du niveau selon la relation:
, où
est la masse réduite du système électron-proton. Le niveau fondamental d'énergie minimale,
, est situé à une énergie de -13.6 eV sous la limite d'ionisation
. Lorsque
augmente, l'énergie du niveau est de moins en moins négative : elle augmente. Le niveau
est ainsi situé à -3.4 eV sous la limite d'ionisation
, c'est-à-dire à +10.2 eV au dessus du fondamental. Afin de minimiser l'énergie du système, les électrons sur des orbites excitées vont se désexciter radiativement spontanément vers des niveaux de valeur de
plus faible. Les cascades radiatives des niveaux supérieurs vers le niveau
produisent un ensemble de raies spectrales dans l'ultraviolet dénommé Série de Lyman, celles vers le niveau
créent des raies dans le visible correspondant à la Série de Balmer. Enfin, les cascades vers les niveaus
, 4 et 5 donnent les Séries de Paschen, Bracket et Pfund dans l'infrarouge (voir Figure ci-dessous). Ces cascades se produisent lorsqu'un proton et un électron se recombinent pour reformer un atome neutre, car la recombinaison se fait en général sur un état excité. Ces raies dites "de recombinaison" sont donc une signature de régions où l'hydrogène subit une certaine ionisation (par rayonnement ou par collisions).
Dans le cas non relativiste, un état de nombre quantique est constitué de
sous-niveaux d'énergie identique. Chaque sous-niveau est caractérisé par un nombre quantique
, qui correspond dans le cas classique à l'amplitude du moment orbital angulaire de l'électron, et par un nombre quantique
qui équivaut à la projection du moment angulaire orbital sur l'axe de rotation.
ne peut prendre que les valeurs entières entre 0 et
, et
celles entre
et
(on dit que le moment orbital est quantifié). L'électron possède aussi un moment cinétique intrinsèque qui n'a pas d'équivalent classique, le spin, lui aussi quantifié comme le moment angulaire orbital. L'interaction dite de structure fine entre le moment orbital
de l'électron et son spin induit la levée de dégénérescence des
niveaux qui prennent alors des énergies faiblement différentes. Cette décomposition disparaît quand
. Le proton possède également un moment cinétique de spin qui se combine avec le spin de l'électron en produisant une sous-structure encore plus fine des niveaux, dite hyperfine. En équivalent classique, l'énergie de l'atome dépend de si le spin de l'électron et du proton sont parallèles (configuration ortho) ou antiparallèles (configuration para).
Dans le MIS froid, seul le niveau fondamental de l'hydrogène est peuplé, où
. Il n'y a donc pas de raie de structure fine, seulement une raie de structure hyperfine : la raie à 21 cm dont nous parlons plus en détail ci-dessous.
La raie à 21 cm de longueur d'onde (1.4 GHz de fréquence radio) correspond à la très faible différence d'énergie (5.9x10-5 eV = 0.07 K) entre les deux sous-niveaux hyperfins du niveau fondamental de l'hydrogène atomique, où se trouve la plupart de l'hydrogène dans le MIS atomique froid. La transition se produit lorsque l'électron renverse son spin : le sous-niveau supérieur correspond à la configuration où le spin de l'électron est parallèle à celui du noyau (spin total S =1), et le sous-niveau inférieur à celle où le spin est antiparallèle (S=0). Le taux de désexcitation radiative spontanée (voir la page Coefficients d'Einstein) est très faible : la durée de vie du sous-niveau supérieur est de 107 ans. Aussi, dès que la densité excède 1 cm-3, les collisions maintiennent la population du niveau supérieur à son niveau d'équilibre thermodynamique local
. Chaque dépeuplement par émission spontanée produit un photon à 21 cm. L'intensité du signal radio observé est proportionnelle à la densité de colonne du gaz (nombre d'atomes par unité de surface le long de la ligne de visée). L'étude de l'émission de la raie à 21 cm et des variations spatiales de son intensité a donc permis la détermination de la masse et de la distribution du gaz atomique froid dans notre Galaxie et des galaxies extérieures. La raie à 21 cm peut être observée également en absorption lorsque un nuage d'hydrogène froid est situé sur la même ligne de visée qu'une source puissante de rayonnement radio continu (un pulsar ou une galaxie radio). Une combinaison de mesures en émission et absorption permet de déterminer à la fois la température et la densité de colonne du gaz atomique (voir les détails dans la page Application : la raie à 21 cm de l'hydrogène neutre).
