Le milieu interstellaire
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- Spectres

Absorption par les poussières interstellaires

Auteur: Cecilia Pinto & Sylvie Cabrit

Au cours du premier chapitre nous avons souligné l'importance des poussières pour le bilan énergétique (émission thermique et chauffage photoélectrique) et la chimie (déplétion des éléments) du milieu interstellaire. Pendant les travaux pratiques nous avons également constaté l'absorption de la lumière stellaire en comparant des images à différentes longueurs d'onde. Dans cette page nous allons détailler ce processus grâce aux notions de transfert de rayonnement acquises. Il faut remarquer que, différemment de l'absorption des atomes et des molécules que nous avons vu se produire dans des raies spectrales étroites, l'absorption par les poussières a lieu dans le continu, et dans quelques bandes larges produites par les modes de vibration ou pliage des molécules du matériau solide (silicates, glaces, PAHs...).

Extinction et rougissement interstellaires

La diminution de la luminosité d'une étoile vue à travers un nuage de poussières est due à deux phénomènes physiques : l'absorption des photons par le matériau du grain, et la diffusion des photons dans d'autres directions que la direction incidente. La somme de ces 2 processus est appelée extinction. Cette quantité dépend de la composition des poussières, de leur forme, de la distribution de leurs tailles et de la longueur d'onde. En particulier, la diffusion étant sélective en longueur d'onde, la lumière diffusée est plus bleue que celle de l'étoile, tandis que la lumière transmise à travers un nuage de poussières est plus rouge. La lumière diffusée forme des objets étendus, appelés nébuleuses par réflexion, qui réfléchissent la lumière de l'étoile illuminatrice et sont habituellement bleues. En expliquant les méthodes de mesure du champ magnétique (voir la page Source d'énergie : champ magnétique ) nous avons également mentionné que la lumière diffusée ou transmise est partiellement polarisée.

L'extinction d'un nuage de poussières à une longueur d'onde \lambda est décrite par la quantité A_\lambda (mesurée en magnitude), définie comme la différence entre la magnitude observée m_\lambda d'une étoile dont la lumière a traversé le nuage de poussières (de profondeur optique \tau_\lambda) et celle qu'on observerait en l'absence d'extinction, m_\lambda(0). Comme l'émission des poussières est en général négligeable à la longueur d'onde considérée, le flux spécifique F_\lambda est atténué par un facteur e^{-\tau_\lambda} . Avec la relation entre magnitude et flux, on obtient : A_\lambda(mag)=m_\lambda - m_\lambda(0) = -2.5log_{10}\left[\frac{F_\lambda(\tau_\lambda)}{F_\lambda(0)}\right]=-2.5log_{10}[e^{-\tau_\lambda}]=1.086\tau_\lambda. On voit que la valeur de A_\lambda en magnitude est essentiellement égale à l'opacité des poussières à cette longueur d'onde ; elle est donc proportionnelle à la densité colonne de poussières sur la ligne de visée.

Courbe d'extinction

On appelle courbe d'extinction la courbe où A_\lambda est portée en fonction de l'inverse de la longueur d'onde. Elle est obtenue en comparant à différentes longueurs d'onde la distribution spectrale d'énergie de deux étoiles supposées identiques, puisque de même type spectral et classe de luminosité, l'une de deux étoiles est fortement affectée par l'extinction et donc par la présence d'une grande quantité de poussières le long de la ligne de visée, l'autre se trouve en l'absence d'extinction. Afin d'obtenir un résultat indépendant de la quantité totale de poussières sur la ligne de visée, il est d'usage de normaliser la courbe ainsi obtenue à la différence d'extinction dans les bandes spectrales B (bleue, centrée à 4400 \mathring{A}) et V (visible, centrée à 5500 \mathring{A}) dite excès de couleur, E(B-V)=A_B-A_V. La courbe d'extinction totaleest alors donnée par A_\lambda/E(B-V) en fonction de 1/\lambda en μm-1. Cette courbe est indépendante de la densité colonne de poussières sur la ligne de visée. On peut aussi définir l'extinction sélective entre la longueur d'onde λ et la bande visible E(\lambda-V)/E(B-V)=(A_\lambda-A_V)/(A_B-A_V). Un exemple de courbe interstellaire moyenne de l'infrarouge proche à l'ultraviolet est montrée sur la figure ci-dessous. Dans cette courbe on peut distinguer trois régimes selon le domaine de longueur d'onde considéré : une croissance de l'extinction approximativement linéaire en 1/\lambda dans la partie proche infrarouge et visible, un pic ultraviolet centré à 2175 \mathring{A} associé à des particules carbonées, une forte augmentation dans l'ultraviolet lointain. La lumière reçue sera donc soumise à un rougissement à cause de la présence d'une extinction plus forte de la lumière bleue que de la lumière rouge.

Courbe d'extinction
Courbextionction.png
Crédit : Stahler & Palla, "The Formation of Stars"
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