Contrairement à l'atome d'hydrogène, la plupart des atomes et des ions importants dans le milieu interstellaire ont un moment orbital total L non nul dans leur configuration electronique fondamentale (la seule qui soit peuplée en pratique). Ce niveau est donc décomposé par l'interaction de structure fine entre le moment orbital total de tous les électrons de l'atome et leur spin total
. Le moment angulaire total du système atomique est la somme vectorielle de ces deux moments cinétiques :
et les transitions dipolaires électriques sont soumises aux règles de sélection :
. Les transitions entre les sous-niveaux de structure fine sont dites "interdites" car elles transgressent ces règles de sélection. Elles ont en conséquence un coefficient d'Einstein faible, mais non nul car la transition dipolaire magnétique reste autorisée. Le niveau supérieur est souvent proche du fondamental, ce qui leur donne une grande importance pour la physique du milieu interstellaire : La raie de [CII]λ157.7μm, dont le niveau supérieur n'est qu'à 91,2 K, est très facilement excitée dans le milieu neutre froid et elle en est le principal facteur de refroidissement. En effet, dans cette phase diffuse, le carbone est essentiellement sous forme de C+ à cause du flux UV interstellaire. La raie de [OI]λ63μm, dont le niveau supérieur est à 228 K, participe également au refroidissement à température plus élevée. Ces raies appartiennent à l'infrarouge lointain et ont été observées par de nombreux satellites comme COBE, ISO, SWAS) et récemment Herschel, avec une résolution angulaire atteignant 10 secondes d'arc.
De nombreuses raies d'absorption interstellaires ont été observées dans les spectres des étoiles. Dans le visible et le proche ultraviolet on observe les raies d'atomes (Na, Ca, K), d'ions (Ca+) et de molécules (CN, CH+, OH...). Grâce à des satellites comme COPERNICUS, Hubble, et FUSE on a pu observer dans l'ultraviolet lointain un grand nombre de raies atomiques (notamment les raies de la série Lyman de l'hydrogène), ioniques et moléculaires (par exemple H2, qui sera discuté plus bas). L'ensemble de ces raies donne des informations très riches sur les conditions physiques et la composition chimique dans le milieu interstellaire atomique. En particulier il est possible de déduire la colonne de densité de l'élément observé (voir la page Raies en absorption) et ainsi son abondance en phase gazeuse relativement à l'hydrogène.
Aujourd'hui on a identifié plus de 200 molécules différentes dans le milieu interstellaire. Les molécules sont fragiles et peuvent être dissociées par le rayonnement visible et ultraviolet. Elles sont donc principalement localisées dans des nuages moléculaires denses où elles sont protégés du flux de photons de haute énergie par la poussière et l'hydrogène moléculaire diffus situé aux bords des nuages. Leurs raies spectrales fournissent donc des informations précieuses sur les régions les plus denses du milieu interstellaire.
Tandis que les transitions dans les atomes proviennent uniquement des changements d’orbite des électrons, les molécules émettent selon trois type de transitions : électroniques, vibrationnelles et rotationnelles, qui tracent des gammes d'énergie décroissantes.
Les transitions électroniques des molécules sont l'équivalent des transitions atomiques. Pour H2, la molécule interstellaire la plus importante, ces transitions sont à des longueurs d'onde λ < 115 nm. Les autres molécules détectées par leurs transitions électroniques sont CO et OH dans l'ultraviolet lointain, CH, CH+ et CN dans l'ultraviolet proche et le bleu, et C2 et CN dans le proche infrarouge à 800-900 nm. Cependant, les niveaux électroniques des molécules sont situés à des énergies trop élevées pour être peuplés par collisions thermiques car cela nécessiterait des températures où le gaz ne serait plus moléculaire. Ils peuvent par contre être peuplés par l’absorption d’un photon ultraviolet, ou par l’impact d’un électron énergétique issu de l’ionisation du gaz par des rayons X ou des rayons cosmiques. La molécule ainsi excitée cascade vers les niveaux inférieurs en émettant des photons dans ses transitions électroniques : c’est le phénomène de fluorescence. Celui-ci n’a lieu qu’à proximité d’une source intense d’UV ou d’ionisation (par ex. étoiles jeunes, Noyau actif de galaxie...). Dans les conditions interstellaires typiques, les transitions électroniques des molécules sont seulement observables en absorption à partir du niveau électronique fondamental, en direction d'étoiles ou de sources extragalactiques. En particulier, les observations dans l'UV lointain menées avec les satellites COPERNICUS et FUSE ont fourni le rapport d'abondance H2/H sur de nombreuses lignes de visée du milieu moléculaire diffus (où l'extinction par les poussières n'est pas trop élevée), par l'observation de raies d'absorption électroniques de H2 et de H (raie Lyman α).
Selon leur géométrie, les molécules possèdent un certain nombre de modes de vibration possibles qui sont quantifiés et associés à des niveaux d'énergie approximativement équidistants, de séparation typique ~ 3000 K. Les transitions entre ces niveaux, dites vibrationnelles, sont caractérisées par des longueurs d'onde typiques de l'infrarouge proche. Ces transitions sont vues soit en absorption devant une source intense de continuum infrarouge, soit en émission si la température du milieu est suffisamment élevée, par exemple dans les chocs, ou les régions de photodissociation (PDRs) exposées à un fort flux UV. Les transitions vibrationnelles de H2, ainsi que celles de CO et H2O, sont observées à la fois du sol et de l'espace (par ex. par le satellite Spitzer). Chaque transition vibrationnelle est composée d’une série de raies distinctes de longueurs d’onde très proches, provenant des différents sous-niveaux de rotation (voir ci-dessous). Les meilleurs spectromètres infrarouges au sol sont capables de résoudre ces sous-composantes individuelles dites ''ro-vibrationnelles" pour en déduire la température du gaz via la loi de Boltzman.
Les transitions rotationnelles correspondent à la quantification des modes de rotation des molécules. Pour H2 ces raies sont dans l’infrarouge moyen (λ ≤ 28 μm) et issues de niveaux > 500 K, qui ne sont excités en émission que dans des zones localement chauffées (chocs ou PDRs). Les molécules plus lourdes, par contre, ont des niveaux rotationnels faiblement espacés (10-100 K) bien adaptés pour sonder les nuages moléculaires froids et denses. Leurs raies rotationnelles sont caractérisées par des longueurs d'onde submillimétriques, millimétriques ou centimétriques. Les avantages d'observer dans ce domaine radio sont (1) l'absence d'extinction par les poussières à ces longueurs d'onde, (2) la très haute résolution spectrale (<1 km/s) obtenue par les techniques de détection hétérodynes, qui permet de mesurer l’élargissement thermique et/ou turbulent de la raie et les gradients de vitesse entre différentes parties du nuage. La molécule la plus intense est CO : c’est la plus abondante après H2 et elle possède un premier niveau rotationnel à 5 K, facilement excité collisionnellement dans le gaz froid dès que la densité dépasse quelques 100 cm-3. La raie correspondante à 2.6 mm est utilisée pour cartographier à grande échelle les nuages moléculaires. L'application la plus importante de ces observations est l'estimation de la structure, de la masse et de la cinématique des nuages moléculaires. D’autres molécules souvent utilisées comme traceurs plus spécifiques de température et/ou de régions denses sont NH3, CS, N2H+. Enfin, l'étude des raies rotationnelles moléculaires en absorption en direction de sources radio extragalactiques (quasars) a permis de sonder en détail la chimie de la composante moléculaire diffuse, notamment les hydrides dans le submillimétrique avec le satellite Herschel et l'avion stratosphérique SOFIA.
L'étude de la distribution de la raie J=1-0 de CO à 2.6 mm montre que la plupart du gaz moléculaire dans la Galaxie est localisé dans des nuages moléculaires géants de taille typique 40 pc, masse d'environ 4x105, densité ≥ 200 cm-3 et température 10-30 K. L'abondance de CO y est d'environ 10-4 celle de H2. Ces nuages sont des objets auto-gravitants, plutôt qu'à l'équilibre de pression avec les autres phases du milieu interstellaire. Leur pression turbulente (mesurée par l'élargissement Doppler des raies CO) et magnétique (mesurée comme expliqué dans la Section "Energie magnétique") est globalement suffisante pour contrebalancer la gravité, ce qui les maintient globalement stables sur des échelles de l'ordre de 106-107 ans. Les observations des transitions rotationnelles de nombreuses molécules ont permis de mener une étude détaillée de leurs propriétés physiques et chimiques. En particulier cela a montré qu'ils sont fortement structurés à toutes les échelles, dans une structure hierarchique de type "fractale". Ils contiennent des condensations sombres de taille environ 1 pc, densité 103 cm-3 et masse d'environ 103
, des filaments, ainsi que des coeurs denses de taille ~ 0.1 pc, densité > 104 cm-3, et masse ~ 0.1-10
qui approchent de l'instabilité gravitationnelle (leur turbulence est subsonique) et sont le site de formation des étoiles. La structure spatiale filamentaire et la cinématique complexe de ces nuages sont illustrées ci-dessous dans le cas du nuage du Taureau.
Gaz moléculaire translucent : les observations en absorption dans l'UV menées avec les satellites COPERNICUS, Hubble et FUSE montrent que la proportion d'hydrogène sous forme de H2, moyennée sur la ligne de visée, augmente brutalement pour atteindre 10%-60% lorsque la densité de colonne totale dépasse ~ 3x1020 atomes cm-2 (Av ~ 0.2 mag). Ce gaz moléculaire diffus a une densité d'environ 100 cm-3 et une température d'environ 80 K, similaire à celle du HI froid. Une deuxième composante de H2 plus chaud à environ 200-300 K est également présente, ainsi que du CO en faible abondance (quelques 10-6). Pourtant, l'étude des raies radio rotationnelles en absorption a révélé une chimie étonnamment riche avec près de 30 espèces détectées. Leur survie dans le champ UV ambiant, et la formation fortement endothermique de certaines d'entre elles (ex. CH+), posent question. Le modèle actuellement favorisé est que ces molécules se reformeraient en permanence dans des vortex turbulents ou des chocs magnétisés qui chauffent le gaz par friction ion-neutre et y accélèrent la chimie.
Le milieu ionisé dans la Galaxie comprend une composante tiède à environ 10 000 K (WIM) et une composante beaucoup plus chaude autour de 106 K (HIM). Nous résumons séparément pour chacune leurs principales méthodes d'observation et les caractéristiques qui en sont déduites.
Ce milieu est réparti en une composante organisée en structures bien définies, les régions HII ou nébuleuses gazeuses, et une composante plus diffuse. Les régions HII peuvent être décrites schématiquement comme des sphères ionisées (sphères de Strömgren) entourant une ou plusieurs étoiles chaudes de type O ou B qui sont responsables des photons UV ionisants > 13.6 eV (voir la page Réservoirs d'énergie : champ de rayonnement). Le gaz y possède de nombreux mécanismes d'émission de l'ultraviolet jusqu'au domaine radio. Les principales méthodes utilisées pour le cartographier et obtenir ses conditions physiques sont les suivantes :
Résultats des observations : l'étude de ces différents diagnostics a permis la détermination de la température et de la densité des électrons ainsi que des abondances de nombreuses espèces dans les régions photo-ionisées. Dans l'histogramme de la page Composition du MIS les abondances solaires sont comparées aux abondances de la nébuleuse gazeuse d'Orion, la région HII la plus proche de nous. On trouve que les régions HII ont des tailles typiques de 0.1-3 parsecs, une température d'environ T=104 K, une densité d'environ 1-104 cm-3 et qu'elles émettent la plupart de la luminosité totale du gaz ionisé tiède. Le milieu ionisé diffus est moins dense et chaud (n≈0.5 cm-3, T≈8000 K) mais contient la presque totalité de la masse du gaz ionisé (109 ). On pense que cette composante diffuse provient des fuites de gaz ionisé hors des régions HII par effet "champagne" (surpression) et de l'ionisation du milieu atomique diffus par des étoiles OB isolées. Au dessus du plan Galactique, la dissipation de la turbulence du plasma pourrait contribuer à son chauffage.
La composante de gaz ionisé très chaud dans le MIS, de température 105 K à 107 K, est principalement détectée par l'émission diffuse de rayons X mous (énergie inférieure à 1 keV) due à son rayonnement libre-libre, par les raies d'absorption dans l'ultraviolet d'atomes très ionisés (OVI, NV, CIV), et par des raies en émission de OVII, OVIII dans le domaine X. Ce gaz très ténu et chaud provient des restes de supernovae (voir le cours Astronomie et Mécanique Céleste). Comme il se refroidit lentement du fait de sa faible densité, il se répand dans le milieu interstellaire et remplit un large volume du disque et du halo galactique, où sa pression contribue à confiner les nuages HI à grande vitesse.
L'objectif de ce TP est d'exploiter l'atlas interactif Aladin afin de se familiariser avec la visualisation, la manipulation et l'exploration d'images et de catalogues astronomiques. Le traitement et l'analyse des images permettra de mesurer la taille des structures dans un nuage de gaz et de poussière. De plus, la comparaison d'images obtenues à différentes longueurs d'onde permettra de distinguer les différentes zones émettrices, et ainsi de mieux comprendre la structuration en phases du milieu interstellaire.
Aladin est un logiciel développé au Centre de Données astronomiques de Strasbourg (CDS) dans le cadre de l'Observatoire Virtuel (OV). Il permet de visualiser des images digitalisées du ciel et d'y superposer de façon interactive des informations issues de catalogues ou de bases de données astronomiques. Aladin offre une série d'outils pour interroger les différentes bases de données et manipuler les images et les catalogues. Au cours de ce TP nous exploiterons une partie de ces outils afin d'apprendre à chercher, choisir et extraire des images d'un objet astronomique dans les différentes bandes du spectre électromagnétique ; et à obtenir des informations complémentaires sur l'objet (par exemple distance, position et origine des cibles) en utilisant les catalogues disponibles. Nous effectuerons les opérations suivantes :
L'objet d'étude de ce TP est la nébuleuse de l'Aigle (M16), une région de formation d'étoiles massives située à l'intérieur du bras galactique du Sagittaire. Un grand nuage de gaz et de poussière interstellaire, d'extension environ 50 années-lumière, est illuminé et ionisé par les nombreuses étoiles massives (type OB) du jeune amas stellaire ouvert NGC6611. La façon dont le rayonnement ionisant stellaire sculpte le nuage a été étudiée à haute résolution dans l'optique par le télescope Hubble. Ces observations ont révélé la présence de structures denses et sombres de gaz et de poussière en forme de doigts, appelés ici les Piliers de la Création.
La formation des piliers s'interprète comme le résultat de l'ionisation d'un nuage moléculaire fortement inhomogène. La photo-ionisation du gaz à la surface du nuage chauffe cette interface à environ 104 K, et sous l'effet de la pression thermique ce gaz chaud s'échappe du nuage vers la région HII : c'est le phénomène de photo-evaporation. Ce phénomène est particulièrement visible dans les images Hubble sous la forme d'un halo luminescent entourant le sommet de chacun des piliers. La photo-évaporation "érode" graduellement le nuage moléculaire, dont la matière est progressivement incorporée dans la région HII, qui croît en taille. Dans un nuage inhomogène, les régions initialement plus denses sont plus opaques au rayonnement ultraviolet et résistent plus longtemps à la photo-évaporation. Leur cone d'ombre, bien protégé du rayonnement, s'érode beaucoup plus lentement que le reste du nuage et subsiste ainsi sous forme de piliers. C'est le même processus qui mène sur terre à la format ion des cheminées de fées, qu'une pierre plus dure protège de l'érosion du vent et de l'eau.
Les observations du télescope VLT dans l'infrarouge proche, et des satellites Spitzer et Herschel dans l'infrarouge moyen et lointain, ont permis de sonder l'intérieur des piliers de la Création (grâce à la plus faible opacité de la poussière aux grandes longueurs d'onde), et de révéler la présence d'étoiles naissantes en leur sein. Au cours de ce TP nous analyserons des images de la nébuleuse de l'Aigle à différentes longueurs d'onde en identifiant les diverses composantes responsables de son émission.
Vérifier que la taille linéaire caractéristique des piliers de gaz et de poussière observés par le télescope Hubble dans la nébuleuse de l'Aigle est de l'ordre du parsec.
Ce TP consiste à appliquer les opérations décrites en détail dans la section précédente sur deux images de la nébuleuse de l'Aigle dans le visible (POSSI O-DSS2 750) et dans l'infrarouge proche (2MASS K(IR K) 99052S_KI1320103) et à analyser les informations complémentaires dérivant des observations dans ces deux bandes du spectre électromagnétique.
Modifier le contraste de l'image 2MASS K(IR K) 99052S_KI1320103 de façon à mieux visualiser les régions de l'image caractérisées par des valeurs d'intensité faibles par rapport aux étoiles brillantes qui dominent l'image d'archive. Utiliser à la fois la fonction de transfert et le déplacement des curseurs dans la fenêtre de la dynamique des pixels.
Cocher l'icône correspondant à l'image contrastée dans l'infrarouge proche et tracer quatre isophotes représentatives des étoiles faibles dans le champ de vue. Puis sélectionner l'image dans le visible POSSI O-DSS2 750 (cliquer sur l'icône des contours de l'image dans l'infrarouge pour la désactiver) et générer les contours correspondant aux étoiles brillantes ainsi qu'à l'intense émission diffuse environnant les piliers, et à deux niveaux de l'émission du fond de l'image. Dans la représentation des intensités au moyen de la table de gris, ce fond plus clair correspond à l'absorption dans le visible due à la poussière. Noter que les échelles de gris pour les deux images sont différentes, le niveau de gris du fond de l'image dans le visible étant plus foncé que celui de l'image dans l'infrarouge.
Superposer les contours des deux images (en cliquant sur les deux icônes contours) et commenter les différences : 1) quelle émission est dévoilée par les contours de l'image dans l'infrarouge ? 2) et quelle émission est tracée par les isophotes de l'image dans le visible ?
Pour mieux comprendre la contribution à l'émission de chaque "phase" qui compose la nébuleuse de l'Aigle il faut comparer des images à différentes longueurs d'onde sur un intervalle plus large du spectre, allant du visible au rayons X. Les images issues d' observations récentes non disponibles dans les archives du logiciel Aladin peuvent être aisément chargées en saisissant l'adresse Web des sites des observatoires ou des agences spatiales concernées (ESO, NASA) dans le bandeau de localisation Commande en haut de la fenêtre de visualisation. On utilisera pour ce TP des images à grand champ de la nébuleuse de l'Aigle, qui permettent de voir de manière détaillée l'ensemble de la région environnant les piliers.
Comparer les images et identifier les différentes composantes (gaz, poussières de différentes tailles et températures, étoiles) responsables de l'émission observée aux différentes longueurs d'onde. Utiliser les notions apprises dans le cours et en particulier à la page Images à différentes longueurs d'onde.
pages_tp-aladin/aladin-structures.html
En application directe de la définition de parsec un objet de taille angulaire β exprimée en secondes d'arc vu à une distance D en parsec possède une taille linéaire L en unité astronomique (dans l'approximation de petits angles) : .
La mesure de la taille angulaire β est obtenue par l'outil graphique dist de Aladin en suivant la procédure décrite en détail dans la section précédente. Elle donne la valeur d'environ 1.65 minutes d'arc. La distance de la nébuleuse issue par le catalogue Simbad est 1700 pc. On en déduit : L(UA) = 1.65 X 60 X 1700 pc = 168200 UA, c'est-à-dire environ 0.81 pc. Comme les images disponibles ne permettent pas de mesurer le pilier principal jusqu'à la base on estime une taille linéaire comparable mais inférieure à l'estimation plus précise de 1.2 pc. Résultat
pages_tp-aladin/image-vis-if.html
La première opération pour augmenter le contraste consiste à modifier le choix de la fonction de transfert qui est par défaut linéaire. En choisissant une échelle logarithmique on obtient une image très contrastée. Pour distinguer les régions de faible émission il faut modifier le seuillage et le tableau de gris de l'image en déplaçant les curseurs de seuil haut et intermédiaire à gauche de la fenêtre de contrôle. Résultats avant et après modification
Pour générer des contours correspondants à des faibles intensités sur l'image dans l'infrarouge il faut déplacer les curseurs à gauche vers les valeurs de pixel moins élevées. Sur l'image dans le visible le déplacement des deux curseurs bien à droite de l'histogramme de la distribution des pixels permettra d'associer des isophotes aux étoiles brillantes et à l'émission autour des piliers. Enfin, en positionnant deux curseurs environ au centre on rendra compte d'un premier niveau d'absorption correspondant au profil externe des piliers et un deuxième plus prononcé à leur intérieur. Résultats
Charger et superposer (en passant sur l'icône correspondante sans la cocher) l'image en vraies couleurs utilisée dans la première partie du TP ("Pillars of Creation in a Star-Forming Region" avec un champ de 2.6' X 2.5' , logHST) pour mieux comprendre les différentes contributions à l'émission dans le visible.
L'image dans l'infrarouge proche révèle la présence d'un grand nombre d'étoiles invisibles en optique. En particulier, les observations dans cette bande du spectre permettent de pénétrer plus en profondeur dans la poussière dense et de dévoiler des étoiles très jeunes à l'intérieur des piliers. Les deux premiers contours dans le visible correspondent aux piliers obscurcis de gaz sous forme moléculaire mêlés aux poussières, le troisième au flot de photo-évaporation (particulièrement visible aux sommets des piliers dans l'image HST) qui trace la matière photo-ionisée chaude s'échappant du nuage moléculaire vers la région HII ionisée. Cette photo-évaporation est induite par le rayonnement ultraviolet des étoiles brillantes, qui sont représentées par le quatrième contour. Résultats
pages_tp-aladin/images-vi-if-x.html
Image dans le visible : les piliers sont visibles au centre de l'image et émergent du vaste mur sombre de gaz froid et de poussière. Ces colonnes de gaz moléculaire et de poussière sont sculptées, illuminées et détruites par l'intense radiation provenant des étoiles massives (visible en blanc au centre de l'image) de NGC661, le jeune amas d'étoiles adjacent. La composante d'émission en rouge autour des piliers est associée au processus de photo-évaporation qui résulte de la transition du gaz de l'état moléculaire à l'état ionisé.
Image dans l'infrarouge moyen : dans cette bande du spectre un grand nombre d'étoiles devient visible ainsi que des structures de poussière. La composante en rouge de l'image est associée à l'émission d'hydrocarbures polycycliques aromatiques ; la composante en vert représente l'émission du gaz ; les étoiles sont en bleu.
Image dans l'infrarouge moyen-lointain : cette image met en évidence le contraste entre l'émission d'une composante de poussière chaude (en rouge) et d'une composante de poussière plus froide (en vert) contenue dans le nuage et les piliers. La poussière chaude en forme de coquille a été associée au chauffage induit par une explosion récente de supernova.
Images dans l'infrarouge lointain/submillimétrique et rayons X : l'observation à ces longueurs d'onde permet de percer les piliers et les structures environnantes en éclairant l'anatomie des zones opaques dans le visible. L'image Herschel montre l'émission du gaz froid de la nébuleuse et de la poussière dans l'infrarouge lointain. Chaque couleur correspond à différentes températures de la poussière, d'environ 10 K (rouge) à 40 K (bleu). Le gaz et les poussières fournissent le matériau nécessaire à la formation d'étoiles. En allant jusqu'au domaine submillimétrique qui caractérise la phase de formation, les observations Herschel permettent la recherche d'étoiles en formation dans l'intérieur du nuage. Les données X superposées à l'image Herschel révèlent les étoiles chaudes au centre du nuage.